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La Teuf, Monique Dagnaud Introduction : Le livre de Monique Dagnaud, La Teuf, se consacre à l’étude d’un groupe social défini par l’auteur : « les teufeurs ». Ces adeptes de la fête ne la perçoivent plus comme une échappatoire occasionnelle, mais comme un mode de vie à part entière. La société se faisant trop pesante sur leur devenir, ils consacrent exclusivement leur vie à des pratiques de fête qui déjouent les règles sociales. En étudiant ce groupe social, Monique Dagnaud met donc corrélativement en lumière le passage d’une fête traditionnelle à une fête moderne. Son argumentation se construit autour de témoignages. Le lecteur entend donc la voix de ces jeunes, il peut analyser leur langage directement donc percevoir plus facilement la psyché de ces jeunes. Ces discours rapportés renforcent aussi le caractère réaliste et actuel de l’enquête. Enfin, ces témoignages sont aussi l’occasion de donner la parole à un groupe social qui ne l’a pas d’habitude. Autour de ces témoignages l’auteur met en lumières les instances responsables de la « dérive » de ces jeunes : la famille et les médias. Ainsi, Monique Dagnaud cherche déjà à comprendre comment les changements structurels de nos sociétés modernes peuvent expliquer les mutations de la fête. Or, ces dernières ne peuvent s’expliquer qu’à partir de changements sociaux. En effet, la mutation des comportements individuels a elle aussi une conséquence sur les faits sociaux. L’auteur dépasse donc la distinction entre holisme et individualisme méthodologique. Elle cherche à montrer plus largement comment de grandes tendances sociales combinées à la mutation de comportements individuels peuvent avoir des conséquences sur la société dans son ensemble. Cependant, pourquoi les instances sociales qui sont à l’origine de la construction des comportements individuels des « teufeurs » sont les premières à en subir les conséquences. Ainsi, comment le rapport des « teufeurs » à la fête défini par certaines instances va-t-il peser sur le fonctionnement ces instances puis de la société dans son ensemble ?
Le changement social concerne toutes les sphères de la société. L’évolution des pratiques de fête peut donc faire l’objet d’une étude sociologique. Or, cette évolution s’explique en fonctions de nombreuses mutations du corps social.
De nos jours, la fête semble être perçue comme un rite de passage qui concernerait l’ensemble des jeunes. Les pratiques de fête seraient un trait distinctif du groupe social des jeunes, on ne pourrait plus les penser sans se référer à ce fait social.
- Dans ses analyses sur la famille F De Singly montre que l’on assiste aujourd’hui à une « sentimentalisation » des relations parents/enfants. Or, dans ce contexte, le caractère très protecteur de la famille peut expliquer que les jeunes cherchent à repousser leur entrée dans la vie active, dans l’âge adulte responsable. - Monique Dagnaud parle donc d’un lien parental alternant entre fusion, côtoiement et distance. Cependant, dans la majorité des familles les liens de proximité sont de plus en plus affirmer. Du point de vue économique comme relationnel et culturel. Dans cette dernière perspective, l’auteur met en avant l’extension des liens de « copinage » entre parents et enfants. La mère semble alors davantage concernée que le père, d’où l’utilisation de l’expression ironique « Big Mother » par M. Schneider. - Or, ces évolutions des relations au sein de la famille peuvent expliquer les dérives de la fête. Les parents étant plus conciliants, ils acceptent le silence tacite de leurs enfants sur leurs pratiques pendant les festivités. Ils ont peur que le conflit qui naitrait d’une quelconque révélation compromette la confiance et l’entente familiale. Les « teufeurs » « esquivent » donc adroitement le thème de la fête pour ne pas avoir de comptes à rendre devant l’autorité parentale. - Au final, le modèle permissif contemporain présente des avantages et des inconvénients au sein de la cellule familiale. Il est apprécié par les enfants et permet donc une plus grande communication dans la famille. Cependant, il pose le problème de l’autorité des parents sur les enfants. En effet, un manque de règles strictes semble dans certains cas (ceux des « teufeurs ») engendrer une dérive des jeunes. - De ce fait, les jeunes semblent dès leur plus jeune âge pouvoir exprimer leurs différences individuelles. L’individualisme est donc renforcé lors de la socialisation primaire. Or, paradoxalement, ce modèle entraine aussi une plus grande et plus longue dépendance des jeunes vis-à-vis de la solidarité (surtout économique) familiale.
L’auteur revient sur les analyses de J.C. Kaufmann. Selon lui, le processus d’individualisme a participé à transformé peu à peu les « conquêtes identitaires » des individus. En effet, les individus qui inspiraient en majorité à devenir des hommes ordinaires se sont peu à peu transformés en homo scientificus .Ils cherchent désormais à consolider leur identité personnel. Or, cette recherche est facilitée par les médias. En effet, ceux ci apparaissent comme des ouvertures de possibilités. Ainsi, l’utilisation d’MSN permet par exemple à ces jeunes de développer une nouvelle personnalité. D’autre part, jouer à des jeux en ligne demande souvent la création d’un avatar préalable. Les médias entrainent donc une complexification (voire une dissolution ?) de l’identité de chacun. Or, cet aspect est d’autant plus vrai pour les jeunes car ils les utilisent davantage. Ils participent donc pleinement à l’individualisation de nos sociétés contemporaines.
Conclusion : Les mutations de la fête reflètent plusieurs problématiques sociologiques. Déjà, la dérèglementation des rapports intergénérationnels. En effet, les parents d’aujourd’hui, nés à la fin des années 1960, dans un contexte de libéralisation des mœurs, d’autonomie de l’enfance se retrouve parfois désemparés face aux pratiques de leurs enfants. Ils choisissent alors l’esquive pour ne pas introduire du conflit au sein de la famille. D’autre part, l’accès de plus en plus prématuré, dans le cadre de la cellule familiale aux médias, fait entrer les enfants de plus en plus vite dans un monde complexe. Cela les incite aussi à appréhender le monde de façon autonome. Or, cette autonomie reste irréalisée. Les jeunes quittent difficilement la cellule familiale. Finalement, les jeunes comme ils ne peuvent pas s’accomplir effectivement dans la vie sociale cherchent un exutoire : la fête ou plutôt « la teuf ». Cette dernière peut donc être une clef de lecture sociologique de plusieurs aspects de nos sociétés contemporaines. Commentaire : L’ouvrage de Monique Dagnaud met en relation plusieurs grandes problématiques sociologiques actuelles pour comprendre la fête telle que la conçoivent les jeunes. Il offre donc un panoramique intéressant de la place des jeunes dans plusieurs sphères de la société. Cependant, cette approche générale a des limites. En effet, parfois le fête semble reléguée au second plan, elle apparait alors comme un prétexte pour décrire et expliquer les mutations de la psyché et des pratiques des jeunes. En effet, Monique Dagnaud revient que très brièvement sur les pratiques festives des jeunes. Elle peint un portrait des « teufeurs » mais ne donne pas d’exemple précis sur leur pratique. Souvent, le lecteur apprécierait que l’argumentation soit illustrée explicitement par un évènement, une fête qui a marquée la culture jeune. D’autre part, l’auteur revient sur l’évolution de la fête, mais là encore elle n’explicite pas anthropologiquement pourquoi les pratiques se sont modifiées. En effet, elle revient davantage sur ce que cela implique dans notre société moderne. Ce commentaire se propose donc de compléter l’analyse de Monique Dagnaud en revenant plus particulièrement sur le thème de la fête et moins sur ses conséquences dans nos sociétés contemporaines. Dans un premier temps, nous verrons comment les modalités de la fête ont évoluées. Puis, nous illustrerons l’analyse de l’auteur par un exemple précis de fête moderne : « les fêtes technos ». Dans le numéro 23 de Pensée plurielle, Christophe Moreau a publié un article qui s’intitule : « jeunesse urbaine et défonce tranquille, évolution anthropologique de la fête et quête d’identité chez les jeunes contemporains. ». Dans la première partie son argumentation reste assez proche de celle de Monique Dagnaud. En effet, il revient sur l’importance que joue le relationnel dans les pratiques festives contemporaines. Il met donc aussi en lumière l’importance des relations intergénérationnelles, de l’allongement de la jeunesse et de l’autonomisation des constructions identitaires des jeunes dans les mutations de la fête. Cependant, dans une deuxième partie, il s’intéresse plus précisément aux pratiques festives de ces jeunes et essaye d’en faire une analyse anthropologique. Son analyse vient donc compléter celle de Monique Dagnaud. Christophe Moreau met en avant deux tendances pour décrire cette évolution : la marchandisation et la codification des pratiques festives contemporaines. Selon lui, celles-ci perdent de plus en plus leur fonction publique. En effet, traditionnellement, la fête avait pour fonction de vivifier le sentiment d’appartenance sociale. Un fête était un regroupement sur lequel se fondait l’échange et la communion sociale. En cela, la fête devait permettre la stabilité de la cohésion sociale tout en permettant un changement social pacifique. Or, elle semblerait avoir perdu le caractère cérémoniel qui permettait la communion sociale. Traditionnellement, on associait aussi la fête à une cérémonie célébrant le passage d’un état dans un autre, à un « rite de passage ». Ainsi, dans plusieurs cultures, le passage à l’âge adulte était célébrer par une fête. Cela est désormais vrai que pour une petite partie d’entre elles, par exemple pour la culture juive avec la barmitzva. D’autre part, selon C. Moreau, la fête est aussi désormais associée marketing urbain. En effet, la fête est devenue une activité de consommation comme les autres. Les individus ont le choix entre plusieurs fêtes organisés et décident de se rendre à l’une ou à l’autre. En cela, la fête ne serait plus une cérémonie collective mais une activité individuelle et perdrait donc encore une part de sa fonction publique. Traditionnellement, la fête permettait de codifier la rencontre sexuelle – qui était entourée d’un ensemble de tabous et d’interdits – et d’organiser les alliances entre individus, mais surtout entre familles. Aujourd’hui, la sexualité est totalement démystifiée et les trajectoires matrimoniales sont beaucoup moins cadrées par le social. L’enjeu de la rencontre festive a totalement changé et ne s’articule plus autour de la rencontre d’un partenaire sexuel. En dépit de l’injonction permanente à séduire et à afficher une vie sexuelle épanouie – si ce n’est débridée –, la drague n’est plus au cœur des soirées. Finalement, cette analyse anthropologique de la fête montre aboutit aux mêmes conclusions que celle de Monique Dagnaud. Les pratiques festives dépendent des rapports relationnels et émotionnels que les individus entretiennent avec les autres sphères du social. Après être revenu sur les évolutions de la fête en elle-même, essayons d’exemplifier le propos de M. Dagnaud et à travers un exemple développé de C. Moreau dans un article publié dans Sociétés (n°90) en 2005 : « La jeunesse à travers ses raves : la singularité juvénile accentuée et la négation intergénérationnelle. ». Dans celui-ci il s’intéresse aux « fêtes techno » qui émergent au début des années 1990, on parle alors de « soirées raves ». Celles-ci se sont développées pour devenir aujourd’hui de larges « free party » qui ont lieu sur des terrains de plus en plus grands et de moins en moins réglementée. L’auteur a mené ses analyses en Bretagne où il a interrogé de nombreux jeunes ayant participés à ces fêtes. Pour toutes les raisons que l’on a vu précédemment ces fêtes nouvelles ne remplissent plus les mêmes fonctions que les fêtes traditionnelles. En effet, on peut voir à travers les « free party » une volonté des jeunes de se singulariser du reste de la population. En effet, ces évènement sont organisés et vécus dans la quasi-totalité des cas par des jeunes. En cela, ils ne se présentent pas comme une occasion d’échange entre génération mais au contraire comme un referment sur un groupe social donné. De plus, ces fêtes ne peuvent pas non plus être considérées comme un moyen pour les jeunes d’échanger entre eux. En effet, les « technival » se transforment souvent en un gigantesque marché d’alcool et de substances illicites. Or, la drogue et l’alcool donnent aux jeunes les moyens de se couper du monde qui les entoure. En allant à ces fêtes ils ne partent pas à la conquête de nouvelles rencontres mais bien d’un « étourdissement » total qui les coupe de leur environnement. De même, la musique diffusée dans les « free party » est souvent rythmée mais répétitive. Elle participe donc à cet « étourdissement », à cette exclusion individuelle du monde. Finalement, de telles pratiques festives semblent bien montrer que les jeunes se sentent de plus en plus exclu de la société, quelque part du monde des adultes. Ils préfèrent donc « s’étourdir » plutôt que d’avoir à faire face à une précarité déstabilisatrice. Les analyses de M. Dagnaud et de C. Moreau semblent donc pouvoir se compléter, elles se rejoignent sur de nombreux points, l’importance de « l’imaginaire »dans les fêtes des jeunes d’aujourd’hui comme nous venons par exemple de le voir. Cependant, ne perdons tout de même pas de vue que, comme le fait remarquer Bourdieu, « la jeunesse n’est qu’un mot » (1978). En effet, les adeptes de « free party » sont loin de représenter l’ensemble de la jeunesse. Les pratiques des jeunes restent éclectiques. En cela, tous ne font pas la fête de la même manière. Les « teufeurs » ne sont qu’une frange des la jeunesse. Ces analyses nous permettent donc de dégager des tendances mais ne sont loin d’être un calque de la réalité sociale. Au contraire, on peut espérer que la compréhension d’un problème incite à sa résolution. Le sort de la jeunesse de demain est elle alors du ressort du politique ? |
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