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LE VIOLON DE L’AUTRE Une réflexion sur l’altérité pour un renouvellement de la formation instrumentale Mémoire de Alexandre Sauvaire Sous la direction de Eddy Schepens année 2004 SommaireIntroduction :La musique de l’Autre. Du côté de l’ethnomusicologie. La tradition musicale ou l’art de combiner des ambiguïtés. L’enseignement dans la tradition musicale. A- Le violon de l’Autre… p.9I- L’altérité.1- L’Autre.2- L’éloge de la différence.3- La relation à autrui, à l’objet. II- Le concept d’oralité dans les musiques traditionnelles. p.121- L’oralité.2- La part de l’oralité dans la transmission du savoir. III- Le « je » dans la globalité du jeu : l’exemple du violon traditionnel en France. p.141- Au-delà de l’instrument, le style. 2- Répertoire : vers une expression personnelle. IV- Les modes de transmission du savoir. p.161- L’imitation. 2- L’improvisation. 3- Le musicien traditionnel et l’improvisation. Conclusion :B- Etat des lieux sur la pratique violonistique en France. p.21I- Le violon et la France : une vieille histoire.1- Du haut des institutions. 2- Le cours de violon. 3- Les répercussions du modèle du conservatoire de Paris sur les écoles de musique : l’exemple de l’ EMMA « Gabriel Faure » de Savigny- le- Temple. Conclusion : II- L’enseignement musical traditionnel face à l’émergence des particularismes. p.28 1- La musique classique aujourd’hui. 2- Une pédagogie de l’élitisme et La remise en cause de l’invariabilité du modèle. Conclusion :La remise en cause du modèle unique Le point de vue de la recherche C- Pour une actualisation de la formation des violonistes. p.36I- L’aménagement de la classe de violon.1- La formation par la pratique collective. 2- Liens avec le cours individuel. II- La pratique instrumentale.1- Le retour d’une démarche personnelle dans sa pratique violonistique. 2- L’improvisation comme moyen pédagogique. 3- L’accord de l’instrument. 4- Le retour du corps pensant. III- La récente expérience du violon populaire dans les écoles de musique.Conclusion Générale p.42 Bibliographie p.45 Annexes (I : 46 ; II : 50 ; III : 51 ; IV : 53 ; V : 55) Introduction :Le sujet de ce mémoire a pour moteur d’ouvrir le champ de l’enseignement instrumental sur une démarche différente de celle le plus souvent en usage dans les écoles de musique et les conservatoires. Il ne s’agit pas de proposer ici une recette de cuisine, que l’on maîtrise à la perfection et que l’on reproduit avec confiance, ni de mélanger des ingrédients de manière anarchique. L’objectif de ma démarche est de montrer l’intérêt pour les saveurs inhabituelles, la recherche de goûts nouveaux, afin d’en faire profiter les attablés du repas musical hebdomadaire. Un plaisir, pour soi et les autres, d’explorer les sonorités exquises ou trop salées de notre violon, dans la recherche de l’altérité, de notre rapport à l’autre et à sa différence. Le violon de l’Autre est une démarche d’enseignement instrumental élargie. Il n’a pas la volonté de faire tabula rasa de la tradition de la pratique violonistique, mais plutôt de l’interroger en la confrontant à d’autres univers musicaux. Les multiples dialogues avec notre tradition musicale qui s’évoque ici n’ont pas d’ autre intention que celle de la rencontre. C’est pourquoi nous prendrons le parti d’orienter nos prospections vers le milieu des musiques traditionnelles (au sens usuel), d’autant plus que l’air du temps, avec dans le domaine des sciences humaines la pertinence de la recherche ethnomusicologique, voue un intérêt particulier aux musiques de tradition orale. Les études portant sur les hommes et leur musique, dont une partie des enquêtes est aujourd’hui publiée pour le grand public, ouvriront les fenêtres de notre classe d’instrument sur un jardin aux mille esthétiques, patrimoine mondial de l’homme musicien. Les particularités dans les dispositifs organisationnels, dans les procédures de jeu et dans les technique instrumentales de ces pratiques musicales issues d’autres cultures, l’intérêt que nous porterons également dans leur transmission des connaissances et des savoir- faire, seront autant de retours multiples (feed- back) sur notre pratique instrumentale et son enseignement. Nous pourrons ainsi replacer la musique classique au même titre que les musiques dites « traditionnelles » dans ce patrimoine musical mondial. L’organisation du milieu musical classique avec les mythes et les représentations qui l’entoure, fera l’objet d’un état des lieux, et plus précisément dans le domaine de la transmission des savoirs. En effet, même si l’enseignement du violon en France offre la possibilité pour l’apprenti- musicien d’une formation empreinte d’une forte technicité, ce modèle orienté vers le répertoire spécifique du XIXème siècle ne saurait contenter l’ensemble des prétendants à une formation violonistique, dont les désirs si divers ne sauraient se réduire à une pratique musicale caractérisée par l’image du virtuose de la période romantique. Le violon se rencontre dans nombre d’esthétiques et de styles : c’est pourquoi il nous semble important d’aller à leur rencontre afin d’avoir la possibilité de former un musicien complet, capable selon ses désirs d’intégrer les différentes institutions musicales amateur ou professionnelles (orchestres, groupes, ensembles d’esthétiques différentes), de lui permettre de vivre pleinement sa pratique musicale tel qu’il l’entend. Cette manière d’aborder l’enseignement du violon dans un conservatoire ou une école de musique va modifier et les contenus et les procédures «habituels » du cours de violon, c’est ce vers quoi tend la réalisation de ce travail. La musique de l’Autre. « L’esprit humain, pour arriver à un résultat donné, n’a pas une infinité de moyens. Le nombre de procédés est limité, mais les possibilités ouvertes sont immenses. » (Simha Arom, 1993, p. 193) Nous voilà plongés au cœur des particularismes des savoirs- faire humain. La vie en société rassemble pour un moment des individus de même culture mais dans sa nuance, la culture est intime, personnelle. Dans les sentiments, aucun homme ne peut prétendre ressentir ce que ressent son voisin. Au niveau du langage, quand un mot est prononcé, il prend autant de significations que ceux qui l’ont entendu. La musique est un langage qui n’a de sens que pour ceux qui l’entendent et ceux qui la font. Elle aussi, est pour chacun intime, personnelle. S’intéresser à la musique de l’Autre, c’est avant tout s’intéresser à lui : l’Autre et ses particularismes, l’Autre et sa différence. Parfois, sa musique ne remplit pas forcément les mêmes critères de valeur, c’est pourquoi elle peut déranger. Alors on la rejette, ou plutôt on le rejette lui, l’Autre et sa musique, en se réfugiant derrière un jugement rapide, de peur de bousculer ses valeurs. Cet acte précipité nous renvoie à nous-même. Nous avons du mal à vivre la différence. Or, c’est cette différence qui régit le quotidien des rapports humains, un quotidien fait de tensions, de conflits, d’intérêts, d’amour, de connaissances... Dans la musique classique, la partition que le musicien doit jouer n’est rien moins qu’un Autre à connaître, à faire revivre. Cette rencontre, chaque musicien la vit à sa manière. Fort de ses représentations, ces monologues de l’imaginaire construisent un Autre intime, prétexte à la soif de connaître, et ainsi se réaliser dans l’altérité. Chaque Autre est personnel. Les œuvres des compositeurs qui constituent la richesse de notre patrimoine, nous offrent ce cheminement dans l’imaginaire intime. Mais pour avoir droit d’accès à l’œuvre musicale, le musicien doit s’approprier un code des références et un savoir faire instrumental. Le niveau d’accessibilité de ce code et de ces références est différent selon les cultures musicales, différent selon les pratiques. Nous verrons que dans la musique classique, le milieu musical a donné une grande importance à la rationalisation de ce code, ainsi que dans l’acquisition du savoir- faire instrumental. Du côté de l’ethnomusicologie. L’étude des faits musicaux dans les sociétés de tradition orale étudiées par les ethnologues et les folkloristes, comprend divers aspects : la collecte et la description des instruments, l’enregistrement et l’analyse des langages musicaux, l’étude des usages sociaux de la musique et des représentations auxquelles elle est associée. Bela Bartok fut en Europe l’un de ceux qui suscitèrent l’étude des musiques populaires, tandis que Franz Boas contribuait au développement de l’ethnomusicologie sur le continent américain. D’origine allemande, mathématicien, physicien, puis géographe, il travailla dès 1886 aux Etats-Unis où il se fixa. Remarquable chercheur de terrain d’une minutie extrême, il étudia les Eskimo de la Terre de Baffin avant de devenir spécialiste des sociétés de Colombie britannique (Canada) dont il recueillit d’innombrables récits, en particulier chez les Kwakiutl, les Tsimshiam et les Chinook. Il forma aussi des informateurs indigènes dont le plus célèbre fut le Kwakiutl Georges Hunt. Bien qu’aucune grande œuvre théorique ne reste attachée à son nom, Boas est un véritable père fondateur de l’anthropologie. Il travailla dans des domaines aussi variés que l’anthropologie biologique, la linguistique, la mythologie et l’art : il démontra l’influence du milieu et du genre de vie sur la croissance des enfants et sur l’indice céphalique, considéré jusque-là comme un « invariant racial », soulignant ainsi l’instabilité des soi-disant « types raciaux ». il fit une critique radicale de la notion de race ; il élabora plusieurs grammaires de langues indigènes et s’intéressa aux rapports entre langue et culture ; il étudia les relations entre créations culturelles, expériences individuelles et processus psychiques… Bélà Bartok est considéré par le milieu scientifique comme le premier ethnomusicologue européen d’envergure. Son travail de collectage des chants populaires à travers l’Europe de l’est avec son compagnon de route Zoltan Kodaly a montré, en réaction au colonialisme ambiant de l’Occident, les richesses de la culture populaire roumaine et son inquiétude de la délaisser aux profit de valeurs qui étaient vues comme universelles. La reconnaissance des particularismes dans le milieu scientifique depuis l’ère Maussienne a donné à l’ethnomusicologie une place importante dans la connaissance de l’homme en tant que phénomène social. Née d'un souci à la fois humaniste, scientifique et artistique d'étudier les musiques du monde, de les inventorier et de contribuer ainsi à la connaissance des sociétés dont elles sont issues, l'ethnomusicologie est aujourd'hui une discipline à part entière. « Un des principaux objectifs de l'ethnomusicologie est d'aborder ces relations entre musique et société, de considérer les réseaux complexes d'interdépendance existant dans tout organisme social entre, d'une part, le contexte et les circonstances d'un acte musical, collectif ou individuel, et, d’autre part, la nature et les modalités de cet acte lui-même. Structures musicales et structures sociales coexistent ainsi dans un rapport d'étroite solidarité, et toute réflexion sur la signification ou l'esthétique de la musique nous renvoie nécessairement à l'étude des mentalités. » (Laurent Aubert, La musique de l’autre, 2001) Cette réflexion sur les motivations extra- musicales de l’étude ethnomusicologique révèle les nouveaux enjeux de la société occidentale : elle réalise combien les particularités et les différences sont nécessaire à son existence. La plupart des travaux de recherche vulgarisés, publiés, se présentent sous la forme d’un compact disque. Il s’agit d’un document sonore accompagné d’un article plus ou moins pertinent, illustré par des photos des musiciens, de leurs instruments, des particularités de leur ethnie. L’article peut présenter des explications musicales très poussées car son auteur est souvent lui-même musicien classique de formation et pour mieux comprendre la musique qu’il étudie, joue également un instrument issu de cette même ethnie. La recherche ethnomusicologique nous est précieuse car elle permet également à nous musiciens, de mieux se situer dans notre tradition musicale, et ainsi mieux affirmer notre identité et notre rôle vis à vis d’elle. Le musicien « classique » n’est pas un terme réservé à la culture occidentale et la connaissance de l’existence de musiques savantes issues d’autres cultures est un facteur inestimable pour mettre en œuvre cette réflexivité, mieux comprendre la musique que nous jouons, mieux la faire construire à nos apprentis- violonistes. La tradition musicale ou l’art de combiner des ambiguïtés. La tradition est à la fois la conjonction de valeurs, mœurs et normes, mais leur construction et leur évolution trouvent leur sens dans leur transmission. Cette tradition est constituée par la littérature orale, les mœurs, les normes, l’ordre social, les schèmes incorporés et la vie quotidienne. L’ordre social l’est donc pas le produit de la raison mais celui de la tradition. Ce courant tradionaliste qui a pris le contre-pied de la philosophie des Lumières à la fin du XVIIIe siècle (Bonald en France) a mis en avant le fait que le système social ne dépend pas d’un « contrat » librement consenti et révocable par les individus qui l’ont passé ; il repose au contraire sur leur loyauté. La société et les formes sous lesquelles elle se manifeste sont présentées comme des réalités organiques, productrices des idées et des valeurs dont l’homme se nourrit et sans lesquelles il n’aurait pas d’existence propre. « Il n'est de société, il n'est de social sans tradition. Une société n'existe que par le fait même qu'elle transmet quelque chose. Or ce qui se transmet est un sens, et de ce fait, une valeur. Une tradition se distingue toujours des autres artefacts de la culture par la valeur et le sens privilégié qui y sont attachés. » (During, 2002 : 58) Cette transmission qui donne du sens aux valeurs rempli les fonctions souhaitées quand nous parlons de Musique et donc de culture, car il s’agit bien d’une relation d’ambiguïté. La tradition, le terme « tradition » comme le souligne Aubert, « … est [lui-même] ambivalent. En effet, il définit aussi bien un processus de transmission, une chaîne reliant le passé au présent, que « ce qui est transmis » (traditum), en d'autres termes un patrimoine propre à une collectivité donnée. Si l'on considère cette louable acception, on peut dire que la tradition est la culture.» (2001 : 33). Cette confusion entre le fond et la forme, ou plutôt entre le transmis et le processus de transmission, nous permet de situer d’autant plus clairement le sujet qui est le nôtre. Comment transmettre sans comprendre ou appréhender l’autre dans son passé et dans son aboutissement. Lorsque le mot tradition est énoncé, on a l’habitude de se tourner vers le passé, dans une démarche d’esprit conservateur, regardant la tradition comme un objet mort. « Selon une opinion courante, les musiques traditionnelles seraient des survivances du passé, demeurées à un stade préindustriel de leur développement et maintenues en vie, soit par ignorance, soit par nostalgie. Ces musiques se démarqueraient donc du reste de la production musicale par leur caractère conservateur; elles ne seraient guère que la trace musicale du passé de sociétés en mutation. » (La musique de l’autre, L. Aubert) Or, si les gardiens de la tradition ne regardaient que le passé, aucune évolution ou mise à jour n’aurait pu avoir lieu, ce qui est loin d’être le cas quand on regarde les changements de courants et d’esthétiques de la musique que ce soit en Occident, au Moyen Orient, ou ailleurs… Comme le souligne Jean During à propos de la musique iranienne. « Les maîtres anciens, non seulement s’adaptaient à leur époque et apportaient leur propre création, mais encore faisaient œuvre de pionniers et préparaient l’avenir. » Cette phrase pourrait s’appliquer à nombre de civilisations, y compris la nôtre, et nous montre combien la tradition est un lien entre passé, ce qui est acquis, et avenir, ce qui est à faire. Dans la musique savante occidentale, musiciens – compositeurs – interprètes - professeurs et publics sont les garants de la tradition musicale, même si le tournant de la modernité qui s’est révélé au XXème siècle a bousculé les habitudes. L’enseignement dans la tradition musicale. Comme nous l’avons vu, la transmission du savoir est au centre de la tradition musicale. Le jeu seul de l’interprète est insuffisant à la sauvegarde du savoir. Les conséquences de la modernité ont déstabilisé les rapports entre compositeurs et musiciens – interprètes – enseignants. Au nom de la tradition, il n’est pas rare de voir encore jouer dans les établissements d’enseignement de la musique les œuvres de J.S Bach de manière romantique, de mettre une pièce de Debussy dans son choix d’œuvre du XXè, … A la fois vecteur et à la fois contenu, la tradition doit sa condition à la transmission. C’est donc à cette dernière qu’il faut s’adresser, de la façon dont les savoir- faire et les savoirs sont véhiculés, comment ils doivent relier le passé au présent tout en tenant compte de l’évolution de la société, des mentalités. La transmission est à la fois le vecteur qui permet aux traditions de se diffuser mais aussi aux autres « présents » de s’exprimer, c’est pourquoi il convient de consacrer une partie de ce travail, « intégration du concept d’altérité da la transmission des savoirs », à la manière dont d’autres musiciens appréhendent la transmission de leur pratique musicale afin de porter un regard critique sur l’ « état des lieux des pratiques violonistiques en France » qui nous servira de point de départ « pour une actualisation de la formation des violonistes ». |
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