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Québec : Les Presses de l’Université Laval; Fribourg, Suisse : Les Éditions universitaires, 1968, 196 pp. [Thèse de doctorat soumise à l'Université de Fribourg en Suisse en 1964 ayant reçu la notation: Summa cum laude.] [Autorisation formelle accordée, le 20 janvier 2005, par l’auteur de diffuser toutes ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.] Polices de caractères utilisée : Pour le texte: Times New Roman, 12 points. Pour les citations : Times New Roman 12 points. Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 12 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2004 pour Macintosh. Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition numérique revue et corrigée, réalisée le 18 avril 2009 à Chicoutimi, Ville de Saguenay, province de Québec, Canada. ![]() Jean-Paul Desbiens (1968) Introduction à un examen philosophique de la psychologie de l’intelligence chez Jean Piaget. ![]() Québec : Les Presses de l’Université Laval; Fribourg, Suisse : Les Éditions universitaires, 1968, 196 pp. [Thèse de doctorat soumise à l'Université de Fribourg en Suisse en 1964 ayant reçu la notation: Summa cum laude.] Table des matières Premier rapport de l'Université de Fribourg sur la thèse du Frère Jean-Paul Desbiens, frère mariste. Par le Professeur Norbert Luyten, Dominicain, Fribourg, 25 juin 1964. Second rapport de l'Université de Fribourg sur la thèse du Frère Jean-Paul Desbiens, frère mariste. Par la Professeure Laure Dupraz, Fribourg, 26 juin 1964. Liminaire Avant-propos Introduction I. Philosophie et psychologie II. Raisons du choix de l'auteur étudié IlI. Méthode suivie dans ce travail Chapitre I. Présentation générale du système de Piaget 1. La psychologie génétique 1. Description : définition, objet, méthode 2. La notion de stade II. La théorie de l'intelligence-adaptation 1. La notion d'adaptation a) La notion d'assimilation b) La notion d'accommodation 2. La notion d'organisation: les schèmes comme structures cognitives a) Description des schèmes b) La vie des schèmes * La coordination des schèmes * L'abstraction à partir des actions III. L'épistémologie génétique 1. Description: définition, objet, méthodes 2. L'axiomatisation de la pensée IV. L'explication en psychologie, d'après Piaget 1. Le réductionnisme psychologique 2. Le réductionnisme extra-psychologique a) Le réductionnisme psychosociologique b) Le réductionnisme physicaliste c) Le réductionnisme organiciste 3. Le constructivisme a) L'explication par le comportement b) L'explication par construction génétique c) L'explication fondée sur les modèles abstraits Position de Piaget Dégagement de quelques traits généraux de la théorie de la connaissance de Piaget Chapitre II. Présentation des grandes critiques de Piaget Préliminaires : Place des critiques dans l'œuvre de Piaget I. La critique de l'associationnisme 1. Touchant les premières adaptations acquises a) Rejet de l'explication par le réflexe conditionné b) Rejet de l'explication par le transfert associatif * Le cas du schème unique * Le cas des schèmes hétérogènes 2. La critique de l'associationnisme touchant la notion d'objet 3. La critique de l'associationnisme touchant la notion d'espace a) L'espace perceptif b) L'espace déductif 4. La critique de l'associationnisme touchant la formation de la notion de causalité 5. La critique de l'associationnisme touchant la construction de la notion de nombre a) Le nombre cardinal b) Le nombre ordinal 6. La critique de l'associationnisme touchant l'intelligence sensori-motrice in globo II. La critique de l'intellectualisme 1. Ce qu'est l'intellectualisme pour Piaget 2. Présentation détaillée de la critique III. La critique de l'apriorisme IV. La critique du pragmatisme et de la phénoménologie 1. La critique du pragmatisme 2. La critique de la phénoménologie Remarques générales sur les critiques de Piaget Chapitre III. Jugement d'ensemble sur la psychologie de Piaget I. Remarques générales sur la psychologie comme science expérimentale II. Les trois moments de la psychologie expérimentale 1. Les faits 2. Les lois 3. Les théories III. Critique de la théorie de l'intelligence chez Piaget IV. Critique de l'intellectualisme chez Piaget CONCLUSION I. L'explication en psychologie philosophique II. Quelques aperçus sur une étude comparative possible entre la psychologie génétique et la psychologie philosophique Appendice Bibliographie Index des auteurs cités Curriculum vitae Introduction à un examen philosophique de la psychologie de l’intelligence chez Jean Piaget. Premier rapport de l’Université de Fribourg Sur la thèse du Frère Jean-Paul Desbiens, F.M.S. Par le Professeur Norbert Luyten, Dominicain, Fribourg, 25 juin 1964. Retour à la table des matières Le titre de cette thèse est décidément trop modeste. Il s’agit d’une étude passablement difficile et solide, qui me semble dépasser ce que l’on peut décemment appeler « Introduction ». D’autre part, il ne s’agit pas seulement de la psychologie de l’intelligence, mais de toute la pensée de Piaget. De fait, celle-ci se centrant autour des problèmes de l’intelligence, le candidat n’a pas tort de relever cette place centrale de l’intelligence dans l’œuvre de Piaget. Mais, au fond, il ne s’agit même pas seulement de Piaget dans cette thèse. Le grand psychologue de Genève et son système ne sont étudiés que comme un cas témoin d’une question plus large : quelles sont les relations entre psychologie expérimentale et psychologie philosophique? C’est là au fond le problème qui préoccupe le candidat. C’est parce que la pensée de Piaget semblait lui offrir une occasion excellente de poser et de discuter ce problème, qu’il l’a choisie comme thèse de sa dissertation. Gardons-nous toutefois de penser que Piaget ne jouerait qu’un rôle secondaire de figurant dans la présente thèse. Le contraire est vrai. Constatant l’absence de travaux sérieux sur la pensée de Piaget, le candidat a pensé faire œuvre utile en présentant une étude sur ce sujet, surtout à l’intention des philosophes qui, dans leur majorité, ignorent le travail de ce grand psychologue. Mais ici une question se pose, que d’ailleurs le titre de la dissertation faisait déjà entrevoir. Comment faire un examen philosophique d’une œuvre qui, très explicitement, s’annonce comme non philosophique? N’est-ce pas se condamner à un dialogue de sourds, s’atteler à une entreprise condamnée d’avance à la stérilité? À ne voir que les déclarations de Piaget sur le caractère non philosophique de son œuvre, on pourrait le croire. Mais, à y regarder de plus près, Piaget ne se contente pas de dire qu’il ne veut pas faire de la philosophie; il prétend qu’il ne faut pas en faire, que c’est se fourvoyer que d’en faire en psychologie. Or c’est là que les choses se gâtent. Car, paradoxalement, en prononçant un tel jugement négatif, sur la philosophie en psychologie, Piaget prend une position philosophique. C’est pourquoi, malgré les apparences, le candidat a été bien inspiré de choisir l’œuvre de Piaget pour étudier à propos de celle-ci la question plus vaste des relations entre psychologie et philosophie. Ajoutons tout de suite qu’il ne s’est pas rendu par là la tâche facile. Ensuite, Piaget a écrit un nombre considérable d’ouvrages qui imposent un dur travail à celui qui veut se familiariser avec sa pensée. Rien que la partie qui expose les positions de Piaget a dû coûter au candidat un travail immense. C’est déjà en soi un mérite. Pour autant que je puisse en juger cet exposé est très bien fait. Je n’irai pas jusqu’à dire que la pensée de Piaget y est présentée dans sa totalité et dans toutes ses nuances, ce qui serait d’ailleurs une impossibilité dans le cadre restreint d’une thèse. Sans doute, l’exposé un peu sommaire et schématique a parfois amené le candidat à durcir un peu les positions. Mais, en gros, j’ai l’impression que les lignes maîtresses sont bien dessinées. J’estime même que sur certains points de doctrine, le candidat a su donner des exposés d’une concision et d’une clarté remarquables. Le second rapporteur, plus qualifié que moi pour porter un jugement sur cette partie du travail, pourra en apprécier avec plus d’autorité la valeur. Pour ma part, je serais porté à penser que déjà cette première partie expositive est d’une qualité scientifique remarquable. Je remarquerai plus spécialement qu’en analysant systématiquement ce qu’il nomme les refus de Piaget (p. 12), le candidat a su très habilement préparer le terrain pour sa réflexion philosophique. En effet, ce n’est pas tellement par ce qu’il dit positivement, mais bien plutôt par ce qu’il réfute, que Piaget donne prise à une discussion philosophique. Entendons-nous. Les critiques de Piaget s’adressent à des positions qui, toutes, s’inscrivent dans le contexte d’une psychologie « expérimentale ». Que ce soit l’associationnisme, l’intellectualisme, l’apriorisme ou le pragmatisme, on reconnaît sous ces étiquettes des tendances qui ont prévalu dans certaines écoles psychologiques. De soi, il ne semblerait donc pas nécessaire que ces critiques débouchent sur des prises de position philosophiques. Or, force est bien de constater que le débat se meut, au moins en partie, sur le terrain philosophique. Cela est déjà de nature à faire surgir des doutes sur la possibilité d’éviter toute question philosophique dans la recherche psychologique si expérimentale qu’elle soit. Que Piaget ne pense pas beaucoup de bien des philosophes qui passent avec une inconscience et une facilité déconcertantes sur des questions que le psychologue expérimental déchiffre à grand’peine, ce n’est que trop compréhensible. On ne peut que lui donner raison sur ce point précis. Mais que cette réaction salutaire se soit muée chez Piaget en allergie contre tout ce qui est philosophie, voilà ce qui lui joue un mauvais tour. Critiquer des positions philosophiques vous mène toujours en philosophie. Et faire de la philosophie sans le savoir ou le vouloir est toujours la façon la plus mauvaise d’en faire. Le candidat n’a pas de peine à le montrer dans le 3e chapitre de sa thèse. Cette partie critique est, du point de vue philosophique, de loin la plus intéressante du travail. En général, les critiques émises par le candidat sont pertinentes et les positions qu’il défend sont saines et équilibrées. Les remarques sur la psychologie comme science expérimentale (139-162) s’inspire peut-être un peu trop d’une analyse un peu conventionnelle de la démarche scientifique. Mais on ne peut nier que la tripartition proposée par l’auteur peut aider à poser les problèmes de façon claire. Ajoutons d’ailleurs que le candidat signale lui-même le caractère un peu conventionnel de cette trichotomie, et qu’il ne l’applique pas de façon rigide à son auteur. Les deux sections suivantes forment pour ainsi dire le cœur de la thèse : le candidat entame ici la discussion avec les exclusives philosophiques de Piaget. On pourrait se demander s’il ne tire pas trop le débat du côté philosophique. Discuter âme, intellectuel agent (cf. pp 196, 100 sw.) n’est-ce pas dépasser les limites d’un terrain de rencontre possible entre philosophies et expérimentaux? On serait en droit de le reprocher au candidat si Piaget n’avait pas lui-même, surtout par ses positions négatives, orienté le débat dans cette direction. Puisque Piaget présente une image inexacte, presque caricaturale, de certaines positions aristotéliciennes, on comprend que le candidat ait voulu redresser l’image, même si cela l’entraîne dans des questions philosophiques qui ne rencontrent plus directement les préoccupations de son auteur. Tout compte fait, cette partie critique témoigne du sens aigu et réel du candidat pour les implications philosophiques des problèmes de psychologie, si expérimentale que celle-ci puisse être. L’appréciation finale de cette thèse me semble devoir être très positive. Soit par l’ampleur et la richesse de son information, soit par la clarté et la logique de son exposé, soit enfin par la solidité de la pensée philosophique et la perspicacité des remarques critiques, elle constitue une « performance » remarquable. Les imperfections, nécessairement inhérentes à un travail si délicat et si difficile, sont largement compensées par les qualités que nous venons de relever. Peut-être pourrait-on reprocher au candidat de recourir trop souvent aux citations, ce qui risquerait de tourner à l’argument d’autorité. Mais, ici encore, il faut avouer que les citations - faites en général avec à propos – montrent que le candidat s’est familiarisé avec la littérature concernant les problèmes qu’il discute. Et d’autre part, peut-on en vouloir au candidat, si en s’attaquant à un personnage comme Piaget, il s’assure le concours d’autorités scientifiques pour renforcer ses positions? On aurait mauvaise grâce d’en faire un grief majeur, surtout au « commençant » qu’est normalement le candidat au doctoral. Ne finissons pas ce rapport sans relever les petites notes d’humour que le Fr. Desbiens a su glisser par ci par là dans son texte. C’est fait avec une telle discrétion, un tel bon goût, de façon si finement spirituelle, que cela ne dépare pas du tout un travail de recherche austère. Au contraire. Je crois pouvoir conclure ce rapport en redisant l’impression très favorable que m’a faite la présente thèse et en proposant son acceptation par la Faculté, avec la Note I Professeur Norbert Luyten (Dominicain d’origine belge) Fribourg, le 25 juin 1964. Introduction à un examen philosophique de la psychologie de l’intelligence chez Jean Piaget. Second rapport de l’Université de Fribourg Sur la thèse du Frère Jean-Paul Desbiens, F.M.S. Par la Professeure Laure Dupraz, Fribourg, 26 juin 1964 Retour à la table des matières Le travail du Frère Desbiens est un travail original. Comme son auteur le fait observer (p. 11), l’œuvre de Piaget est peu connue dans les milieux philosophiques, p. ex. on ne trouve aucune mention de Piaget dans le Bulletin thomiste, ce qui signifie pour le moins, qu’aucun philosophe thomiste jusqu’à ce jour n’a publié d’étude sur cette œuvre. » (note 60, p. 5). Si Piaget a une réputation mondiale, si son influence dans les milieux psychologiques est largement reconnue, son œuvre est loin d’être assimilée, preuve en est que les recherches du Fr. Desbiens ne lui ont fait découvrir que deux ouvrages consacrés, l’un à l’ensemble des travaux de Piaget, l’autre à une partie importante de celle-ci, celui de Flawell J. : The developmental psychology of Jean Piaget, D. van Nostrand Co inc. Princeton NJ 1963 et Petter Guido, Lo sviluppo mentale nelle richerche di Jean Piaget Firenze, 1960. À noter encore, ce qui est une confirmation de ce qui vient d’être dit, que le rythme de traduction suit de loin le rythme de publication, ( p. 13). D’ailleurs, en 1952, Bärbel Inhelder, la plus proche des collaborateurs de Piaget, écrivait dans le Lexikon d. Pädagogik T. III (éd. Francke, Bern, art. Piaget) : “Aus allen Erdteilen kommen Studierende an das Genfer Universitätsinstitut, um P.s originelle Methoden der Kinder und Entwicklungs-psychologie zu erlernen. Doch keiner ist Prophet in seinem Vaterland. Die Schweizer Pädagogen deutscher Zunge kennen P.s internationale Tätigkeit im Rahmen der Unesco unides Bureau international d’éducation (BIE), wenige aber sein wissenschaftliches Werk”. La situation ne semble guère modifiée depuis cette date. Ce fait peut s’expliquer parce qu’on pénètre difficilement dans l’œuvre immense de Piaget (il doit avoir écrit quelques 15 000 à 20 000 pages), alors même que, dès l’origine, elle est sous-tendue par une même intention. B. Inhelder le reconnaît : « Der Zugang zu P.s Forschung ist nicht leicht zu finden ». Cela peut tenir à une première raison qu’elle énonce comme suit: “Ist er Kinderpsychologe, ist er Erkenntnistheoretiker? – Er ist beides zugleich ». Il y a plus« : la terminologie que Piaget s’est forgée n’est pas facile, elle doit s’apprendre laborieusement – ce qui représente aussi un avantage : on risque moins de projeter dans les termes dont il se sert des significations « préfabriquées » et, par là, de gauchir sa pensée. Son langage est difficile : là où nous parlons « choses », Piaget parle « relations entre les choses », là où nous parlons « statique », Piaget parle « dynamique ». La façon dont il présente ses exposés est peu serrée, alors même que l’œuvre est très cohérente; elle impose un effort sérieux au lecteur qui veut y voir clair. Elle se laisse difficilement résumer, si bien que si l’on veut en faire le compte rendu, on est obligé de multiplier les citations. Toutes ces considérations montrent que le Fr. D. en écrivant une « Introduction à un examen philosophique de la psychologie de l’intelligence chez Jean Piaget » ne s’est pas attaqué à une partie facile! L’introduction de la thèse établit les relations historiques et les relations actuelles entre les deux disciplines : psychologie et philosophie (1-9)m elle explique le choix du sujet (9-11), précise la méthode suivie (11-16) : une approche directe du système de Piaget (par la présentation de ce qu’est la psychologie génétique, de la théorie piagétique de l’intelligence-adaptation, des grandes lignes de l’épistémologie génétique et de l’explication en psychologie selon Piaget, une approche indirecte (par l’exposé des positions que Piaget récuse, (notamment l’associationnissme et l’intellectualisme) et annonce un jugement d’ensemble sur l’œuvre, tout en précisant que l’auteur se limite à introduire à un examen philosophique de l’œuvre. Le premier chapitre consacré à la psychologie génétique en donne la définition (17-18) – mais il ne faudrait pas, sous l’influence de la lecture de Piaget, en restreindre l’objet au seul développement mental, car la psychologie génétique s’étend à tout le devenir psychologique de l’enfant, elle a existé avant Piaget, il n’est que de penser entre autres à la Psychologie der frühen Kindheit de W. Stern 1906, - l’objet (18), la méthode, la fameuse méthode clinique (18-24) créée en psychologie par Piaget. Le Fr. Desbiens explique la notion de stade (24-27), qualifié comme suit par B. Inhelder : « das Brevier der Anfänger, ein Stein des Anstosses der reiferen Studenten ». Elle s’explique : « Tatsächlich sind sie nur ein methodisches Mittel, um den Entwicklungsprozess in seiner Verwandlung zu analysieren. Die Entwicklungsstufe kann nur als Glied einer Kette verstanden werden, als typische Erscheinung in einer kontinuierlichen Entwicklungsreihe.” L’auteur expose ensuite la théorie piagétique de l’intelligence-adaptation, ce qui l’amène à étudier la nation d’assimilation et celle d’accommodation (27-32) L’examen de la notion d’organisation (32-34) conduit le Fr. D. à traiter d’une des notions-clés de Piaget : le schème, notion difficile s’il en est. Suit la description de l’épistémologie génétique« : la définition, l’objet, les méthodes (44-51) pour passer à l’axiométrisation de la pensée (51-61) et en arriver à l’hypothèse de Piaget qui lui a permis d’introduire les méthodes logistiques en psychologie : « Si la logistique est une reconstruction axiomatique de la raison, et si la psychologie génétique de la pensée est l’étude expérimentale de la construction réelle correspondante, il est clair que leurs résultats doivent se rejoindre d’une manière ou d’une autre dans la théorie des formes d’équilibre du jugement (p. 55) Le Fr. D. rapporte l’affirmation de Piaget : « Une structure psychologiquement équilibrée est en même temps une structure logiquement formalisable » (p. 57) Le chapitre se termine par l’explication en psychologie par Piaget (61-74) explication dans laquelle la catégorie « implication » jouera un rôle essentiel (cf. p. 73). Le second chapitre développe les « grands refus » de Piaget. Il expose la critique que Piaget fait aux diverses interprétations de l’intelligence, notamment à l’associationnisme (quant aux premières adaptations acquises à la notion d’objet, la notion d’espace, la formation de la notion de causalité, la construction de la notion de nombre, l’intelligence sensorimotrice in globo, (81-103), l’intellectualisme (103-111) – qui signifie pour Piaget d’abord et avant tout une théorie psychologique non-génétique, où l’on explique le fait du développement par l’influence de facteurs externes une théorie extérieure où l’on conçoit le monde extérieur comme « tout fait » et la connaissance comme une copie positive de cette réalité. « Une théorie sera intellectualiste dès lors qu’elle recourra aux facultés comme principes de connaissance » (p. 104). – l’apriorisme, (111-123), le pragmatisme (123-127), le phénoménologie (127-128) ». À travers ces critiques, c’est explicitement que la théorie de Piaget s’oppose à tout ce qui n’est pas elle, et du même coup se définit. » (p. 130). Le troisième chapitre se propose de porter un jugement d’ensemble sur la psychologie, tout au moins d’ouvrir le débat entre la psychologie expérimentale, telle que la représente la pensée de Piaget, et la philosophie. La première partie du chapitre présente des remarques générales sur la psychologie comme science expérimentale (132-139), puis en vient à la critique des 3 moments de la psychologie expérimentale dans l’œuvre de Piaget. 1. Les faits (139-155) pour le rassemblement desquels Piaget a mis au point la méthode clinique. Le Fr. D. reprend un certain nombre d’objections qui ont été faites à cette méthode à laquelle Piaget a recouru parce qu’il (ici, quelques mots absents) objections auxquelles il veut se livrer (145). Certains – il semble que le Fr. D. se compte parmi eux – lui ont reproché l’abandon de cette méthode, mais à tort, me semble-t-il, car le test est un instrument de diagnostic, il s’emploie lorsqu’on veut déterminer si la situation psychologique d’un sujet donné est conforme à la norme, cette norme qui a été établie par les moyens de la statistique – étant donné qu’un grand très grand nombre d’enfants de tel âge, vivant dans tel milieu, ont donné telle réponse à telle question, on estime que cette réponse est normale à cet âge et dans ce milieu et si la réponse donnée s’écarte plus ou moins de cette « réponse-patron », elle n’est pas normale. Une collection déterminée de réponses non normales permet, avec la prudence voulue, bien entendu, de tirer des conclusions sur le degré de développement du sujet qui les a données. Mais ce n’était pas cela que voulait Piaget : il voulait découvrir la démarche spontanée de la pensée enfantine; dès lors il n’avait qu’à la suivre dans son « parcours », à la façon du psychiatre qui suit le discours de son malade. Que l’emploi de cette méthode soit délicat, nous en convenons avec le Fr. D. ; Bärbel Inhelder est la première à le reconnaître : « Doch nur, wer wie Piaget selbst erfinderisch, kontaktfreudig, und skeptisch zugleich ist, wird sein subtiles Werkzeug erfolgreich verwenden. Die persönliche Komponente lässt sich nicht ausschalten : darin liegt die Begrenzung der Methode ». Nous partageons encore tout-à-fait l’avis du Fr. D. quand il affirme (152) que Piaget n’a pas le droit de conclure devant le nombre relativement faible des interrogatoires qu’il a fait subir que la pensée de l’enfant présente tels ou tels caractères. Comme le Fr. D., je reconnais volontiers qu’il y a aussi des traits d’égocentrisme dans la pensée de l’adulte non évolué et de l’adulte tout court (147) – j’irais même plus loin en affirmant qu’il n’y a pas qu’un égocentrisme personnel, mais qu’il y a un égocentrisme de source familiale, un égocentrisme de source nationale, etc. Bref, qu’il y a partout traces d’égocentrisme, là où nous utilisons une « table de référence » (143) inconsciente, mais, à la différence du Fr. D., je n’utiliserais pas ce fait pour minimiser la constatation que l’égocentrisme est un trait caractéristique de la mentalité enfantine. Avec le Fr. D., j’admets que l’enseignement peut activer la réduction de cet égocentrisme – c’est d’ailleurs ce que fait l’école -, mais j’ajouterais que le contact avec la nature, avec toute réalité concrète, peut aussi y parvenir. Toutefois, il n’en reste pas moins que le pédagogue le plus doué ne peut pas enseigner n’importe quoi, n’importe quand. Il y a donc tout de même des niveaux, des attitudes mentales caractéristiques d’un âge donné – c’est d’ailleurs ce qui est présupposé à l’emploi de la méthode des tests. 2- Les lois (155) Piaget n’a pas formulé de lois. 3- Les théories (158-162) Fr. D. constate que pour unifier la masse des faits qu’il a recueillis, Piaget a proposé plusieurs théories, mais celle qui l’emporte (160), c’est que l’intelligence est un cas de la fonction générale d’adaptation. Le développement mental est une tendance vers l’équilibre opératoire. (161) Et, comme une science doit pouvoir se prêter à une expression analytique, Piaget a exprimé sa théorie dans un langage se prêtant à l’analyse, - dans le cas particulier « à l’aide des symboles de la mathématique qualitative : la logique ». (162) Le chapitre se termine par la critique de l’intelligence chez Piaget (162-189). Le Fr. D. constate que Piaget répudie la philosophie et qu’il explique sa volonté lorsqu’il déclare qu’il est impossible d’atteindre toute vérité par simple réflexion. Le Fr. D. serait d’accord si Piaget s’en était tenu au domaine de la psychologie expérimentale, mais il constate que Piaget déborde la méthode expérimentale et fait de la philosophie avec entrain et, en outre, prétend que la seule psychologie fournit la connaissance véritable. La situation fausse de Piaget, c’est de faire de la philosophie en prétendant conserver le prestige propre du scientifique. Et, force est de constater que sa philosophie relève du scientisme, bien plus du positivisme idéaliste (169). Toutefois, nous hésiterions à partager ici l’opinion du Fr. D. lorsqu’il déclare : « Extrapolant ses conclusions touchant la mentalité enfantine, il (Piaget) croit retrouver les composantes de cette mentalité dans l’histoire des idées. » (171) Il nous apparaît que les citations de Piaget sur lesquelles le Fr. D. appuie ses dires sont plus nuancées dans leur contexte. Le Fr. D. remarque encore que Piaget prétend lire objectivement dans le fieri mental (les stades du développement), mais demeure sans explication devant l’arrêt du développement après l’adolescence : il le constate, c’est tout, comme il constate l’apparition de la conscience et de l’esprit sans l’expliquer. Le système de Piaget ne fournit aucun moyen de distinguer l’homme de l’animal (187) sinon a posteriori de façon extrinsèque (187). En bref, chez Piaget, il n’y a pas de nature humaine. Le chapitre se termine sur la critique de la critique de l’aristotélisme chez Piaget, critique qui s’enracine dans son refus de l’intelligence-faculté. (189-212) Cette partie de la thèse est, à notre sens, l’une des plus difficiles : ce sont ici deux mentalités, deux langages qui s’affrontent et, si l’on sait que Piaget ne possède pas le langage aristotélicien, il est très difficile d’apprendre à « parler Piaget », mais le Fr. Desbiens y est parvenu. La conclusion développe des considérations sur l’explication en psychologie philosophique, face à l’explication scientifique et souligne l’apport pleinement positif de Piaget : avoir rappelé l’aspect génétique de la psychologie de l’intelligence (222) et achève en faisant quelques remarques sur une étude comparative possible entre la psychologie génétique et la psychologie philosophique. APPRÉCIATION Comme nous l’avons dit au début de notre rapport, cette thèse représente un travail original : elle pose les jalons d’un dialogue à entamer entre la psychologie expérimentale et la philosophie – et ceci au travers d’une étude sérieuse de Piaget, menée à fond, preuve en soit l’établissement de la bibliographie de Piaget, ce qui, à soi seul, représente un long et patient effort de recherches. Nous estimons fort heureuse la méthode suivie : l’approche directe, l’approche indirecte de l’œuvre. Le Fr. D. a mené son travail avec beaucoup de conscience et une objectivité bienveillante. Cette thèse, dont la valeur est nettement au-dessus de la moyenne, est l’œuvre d’un candidat intelligent et mûr. Nous pensons que nous pouvons en recommander l’acceptation à la Faculté des Lettres, et pour autant que le premier rapporteur est d’accord, en lui attribuant la note : I (Summa cum laude) Fribourg, 26 juin 1964 Laure Dupraz Introduction à un examen philosophique de la psychologie de l’intelligence chez Jean Piaget. LIMINAIRE Retour à la table des matières « Descartes n'a point battu Platon, comme le caoutchouc creux a battu le caoutchouc plein, et Kant n'a point battu Descartes comme le caoutchouc pneumatique a battu le caoutchouc creux. De ce que les pratiques avancent par un progrès linéaire ininterrompu continu ou discontinu, il ne suit nullement qu'il -y ait un progrès des théories, et surtout que ce progrès soit un progrès linéaire. L'humanité dépassera les premiers dirigeables comme elle a dépassé les premières locomotives. Elle dépassera M. Santos-Dumont comme elle a dépassé Stephenson. Après la téléphotographie elle inventera tout le temps des graphies et des scopies et des phonies, qui ne seront pas moins télé les unes que les autres, et l'on pourra faire le tour de la terre en moins que rien. Mais ce ne sera jamais que la terre temporelle. On ne voit pas que nul homme jamais, ni aucune humanité puisse intelligemment se vanter d'avoir dépassé Platon. Je vais plus loin. J'ajoute qu'un homme cultivé, vraiment cultivé, ne comprend pas, ne peut même pas imaginer ce que cela pourrait bien vouloir dire que de prétendre avoir dépassé Platon. » (Péguy, Cahiers de la Quinzaine, VIII, II, 3 février 1907) « Les effets d'une œuvre ne sont jamais une conséquence simple des conditions de sa génération. Au contraire, on peut dire qu'une oeuvre a pour objet secret de faire imaginer une génération d'elle-même, aussi peu véritable que possible. » (Valéry, Oeuvres complètes I, Pléiade, p. 1157) « Je n'irai pas te remuer un tas de pierres pour y trouver le secret des méditations. Car la méditation ne signifie rien à l'étage des pierres. Il faut que soit un temple. Alors me voilà changé de cœur. Et je m'irai, réfléchissant sur la vertu des relations entre les pierres... Je n'irai point chercher dans les sels de la terre l'explication de l'oranger. Car l'oranger n'a point de signification à l'étage des sels de la terre. Mais d'assister à l'ascension de l'oranger, j'expliquerai par lui l'ascension des sels de la terre. » (Saint-Exupéry, Oeuvres complètes, Pléiade, p. 959) Introduction à un examen philosophique de la psychologie de l’intelligence chez Jean Piaget. AVANT-PROPOS Retour à la table des matières En publiant notre dissertation doctorale, nous nous conformons aux règlements de l'Université de Fribourg, et nous cherchons à atteindre un but que nous osons qualifier de didactique. À notre connaissance, il n'existe pas, en langue française, d'ouvrage d'ensemble sur l'œuvre de Piaget. Nous voulons dire : un ouvrage qui serait, pour les francophones, l'analogue de celui de FLAVELL, pour les lecteurs anglophones, ou de celui de PETTER, pour les lecteurs italiens. De plus, l'œuvre de Piaget est pratiquement inconnue dans les milieux philosophiques. Notre travail possède donc son originalité. Il existe, en effet, deux façons d'être original : l'une consiste à être principe d'une oeuvre totalement nouvelle ; l'autre, principe de manifestation d'une œuvre déjà existante, mais partiellement ou totalement inconnue. En présentant, pour la première fois en langue française, l'ensemble de l'œuvre de Piaget, d'une part, et en la présentant, d'autre part, selon une problématique philosophique, nous avons conscience d'être original selon le second sens du terme. Nous avons terminé la rédaction de notre travail en avril 1964 ; à quelques détails près, nous le publions tel qu'il se présentait à ce moment-là. En particulier, nous avons conservé les nombreuses et substantielles citations de l'auteur étudié qui nous avaient paru nécessaires au moment de la première rédaction. Ces citations apparaissent soit dans le corps du texte, soit en note, quand il s'agit de passages parallèles. Pour la publication, nous aurions pu, ou bien supprimer un grand nombre de ces citations, ou bien reprendre, en nos propres mots, les exposés en question. Nous avons pensé qu'il valait mieux maintenir notre décision première, et pour le bénéfice de la rigueur, et pour mieux atteindre ce que nous appelons notre intention didactique. C'est déjà cette « intention didactique » qui nous guidait au moment où nous rédigions les sections de notre travail intitulées respectivement : Remarques générales sur la psychologie comme science expérimentale ; et : Les trois moments de la psychologie expérimentale : les faits, les lois, les théories. Depuis l'achèvement de notre travail, Piaget a publié, notamment, un volume 1 qui traite spécifiquement d'une question qui nous avait nous-même retenu : les rapports entre la psychologie philosophique et la psychologie expérimentale contemporaine. Nous en parlons brièvement en appendice. Fribourg, juin 1966. Les abréviations des titres des ouvrages de Piaget sont données à la bibliographie p. 190. Introduction à un examen philosophique de la psychologie de l’intelligence chez Jean Piaget. INTRODUCTION |
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