En deçà de l'argumentation rhétorique : lieux et preuves extra-techniques La notion de lieu : topos Notion empruntée à Aristote, on pourrait définir les lieux comme un magasin d'arguments (Cicéron). Aristote réfléchit bcp sur cmt on va organiser les arguments, dans quel ordre les placer, comment les mettre en valeur, etc. Il a aussi l'idée que l'orateur ne peut pas tout inventer lui même dans les arguments qu'il va choisir. De manière complémentaire, il va essayer de mettre en place un stock d'arguments, de fondamentaux, qui vont servir à construire des argumentations.
Cela va être fortement repris par les latins, et en particulier par Cicéron, sous le nom de « topique ». Le nom originel de ce stock d'arguments, c'est le « topos » (rien à voir avec les lieux communs actuel). Ce sont les points de passage de l'argumentation, sa base. Il faut éviter le particularisme, et il faut rattacher son parlementaire à quelque chose de déjà connu. Les lieux généraux et les lieux spécifiques
Les lieux généraux : arguments qu'on peut retrouver dans tous les types de discours : délibératif, judiciaire, épidictique. C'est le cas pour possible/impossible, réel/irréel, plus/moins.
Les lieux spécifiques (les espèces) : l'utile/le nuisible, le beau/le laid, le juste/l'injuste. Ces trois catégories se voient associées chacune à un type de discours :
→ utile nuisible : délibératif
→ le beau laid : épidictique
→ juste injuste : judiciaire.
La rhétorique a fait un très grand usage de ces deux sortes de Lieu. Au moyen âge, des générations d'écoliers se sont faits des pages et des pages des lieux généraux et spécifiques.
Les premiers à critiquer l'emploi des lieux, se sont les auteurs de la logique de Port Royal. (des Jansénistes). Ils critiquent le côté artificiel de cette technique, qu'ils connaissent très bien. Ils ne contestent ps la validité théorique du système, mais ils disent que le par cœur n'est pas utile pour trouver des arguments pour construire un discours. Ils mettent en cause la réalité de ce fonctionnement.
Les lieux avaient été considérés comme indispensable à la construction d'un discours, car Cicéron avait dit que la rhétorique ça s'apprend, ça n'est pas que du génie. En apprenant des stocks d'expressions, on était capable de construire un discours vraiment logique. On peut travailler son discours à partir des expressions. Le génie et l'inspiration ne suffisent pas, il faut la pratique, ici celle du forum (Cicéron.) Les preuves techniques et extra-techniques Les preuves techniques sont toutes les preuves qui sont du ressort de la technique de l'orateur, de son art, de son travail, de son inspiration. Ce sont à la fois les preuves subjectives (image de l'orateur, ethos etc) et les preuves logiques (enthymèmes, les exemples : induction/déduction). Les preuves extra-techniques sont celles qui portent en elles-mêmes un gage de probabilité. Ce sont des arguments ou des preuves d'autorité. Elles se portent par elles-mêmes. Un texte comme la déclaration des droits de l'homme est une preuve d'autorité, tellement c'est reconnu.
Le serment en soi est sacralisé, dès lors que c'est un jurement sur la Bible, c'est un argument d'autorité. La torture est considérée comme étant un gage de vérité, on considère que l'homme dit la vérité lorsqu'il est torturé. Le témoignage vaut argument d'autorité selon la valeur de celui qui l'énonce, il faut que le témoin soit crédible.
suite preuve extra-techniques. Voltaire, Traité sur la tolérance
1er type de preuve : les références à la loi (sacrée ou civile) : (ex 2 et 3 poly)
→ c'est écrit dans la bible, donc c'est une preuve, pas besoin d'en rajouter. (ex 2)
→ c'est dans l'Ecriture : ex 3
2e type de preuve : le serment.
→ Ecart de valeur de preuve entre témoigner et attester par serment. L'attestation par serment vaut preuve légitime au delà même d'un témoignage de qq'un de crédible (ex1)
3e type de preuve : le témoignage (la plus fréquente)
C'est la preuve qui doit être construite pour être authentique.
→ chapitre 9 du traité , ex 4. dispositif argumentatif : le témoignage est encadré par les indications de Voltaire. Il n'a aucun intérêt à dire du bien des empereurs précédents. Il montre qu'il n'y a pas de conflit d'intérêt : ce témoin est crédible. Plus le témoignage est important, plus on a intérêt à le produire dans son intégrité : discours direct. Voltaire conclut « qu'on apprenne donc de ce témoignage » : une sorte de moralité , tirer les conséquences en terme d'argumentation de cette preuve qu'est le témoignage. La rhétorique et style
Les classements stylistiques
La question du style n'a pas tellement intéressé Aristote, ses réflexions restent à l'état d'amorce, il faut attendre ses disciples pour avoir quelque chose de consistant.
→ Theophraste réfléchit sur les qualités que l'on attend du style. Il propose les qualités essentielles :
la correction et la clarté de la langue
l'ornement : une certaine élégance
la convenance
Il y a une opposition entre le style qu'il appelle géométrique (ou technique) qu'il attribue notamment aux philosophes, et le style recherché des poètes et des orateurs. Il oppose un style littéraire à un style de l'efficacité. Cependant on ne peut pas dire qu'il favorise une option au détriment de l'autre. Sa pensée est normative (ce que l'on peut faire ou pas) , avec une recherche de la médiocrité (du juste milieu : mediotes en grec : la perfection du milieu : mediocritas aurea). Un système d'opposition tripartite:(Rhétorique à Hérennius)
A partir de Cicéron, il y a trois types de styles :
style moyen
style élevé
style bas
On va trouver des nuances d'un terme à l'autre, et les termes changent : style élevé peut être style sublime ou gd style. Style bas revient à style simple.
Poly rhétorique et style, page 1.
→ il ne dit pas sa préférence. Il faut s'adapter à ce qu'on dit. Avec le style tempéré, on est plus sûr de ne pas être hors de propos, et hors de portée des interlocuteurs. On retrouve cette tripartition des styles du moyen âge jusqu'à la Révolution. L'un des moyens de transmettre cette tripartition, c'est un motif très populaire : la roue de Virgile. (Rota virgili) → cercle concentrique avec trois parties, pour chacune de ces parties on va retrouver les trois gds styles : à chacun est associé tout un univers encyclopédique.
On l'appelle roue de Virgile car c'est un des commentateurs de Virgile au moyen âge, qui va se fonder sur les Buccoliques (style bas) , les Georgiques (médiocre) et l'Eneide.(élevé).
Buccoliques : style bas car c'est un cadre pastoral, montagnard avec un berger. Tout l'univers de la pastoral est décliné. Ce qui va relever du style ce n'est pas seulement une manière d'écrire, c'est aussi les motifs et thèmes.
Georgiques : style moyen : univers de la paysannerie. Personnage central est le paysan, le laboureur. L'animal emblématique est le bœuf. Territoire : champs, arbre : fruitier.
Eneide : style élevé : personnage central : le guerrier, le conquérant avec son cheval, qui se déplace sur le champs de bataille : arbre : cèdre.
→ dessine des concordances thématiques que l'on retrouve dans les textes sous forme d'allusions, mais aussi dans l'iconographie de la fin du moyen âge au début de l'âge classique. A côté de cette tripartition qui est un socle très solide, se trouve une autre possibilité de juxtaposition qui est concurrente et concordante.
→ Opposition entre le style « Asian » et le style « Attique ». - Dans le style Asian : dans les confins du monde hellénistique, on observe des formes de grecs très différentes du grec de la métropole . C'est considéré comme étant plus recherché, plus inventif et parfois plus exubérant. Les critiques à son encontre disent que c'est un style obscure, trop compliqué, qui a le goût des jeux de mots, qui cherche à éblouir parfois au détriment du sens. Inversement, le grec de métropole cherche à revenir à une certaine pureté grammaticale et stylistique. Idée qu'on peut avoir un style sec, que s'il est bien pratiqué il est élégant et sobre, mais qu'il peut être terne et se rapprocher d'une sorte de degré zéro du style.
→ La fonction réelle de l'éloquence judiciaire et délibérative a tendance à s'effacer, au profit de textes de l'ordre de l'éloge, soit l'exercice scolaire.
L'Attique : Des écrivains vont se réclamer de l'attique (ex : Pascal , les moralistes du XVII e siècle) Préférence pour les paradoxes. Ce n'est pas une pratique réelle. On voit apparaître plus tardivement, la volonté de faire surgir des styles non classables, ou qui remettent en cause ces classifications.
Longin parle de la puissance de saisissement du style et de l'écriture. Ici il s'agit du SUBLIME ( et non pas du style sublime). L'important c'est la puissance de saisissement du texte. → effet de la littérature en dehors de toute classification stylistique. Cette réflexion sur le Sublime va se trouver très développée en France à partir du 17e siècle, et à la fin du 18e siècle en Europe par Kant. On le retrouve aujourd'hui dans la critique philosophique et sur l'art contemporain.
→ On le connaît bien chez Victor Hugo : on doit passer par le laid pour atteindre une sorte de sublime. Alliance paradoxale entre le grotesque, le vulgaire etc, et puis un pathétique, une certaine recherche de noblesse .
Style d'auteur : C'est une notion nettement post-romantique. On accède très tard à cette réflexion sur individualité et écriture.
→ Christine Noille-Clauzade : Le style
Pour être écrivain, il faut être inspiré : le génie de l'écrivain fait qu'il s'exprime en son nom propre, qu'il laisse libre court à son sentiment, son « moi », ses passions : expressivité du style. Le style est le reflet du « moi ».
Les figures de style
G. Molinié : La stylistique
Les traités de rhétorique ont proposé eux aussi des classements, non plus des styles, mais des figures de style.
figure de diction : tout ce qui concerne le matériel lexical : les signifiants : anagramme, assonance, paronomase, allitération.
figure de construction : celles qui concernent les arrangements syntaxiques : le chiasme, les parallélismes. + Caractérisation non pertinente : hypallage, zeugma
figure de sens (ou trope) : métaphore, métonymie etc
figure de pensée : celles qui reposent sur une distorsion énonciative : elles concernent le rapport entre le mot et son référent, avec un décalage entre les deux. : hyperbole, ironie
La seule vraie nouveauté récente, c'est à partir de ces mêmes notions, c'est une bipartition des figures de style, avec une opposition entre les figures microstructurales, et les figures macrostructurales.
Définition microstructurale
elles se signalent d'emblée à l'interprétation pour que le discours ait un sens acceptable.
Elles sont portées par un bref segment, parfois même un mot.
Définition macrostructurale :
elles ne s'imposent pas d'emblée : on peut passer à côté, ne pas la voir
elles sont peu isolables sur des éléments formels précis.
→ Correspondent pour l'essentiel aux figures de pensée, comme la prétérition, la litote, l’hypotypose. Etude de l'exemple : Jean Jaurès : relevé des figures de style Une métaphore sera dite inabsentia lorsqu'elle fait disparaître le comparé, pour ne laisser visible que le comparant. Initiation à la stylistique : Claire Stolz , 2006. |