Leçon 1 18 novembre 1953







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10 février 1954 Table des séances



HYPPOLITE 


LACAN
Ceux qui étaient là la dernière fois ont pu entendre poursuivre un développement sur le passage central de l’écrit de FREUD

sur La dynamique du transfert. Je rappelle, pour ceux qui peut-être n’étaient pas là cette dernière fois, que tout mon développement

a consisté à vous montrer comme étant le phénomène majeur du transfert ce quelque chose qui part de ce que je pourrais appeler

le fond du mouvement de la résistance.
C’est à savoir ce moment où ce quelque chose qui reste masqué dans la théorie analytique par toutes ses formes et ses voies, à savoir

la résistance dans son fond le plus essentiel, se manifeste par cette sorte de mouvement que j’ai appelé « bascule de la parole vers la présence »

de l’auditeur et du témoin qu’est l’analyste. Et comment nous le saisissons en quelque sorte à l’état pur dans ce moment où le sujet

s’interrompt, et nous le savons : dans un moment qui le plus souvent est le plus significatif de son approche vers la vérité,

dans une sorte de sentiment, fréquemment teinté d’angoisse, de la présence de l’analyste.
Je vous ai montré aussi, ou indiqué que l’interrogation de l’analyste qui, parce qu’elle vous a été indiquée par FREUD, est devenue

pour certains presque automatique : « Vous pensez à quelque chose qui me regarde, moi, l’analyste ? », n’est là qu’une sorte d’activisme

tout prêt en effet, à cristalliser un discours plus orienté vers l’analyste, mais où ne fait que se manifester ce fait qu’en effet,

pour autant que le discours n’arrive pas jusqu’à cette parole pleine qui est celle où doit se révéler ce fond inconscient du sujet,

déjà le discours en lui-même s’adresse à l’analyste, l’intéresse, est fait pour intéresser l’analyste, et pour tout dire se manifeste

dans cette forme aliénée de l’être qui est identique à ce qu’on appelle son ego.
En d’autres termes, que la relation de l’ego à l’autre, le rapport du sujet à cet autre lui-même, à ce semblable par rapport auquel d’abord

il s’est formé, et qui constitue une structure essentielle de la constitution humaine, et qui est certainement la fonction imaginaire

à partir de laquelle nous pouvons comprendre, concevoir, expliquer, ce qu’est l’ego dans l’analyse.
Je ne dis pas « ce qu’est l’ego » en tant que ce qu’il est dans la psychologie, fonction de synthèse, comme dans toutes les formes

où nous pouvons certainement le suivre et le voir se manifester, mais dans sa fonction dynamique dans l’analyse : l’ego pour autant

qu’il se manifeste alors comme défense, refus, qu’il inscrit en quelque sorte toute l’histoire des successives oppositions qu’a

manifestées le sujet à l’intégration de ce qu’on appelle ensuite seulement, ce qui se manifeste ensuite comme étant là dans la théorie

« ses tendances », « ses pulsions » les plus profondes et les plus méconnues.
En d’autres termes, que nous saisissons dans ces moments si bien indiqués par FREUD ce par quoi le mouvement même

de l’expérience analytique rejoint la fonction de méconnaissance fondamentale de l’ego. Nous sommes donc amenés à la fin

de ce progrès, de cette démonstration, dont je vous ai montré quel est le ressort, le point sensible de l’investigation de FREUD

sur toutes sortes d’autres plans.
Je vous l’ai montré à propos de ce qui pour FREUD se manifeste être l’essence même de l’analyse du rêve, et je vous l’ai montré là,

saisissable sous une forme presque paradoxale, combien pour FREUD l’analyse du rêve est l’analyse littéralement de quelque chose

qui a dans son investigation fonction de parole. Et combien ceci est démontré par le fait que ce qu’il saisit comme la dernière trace

d’un rêve évanoui, est très précisément au moment où il se tourne tout entier vers lui, vers FREUD, que c’est en ce point qu’il n’est

plus qu’une trace, un débris de rêve, que là nous retrouvons cette pointe transférentielle par où le rêve se modèle en un mouvement

identique, cette interruption significative manifestée ailleurs comme le point tournant d’un moment de la séance analytique.
Je vous ai également montré la signification du rapport entre la parole non dite, parce que refusée, parce que verworfen,

à proprement parler rejetée par le sujet, le poids propre de parole dans un fait de lapsus, plus exactement d’oubli d’un mot,

exemple extrait de la Psychopathologie de la vie quotidienne, et combien là aussi le mécanisme est sensible de ce qu’aurait dû formuler

la parole du sujet et de ce qui reste pour s’adresser à l’autre, c’est-à-dire dans le cas présent de ce qui manque, la soustraction

d’un mot, « Herr », au vocable SIGNORELLI, qu’il ne pourra plus évoquer l’instant d’après, précisément avec l’interlocuteur

devant qui, de façon potentielle, ce mot « Herr » a été appelé avec sa pleine signification.
Nous voici donc amenés autour de ce moment révélateur du rapport fondamental de la résistance et de la dynamique du mouvement

de l’expérience analytique, nous voilà donc amenés autour d’une question qui peut se polariser entre ces deux termes :

l’ego et la parole.
Quelque chose qui parait si peu approfondi dans cette relation qui pourtant devrait être pour nous l’objet de l’investigation

essentielle, que quelque part, sous la plume de M. FENICHEL nous trouvons par exemple que :
« C’est par l’ego qu’incontestablement - il est tenu en quelque sorte pour acquis, donné - vient au sujet le sens des mots. »
Pourtant, est-il besoin d’être analyste pour trouver qu’un pareil propos peut être - pour le moins - sujet à contestation ?

Est-ce qu’on peut même dire qu’actuellement notre discours, en admettant qu’en effet l’ego soit ceci qui, comme on dit, dirige

nos manifestations motrices, par conséquent l’issue en effet de ces vocables qui s’appellent des mots, est-ce qu’on peut dire

même que dans cet acte l’ego soit maître de tout ce que recèlent les mots ?
Est-ce que le système symbolique formidablement intriqué, entrecroisé, marqué de cette Verschlungenheit en effet, de ce quelque chose

qui est impossible à traduire autrement que par propriété d’entrecroisements, et que le traducteur des « Écrits techniques »...

où le mot [Verschlungenheit] est dans cet article que je présentais devant vous [Die außerordentliche Verschlungenheit des in dieser Arbeit

behandelten Themas legt die Versuchung nahe, auf eine Anzahl von anstoßenden Problemen einzugehen, deren Klärung eigentlich erforderlich wäre,

ehe man von den hier zu beschreibenden psychischen Vorgängen in unzweideutigen Worten reden könnte.]

…a traduit par « complexité », qui est combien faible.
Tandis que Verschlungenheit est pour désigner l’entrecroisement linguistique : tout symbole linguistique aisément isolé est solidaire,

non seulement de l’ensemble, mais se recoupe et se constitue par toute une séried’affluences, de surdéterminations oppositionnelles

qui le situent à la fois dans plusieurs registres. Pour tout dire que, précisément, ce système du langage, dans lequel se déplace

notre discours, n’est-il pas quelque chose qui dépasse infiniment toute l’intention momentanée que nous y pouvons mettre ?
Et combien c’est précisément sur cette fonction de résonance, d’ambiguïté, de communications, de richesses impliquées d’ores

et déjà dans le système symbolique tel qu’il a été constitué par la tradition dans laquelle nous nous insérons comme individus,

bien plus que nous ne l’épelons et ne l’apprenons. Combien ce langage est justement ce sur quoi joue l’expérience analytique,

puisque, à tout instant, ce que fait cette expérience est de lui montrer qu’il en dit plus qu’il ne croit en dire pour ne prendre

cette question que sous cet angle. Si nous la prenions sous l’angle génétique, nous serions portés à toute la question de savoir

comment l’enfant apprend le langage, et nous serions alors entraînés dans une question d’investigation psychologique

dont on peut dire qu’elle nous mènerait si loin à propos de méthode que nous ne pouvons même pas l’aborder.
Mais il semble incontestable que nous ne pouvons pas juger précisément de l’acquisition du langage par l’enfant, par la maîtrise

motrice qu’il en montre, par l’apparition des premiers mots. Et que ces pointages, sans aucun doute très intéressants,

ces catalogues de mots, que les observateurs se plaisent à enregistrer pour savoir chez tel ou tel enfant quels sont les premiers mots

qui apparaissent, et à en tirer des significations rigoureuses, laissent entier le problème de savoir dans quelle mesure ce qui émerge

en effet dans la représentation motrice ne doit pas être considéré comme justement émergeant d’une première appréhension

de l’ensemble du système symbolique comme tel, qui donne à ces premières apparitions, comme d’ailleurs la clinique le manifeste,

une signification toute contingente.

Car chacun sait avec quelle diversité paraissent ces premiers fragments du langage qui se révèlent dans l’élocution de l’enfant,

combien il est frappant d’entendre l’enfant exprimer par exemple des adverbes, des particules, des mots comme « peut-être »

ou « pas encore », avant d’avoir exprimé un mot substantif, le moindre nom d’objet. Il y a là manifestement une question de pré-position

du problème qui paraît indispensable à situer toute observation valable. En d’autres termes, si nous n’arrivons pas à bien saisir

et comprendre la fonction essentielle, l’autonomie de cette fonction symbolique dans la réalisation humaine, il est tout à fait impossible

de partir tout brutalement des faits sans faire aussitôt les plus grossières erreurs de compréhension.
Ce n’est pas ici un cours de psychologie générale, et sans doute je n’aurai pas l’occasion de reprendre le problème que soulève

l’acquisition du langage chez l’enfant. Aujourd’hui, je ne pense pouvoir qu’introduire le problème essentiel de l’ego et de la parole,

et en partant, bien entendu, de la façon dont il se révèle dans notre expérience, ce problème que nous ne pouvons poser qu’au point

où en est la formulation du problème. C’est-à-dire que nous ne pouvons pas faire comme si la théorie de l’ego, dans toutes les questions

qu’elle nous pose, théorie de l’ego telle que FREUD l’a formulée dans cette opposition avec le Ça, un jour proférée par FREUD,

et qui imprègne toute une partie de nos conceptions théoriques et du même coup techniques [...]
Et c’est pourquoi aujourd’hui, je voudrais attirer votre attention sur un texte qui s’appelle la Verneinung12. La Verneinung, autrement

dit - comme M. HYPPOLITE me le faisait remarquer tout à l’heure - la dénégation, et non pas la négation, comme on l’a traduit

fort insuffisamment en français. C’est bien toujours ainsi que moi-même je l’ai évoquée chaque fois quand j’en ai eu l’occasion,

dans mes explications ou séminaires, ou conférences. Ce texte est de 1925, et postérieur à la parution de ces articles si on peut dire

limites par rapport à la période que nous étudions des Écrits techniques, ceux qui concernent la psychologie du moi et son rapport [...]

l’article Das Ich und das Es. Il reprend donc cette relation toujours présente et vivante pour FREUD, cette relation de l’ego avec

la manifestation parlée du sujet dans la séance. Il est donc à ce titre extrêmement significatif.
Il m’a paru, pour des raisons que vous allez voir se manifester, que M. HYPPOLITE qui nous fait le grand honneur de venir

participer ici à nos travaux par sa présence voire par ses interventions, il m’a paru qu’il pourrait m’apporter une grande aide

pour établir ce dialogue - pendant lequel on ne peut pas dire que je me repose, mais pendant lequel tout au moins

je ne me manifeste plus d’une façon motrice - de nous apporter le témoignage d’une critique élaborée par la réflexion même

de tout ce que nous connaissons de ses travaux antérieurs, de nous apporter l’élaboration d’un problème qui, vous allez le voir,

n’intéresse rien de moins que toute la théorie sinon de la connaissance, au moins du jugement.
C’est pourquoi je lui ai demandé, sans doute avec un peu d’insistance, de bien vouloir non seulement me suppléer, mais apporter

ce que lui seul peut apporter dans sa rigueur à un texte de la nature de celui que vous allez voir, précisément, sur la dénégation.

Je crois qu’il y a là des difficultés, [...] et certainement qu’un esprit autre qu’un esprit formé aux disciplines philosophiques

dont nous ne saurions nous passer dans la fonction que nous occupons. Notre fonction n’est pas celle d’un vague frotti-frotta

affectif dans lequel nous aurions à provoquer chez le sujet, au cours d’une expérience confuse, de ces retours d’expériences

plus ou moins évanescentes en quoi consisterait toute la magie de la psychanalyse.
Nous ne faisons pas ce que nous faisons dans une expérience qui se poursuit au plus sensible de l’activité humaine, c’est-à-dire

celle de l’intelligence raisonnante : le seul fait est qu’il s’agit d’un discours, nous ne faisons rien d’autre que d’approximatif,

qui n’a aucun titre à la psychanalyse. Nous sommes donc en plein dans notre devoir en écoutant, sur un texte comme celui

que vous allez voir, les opinions qualifiées de quelqu’un d’exercé à cette critique du langage, à cette appréhension de la théorie.
Comme vous allez voir que ce texte de FREUD manifeste, une fois de plus chez son auteur, cette sorte de valeur fondamentale

qui fait que le moindre moment d’un texte de FREUD nous permet une appréhension technique rigoureuse, que chaque mot mérite

d’être mesuré à son incidence précise, à son accent, à son tour particulier, mérite d’être inséré dans l’analyse logique la plus rigoureuse.

C’est en quoi il se différencie des mêmes termes groupés plus ou moins vaguement par des disciples pour qui l’appréhension

des problèmes a été de seconde main, si l’on peut dire, et après tout jamais pleinement élaborée, d’où résulte cette sorte

de dégradation où nous voyons se manifester sans cesse par ses hésitations le développement de la théorie analytique.
Avant de céder la parole à M. HYPPOLITE, je voudrais simplement attirer votre attention sur une intervention qu’il avait faite

un jour, conjointe à une sorte de, disons de débat, qu’avait provoqué une certaine façon de présenter les choses sur le sujet

de FREUD et sur l’intention à l’endroit du malade. M. HYPPOLITE avait apporté à ANZIEU un secours…
Jean HYPPOLITE - Momentané.
LACAN
Oui, un secours momentané à ANZIEU. Il s’agissait de voir quelle était l’attitude fondamentale, intentionnelle de FREUD

à l’endroit du patient au moment où il prétendait substituer l’analyse des résistances - nous sommes en plein dans notre sujet -

l’analyse des résistances par
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