Leçon 1 18 novembre 1953







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la parole à cette sorte de subjugation, de prise, de substitution à la parole due à la personne du sujet,

qui s’opère par la suggestion ou par l’hypnose. Je m’étais montré très réservé sur le sujet de savoir s’il y avait là chez FREUD

une manifestation de combativité, voire de domination, caractéristique de reliquats du style ambitieux que nous pourrions voir

se trahir dans sa jeunesse. Je crois que ce texte est assez décisif : il parle de la suggestion, et c’est pour cela que je l’amène aujourd’hui,

parce que c’est aussi au cœur de notre problème.
C’est dans le texte sur la Psychologie collective et analyse du Moi. C’est donc à propos de la psychologie collective, c’est-à-dire des rapports

à l’autre que pour la première fois le moi en tant que fonction autonome est amené dans l’œuvre de FREUD. Simple remarque

que je pointe aujourd’hui, parce qu’elle est assez évidente et justifie l’angle sous lequel je vous l’amène par ses rapports avec l’autre.

C’est dans le chapitre IV de cet article qui s’appelle « Suggestion et libido » que nous avons le texte suivant :
« On est ainsi préparé à admettre que la suggestion est un phénomène, un fait fondamental …//… et de l’avis de Bernheim dont j’ai pu voir

moi-même en 1889 les tours de force extraordinaires. Mais je me rappelle que déjà alors j’éprouvais une sorte de sourde révolte contre cette tyrannie

de la suggestion. Lorsqu’on disait à un malade qui se montrait récalcitrant : « Eh bien, que faites-vous ? Vous vous contre-suggestionnez ! »

Je ne pouvais m’empêcher de penser qu’on se livrait à une violence. L’homme avait certainement le droit …//… Mon opinion a pris plus tard

la forme d’une révolte contre la manière …//… Et je citais la vieille plaisanterie : « Si Saint Christophe supportait le Christ, et que le Christ supportait le monde, où donc Saint Christophe a pu poser ses pieds ? »
[Man wird so für die Aussage vorbereitet, die Suggestion (richtiger die Suggerierbarkeit) sei eben ein weiter nicht reduzierbares Urphänomen, eine Grundtatsache des menschlichen Seelenlebens. So hielt es auch Bernheim, von dessen erstaunlichen Künsten ich im Jahre 1889 Zeuge war. Ich weiß mich aber auch damals an eine dumpfe Gegnerschaft gegen diese Tyrannei der Suggestion zu erinnern. Wenn ein Kranker, der sich nicht gefügig zeigte, angeschrieen wurde: »Was tun Sie denn? Vous vous contre–suggestionnez!« so sagte ich mir, das sei offenbares Unrecht und Gewalttat. Der Mann habe zu Gegensuggestionen gewiß ein Recht, wenn man ihn mit Suggestionen zu unterwerfen versuche. Mein Widerstand nahm dann später die Richtung einer Auflehnung dagegen, daß die Suggestion, die alles erklärte, selbst der Erklärung entzogen sein sollte. Ich wiederholte mit Bezug auf sie die alte Scherzfrage : Christoph trug Christum, Christus trug die ganze Welt, Sag’,

wo hat Christoph Damals hin den Fuß gestellt ?]
[On est ainsi préparé à admettre que la suggestion (ou, plus exactement, la suggestibilité) est un phénomène primitif et irréductible, un fait fondamental de la vie psychique de l’homme. Tel était l’avis de Bernheim dont j’ai pu voir moi–même, en 1889, les tours de force extraordinaires. Mais je me rappelle que déjà alors j’éprouvais une sorte de sourde révolte contre cette tyrannie de la suggestion. Lorsqu’à un malade qui se montrait récalcitrant on criait : « Que faites-vous ? Vous vous contre-suggestionnez ! », je ne pouvais m’empêcher de penser qu’on se livrait sur lui à une injustice et à une violence. L’homme avait certainement le droit de

se contre-suggestionner, lorsqu’on cherchait à se le soumettre par la suggestion. Mon opposition a pris plus tard la forme d’une révolte contre la manière de penser d’après laquelle la suggestion, qui expliquait tout, n’aurait besoin elle-même d’aucune explication. Et plus d’une fois j’ai cité à ce propos la vieille plaisanterie :

« Si saint Christophe supportait le Christ, et si le Christ supportait le monde, dis-moi : où donc saint Christophe a-t-il pu poser ses pieds ? »

(Christophorus Christum, sed Christus sustulit orbem. Constiterit pedibus die ubi Christophorus? » Konrad Richter : Der deutsche

St. Christoph, Berlin, 1896. Acta Germanica, V, 1)]
Véritable révolte qu’éprouvait FREUD devant proprement cette violence qui peut être incluse dans la parole, à ne pas voir

précisément ce penchant potentiel de l’analyse des résistances dans le sens où l’indiquait l’autre jour ANZIEU,

et qui est précisément ce que nous sommes là pour vous montrer qui est justement ce qui est à éviter dans la mise en pratique.
Si vous voulez, c’est le contresens à éviter dans la mise en pratique de ce qu’on appelle « analyse des résistances ».

C’est bien dans ce propos que s’insère ce moment, et vous verrez que s’insérera le progrès qui résultera de notre élucidation

dans ce commentaire. Je crois que ce texte a sa valeur et mérite d’être cité.
En remerciant encore de la collaboration qu’il veut bien nous apporter, je demande à M. HYPPOLITE...

qui d’après ce que j’ai entendu, a bien voulu consacrer une attention prolongée à ce texte

...qu’il veuille bien nous apporter simplement son sentiment là-dessus.
Jean HYPPOLITE : Die Verneinung

Jean HYPPOLITE

D’abord, je dois remercier le Docteur LACAN de l’insistance qu’il a mise, parce que cela m’a procuré l’occasion d’une nuit

de travail, et d’apporter l’enfant de cette nuit devant vous. Je ne sais pas ce qu’il vaudra. Le docteur LACAN a bien voulu m’envoyer

non seulement le texte français, mais aussi le texte allemand. Il a bien fait, car je crois que je n’aurais absolument rien compris

dans le texte français si je n’avais pas eu le texte allemand.
Je ne connaissais pas ce texte, et il était d’une structure absolument extraordinaire, et au fond extraordinairement énigmatique.

La construction n’est pas du tout une construction de professeur, c’est une construction, je ne veux pas dire « dialectique »,

on abuse du mot, mais extrêmement subtile du texte. Et il a fallu que je me livre, avec le texte allemand et le texte français...

dont la traduction n’est pas très... enfin, par rapport à d’autres, elle est honnête

...à une véritable interprétation. Et c’est cette interprétation que je vais vous donner. Je crois qu’elle est valable, mais elle n’est pas la seule

et elle mérite certainement d’être discutée.
FREUD commence par présenter le titre « Die Verneinung ». Et je me suis aperçu - le découvrant après le Docteur LACAN -

qu’il vaudrait mieux traduire par dénégation, plutôt que négation. De même vous verrez employé Urteil verneinen qui est non pas

la négation du jugement, mais une sorte de déjugement. Je crois qu’il faudra une différence entre :

  • la négation interne à un jugement,

  • et l’attitude de la négation,

…car autrement l’article ne me parait pas compréhensible, si on ne fait pas cette différence.
Le texte français ne met pas en relief :

  • ni comment l’analyse de FREUD a quelque chose d’extrêmement concret, et presque amusant,

  • ni comment, par des exemples qui renferment d’ailleurs une projection qu’on pourrait situer dans les analyses qu’on fait ici, celui où le malade dit - ou le psychanalysé dit à son analyste :


« Vous avez sans doute pensé que je vais vous dire quelque chose d’offensant, mais il n’en est rien. »
« Nous comprenons - dit FREUD - que le fait de refuser une pareille incidence par la projection, c’est-à-dire en prêtant spontanément cette pensée

au psychanalyste, en est précisément l’aveu. »
Je me suis aperçu que dans la vie courante il était très fréquent de dire « Je ne veux certainement pas vous offenser dans ce que je vais vous dire. »

Il faut traduire : « Je veux vous offenser. » C’est une volonté qui ne manque pas. FREUD continue jusqu’à une généralisation

pleine de hardiesse, et qui l’amènera à poser le problème de la négation comme origine Même, peut-être de l’intelligence.

C’est ainsi que je comprends l’article qui a une certaine densité philosophique. Il raconte un autre exemple, de celui qui dit :
« J’ai vu dans mon rêve une personne, mais ce n’était certainement pas ma mère. »
Il faut traduire : « c’était sûrement elle ». Maintenant, il cite un procédé que peut employer le psychanalyste et que peut aussi employer

n’importe qui d’autre :
« Dites-moi ce qui dans votre situation est le plus incroyable, à votre avis, ce qui est le plus impossible. »
Et le patient, le voisin, l’interlocuteur trouveront quelque chose qui est le plus incroyable. Mais c’est justement cela qu’il faut croire.

Voilà une analyse de cas concrets généralisée jusqu’à un mode de présenter ce qu’on est sur le mode de ne l’être pas.

C’est exactement cela qui est fondamental :
« Je vais vous dire ce que je ne suis pas, faites attention, c’est précisément ce que je suis. »
Seulement FREUD remarque ici quelle est en quelque sorte la fonction qui appartient à cette dénégation. Et il emploie un mot

que j’ai senti familier, il emploie le mot Aufhebung, mot qui vous le savez a eu des fortunes diverses, ce n’est pas à moi de le dire.
LACAN - Mais si, c’est précisément à vous.
Jean HYPPOLITE
C’est le mot « dialectique » de HEGEL, qui veut dire à la fois nier, supprimer, conserver, et somme toute soulever.

Ce peut être l’Aufhebung d’une pierre, ou aussi la cessation de mon abonnement à un journal.
« La dénégation - nous dit FREUD - est une Aufhebung du refoulement, et non une acceptation. »
Et voici quelque chose qui est vraiment extraordinaire dans l’analyse de FREUD, par quoi se dégage de ces exemples concrets,

que nous aurions pu prendre comme tels, une portée philosophique prodigieuse que j’essaierai de résumer tout à l’heure.

Présenter son être sur le mode de ne l’être pas, c’est vraiment ça : c’est une Aufhebung du refoulement, mais non une acceptation.

En d’autres termes, celui qui dit « voilà ce que je ne suis pas », il n’y a plus là de refoulement, puisque refoulement signifie inconscience,

puisque c’est conscient. La dénégation est une manière de faire passer dans la conscience ce qui était dans l’inconscient,

tout devient conscient, mais le refoulement subsiste toujours sous la forme de la non acceptation.
Là continue cette espèce de subtilité philosophique que fait FREUD. Il dit « Ici l’intellectuel se sépare de l’affectif ».

Et il y a vraiment là une espèce de découverte profonde. Pour faire une analyse de « l’intellectuel » nous voyons, comment poussant

mon hypothèse, je dirais : non comment « l’intellectuel se sépare de l’affectif », mais comment il est - l’intellectuel - cette espèce de suspension

dans une certaine mesure, on dirait dans un langage un peu barbare « une sublimation ». Ce n’est pas tout à fait ça, en tout cas

« l’intellectuel se sépare de l’affectif ». Et peut-être naît-il, comme telle, la pensée : c’est le contenu affecté d’une dénégation.
Pour rappeler un texte philosophique - encore une fois je m’en excuse, mais le docteur LACAN, lui aussi... - à la fin d’un chapitre

de HEGEL, il s’agit de substituer la négativité réelle à cet appétit de destruction qui s’empare du désir, et qui a quelque chose

de profondément mystique plus que psychologique, à cet appétit de destruction qui s’empare du désir et qui fait que quand

les deux combattants s’affrontent, bientôt il n’y aura plus personne pour constater leur victoire ou leur défaite : une négation idéale.
Ici la dénégation dont parle FREUD est exactement - et c’est pour cela qu’elle introduit dans « l’intellectuel »une négation idéale -

une négativité idéale, car nous allons voir justement une sorte de genèse, où FREUD va employer le mot « négativité » de certains

- comment peut-on dire - psychosés ?
LACAN - Psychotiques.
Jean HYPPOLITE
Il va montrer comment cette négativité est au fond différente, mythiquement parlant. Dans sa genèse de la dénégation à proprement

parler, dont il parle ici, à mon sens il faut, pour comprendre cet article, admettre cela qui n’est pas immédiatement visible.

De la même façon qu’il faudra admettre une dissymétrie...

traduite par deux moments dans le texte de FREUD, et qu’on traduit de la même façon en français

…une dissymétrie entre le passage à l’affirmation depuis le passage à l’amour. Le véritable rôle de la genèse de l’intelligence appartient

à la dénégation, la dénégation est la position même de la pensée.
Mais, cheminons plus doucement. Nous avons vu que FREUD disait :
« l’intellectuel se sépare de l’affectif… »

[« Man sieht, wie sich hier die intellektuelle Funktion vom affektiven Vorgang scheidet. »]
Et il ajoute l’autre modification de l’analyse : « l’acceptation du refoulé ». [Die Verneinung ist eine Art, das Verdrängte zur Kenntnis zu nehmen,

eigentlich schon eine Aufhebung der Verdrängung, aber freilich keine Annahme des Verdrängten.]
Pourtant le refoulement n’est pas supprimé. Essayons de nous représenter la situation :

  • première situation : voilà ce que je ne suis pas, on en conclut : ce que je suis. Le refoulement existe toujours sous la forme idéale de la dénégation.

  • Deuxièmement, le psychanalyste m’oblige à accepter ce que tout à l’heure je niais.


Et FREUD ajoute, avec des petits points dans le texte, il ne nous donne pas d’explication là-dessus,
« …et pourtant, le refoulement n’a pas comme tel disparu. »

Ce qui me paraît très profond : si le psychanalysé accepte, il revient sur sa dénégation, et pourtant le refoulement est encore là !

J’en conclus qu’il faut donner un nom philosophique à cela, qui est un nom que FREUD n’a pas donné : c’est une négation de la négation.

Littéralement, ce qui apparaît ici, c’est l’affirmation intellectuelle, mais seulement intellectuelle, en tant que négation de la négation.

Le mot ne se trouve pas dans FREUD mais, somme toute, je crois que nous pouvons le prolonger sous cette forme,

c’est bien ce que ça veut dire.
Alors FREUD à ce moment là - la difficulté du texte - nous dit :
« Nous sommes donc en mesure, puisque nous avons séparé l’intellectuel de l’affectif, de formuler une sorte de genèse du jugement,

c’est-à-dire, en somme, une genèse de la pensée. »
[Da es die Aufgabe der intellektuellen Urteilsfunktion ist, Gedankeninhalte zu bejahen oder zu verneinen, haben uns die vorstehenden Bemerkungen zum psychologischen Ursprung dieser Funktion geführt.]
Je m’excuse auprès des psychologues qui sont ici, mais je n’aime pas beaucoup la psychologie positive en elle-même. Cette genèse

pourrait être prise pour une psychologie positive, elle me paraît plus profonde, comme une sorte d’histoire à la fois génétique

et mythique. Et je pense que, de même que cet affectif primordial va engendrer d’une certaine façon l’intelligence, chez FREUD,

comme le disait le docteur LACAN, la forme primaire que psychologiquement nous appelons
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