Leçon 1 18 novembre 1953







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affective est elle-même une forme

humaine qui, si elle engendre l’intelligence, c’est parce qu’elle comporte elle-même à son départ déjà une historicité fondamentale :

elle n’est pas l’affectif pur d’un côté, et de l’autre côté il y aurait l’intellectuel pur.
Dans cette genèse je vois une sorte de grand mythe, derrière une apparence de positivité chez FREUD il y a comme un grand mythe.

Et quoi ? Derrière l’affirmation qu’est-ce qu’il y a ? Il y a la Vereinigung [union] qui est Éros. Et derrière la dénégation [Verneinung] –

attention, la dénégation intellectuelle sera quelque chose de plus - l’apparition d’un symbole fondamental dissymétrique.

L’affirmation primordiale ce n’est rien d’autre qu’affirmer, mais nier c’est plus que vouloir détruire. Ce procès qu’on traduit mal par rejet,

c’est Verwerfung qu’on devait employer, alors qu’il y a Ausstossung qui signifie expulsion. On a en quelque sorte les deux formes premières :

la force d’expulsion et la force d’attraction, toutes les deux me semble-t-il sous la domination du plaisir toutes les deux dans le texte,

ce qui est frappant.
Le jugement a donc une histoire. Et ici FREUD nous montre qu’il y a deux types ce que tout le monde sait, même la philosophie

la plus élémentaire : il y a un jugement attributif et un jugement d’existence. Il y a dire d’une chose qu’elle est ou n’est pas ceci,

et dire d’une chose qu’elle est ou qu’elle n’est pas. » [Die Urteilsfunktion hat im wesentlichen zwei Entscheidungen zu treffen. Sie soll einem Ding eine

Eigenschaft zu - oder absprechen, und sie soll einer Vorstellung die Existenz in der Realität zugestehen oder bestreiten.]
Et alors FREUD montre ce qu’il y a derrière le jugement attributif et derrière le jugement d’existence. Et il me semble que pour comprendre

son article il faut considérer la négation du jugement attributif, et la négation du jugement d’existence, comme n’étant pas encore

la négation dont elle apparaît comme symbole. Au fond, il n’y a pas encore jugement dans cette genèse, il y a un premier mythe

de la formation du « dehors » et du « dedans », c’est là toute la question. Vous voyez quelle importance a ce mythe de la formation

du dehors et du dedans, de l’aliénation entre les deux mots qui est traduit par l’opposition des deux, c’est quand même l’aliénation

et une hostilité des deux.
Ce qui rend si denses ces trois pages, c’est comme vous voyez que ça met tout en cause, et combien on passe de ces remarques

Concrètes, si menues en apparence et si profondes dans leur généralité, à quelque chose qui met en cause toute une philosophie

et une structure de pensée.
Derrière le jugement attributif, qu’est-ce qu’il y a ? Il y a le « je veux m’approprier, introjecter », ou « je veux expulser ». [das will ich in mich

einführen und das aus mir ausschließen.] Il y a au début semble dire FREUD...

mais au début ne veut rien dire, c’est comme un mythe : « il était une fois »

...dans cette histoire « il était une fois un moi », un sujet, pour lequel il n’y avait encore rien d’étranger. Ça - l’étranger et lui-même –

c’est une opération, une expulsion, ça rend compréhensible un texte qui surgit brusquement et a l’air un peu contradictoire :
[Das Schlechte, das dem Ich Fremde, das Außenbefindliche, ist ihm zunächst identisch.]


  • Das Schlechte : ce qui est mauvais,

  • das dem Ich Fremde : ce qui est étranger au moi,

  • das Aenbefindliche : ce qui se trouve au-dehors,

  • ist ihm zunächst identisch : lui est d’abord identique.


Or, juste avant, FREUD venait de dire qu’on expulse, qu’il y a donc une opération qui est l’opération d’expulsion,

et une autre qui est l’opération d’introjection. Cette forme est la forme primordiale de ce qui sera le jugement d’attribution.

Mais ce qui est à l’origine du jugement d’existence, c’est le rapport entre la représentation - et ici c’est très difficile - FREUD approfondit

le rapport entre la représentation et la perception.
Ce qui est important c’est qu’au début c’est également neutre de savoir « s’il y a » ou « s’il n’y a pas ». Il y a. Mais le sujet révèle

sa représentation des choses à la perception primitive qu’il en a eue. Et la question est de savoir quand il dit que cela existe,

si cette reproduction conserve encore son étant dans la réalité, qu’il pourra à nouveau retrouver ou ne pas retrouver,

ça c’est le rapport entre la représentation et la possibilité de retrouver à nouveau son objet. Il faudra le retrouver.

Ce qui prouve toujours que FREUD se meut dans une dimension plus profonde que celle de JUNG, dans une sorte de dimension

de la mémoire, et par là ne perdant pas le fil de son analyse. Mais j’ai peur de vous le faire perdre, tellement c’est difficile et minutieux.
Ce dont il s’agissait dans le jugement d’attribution, c’est d’expulser ou d’introjecter.

Dans le jugement d’existence, il s’agit d’attribuer au moi - ou plutôt au sujet, c’est plus général - une représentation, donc de définir

un intérieur par une représentation à laquelle ne correspond plus - mais a correspondu dans un retour en arrière - son objet.
Ce qui est ici mis en cause c’est la genèse « de l’intérieur et de l’extérieur ». Et, nous dit FREUD,
« On voit donc la naissance du jugement à partir des pulsions primaires. » [Das Studium des Urteils eröffnet uns vielleicht zum erstenmal

die Einsicht in die Entstehung einer intellektuellen Funktion aus dem Spiel der primären Triebregungen.]
Il y a donc une sorte d’évolution finalisée de cette introjection et de cette expulsion qui sont réglées par le principe du plaisir.
« Die Bejahung - l’affirmation, nous dit FREUD, est simplement - als Ersatz der Vereinigung, gehört dem Eros an… »
Ce qu’il y a à la source de ce que nous appelons affirmation, « c’est l’Éros », c’est-à-dire dans le jugement d’attribution

par exemple le fait d’introjecter, de nous approprier au lieu d’expulser au-dehors. Pour la négation, il n’emploie pas le mot Ersatz,

il emploie le mot Nachfolge mais le traducteur le traduit en français de la même façon qu’Ersatz.
Le texte allemand était :
« Die Bejahung - als Ersatz der Vereinigung - gehört dem Eros an,

die Verneinung - Nachfolge der Ausstoßung - dem Destruktionstrieb. »
L’affirmation est l’Ersatz de Vereinigung, et la négation le Nachfolge de l’expulsion ou plus exactement de l’instinct de destruction.

Cela devient donc tout à fait mythique : deux instincts qui sont pour ainsi dire entremêlés dans ce mythe qui porte le sujet :

  • l’un est celui de l’union,

  • et l’autre est celui de la destruction.


Vous voyez un grand mythe, et qui répète d’autres mythes. Mais la petite nuance :

  • que l’affirmation ne fait en quelque sorte que se substituer purement et simplement à l’unification,

  • tandis que la négation qui en résulte bien après me paraît seule capable d’expliquer la phrase suivante, quand il s’agit simplement de négativité, c’est-à-dire d’instinct de destruction.


Alors il peut bien y avoir un plaisir de nier, un négativisme qui résulte simplement de la suppression des composantes libidinales,

c’est-à-dire que ce qui a disparu dans ce plaisir de nier - disparu = refoulé - ce sont les composantes libidinales.

Par conséquent, l’instinct de destruction dépend-il aussi du plaisir. Je crois ceci très important, capital, dans la technique.
Seulement, nous dit FREUD, et c’est là qu’apparaît la dissymétrie entre l’affirmation et la négation :
« Le fonctionnement du jugement
et cette fois-ci le mot est Urteil, avant nous étions dans les limites primaires qui préludent le jugement
n’est rendu possible que par la création du symbole de la négation.… »
[Die Leistung der Urteilsfunktion wird aber erst dadurch ermöglicht, daß die Schöpfung des Verneinungssymbols dem Denken

einen ersten Grad von Unabhängigkeit von den Erfolgen der Verdrängung und somit auch vom Zwang des Lustprinzips gestattet hat.]
Pourquoi est-ce que FREUD ne nous dit pas : « le fonctionnement du jugement est rendu possible par l’affirmation » ?

Et pourquoi la négation va-t-elle jouer un rôle non pas comme tendance destructrice ou à l’intérieur d’une forme du jugement,

mais en tant qu’attitude fondamentale de symbolité et d’explicité ?
« …Création du symbole de la négation qui rend la pensée indépendante des résultats du refoulement et par conséquent du principe du plaisir. »
Phrase de FREUD qui ne prendrait pas de sens pour moi si je n’avais déjà rattaché la tendance à la destruction au principe du plaisir.
Il y a là une espèce de difficulté. Qu’est-ce que signifie, par conséquent, cette dissymétrie entre l’affirmation et la négation ? Elle signifie

que tout le refoulé peut en quelque sorte à nouveau être repris et réutilisé dans une espèce de suspension, et qu’en quelque sorte,

au lieu d’être sous la domination des instincts d’attraction et d’expulsion, il peut se produire une marge de la pensée, de l’être,

sous la forme de n’être pas, qui apparaît avec la dénégation, le symbole même de dénégation rattaché à l’attitude concrète de la négation.
Car il faut bien comprendre ainsi le texte, si on admet la conclusion qui m’a paru un peu étrange :
« À cette interprétation de la négation, coïncide très bien qu’on ne trouve dans l’analyse aucun « non » à partir de l’inconscient. »

[Zu dieser Auffassung stimmt es sehr gut, daß man in der Analyse kein "Nein" aus dem Unbewußten auffindet…]
Mais on y trouve bien de la destruction. Donc il faut absolument séparer « l’instinct de destruction » de « la forme de destruction »,

car on ne comprendrait pas ce que veut dire FREUD. Il faut voir dans la dénégation une attitude concrète à l’origine du symbole

explicite de la négation, lequel symbole explicite rend seul possible quelque chose qui est comme l’utilisation de l’inconscient,

tout en maintenant le refoulement. Tel me paraît être le sens du texte :
« …et que la reconnaissance du côté du moi s’exprime dans une formule négative. »

[…und daß die Anerkennung des Unbewußten von seiten des Ichs sich in einer negativen Form ausdrückt.]
C’est là le résumé : on ne trouve dans l’analyse aucun « non » à partir de l’inconscient, mais la reconnaissance de l’inconscient du côté

du moi, lequel est toujours méconnaissance, même dans la connaissance, on trouve toujours du côté du moi, dans une formule négative,

la possibilité de détenir l’inconscient tout en le refusant.
« Aucune preuve plus forte de la découverte qui a abouti de l’inconscient que si l’analysé réagit avec cette proposition :

cela je ne l’ai pas pensé, ou même je ne l’ai jamais pensé. »
[Kein stärkerer Beweis für die gelungene Aufdeckung des Unbewußten, als wenn der Analysierte mit dem Satze :

Das habe ich nicht gedacht, oder : Daran habe ich nicht (nie) gedacht, darauf reagiert.]
Il y a donc dans ce texte de trois pages de FREUD, dont, je m’excuse, je suis moi-même arrivé péniblement à en trouver

ce que je crois en être le fil :

  • d’une part cette espèce d’attitude concrète qui résulte de l’observation même de la dénégation,d’autre part la possibilité par là de dissocier l’intellectuel de l’affectif.

  • D’autre part, une genèse de tout ce qui précède dans le primaire, et par conséquent l’origine même du jugement et de la pensée elle-même - sous la forme de pensée comme telle, car la pensée est bien avant, dans le primaire,

mais elle n’y est pas comme pensée - par l’intermédiaire de la dénégation.
LACAN
Nous ne saurions être trop reconnaissants à M. HYPPOLITE de nous avoir donné l’occasion, par une sorte de mouvement

cœxtensif à la pensée de FREUD, de rejoindre immédiatement ce quelque chose que M. HYPPOLITE a - je crois - situé

très remarquablement comme étant vraiment au-delà de la psychologie positive.
Je vous fais remarquer en passant qu’en insistant comme nous le faisons toujours dans ces séminaires sur le caractère

transpsychologique du champ psychanalytique, je crois que nous ne faisons là que retrouver ce qui est l’évidence de notre pratique,

mais ce que la pensée même de celui qui nous en a ouvert les portes manifeste sans cesse dans le moindre de ses textes.

Je crois qu’il y a beaucoup à tirer de la réflexion sur ce texte. Je pense qu’il ne serait pas mal, puisque Mlle GUÉNINCHAULT

a la bonté d’en prendre des notes, qu’il bénéficie d’un tour de faveur et qu’il soit rapidement ronéoté pour vous être distribué.
Cette trop courte leçon que vient de nous faire M. HYPPOLITE mérite au moins un traitement spécial, au moins dans l’immédiat.

Je crois que l’extrême condensation et l’apport des repères tout à fait précis, est certainement... peut être en un sens beaucoup

plus didactique que ce que je vous exprime moi-même dans mon style, et dans certaines intentions. Je le ferai ronéotyper à l’usage

de ceux qui viennent ici.
Je crois qu’il ne peut pas y avoir de meilleure préface à toute une distinction de niveaux, toute une critique de concepts,

qui est celle dans laquelle je m’efforce de vous introduire, dans le dessein d’éviter certaines confusions.
Je crois par exemple que ce qui vient de se dégager de l’élaboration de ce texte de FREUD par M. HYPPOLITE,

nous montrant la différence de niveaux de la Bejahung, de l’affirmation et de la négativité en tant qu’elle instaure en somme

à un niveau - c’est exprès que je prends des expressions beaucoup plus pataudes - antérieur la constitution du rapport sujet-objet.
Je crois que c’est là ce à quoi ce texte, en apparence si minime, de FREUD nous introduit d’emblée, rejoignant sans aucun doute

par là certaines des élaborations les plus actuelles de la méditation philosophique.
Et je crois que du même coup, ceci nous permet de critiquer au premier plan cette sorte d’ambiguïté toujours entretenue autour

de la fameuse opposition intellectuel-affectif, comme si en quelque sorte l’affectivité était une sorte de coloration, de qualité ineffable,

si on peut dire, qui serait ce qui doit être cherché en lui-même, et en quelque sorte d’une façon indépendante de cette sorte

de « peau vidée » que serait la réalisation purement intellectuelle d’une relation du sujet.
Je crois que cette notion [l’affectif] qui pousse l’analyse dans des voies paradoxales, singulières, est à proprement parler puérile,

sorte de connotation de succès sensationnel, le moindre sentiment accusé par le sujet avec un caractère de singularité,

voire d’étrangeté, dans le texte de la séance à proprement parler, est ce qui découle de ce malentendu fondamental.
L’affectif n’est pas quelque chose comme une densité spéciale qui manquerait à l’élaboration intellectuelle, et un autre niveau

de la production du symbole, l’ouverture, si on peut dire, du sujet à la création symbolique est quelque chose qui est dans le registre

où nous le disions au début cet [...] qui est mythique, dans ce registre, et antérieur à la formulation discursive. Vous entendez bien ?

Et ceci seul peut nous permettre, je ne dis pas d’emblée de situer, mais de discuter, d’appréhender ce en quoi consiste

ce que j’appelle cette réalisation pleine de la parole.
Il nous reste un peu de temps. Je voudrais tout de suite essayer d’incarner là dans des exemples, plus exactement essayer de pointer

par des exemples, comment la question se pose. Je vais vous le montrer par deux côtés. D’abord, par le côté d’un phénomène

qu’on appelle psychopathologique, [...] phénomène auquel on peut dire que l’élaboration de la pensée psychopathologique a apporté

une nouveauté absolument de premier plan, une rénovation totale de la perspective, c’est le phénomène de l’hallucination.
Jusqu’à certaine date, l’hallucination a été à proprement parler considérée comme une sorte de phénomène critique autour duquel

se posait la question de la valeur discriminative de la conscience. Ça ne pouvait pas être la conscience qui était hallucinée,

c’était autre chose. En fait, il suffit de nous introduire à la nouvelle Phénoménologie de la perception, telle qu’elle se dégage dans le livre

de M. MERLEAU-PONTY, pour voir que l’hallucination au contraire est intégrée comme essentielle à l’intentionnalité du sujet.
Cette hallucination, nous nous contentons d’un certain nombre de thèmes, de registres, tels que celui de principe du plaisir, pour en expliquer

la production, considérée comme en quelque sorte fondamentale, comme le premier mouvement dans l’ordre de la satisfaction

du sujet. Nous ne pouvons nous contenter de quelque chose d’aussi simple. En fait, rappelez-vous l’exemple que je vous ai cité

la dernière fois, dans L’Homme aux loups. Il est indiqué par le progrès de l’analyse de ce sujet, par les contradictions que présentent

les traces à travers lesquelles nous suivons l’élaboration qu’il s’est faite de sa situation dans le monde humain : cette Verwerfung,

  • ce quelque chose qui fait que le plan génital à proprement parler a été pour lui littéralement toujours comme s’il n’existait pas,

  • ce quelque chose que nous avons été amenés à situer très précisément au niveau, je dirais, de la « non-Bejahung »,

  • ce quelque chose que, vous le voyez, nous ne pouvons pas mettre, absolument pas, sur le même niveau qu’une dénégation.



Or, ce qui est tout à fait frappant, c’est la suite - je vous ai dit que je vous l’indiquerai, et je reprends aujourd’hui - c’est le rapport

en quelque sorte immédiat qui sort déjà, qui est tellement plus compréhensible à la lumière, aux explications qui vous ont été données

aujourd’hui, autour de ce texte de FREUD.
C’est - encore que rien n’ait été manifesté - sur le plan symbolique, car il semble que ce soit là justement la condition pour que

quelque chose existe : qu’il y ait cette Bejahung, cette Bejahung qui n’est pas une Bejahung en quelque sorte de négation de la négation,

qui est autre chose. Qu’est-ce qui se passe quand cette Bejahung ne se produit pas ?
C’est que la seule trace que nous ayons de ce plan [symbolique] sur lequel n’a pas été réalisé pour le sujet, le plan génital, c’est comme

une sorte d’émergence dans, non pas du tout son histoire, mais vraiment dans le monde extérieur, d’une petite hallucination.

C’est le monde extérieur qui est manifesté au sujet, la castration qui est très précisément ce qui pour lui n’a pas existé, sous la forme

de ce qu’il s’imagine : s’être coupé le petit doigt. S’être coupé le petit doigt si profondément qu’il ne tient plus que par un petit bout de peau.
Et il est submergé du sentiment d’une si inexprimable catastrophe qu’il n’ose même pas en parler à la personne à côté de lui.

Ce dont il n’ose pas parler, c’est que justement cette personne à côté de lui, à laquelle il réfère aussitôt toutes ses émotions,

c’est littéralement comme si elle, à ce moment-là, était annulée. Il n’y a plus d’autre.
Il y a une sorte de monde extérieur immédiat de manifestations perçues dans une sorte de réel primitif, de réel non symbolisé,

malgré la forme symbolique au sens courant du mot que prend le phénomène où on peut voir en quelque sorte ceci :

que ce qui n’est pas reconnu est vu.
Je crois que pour l’élucidation, non pas de la psychose, entendez-moi, car il n’est pas du tout psychotique au moment où il a cette

Hallucination, il pourra être psychotique plus tard, mais pas au moment où il a ce vécu absolument limité, nodal, étranger au vécu

de son enfance, tout à fait désintégré, rien ne permet de le classer au moment de son enfance comme un schizophrène.
Donc c’est d’un « phénomène » de la psychose qu’il s’agit, je vous prie de l’entendre, de comprendre cette sorte de corrélation,

de balancement, qui fait qu’au niveau d’une expérience tout à fait primitive à l’origine, à la source, qui ouvre le sujet à un certain

rapport au monde par la possibilité du symbole : ce qui n’est pas reconnu fait irruption dans la conscience sous la forme du vu.
Si vous approfondissez suffisamment cette polarisation particulière, il vous apparaîtra beaucoup plus facile d’aborder ce phénomène

ambigu qui s’appelle le « déjà vu », qui est très exactement entre ces deux modes de relations du reconnu et du vu.
Et pour autant que quelque chose, qui est dans le monde extérieur communicable, pensable, dans les termes du discours intégré,

comme la vie quotidienne, pour de certaines raisons se trouve porté quand même au niveau limite, ou reconnu d’être quand même

à la limite de ce qui surgit avec une sorte de présignification spéciale, se reporte, avec l’illusion rétrospective, dans le domaine du déjà vu,

c’est-à-dire de ce perçu d’une qualité originale qui n’est en fin de compte rien d’autre que ce dont nous parle FREUD quand,

à propos de cette épreuve du monde extérieur, il nous dit que toute épreuve du monde extérieur se réfère implicitement

à quelque chose qui a déjà été perçu dans le passé.
Mais ceci s’applique à l’infini : d’une certaine façon toute espèce de perçu nécessite cette référence à cette perspective.

C’est pourquoi nous sommes ramenés là au niveau du plan de l’imaginaire en tant que tel, au niveau de l’image, modèle de la forme

originelle, de ce qui fait qu’en un autre sens que le sens du reconnu symbolisé, verbalisé, nous nous retrouvons là dans les problèmes

évoqués par la théorie platonicienne, non pas de la remémoration, mais de la réminiscence.
Je vous ai annoncé un autre exemple, proposé à votre réflexion à ce sujet. Je prends un exemple qui est précisément de l’ordre

de ce qu’on appelle plus ou moins proprement « la manière moderne d’analyser ». On imagine que les « modernes »...

mais vous allez voir que ces principes sont déjà exposés en 1925 dans ce texte de FREUD

...on se fait grand état du fait que nous analysons, comme on dit « d’abord la surface », et que c’est le fin du fin pour permettre au sujet

de progresser d’une façon qui soit, disons non livrée à cette sorte de hasard que représente la stérilisation intellectualisée du contenu,

comme on dit, qui est réévoqué par l’analyse. Je prends un exemple que donne KRIS dans un de ses articles, un de ses sujets

qu’il prend en analyse et qui a déjà d’ailleurs été analysé une fois. On a été certainement assez loin dans l’utilisation du matériel.
Ce sujet a de graves entraves dans son métier, et c’est un métier intellectuel, qui semble bien, dans ce qu’on entrevoit

dans son observation, quelque chose de très proche des préoccupations qui peuvent être les nôtres. Le sujet éprouve toutes sortes

de difficultés à produire, comme on dit. C’est en effet que sa vie est comme entravée par le fait même des efforts nécessaires

pour sortir quelque chose de publiable, aussi bien quelque chose, une entrave, qui n’est rien que le sentiment qu’il a en somme,

disons pour abréger, d’être un plagiaire de quelqu’un qui est très proche de lui-même dans son entourage, un brillant scholar,

disons un peu plus qu’un étudiant qui est avec lui, et avec lequel il échange sans cesse des idées, il se sent toujours tenté de prendre

ces idées qu’il fournit à son interlocuteur, et c’est là pour lui une entrave perpétuelle à tout ce qu’il veut sortir.
KRIS explique ces problèmes de l’analyse.

Tout de même, à un moment, il est arrivé à mettre debout un certain texte : un jour, il arrive en déclarant d’une façon

quasi triomphante que tout ce qu’il vient de mettre debout comme thèse se trouve déjà dans un bouquin, dans la bibliothèque,

dans un article publié, et qui en présente déjà les manifestations essentielles. Le voilà donc, cette fois, plagiaire malgré lui.

En quoi va consister la prétendue « interprétation par la surface » que nous propose KRIS ?

Probablement en ceci : KRIS, manifestant quelque chose qu’en effet une certaine façon de prendre l’analyse détournerait peut-être

les débutants, s’intéresse effectivement à ce qui s’est passé, à ce qu’il y a dans ce bouquin. Et en y regardant de plus près, je suppose

en se référant au texte même, on s’aperçoit qu’il n’y a en effet absolument rien dans ce bouquin qui représente l’essentiel des thèses

apportées par le sujet.
Des choses, bien entendu, sont amorcées qui posent la question, mais rien des thèses nouvelles apportées par le sujet qui soit donc

d’une façon déjà là, il est indiqué en d’autres termes que la thèse est en effet pleinement effectivement originale.

C’est donc à partir de là - dit KRIS et c’est ce qu’il appelle, je ne sais pourquoi, une « prise des choses par la surface » - si l’on veut

pour autant considérer la signification de ce qui est apporté par le sujet, c’est à partir de là que KRIS est introduit, en renversant

complètement la position abordée par le sujet, à lui manifester que tous ses besoins sont manifestés dans sa conduite entravée, paradoxale,

et ressortissent à une certaine relation à son père, et qui tient en ceci : c’est que précisément le père n’est jamais arrivé à rien sortir,

et cela parce qu’il était écrasé par un grand-père, dans tous les sens du mot, qui, lui, était un personnage fort constructif et fort fécond.
Et qu’en somme ce que représente - dit KRIS - la conduite du sujet, n’est rien d’autre qu’un besoin d’imputer à son père, de trouver

dans son père, un grand père - cette fois-ci dans l’autre sens du mot « grand » - qui, lui, serait capable de faire quelque chose.

Et que, ce besoin étant ainsi satisfait, en se forgeant des sortes de tuteurs ou de plus grands que lui, dans la dépendance desquels

il se trouve par l’intermédiaire d’un plagiarisme qu’alors il se reproche et à l’aide duquel il se détruit, il ne fait rien d’autre que

manifester là un besoin qui est en réalité celui qui a tourmenté son enfance, et par conséquent dominé son histoire.
Incontestablement, l’interprétation est valable, et il est important de voir comment le sujet y réagit. Il y réagit par quoi ?

Qu’est-ce que KRIS va considérer comme étant la confirmation de la portée de ce qu’il introduit, et qui mène fort loin ?

ensuite, toute l’histoire se développe, toute la symbolisation à proprement parler pénienne, de ce besoin du père réel,

créateur et puissant, est passée à travers toutes sortes de jeux dans l’enfance, des jeux de pêche : que le père pêche

un plus ou moins grospoisson, etc.

…mais la réaction immédiate du sujet est ceci : le sujet garde le silence. Et c’est à la séance suivante qu’il dit :
« L’autre jour, en sortant, je suis allé dans telle rue - ça se passe à New York - la rue où il y a des restaurants étrangers, où l’on mange

des choses un peu relevées, j’ai cherché un endroit où je puisse trouver ce repas dont je suis particulièrement friand : des cervelles fraîches. »
Je crois que vous avez là la représentation de ce que signifie la réponse, à savoir le niveau en quelque sorte à la fois paradoxal et plein

dans sa signification de la parole, en tant qu’elle est évoquée par une interprétation juste. Que cette interprétation ici soit juste,

à quoi cela est-il dû ? Est-ce à dire qu’il s’agisse de quelque chose qui soit plus ou moins à la surface ? Qu’est–ce que ça veut dire ?
Cela ne veut rien dire d’autre, sinon que KRIS, sans aucun doute par un détour appliqué, mais dont après tout il aurait pu fort bien

prévoir le terme, s’est aperçu précisément de ceci : qu’en une telle matière, la manifestation du sujet dans cette forme spéciale

qui est la manifestation intellectuelle, la production d’un discours organisé, étant essentiellement sujet à ce processus qui s’appelle

la dénégation, c’est à savoir que c’est exactement sous une forme inverse que sa relation fondamentale…

à quelque chose que nous serons amenés à reposer comme question dans la suite de notre développement

…sa relation à quelque chose qui s’appelle dans l’occasion son moi idéal, ne pouvait se refléter dans son discours,

dans l’intégration de son ego, que sous une forme très précisément inversée.
En d’autres termes, la relation à l’autre, pour autant que tende à s’y manifester le désir primitif du sujet, contient toujours

en elle-même, dans la mesure où c’est dans la relation à l’autre qu’elle a à le manifester, cet élément fondamental originel

de dénégation qui prend ici la forme de l’inversion.
Ceci, vous le voyez, ne fait que nous introduire à de nouveaux problèmes, c’est-à-dire en somme à servir d’ouverture, de point,

à la question qui est celle perpétuellement ouverte pour nous de la relation de niveau, qui est en somme le niveau discursif,

le niveau du discours en tant que s’y introduit la négation, avec la relation à l’autre.
Mais pour bien le poser, il convenait que fussent situées, établies, leurs relations fondamentales, la différence de niveaux

entre le symbolique comme tel, la possibilité symbolique, l’ouverture de l’homme aux symboles, et d’autre part sa cristallisation

dans ce discours organisé en tant qu’il contient essentiellement et fondamentalement la contradiction.
Ceci, je crois que le commentaire de M. HYPPOLITE vous l’a montré magistralement aujourd’hui.

Je désire que vous en gardiez l’appareil et le maniement en mains, comme repères auxquels vous puissiez toujours vous reporter

dans un certain nombre de points, de ressorts, de carrefours difficiles, dans la suite de notre exposé.

C’est à ce titre que je remercie M. HYPPOLITE de l’avoir apporté avec sa haute compétence.

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«Un instant de paix au Café de la Paix» (Paris) Son œuvre a figuré sur l’affiche

Leçon 1 18 novembre 1953 icon14 novembre – 22 décembre 2015

Leçon 1 18 novembre 1953 iconVente du 08 novembre 2009

Leçon 1 18 novembre 1953 iconBordeaux le 11 Novembre 2007

Leçon 1 18 novembre 1953 iconExposition du 10 novembre au 24 décembre 2006

Leçon 1 18 novembre 1953 iconExposition du 26 septembre au 10 novembre 2012







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