Leçon 1 18 novembre 1953







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couteaux et ciseaux, et refuse d’absorber quelque nourriture que ce soit,

autre que liquide ou bouillie. Ce que Mélanie KLEIN souligne en terminant cette description, c’est que malgré ces progrès

faits à travers la présence de la nurse, il n’avait aucun contact émotionnel avec la nurse, quelques progrès superficiels,

mais le contact émotionnel réel n’existait pas pour autant.
Le problème que se pose Mélanie ΚLEIN en prenant cet enfant en traitement est simplement : pourquoi une telle absence

de contact avec les êtres humains et avec les choses ? Que se passe-t-il ? Comment décrire une pareille situation ?

Je vous demande maintenant de laisser de côté le cas clinique de l’enfant, qui s’appelle DICK, pour revenir aux considérations

théoriques qui forment le début du chapitre et introduisaient en réalité ce cas. Ces considérations théoriques, j’ai eu beaucoup

de mal à les résumer. Ce qui m’a paru difficile est qu’elle passe continuellement, dans le texte, du plan des contenus,

de ce que dit l’enfant, au plan des structures, et sans dire qu’elle y passe. Et on est toujours perdu entre les deux.
Elle centre ces considérations théoriques autour du problème suivant : comment un enfant, un être humain peut-il passer

du stade sadique-oral - je vais préciser - au stade suivant, qui est le stade du symbolisme ? Le stade sadique-oral, elle le décrit surtout

- et c’est ça qui est difficile - par le contenu, ce que vous savez tous :

  • comment l’enfant désire s’approprier le corps de la mère, le contenu du corps de la mère,

  • comment il se fait une équivalence entre le contenu du corps et les excréments, les enfants possibles, le pénis du père dans le corps de la mère,

  • comment l’enfant, introjectant tout cela, est ensuite envahi de mauvaises choses, qu’il n’a plus qu’à expulser, pour les réintrojecter de nouveau.


Elle décrit un cercle vicieux dont on ne voit pas comment il peut être rompu en fait, d’introjections et d’expulsions,

et où moi je n’ai pas compris où elle situait l’enfant lui-même. On ne voit que le circuit, mais pas le sujet lui-même.
LACAN - C’est bien justement de cela qu’il s’agit.
Marie-Cécile GÉLINIER
Alors, elle se pose la question suivante : le sujet, l’enfant, est anxieux de quoi ? Du sadisme qu’il éprouve, qu’il manifeste à l’égard

de la mère, du corps de la mère, des contenus du corps de la mère et de ses équivalents. Il est anxieux de détruire la mère,

et aussi de se détruire lui–même en retour, puisqu’il introjecte la mère, donc son propre sadisme. Il est anxieux de détruire

l’objet d’amour et de se détruire lui-même.
Χ - C’est bien compliqué, tout ça.
Marie-Cécile GÉLINIER
Oui. C’est très compliqué. Alors, elle pense que cette anxiété déclenche le premier mode de défense, que l’on peut décrire,

un mode de défense qu’elle dit fondamentalement différent des mécanismes de dépression ultérieurs.
LACAN
S’appuyant sur un texte de FREUD, disant qu’à l’origine il doit y avoir quelque chose d’autre que tout ce que nous pouvons insérer

dans les structures autour de la notion du moi. Évidemment, puisque nous sommes avant la formation du moi.
Marie-Cécile GÉLINIER
Ces mécanismes de répression sont de deux sortes : l’expulsion, rejet à l’extérieur de son propre sadisme, et détruire cet objet dangereux.

Mais ce que je ne comprends pas c’est que ces mécanismes de défense ne sortent pas du cercle vicieux, puisqu’ils le reproduisent.

Je ne comprends pas comment elle-même s’y retrouve ? La question est : comment l’enfant peut-il sortir de cette situation anxieuse...
LACAN - Anxiogène…
Marie-Cécile GÉLINIER
…de cette situation anxiogène, dont l’origine est son propre sadisme ? Là elle introduit la notion de symbolisme, en se référant

à FERENCZI et JONES pour qui le symbolisme est le fondement de toute sublimation et de toute action sur le monde extérieur.

Cela, c’est presque le plus important du texte. Et j’espère avoir bien compris comment elle comprend la notion de symbolisme.
Pour elle, le symbolisme est le fait que le sujet fait une équation, une égalité entre lui corporel, son corps, lui entier, ou les parties

de son corps, le corps de la mère, pénis, vagin, enfants, excréments, et des objets externes. Pour elle, le symbolisme est une égalité

mise entre le corps propre et les objets externes. Elle pense alors que c’est en réalisant de pareilles équations multiples…
LACAN
Le terme d’équation, d’ailleurs, est dans FREUD, à propos de l’article où il montre les équivalences dans les structures anales,

là où il présente le grand schéma même dessiné, objectivé, où il montre l’équivalence : enfant = phallus = excréments etc.
Marie-Cécile GÉLINIER
Elle pense donc que c’est en réalisant le plus grand nombre possible - et ça c’est très important à souligner - de ces équations

que l’enfant sortira le mieux de son anxiété. On arrive à la situation suivante : l’enfant, pour soulager son anxiété, la projette,

la distribue, sur le monde extérieur, les objets.
LACAN - Vous êtes bien sûre qu’il y a ça ?

Marie-Cécile GÉLINIER
Oui. Elle dit que ce sont ces équations multiples qui sont les fondements des relations à la réalité et au monde extérieur en général.

Et elle ajoute que c’est plus tard l’ego qui sera capable, mais elle ne dit pas comment...
LACAN - Oui, ça c’est exact.
Marie-Cécile GÉLINIER
...faire surgir sous cette réalité - qui n’en est pas une, puisque ce n’est que de l’anxiété projetée - la vraie réalité, qu’elle ne précise pas

non plus. Elle conclut qu’on voit bien que pour que le moi se développe bien, que pour que l’anxiété du sadisme de la phase orale

soit dépassée, il faut qu’il y ait une certaine quantité minimum d’anxiété, faute de quoi le sujet ne la distribuerait pas sur le monde

extérieur, mais qu’il n’en faut pas trop : c’est toute une question de quantité optimum, il faut que l’ego puisse la tolérer pour la maîtriser.

Elle ne précise pas non plus la maîtrise.
Maintenant elle reprend ses considérations générales à propos du cas de DICK, garçon de quatre ans.

Elle pense que DICK - et cela elle ne le justifie pas du tout - a une capacité constitutionnelle de son moi à tolérer l’anxiété.

Elle pense ensuite - et elle le justifie plus loin, d’une manière que je ne comprends pas - que les pulsions génitales, proprement

génitales, ont été particulièrement précoces chez DICK, et que ces pulsions génitales ont entraîné une moindre tolérance

des pulsions sadiques et des défenses accrues contre les pulsions sadiques.
Et alors, dit-elle, DICK n’a pas pu…

parce qu’il avait trop peur de son sadisme, étant trop génital, supportant trop mal ce sadisme

…n’a pas pu faire cette distribution d’anxiété sur les objets du monde extérieur, mais seulement sur deux ou trois objets qu’elle cite,

qui étaient les seules activités ludiques de DICK : l’intérêt pour les trains, pour les gares, pour les portes, les trois choses qu’il manipulait.
LACAN
Peut-être, là, faites-vous quand même une élision, me semble-t-il, qui est importante si vous la maintenez, de la description

que vous avez faite du cas clinique. Il y avait quelque chose d’autre qui est le comportement de DICK chez Mélanie KLEIN.
Marie-Cécile GÉLINIER - J’y passe après.
LACAN
Parce que ce que vous venez de dire, les histoires concernant les portes, les gares et les trains, c’est surtout chez Mélanie KLEIN,

que ça a lieu.
Marie-Cécile GÉLINIER
Là, c’est ce qu’elle dit avant. Elle pense que les seules distributions faites sur l’extérieur - étant donné son anxiété - sont les trains,

les gares, les portes, et que ces trois objets représentent symboliquement : le train : le pénis, la gare : la mère, et les boutons de portes : [...]

Et elle pense que la distribution d’anxiété sur les objets s’est arrêtée là. Cet arrêt de la distribution de l’anxiété sur le monde extérieur

constitue le manque de contact de DICK, qui n’est en contact avec rien, parce qu’il n’a pas distribué son anxiété sur l’extérieur.

Et alors, elle dit que c’est sa peur de son sadisme, sa défense contre son sadisme, qui de même le rend incapable de tout acte

agressif, comme de mordre, de manipuler les ciseaux et les couteaux. Et cette même défense l’empêche de traduire en fantasmes

tout ce qu’il vit, sa relation sadique au corps de la mère.
Ensuite, elle nous raconte les premières séances d’analyse, très résumées, et l’attitude de DICK pendant les premières séances :

il est entré chez elle, il a quitté sa nurse sans aucune émotion, a erré sans but dans la pièce de traitement, ne s’est intéressé

à aucun objet, a fait des mouvements tout à fait incoordonnés, désordonnés, sans signification, une mimique figée,

un regard tout à fait perdu et absent, et, dit-elle :
« Comme si je n’étais pas autre chose qu’un meuble, aucune de ses attitudes ne s’adressait à moi. »
Elle insiste sur le fait que DICK avait pour elle une conduite, une attitude différente des grands névrosés qu’elle traite habituellement.

Elle décrit les névrosés les plus névrosés, qui se mettent dans un coin ou se cachent. Elle insiste : « C’est comme s’il avait été dans le vide. »

Et connaissant son intérêt pour les trains et les gares, et connaissant que c’était son seul investissement anxieux d’objets,

elle a pris un grand train qu’elle a mis à côté d’un petit train.
LACAN - Vous êtes sûre qu’il y a ça, qu’elle connaissait ça ? Elle ne connaissait rien de pareil, elle lui a foutu le train dans les mains.
X - Si ! Elle le connaissait, elle le savait avant.
LACAN - D’ailleurs, ça ne change pas grand-chose.
Marie-Cécile GÉLINIER
Il appelle le grand train « Papa-train », et le petit train « Dick-train ». Il prend le petit Dick-train, le fait rouler jusque sous la fenêtre.

Et déjà elle verbalise : « La gare, c’est maman. Dick va dans Maman ». Alors à ce moment-là, l’enfant lâche le train et court

à toutes jambes dans un espace sombre entre deux portes, dans la double porte de la salle de consultation. Elle va, et il dit : « Noir ».

Elle verbalise : « C’est noir dans Maman ». À ce moment-là l’enfant questionne en disant : « Nurse ? » Mais d’une voix qui, cette fois,

avait un sens : il demande sa nurse, ce qu’il ne faisait jamais. Elle répond : « Nurse reviendra bientôt. »
L’enfant répète ces mots, d’une manière intelligente, ils ont un sens qui correspondait à la situation. Et Mélanie KLEIN remarque

qu’à partir de ce jour-là elle pense qu’il a appris ces mots, qu’il s’en est rappelé. Il les a réutilisés par la suite correctement.

À la séance suivante, il entre dans la salle de traitement tout à fait de la même façon, mais cette fois-ci, il va dans le coin noir

et il met le Dick-train dans ce coin noir et veut qu’il y reste. Et il répète : « Est-ce que nurse vient ? ». À la troisième fois, il va aussi

dans le coin noir derrière la commode, et là il est très anxieux, et pour la première fois il appelle l’analyste auprès de lui.
L’analyste remarque que le fait qu’il investisse un plus grand nombre d’objets : la commode, le coin noir de la porte, en plus des trains,

correspond avec un sentiment de dépendance vis-à-vis de la nurse et d’elle-même, puisqu’il réclame leur présence, avec la première

anxiété exprimée, manifestée, qui est d’appeler la nurse. Ensuite, à la quatrième séance, il désigne un petit wagon à charbon

en disant : « cut ! », couper. L’analyste lui donne une paire de ciseaux. Il essaie de malmener le contenu du petit wagon à charbon,

mais n’y arrive pas. L’analyste prend les ciseaux à son compte, le sadisme à son compte, et fait elle-même le dépeçage du contenu

du wagon à charbon. Une fois que c’est fini, l’enfant prend le tout, le jette dans un tiroir, et dit : « Parti ! ».

Alors elle verbalise : « Dick voulait enlever, couper, les excréments du corps de sa mère. »
La fois suivante, il revoit le même wagon à charbon, le cache, anxieux, sous les autres jouets. Elle lui répète son anxiété.

Il ressort le wagon à charbon. Elle lui dit qu’il a voulu prendre et couper ce qu’il y avait dans le corps de sa mère.

À ce moment-là l’enfant de nouveau court dans l’espace sombre entre les deux pièces et - dit Mélanie KLEIN - il montre bien

que l’espace sombre entre les deux pièces représentait aussi le corps de sa mère, car quand je lui ai dit qu’« il voulait attaquer l’intérieur

du corps de sa mère », avec ses ongles il gratte, c’est-à-dire répète la même chose : il abîme l’intérieur du corps de sa mère.

Il n’y a rien d’autre dans ce qu’elle donne comme contenu, sinon que ces mêmes jeux sadiques se continuent.

Il distribue de plus en plus sur un plus grand nombre d’objets. Sont intervenus ensuite : le lavabo, d’autres jeux, le buffet.
Voilà comment ensuite, elle commente ces quelques indications d’analyse qu’elle nous donne, et comment elle comprend

le cas de DICK. Elle répète que ce qui a fait qu’il se défende plus fortement qu’un autre contre son sadisme

était son développement génital précoce. Et là elle donne comme signes de ce développement génital précoce le fait

que quand l’enfant venait par exemple de vouloir manger un petit jouet, un petit personnage-jouet, qui représentait le pénis du père,

après l’avoir fait, il montrait des sentiments de pitié pour le personnage ainsi lésé, et s’apitoyait, et voulait restituer ce qu’il avait

voulu lui prendre et posséder.
Sa capacité précoce de sympathie, de sentir ce que sent l’autre, c’est ce qu’elle donne comme signe de développement génital précoce.

De ce fait-là, il a retiré son intérêt de tout le corps extérieur, qui était le corps, le pénis, et tout cela est devenu dangereux, agressif.

Il s’est coupé de la réalité, et le développement des fantasmes s’est arrêté. Cela me semble extraordinaire.

Il se réfugie dans un seul fantasme, dans le fantasme du corps vide et sombre, noir, de la mère, et il retire son intention des objets

extérieurs qui représentaient le contenu du corps de la mère.
Voilà comment elle comprend l’action analytique pour DICK. Elle pense que les interprétations qu’elle a données, elle souligne

un point de technique en disant que d’habitude elle n’interprète jamais sur un matériel aussi unique. Elle attend d’avoir le matériel.

Mais là, comme il n’y avait qu’une sorte de matériel, elle a agi tout de suite, elle pense que d’avoir résolu ou atteint le problème

inconscient a entraîné une sédation de l’anxiété. Cette détente de l’anxiété a permis un nouvel afflux d’anxiété, et ainsi chaque fois,

à chaque nouvelle interprétation et que chaque anxiété, ainsi tombée après l’interprétation, se distribuait, comment elle l’avait décrit

au départ, sur les objets extérieurs, que d’ailleurs on le voit bien, parce que dans le traitement, comme dans la vie courante,

il avait contact et s’intéressait à un nombre d’êtres qui allait croissant.

Elle décrit ses progrès généraux :

  • il peut être plus agressif,

  • s’intéresse à des objets
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