Leçon 1 18 novembre 1953







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+ - + ou - + - : cf. le séminaire sur « La lettre volée »]
Eh bien, ce premier moi imaginaire, c’est par rapport à lui que va se situer le premier jeu de l’inclusion ou de l’exclusion de tout ce dont

il s’agit dans le sujet, dans le sujet avant la naissance du moi. Ce que nous montre d’autre ce schéma, cette illustration, cet apologue,

dont nous nous servons ? Il nous montre ceci : pour que l’illusion se produise, c’est-à-dire que se constitue pour l’œil qui regarde

un monde où l’imaginaire peut inclure et du même coup former le réel, où le réel aussi peut inclure et du même coup situer l’imaginaire,

il faut quand même une condition, c’est-à-dire - je vous l’ai dit - que l’œil soit dans une certaine position :

il faut qu’il soit à l’intérieur de ce cône.

c:\users\alain\desktop\lacan séminaires\ressources\doc s1\7.jpg
S’il est là, à l’extérieur de ce cône, il ne verra plus ce qui est imaginaire, pour une simple raison, c’est que rien de ce cône d’émission,

qui est là, ne viendra le frapper, il verra les choses à leur état réel tout nu, c’est-à-dire l’intérieur du mécanisme :

  • et un pauvre pot vide [expérience de Bouasse : le bouquet est caché en-dessous],

  • ou des fleurs esseulées, selon les cas [expérience de Bouasse modifiée par Lacan : le vase est caché en-dessous].


Qu’est-ce que ça veut dire ? Vous me direz, nous sommes pas un œil.

Et qu’est-ce que c’est que cet œil qui se balade, là ?

Et si tout cela veut dire quelque chose ?
Ceci - la boîte - veut dire : votre propre corps. Et ici, le bouquet : instincts et désirs, ou les objets du désir qui se promènent.

Et ça le chaudron, qu’est-ce que c’est ? Cela pourrait bien être le cortex. Pourquoi pas ? Et si c’était le cortex ? Ce serait amusant.

Nous en parlerons un autre jour.
Au milieu de ça, votre œil, il ne se promène pas, il est fixé là, il est une espèce de petit appendice titilleur de notre cortex, justement !

Alors, pourquoi nous raconter que cet œil est en train de se promener ? Tantôt ça marche, tantôt ça ne marche pas ? Évidemment !

L’œil est, comme très fréquemment, le symbole du sujet, et toute la science repose sur ce qu’on réduit le sujet à un œil.

Et c’est pour cela que toute la science est comme cela projetée devant vous, c’est-à-dire objectivée. Je vous expliquerai ça.
À propos de la théorie des instincts, une autre année, on avait apporté une très belle construction, qui était la plus belle construction

paradoxale que j’ai jamais entendu proférer : théorie des instincts conçus comme quelque chose d’entifié.

À la fin, il ne restait plus un seul instinct debout. Et c’était, à ce titre, une démonstration utile à faire.
Mais pour nous faire tenir un petit instant dans notre œil, il fallait justement que nous nous mettions dans la position du savant qui

décrète : ce n’est pas vrai. Mais il peut décréter qu’il est simplement un œil et il met un écriteau à la porte « ne pas déranger l’expérimentateur ».

Dans la vie, bien entendu, les choses sont toutes différentes, justement parce que nous ne sommes pas un œil.

Alors qu’est-ce que ça veut dire que l’ œil qui est là ? Et à quoi pouvons-nous nous en servir dans cette comparaison ?
Cela veut dire, dans cette comparaison, simplement que dans ce rapport de l’imaginaire et du réel, et dans la constitution du monde

telle qu’elle doit en résulter, tout dépend de la situation du sujet. Et la situation du sujet - mon Dieu ! - vous devez le savoir depuis

que je vous le répète, elle est essentiellement caractérisée par sa place dans le monde symbolique, autrement dit, dans le monde de la parole.

C’est exactement de cette place, je n’en dis pas plus.
Si vous avez compris ce que je vous raconte jusqu’à présent, ça implique beaucoup de choses : la relation à l’autre, etc.

Mais je vous en prie, avant que ce soit la relation à l’autre, c’est sa place dans le monde symbolique. N’est-ce pas ? C’est-à-dire qu’il ait

ou non possibilité ou défense de s’appeler PEDRO. C’est selon : un cas ou l’autre, selon qu’il s’appelle PEDRO ou pas,

qu’il est dans le champ du cône, ou qu’il n’y est pas.
Voilà ce qu’il faut que vous mettiez dans votre tête, comme point de départ. Même si ça vous paraît un peu raide pour comprendre

tout ce qui va suivre, et tout à fait nommément ce texte de Mélanie KLEIN, c’est-à-dire quelque chose que nous devons prendre

pour ce que ça est, c’est-à-dire pour une expérience. En effet, voilà à peu près comment les choses se présentent.

Qu’est-ce que nous montre ce cas ?
Mlle GÉLINIER nous le raconte, et nous le résume. Pourquoi ne pas prendre son texte ? Je l’ai revu, et il est vraiment fort fidèle,

ce qui ne nous empêchera pas de nous rapporter au texte de Mélanie KLEIN. Voilà un garçon qui, nous dit-on, a environ 4 ans,

et qui a un niveau général de développement qu’on appelle 15 à 18 mois. C’est une question de définition, on ne sait jamais

ce qu’on veut dire dans ce cas-là.
Quel instrument de mesure ? On omet souvent de le préciser. Ce qu’on appelle un développement affectif de 15 à 18 mois reste encore

plus flou que l’image d’une de mes fleurs dans l’expérience que je viens de vous produire. Un vocabulaire très limité,

et plus que limité, incorrect :
« Il déforme les mots et les emploie mal à propos la plupart du temps, alors qu’à d’autres moments on se rend compte qu’il en connaît le sens.

Elle insiste sur le fait le plus frappant : cet enfant n’a pas le désir de se faire comprendre, il ne cherche pas à communiquer, ses seules activités

plus ou moins ludiques seraient d’émettre des sons et de se complaire dans des sons sans signification, dans des bruits. »
En d’autres termes, à quoi avons-nous affaire ?

  • À un enfant, chose curieuse, qui possède quelque chose du langage, c’est clair, Mélanie KLEIN ne se ferait pas comprendre de lui s’il ne le possédait pas.

  • D’une part, il semble donc qu’il y ait certains éléments de l’appareil symbolique.

  • D’autre part, nous avons son attitude, qui est évidemment tout à fait frappante.


Mélanie KLEIN, dès le premier contact avec l’enfant - qui est si important - caractérise le fait de l’apathie, de l’indifférence.

Il n’est pour autant pas sans être, d’une certaine façon, orienté. Il ne donne pas l’impression de l’idiot, loin de là !

Il est là en présence de Mélanie KLEIN, et Mélanie KLEIN distingue son attitude de celle de tous les névrosés

qu’elle a vus auparavant comme enfants.
Elle distingue ce cas du cas des névrosés, en remarquant qu’il ne marque aucune espèce d’anxiété apparente,

même sous ses formes masquées, voilées, qui sont celles qui se produisent dans le cas des névrosés, c’est-à-dire, bien entendu,

pas toujours des manifestations explosives, mais simplement certaines attitudes de retrait, de raideur, de timidité,

où on voit que quelque chose est contenu, caché, qui n’échappe pas à quelqu’un de l’expérience de la thérapeute en question.

Au contraire, il est là, comme si rien n’y faisait. Il regarde Mélanie KLEIN comme il regarderait un meuble.
Je souligne particulièrement ces aspects, car ce que j’ai mis en relief est le caractère précisément absolument uniforme, sans relief,

d’un certain point de vue qu’a la réalité pour lui : tout, en quelque sorte, est également réel et également indifférent.

Que nous dit Mélanie KLEIN ? C’est ici que commencent les perplexités de Mlle GÉLINIER
Mélanie KLEIN nous dit :
« Le monde de l’enfant se produit à partir d’un contenant, ce serait le corps de la mère, et d’un contenu du corps de cette mère. »
Au cours du progrès de ses relations instinctuelles avec cet objet privilégié, l’enfant est amené à procéder à une série de relations

d’incorporations imaginaires. Il peut mordre, absorber, le corps de sa mère. Et le style de cette incorporation est un style de destruction.

L’enfant comprend que l’incorporation est une incorporation destructrice, que ce qu’il va rencontrer dans le corps de sa mère,

c’est également un certain nombre d’objets, pourvus eux-mêmes d’une certaine unité, encore qu’ils soient inclus,

mais que ces objets peuvent être dangereux pour lui, pour la même raison exactement que lui est dangereux pour eux,

c’est-à-dire qu’il les revêt des mêmes capacités de destruction si je puis dire « en miroir », c’est bien le cas de le dire,

que celles dont ils se ressent, lui-même, porteur dans cette première appréhension des premiers objets.
C’est donc à ce titre qu’il accentuera, par rapport à la première des limitations de son moi ou de son être, l’extériorité de ces objets :

il les rejettera comme objets mauvais, dangereux, « caca ». Et ces objets eux-mêmes, une fois extériorisés, isolés de ce premier

contenant universel, de ce premier grand tout qui est l’image fantasmatique du corps de la mère, l’empire total de la première réalité

enfantine à ce moment-là, ils lui apparaîtront pourtant comme toujours pourvus du même accent maléfique qui aura marqué

ses premières relations avec eux.
C’est pour cela qu’il les réintrojectera une seconde fois, et qu’il portera son intérêt vers d’autres objets moins dangereux,

qu’il fera ce qu’on appelle l’équation « fèces = urine » par exemple, et différents autres objets du monde extérieur :

  • qui seront en quelque sorte plus neutralisés,

  • qui en seront les équivalents,

  • qui seront liés aux premiers objets par une équation - je le souligne - imaginaire.


Là, il est clair qu’à l’origine l’équation symbolique que nous redécouvrons ensuite entre ces différents objets, à l’origine et à sa naissance,

à son surgissement, c’est d’un mécanisme alternatif d’expulsion et de réintrojection, de projection et de réabsorption par le sujet qu’il s’agit.

C’est-à-dire, précisément, de ce jeu imaginaire que j’essaie de vous symboliser ici par ces inclusions imaginaires d’objets réels,

ou inversement par ces prises d’objets imaginaires à l’intérieur d’une enceinte, réelle.
Vous suivez ? Oui, à peu près ? Alors, à ce moment-là, nous voyons bien qu’il y a une certaine ébauche d’imaginification,

si je puis dire, du monde extérieur : nous l’avons là, littéralement prête à affleurer, mais elle n’est en quelque sorte que préparée.
Le sujet joue avec le contenant et le contenu. Déjà il a entifié dans certains objets - « petit train » par exemple -

la possibilité d’un certain nombre d’individualisations, de tendances, voire même de personnes, lui-même en tant que « petit train »,

par rapport à son père qui est « grand train », tout naturellement.
D’ailleurs le nombre d’objets pour lui significatifs, fait surprenant, est extrêmement réduit, aux signes minima qui permettent

d’exprimer cela : le dedans et le dehors, le contenu et le contenant  : l’espace noir tout de suite assimilé à l’intérieur du corps de la mère,

dans lequel il se réfugie. Mais ce qui ne se produit pas, c’est le jeu libre, la conjonction entre ces différentes formes, imaginaires

et réelles, d’objets. Et c’est ce qui fait que, au grand étonnement de Mlle GÉLINIER, quand il se retourne et va se réfugier

dans l’intérieur vide et noir de ce corps maternel, les objets n’y sont pas.
Ceci, pour une simple raison : dans son cas, le bouquet et le vase ne peuvent pas être là en même temps. C’est ça qui est la clef.

En d’autres termes, l’objet des étonnements de Mlle GÉLINIER repose sur ceci : les explications de Mme Mélanie KLEIN,

parce que pour elle tout est sur un plan d’égale réalité - unreal reality, comme elle s’exprime elle-même - ce qui ne permet pas

de concevoir, en effet, la dissociation des différents « sets » d’objets primitifs dont il s’agit. Pourquoi ?
Parce qu’il n’y a pas chez elle de théorie de l’imaginaire ni de théorie de l’ego. Mais si nous introduisons cette notion, dans la mesure

où une partie de cette réalité est imaginée, l’autre réelle, mais qu’inversement dans la mesure où l’une est réalité,

c’est l’autre qui devient imaginaire, nous comprenons pourquoi au départ ce jeu de la conjonction des différentes parties,

que j’appelle différents « sets », ne peut jamais être achevé.
En d’autres termes ceci s’exprime de la façon suivante : là nous sommes uniquement sous l’angle du rapport en miroir,

qui est celui que nous appelons généralement le plan de la projection - je ne dis pas de l’introjection : le terme est très mal choisi.

Il faudrait trouver un autre mot pour donner le mot corrélatif de cette projection, à savoir tout ce qui est de l’ordre du rapport

de l’introjection, tel que nous nous en servons en analyse, ce mot est toujours employé pratiquement…

vous le remarquerez, cela vous éclairera, au moment où il s’agit d’introjection symbolique

…le mot introjection s’accompagne toujours d’une dénomination symbolique. L’introjection est toujours l’introjection de la parole de l’autre.
Et ceci introduit une dimension toute différente. C’est autour de cette distinction que vous pouvez faire le départ entre ce qui est

fonction de l’ego et ce qui est de l’ordre du premier registre duel et fonction du surmoi. Ce n’est pas pour rien que dans la théorie

analytique on les distingue, ni qu’on admette que le surmoi, le surmoi véritable, authentique, est une introjection secondaire

par rapport à la fonction de l’ego idéal. Ce sont des remarques latérales. Je reviens à mon cas, au cas décrit par Mélanie KLEIN.
Qu’est-ce que nous pouvons penser d’autre, sinon, des différentes références que je suis en train d’imager, de délinéer pour vous ?

Si nous voyons ce qui se passe, c’est donc ceci : l’enfant est là, il a un certain nombre de registres significatifs : l’un dans le domaine

imaginaire, dont Mélanie KLEIN - ici nous pouvons la suivre - souligne le caractère en soulignant son extrême étroitesse, la pauvreté

du jeu possible de la transposition imaginaire dans laquelle et par laquelle peut seulement se faire cette valorisation progressive sur le plan

qu’on appelle communément « affectif », des objets, par une sorte de démultiplication, de déploiement en éventail de toutes

les équations imaginaires qui permettent aux êtres humains, parmi les animaux, d’être celui qui a un nombre presque infini d’objets

à sa disposition, c’est-à-dire marqués d’une valeur de Gestalt dans son Umwelt, isolés comme formes.
Mélanie KLEIN nous marque à la fois cela, la pauvreté de ce monde imaginaire, et du même coup l’impossibilité pour cet enfant d’entrer

dans une relation effective avec ces objets, ces objets en tant que structures. La corrélation importante est celle-ci.

Quel est le point significatif, s’il n’y a qu’à prendre les choses objets de l’attitude de cet enfant ? Le point significatif est simplement

celui-ci, si on résume tout ce que Mélanie KLEIN décrit de l’attitude de cet enfant : cet enfant n’adresse aucun appel.
Voilà une notion que je vous prie de garder, car par la suite, vous verrez que nous aurons à la faire revenir.

Vous allez vous dire : « Naturellement ! Avec son appel il ramène son langage ». Mais je vous ai dit qu’il l’avait déjà, son système de langage.

Il l’a déjà très suffisamment. Et la preuve est qu’il joue avec. Il s’en sert même pour quelque chose de très particulier :

pour mener un jeu d’opposition avec les tentatives d’intrusion de ces adultes.
Par exemple - c’est bien connu - il se comporte d’une façon qui est d’ailleurs dite, dans le texte, « négativiste » : quand sa mère lui dit,

lui propose un nom, il est aussi bien capable de le reproduire d’une façon correcte, mais il le reproduira d’une façon inintelligible,

déformée, « à propos de bottes », c’est-à-dire d’une façon ne servant à rien.
Nous retrouvons là la distinction entre négativisme et dénégation, comme nous l’a montré M. HYPPOLITE d’une façon qui prouve

non seulement sa culture, mais qu’il a déjà vu des malades et qu’il a vu ce que sont pour eux le négativisme et la dénégation.

Ce n’est pas du tout la même chose. C’est d’une façon proprement négativiste que cet enfant se sert du langage.
Par conséquent, en vous introduisant l’appel, ce n’est pas le langage que je vous réintroduis.

Je dirais même plus : non seulement ce n’est pas le langage, mais ce n’est pas une espèce de niveau supérieur au langage.
Je dirais même plus, c’est au-dessous du langage, si on parle de niveaux. Car vous n’avez qu’à observer un animal domestique

pour voir qu’un être dépourvu de langage est tout à fait capable de vous adresser des appels. Et jusqu’à un certain point, des appels

dirigés vers - toutes sortes de gestes pour attirer votre attention - vers quelque chose qui, justement, à un certain point lui manque.
L’appel dont il s’agit, l’appel humain, est un appel auquel est réservé un développement possible, ultérieur, plus riche, parce que justement,

il se produit à l’intérieur d’un être qui a déjà acquis le niveau du langage. C’est un phénomène qui dépasse le langage,

mais qui prend sa valeur comme articulation, comme deuxième temps, si vous voulez, par rapport au langage.
Soyons schématiques : il y a un M. Karl BÜHLER qui a fait une théorie du langage. Ce n’est pas la seule, ni la théorie la plus complète.

Mais il s’y trouve quelque chose : les trois étapes dans le langage. Il les a mises malheureusement avec des registres qui ne les rendent pas

excessivement accessibles ni compréhensibles. Les trois étapes sont les suivantes :


  • l’énoncé, pris en tant que tel, qui est un niveau qui a sa valeur en tant que tel, je veux dire presque comme une espèce de niveau de donnée naturelle. Nous considérerons l’énoncé quand, par exemple, entre deux personnes, je suis en train de dire la chose la plus simple, un impératif. Au niveau de l’énoncé nous pouvons reconnaître ceci : ce sont toutes choses concernant la nature du sujet. Il est évident qu’un homme, un officier, un professeur, ne donnera pas son ordre dans le même style, le même langage, que quelqu’un d’autre, un ouvrier, un contremaître. Au niveau de l’énoncé, tout ce que nous apprenons est sur la nature du sujet, dans son style même, jusque dans ses intonations. Ce plan est dégageable.




  • Il y a un autre plan, dans un impératif quelconque, celui justement de l’appel : le ton sur lequel cet impératif est donné. Il est également très important, car, avec le même texte, le même énoncé peut avoir des valeurs complètement différentes. Le simple énoncé « arrêtez-vous » peut avoir, dans des circonstances différentes, une valeur d’appel complètement différente, et différente selon ce dont il s’agit.




  • La troisième valeur est à proprement la communication : ce dont il s’agit et sa référence avec l’ensemble de la situation. Nous sommes là au niveau de l’appel. C’est quelque chose qui a sa valeur à l’intérieur du système déjà acquis du langage, et ce dont il s’agit est très précisément que cet enfant n’émet aucun appel. C’est là qu’est en quelque sorte interrompu le système, le système par où le sujet vient à se situer dans le langage, au niveau de la parole, ce qui n’est pas pareil.


Cet enfant est maître du langage, à proprement parler, jusqu’à un certain moment, jusqu’à un certain niveau. C’est tout à fait clair.

Il ne parle pas, ce que je vous disais la dernière fois, c’est un sujet qui est là et qui, littéralement « ne répond pas ». La parole n’est pas

venue. Que se passe-t-il ? Ceci qui est dit en long et en large de la façon la plus claire, tout au long du texte de Mélanie KLEIN.

Elle a renoncé là à toute technique. Elle a le minimum de matériel. Elle n’a même pas de jeux, cet enfant ne joue pas.

Et même quand il prend un peu le petit train, il ne joue pas, il fait ça comme il traverse l’atmosphère, non pas comme un invisible,

mais tout est d’une certaine façon pour lui invisible.
Que fait-elle ? Il faudrait relire les phrases, les propos de Mélanie KLEIN, pour mettre en relief ce dont il s’agit.

Elle a vivement conscience elle-même qu’elle ne fait aucune espèce d’interprétation. Elle dit :
« Je pars de mes idées déjà connues et préconçues de ce que c’est, de ce qui se passe à ce stade.

Alors j’y vais carrément, je lui dis « Dick-train » et le grand train est « Papa-train ». »
Là-dessus, l’enfant se met à jouer avec son petit train. Il dit le mot « station ». C’est là l’ébauche, l’accolement du langage à ce système

imaginaire, son registre excessivement court composé des trains, la possibilité de valoriser un lieu noir, les boutons de portes...

C’est à cela que sont limitées les facultés, non de communication, mais d’expression. Pour lui, tout est équivalent, l’imaginaire

et le réel. Et qu’est-ce qu’elle lui dit, à ce moment-là ? Mélanie KLEIN lui dit : « La station c’est Maman. Dick entrer dans Maman. »
C’est à partir de là que tout se déclenche. Elle ne lui en fera que des comme ça, et pas d’autres. Et très très vite l’enfant l’essaie.

C’est un fait, c’est là qu’est l’objet de l’expérience, de la même façon que le bouquet de fleurs sur la table.

Et il y a un autre registre, vous voyez de quoi il s’agit ? Il y a aussi là, de l’intérieur et de l’extérieur. Et c’est de là que tout va partir.

Bien entendu, ça s’enrichira, mais elle n’a rien fait d’autre que d’apporter la verbalisation, la symbolisation d’une relation effective,

celle d’un être nommé avec un autre.

Et c’est à partir de là que l’enfant, après une première cérémonie qui aura été de se réfugier dans l’espace noir, avoir en quelque sorte

repris contact avec le contenant, pour la première fois à partir de cette espèce de verbalisation, de symbolisation plaquée de la situation

de mythe, pour l’appeler par son nom, apportée par Mélanie KLEIN. C’est là ce que Mélanie KLEIN note parfaitement

- comme s’éveille la nouveauté - la verbalisation aussi par l’enfant : un appel, mais un appel parlé.
Il n’y a eu aucun appel sur le style de ce que nous appelons communément contact psychique, sur le plan parlé, il y a premier appel.

L’enfant demande sa nurse tout de suite après, cette nurse avec laquelle il est entré, qu’il a laissé partir comme si de rien n’était :

il n’a pas accusé le coup de la séparation.
Et, pour la première fois, il produit une réaction d’appel, c’est-à-dire quelque chose qui n’est pas simplement un appel affectif,

une chose mimée par tout l’être mais, qui est sous sa première forme un appel verbalisé, qui comporte en quelque sorte réponse,

une première communication, au sens propre et technique du terme. Quand Mélanie KLEIN va avoir poursuivi toute la ligne

de son expérience, et vous savez que les choses ensuite se développent au point qu’elle fait intervenir tous les autres éléments

d’une situation dès lors organisée, beaucoup plus riche, et jusqu’au père lui-même, qui vient jouer son rôle.

Et d’ailleurs dans la situation extérieure, nous dit Mélanie KLEIN :
« les relations se développent sur le plan de l’œdipe, d’une façon non douteuse. »
Il « réalise » ici, « symbolise la réalité » autour de lui, à partir de cette espèce de noyau initial de cette petite cellule palpitante

de symbolisme que lui a donnée Mélanie KLEIN. Qu’est-ce que tout cela ? C’est ce qu’ensuite Mélanie KLEIN va appeler :

« avoir ouvert les portes de son inconscient ». Je ne vous demande même pas là de réfléchir : « En quoi est-ce que Mélanie KLEIN a fait

quoi que ce soit qui manifeste, qui signifie une appréhension quelconque de je ne sais quel recessus qui serait, dans le sujet,

son inconscient ? ». Elle l’admet comme ça, d’emblée, par habitude.
Je veux simplement que vous relisiez cette observation, tous, cet ouvrage de Mélanie KLEIN n’est pas impossible à se procurer,

et vous y verrez la formulation absolument sensationnelle que je vous donne toujours : « L’inconscient est le discours de l’autre. »

Voilà un cas où c’est absolument manifeste. Il n’y a aucune espèce d’inconscient dans le sujet.
C’est le discours de Mélanie KLEIN qui fait, si je puis dire, que sur cette situation d’inertie moïque chez l’enfant se greffent

ses premières symbolisations absolument brutales, qui nous paraissent arbitraires dans certains cas, de la situation œdipienne

telle que Mélanie KLEIN le pratique, toujours plus ou moins implicitement, avec ses sujets, et qui engendrent et déterminent

dans ce cas particulièrement dramatique chez ce sujet qui n’a pas accédé à la réalité humaine - il n’y a chez lui aucun appel –

la position par rapport à laquelle il va pouvoir :

  • conquérir littéralement, car c’est cela ce dont il s’agit, une série de développements, une série d’équivalences, un système de substitution des objets,

  • réaliser toute la série d’équations qui lui permettront de la façon la plus visible de passer de l’intervalle entre les deux battants de porte dans lequel il allait se réfugier dans le noir absolu du contenant total, à un certain nombre d’objets que peu à peu il lui substituera : la bassine d’eau, à propos desquels il déplie, articule, tout son monde, et de la bassine d’eau à je ne sais quel radiateur électrique, quelque chose de plus en plus élaboré, de plus en plus riche, de plus en plus plissé quant à ses possibilités de contenu, et comme aussi ses possibilités

de définitions de « contenu » et de « non-contenu ».
Qu’est-ce que ça veut dire, donc, que de parler dans ce cas de développement de l’ego ? Ceci repose sur les dernières ambiguïtés

ressorties dans l’analyse qu’on fait de toujours confondre ego et sujet. C’est dans la mesure où le sujet est intégré au système symbolique,

et s’y exerce, et s’y affirme par l’exercice d’une véritable parole...

et vous le remarquez, il n’est même pas nécessaire que cette parole soit la sienne

...une véritable parole peut être apportée là, dans le couple momentanément formé, sous sa forme pourtant la moins affectivée

entre la thérapeute et le sujet, à l’intérieur de ça, qu’une certaine parole, sans doute pas n’importe laquelle, car c’est là que nous

voyons justement la vertu de ce que nous appelons cette situation symbolique de l’œdipe, qui est vraiment la clef.
C’est une clef qui est très réduite. Je vous ai déjà indiqué qu’il y avait très probablement tout un trousseau : je vous ferai peut-être

un jour une conférence sur ce que nous donne un des mythes primitifs à cet égard. Je ne dirai pas des « moindres primitifs »,

car ils ne sont ni moindres… ils en savent beaucoup plus que nous. Quand nous regardons une mythologie…

celle qui va peut-être sortir à propos d’une population soudanaise

…nous voyons que le complexe d’Œdipe pour eux n’est qu’une mince petite rigolade, et un tout petit détail d’un immense mythe,

qui permet de collationner toute une série d’inter-relations entre les sujets d’une richesse et d’une complexité auprès duquel l’œdipe

ne paraît qu’une édition tellement abrégée qu’en fin de compte on peut dire qu’elle n’est pas toujours utilisable.
Mais qu’importe ! Pour nous analystes, jusqu’à présent nous nous en sommes contentés. On essaie bien de l’élaborer un peu,

mais c’est timide. Et on se sent toujours horriblement empêtré à cause d’une insuffisante distinction entre imaginaire, symbolique et réel.

Elle aborde le schéma de l’œdipe, et le sujet se situe. À ce moment-là, la relation imaginaire déjà constituée est complexe, mais les relations

seulement excessivement réduites, extrêmement pauvres qu’il a avec le monde extérieur, lui permettent d’introduire à l’intérieur

du monde que nous appelons réel, ce réel primitif qui est pour nous littéralement ineffable, ce monde de l’enfant dans lequel,

quand il ne nous dit absolument rien, nous n’avons aucun moyen de pénétrer, si ce n’est par des extrapolations symboliques.
Ce qui est l’ambiguïté de tous les systèmes comme celui de Mélanie KLEIN, quand elle nous dit qu’à l’intérieur de cet empire

à l’intérieur du corps, il est là avec tous ses frères, et sans compter le pénis du père. Ce monde, j’ai - dans une première étape

de structuration entre l’imaginaire et le réel - montré son mouvement, comment comprendre son mouvement, c’est-à-dire ce que

nous appelons les investissements successifs qui délimiteront la variété des objets, et des objets humains, c’est-à-dire sommables,

à partir de cette première fresque - puisque je l’ai appelée comme ça - de ce qui est à proprement parler une parole significative,

en tant que formulant une première structure fondamentale de ce qui dans la loi de la parole humanise l’homme.
Comment vous dire ça encore dans une autre façon ? Et pour amorcer des développements ultérieurs :

qu’est-ce qu’elle appelle en lui-même ? Que représente le champ de l’appel à l’intérieur de la parole ? La possibilité du refus !

Je dis « la possibilité » du refus, l’appel n’implique pas le refus, il n’implique aucune dichotomie, aucune bi-partition. Mais vous voyez

que c’est au moment où se produit l’appel que nous voyons manifestement s’établir chez le sujet les relations de dépendance.

Car, à partir de ce moment-là, il accueillera à bras ouverts sa nurse et il manifestera vis-à-vis de Mélanie KLEIN en allant se cacher

derrière la porte, à dessein, le besoin d’avoir tout d’un coup un compagnon dans ce coin réduit qu’il a été occuper un moment :

la dépendance s’établira après.
Vous voyez donc jouer indépendamment dans cette observation la série des relations « pré » et « post » langage, préverbales

et postverbales, chez l’enfant. Et vous vous apercevez justement que le monde extérieur

ce que nous appelons le monde réel, et qui n’est qu’un monde humanisé, symbolisé, qui n’est fait

que de la transcendance introduite par le symbole dans la réalité primitive

…ne peut se constituer que quand se sont produites, à la bonne place, une série de rencontres, une série de positions qui sont

du même ordre que celles qui, dans ce schéma, font qu’il ne faut pas que l’œil soit à n’importe quel endroit pour que la situation

d’une certaine façon se structure.

c:\users\alain\desktop\lacan séminaires\ressources\doc s1\7.jpg
Je m’en resservirai de ce schéma, là, je n’ai introduit qu’un bouquet, mais on peut introduire les autres, l’Autre. Mais avant de parler

de l’Autre, de l’identification à l’autre, j’ai voulu aujourd’hui simplement dire [...] à l’intérieur de ces rapports entre réel, imaginaire

et symbolique, et vous montrer cette observation significative.
Il peut se faire qu’un sujet qui a en quelque sorte tous les éléments, le langage, un certain nombre de possibilités de faire

des déplacements imaginaires qui lui permettent de structurer son monde, il n’est pas [...] dans le réel, il n’est pas [...] uniquement

parce que les choses ne sont pas venues dans un certain ordre, parce que la figure, dans son ensemble est dérangée.
Il n’y a aucun moyen qu’il donne à cet ensemble le moindre développement, ce qu’on appelle dans cette occasion « développement de

l’ego ». C’est en un sens plus technique.
Si on reprend le texte de Mlle GÉLINIER, on verra à quel point… Et encore mieux dans le texte de Mélanie KLEIN, quand elle dit

à la fois que l’ego a été développé d’une façon précoce, dans le fait que l’enfant a un rapport trop réel à la réalité, bien entendu

dans un certain sens trop réel, parce que l’imaginaire ne peut pas s’introduire, et dans une seconde partie de sa phrase

elle emploie l’ego en disant que c’est l’ego qui arrête le développement. Cela veut simplement dire que l’ego ne peut pas, dans une certaine

position, étre valablement utilisé comme appareil dans la structuration de ce monde extérieur, pour une simple raison :

c’est qu’à cause de la mauvaise position de l’œil il n’apparaît pas, littéralement, purement et simplement.

Mettons que le vase soit virtuel, le vase n’apparaît pas, et le sujet reste dans une réalité réduite, avec un bagage imaginaire aussi réduit.

Le ressort de cette observation est que vous devez comprendre, parce que dit d’une façon particulièrement significative,

la vertu de la parole, de l’acte de la parole, en tant que fonctionnement symbolique, coordonné à tout un système symbolique déjà établi,

typique et significatif, la fonction de la parole dans le développement du système réel, imaginaire et symbolique, ce qui en est la base.
Je pense que peut-être ceci mériterait

  • que vous posiez des questions,

  • que vous relisiez ce texte,

  • que vous maniez aussi ce petit schéma,

  • que vous voyiez vous-mêmes comment, dans la réalité, il peut vous servir.


Ce que je vous ai donné aujourd’hui a la valeur d’une élaboration théorique faite tout contre le texte des problèmes soulevés

la dernière fois par Mlle GÉLINIER. Vous verrez à quoi il nous servira, non pas mercredi prochain, mais le mercredi suivant :
« Le transfert, aux niveaux distincts auxquels il faut l’étudier. »
Il y a une autre face du transfert, plus connue, le transfert dans l’imaginaire.

Vous verrez à quoi nous serviront les considérations exposées aujourd’hui.

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