Recours gracieux







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A Monsieur Yvon ROBERT


Conseiller Municipal

4 bis rue Bras-de-Fer

76000 Rouen

Cabinet du Maire

Réf : PA/BM/VD/2006

Tél. : 02 35 08 86 53

Rouen, le 17 juillet 2006
Monsieur le Conseiller municipal,

Par une lettre en date du 27 juin, reçue le 29 juin 2006, vous avez formé un recours gracieux tendant à obtenir le retrait du permis de construire que j'ai délivré à la SCCV Espace Claude Monet-Cathédrale (2, rue de Lille – 59350 Saint-André-lez-Lille).
S'agissant de l'exercice d'une voie de droit à laquelle s'attachent des effets juridiques, j'ai l'honneur d'y répondre, par la présente, en analysant successivement :
la recevabilité de votre recours (I)
la pertinence des moyens présentés (II).
I- Sur la recevabilité de votre recours :
Si votre recours a été régulièrement formé dans le délai du recours contentieux (deux mois à compter du plus tardif des affichages effectués en mairie et sur le terrain), en revanche, la question de sa recevabilité est évidemment importante : elle doit être appréciée au regard de la qualité que vous invoquez et de la nature de la décision que vous contestez.
Vous affirmez, péremptoirement, avoir « comme conseiller municipal de Rouen  », « à ce titre, capacité et intérêt à agir ».
Comme vous le savez, le recours administratif, qu'il soit gracieux ou hiérarchique, est ouvert même sans texte : il permet d'obtenir des autorités administratives la révision de décisions faisant grief. La jurisprudence tend donc à en favoriser l'exercice (CE 10 juillet 1964, Centre médico-pédagogique de Beaulieu avec conclusions Rigaud). La section du rapport et des études du Conseil d'Etat évoque même l'existence à ce propos d'un principe général de procédure administrative (« Régler autrement les conflits », Rapport 1993, La Documentation française).
Pour autant, le recours administratif est subordonné par le juge à une exigence : que le requérant ait intérêt et, par suite, qualité à agir.
L'état du droit, tel que la jurisprudence l'a fixé progressivement depuis quelques dizaines d'années,  peut être résumé ainsi : que l'intérêt invoqué soit personnel, légitime et pertinent. Or, parmi ces conditions cumulatives, deux ne sont pas remplies: le caractère personnel et l'adéquation entre votre qualité de conseiller municipal et la décision attaquée.
En matière de permis de construire, l'intérêt à agir, tout en étant interprété assez largement, obéit en effet à l'existence d'un grief propre évitant que tout administré puisse contester toute opération de construction dans une commune. Il en est ainsi du riverain, de l'habitant d'un quartier ou d'une association invoquant, par exemple, un préjudice esthétique, un trouble de voisinage, l'atteinte au caractère des lieux, au cadre de vie ou à l 'environnement.
Mais le juge apprécie la situation des conseillers municipaux de manière spécifique. Ainsi, s'ils sont fondés désormais à contester devant le juge les délibérations des assemblées dont ils font partie (CE Ass. 26 novembre 1976, Soldani et autres), ils n'ont pas, en tant que tels, intérêt à agir contre un permis de construire qui est, en la forme et au fond, un arrêté municipal comme vous le savez. La jurisprudence, sur ce point, est constante : j'en extrais quelques décisions significatives :
CE 15 novembre 1991, Besson : « (...)sa qualité de conseiller municipal n'est pas, par elle-même, de nature à lui conférer un tel intérêt(...) »
CE 3 mai 1993, Barbéro : « (...) ses fonctions de conseiller municipal de la commune ne lui donnent aucun intérêt de nature à lui permettre de demander l'annulation dudit permis de construire (...) ».



On peut invoquer des arrêts plus récents encore qui vont dans le même sens. Ainsi, la Cour Administrative d'Appel de Douai confirme, le 24 juin 2004, un jugement du Tribunal Administratif de Rouen du 18 juin 2002 rejetant le recours formé par un conseiller municipal d'Evreux à l'encontre d'un permis de construire, dans des termes très semblables :

« (...) ses fonctions de conseiller municipal de la commune pas plus que sa qualité de simple citoyen ne lui donnent un intérêt personnel lui donnant qualité pour demander l'annulation dudit permis de construire (...) ».
Vous déduirez vous-même les conséquences de cette jurisprudence : votre recours est manifestement irrecevable, ce que la lecture d'un bon manuel vous aurait permis de constater rapidement. La seule hypothèse dans laquelle votre qualité de conseiller municipal pourrait vous procurer un intérêt à agir serait celle d'un recours dirigé contre un permis accordé à la commune de Rouen. A l'évidence, ce n'est pas le cas, en l'espèce.
II- Sur la pertinence des moyens invoqués :
Au surplus, et sans que je sois tenu de les examiner en raison de l'irrecevabilité de votre requête, les moyens que vous présentez à l'appui de celle-ci ne sont pas non plus juridiquement fondés.
- Sur l'absence, dans le dossier, des avis recueillis au cours de l'instruction :
L'article A. 421-8 du code de l'urbanisme que vous invoquez concerne les « formalités postérieures à la délivrance du permis de construire ». Les avis dont vous constatez l'absence dans le dossier sont ceux que le ministre de la culture a recueillis avant de prendre sa décision, le 27 avril 2006 : ils ne s'insèrent pas directement dans la procédure de délivrance du permis organisée par les articles R. 421-1 et suivants du code de l'urbanisme et dont je dois assurer la régularité mais dans celle des articles L. 621-9 et suivants du code du patrimoine dont le ministre a la charge.
J'ajoute que ces avis, dont vous avez demandé la communication au directeur de l'architecture et du patrimoine, par une lettre en date du 29 mai 2006, vous ont été transmis le 3 juillet, en même temps qu'à la commune qui ne les avait pas reçus jusqu'alors comme je vous l'avais précisé, par écrit, le 16 juin.
Ainsi, l'absence de ces avis, préparatoires à la décision du ministre, est sans influence sur la légalité du permis de construire.

- Sur l'appréciation portée par le ministre :
Je vous rappelle, préalablement, que le ministre de la culture a décidé, unilatéralement, d'évoquer ce dossier sensible, dès le début de l'instruction en mars 2005. Il a été conduit ensuite à formulé son appréciation à un double titre : d'une part, au titre de la protection des abords d'un édifice classé ou inscrit : la cathédrale Notre-Dame (Art. R. 421-38-4 du code de l'urbanisme); d'autre part, au titre de l'adossement à un immeuble classé : la façade Romé (Art. R. 421-38-3 du même code). Dans cette situation, son « accord exprès » est alors requis. J'en ai respecté en tout point la teneur dans mon arrêté du 30 avril.
C'est précisément celle-ci que vous contestez, en incriminant la décision du 27 avril. J'observe que si le ministre dispose d'un large pouvoir d'appréciation, son usage ne doit pas cependant être entaché d'une erreur de fait ou d'une erreur de qualification juridique des faits, pour reprendre les notions qu'utilise le juge administratif. Il s'agit là certes de termes assez hermétiques pour les non-initiés mais plus accessibles à un ancien maire, par ailleurs inspecteur général de l'administration et formé de surcroît dans une école destinée à fournir ses plus hauts fonctionnaires au pays.
1/ Le ministre de la culture, dans la lettre que vous incriminez, compare l'actuel palais des congrès aux projets successifs de construction et évoque « l'allègement sensible de la volumétrie de l'immeuble ». Ce fait n'est pas contestable. La façade à plomb de l'immeuble existant est de l'ordre de 20 mètres : celle du bâtiment futur est de l'ordre de 15 mètres. La perception visuelle de son volume sera donc améliorée. La circonstance qu'au faîtage, il sera légèrement plus élevé d'un mètre que l'actuel ne change pas cette donnée. L'effet de masse du palais des congrès résulte aujourd'hui de sa rigoureuse verticalité, ce qui fait dire à un architecte en chef, pourtant adversaire du projet nouveau, que la réalisation précédente  n'a pas « été réellement acceptée par la population rouennaise et par ses élus », depuis trente ans. Au contraire, l'inclinaison plus marquée de la toiture dessinée par l'architecte J.P. Viguier fera paraître, sans nul doute, la construction nouvelle plus légère et plus intégrée. L'appréciation du ministre ne comporte donc aucune erreur de fait.
2/ Le parallèle que vous esquissez avec l'affaire de l'agrandissement du stade de Lille n'est guère concluant.
D'une part, à Lille, le contentieux a été initié, non par des conseillers municipaux, mais par des associations de défense de l'environnement (associations Renaissance du Lille ancien et Sauvons le site de la citadelle de Lille).
D'autre part, l'annulation du permis délivré pour l'extension du stade est fondée sur «une atteinte importante et pérenne à l'aspect et au caractère de la Citadelle et à la qualité des abords de celle-ci, compte tenu de l'état des lieux existants » (CAA Douai 7 juillet 2005, confirmé par CE 28 décembre 2005). Il s'agissait en effet de surélever de plus de 13 mètres un équipement sportif, à proximité des fortifications édifiées par Vauban : le juge observe alors que, par son volume, en forme d'entonnoir, par sa hauteur et l'adjonction d'une passerelle métallique surplombant les fortifications, le projet méconnaît les dispositions de la loi de 1913, codifiée à l'article L. 621-31 du code du patrimoine. L'avis du ministre de la culture, valant autorisation, était donc entaché d'une erreur d'appréciation.
A Rouen, les éléments de fait et de droit ne sont pas identiques. Il s'agit ici, dans un quartier urbain dense, de remplacer un édifice aujourd'hui vide et dégradé par un bâtiment nouveau, de gabarit comparable, dont les règles d'implantation et de hauteur ont été définies par le plan de sauvegarde et de mise en valeur qui régit le centre historique de la ville.
La « très grande similitude » que vous croyez déceler entre ces deux dossiers n'engage donc que vous. La comparaison que vous tentez n'est pas adéquate.
- Sur les avis recueillis par le ministre :
Une grande partie de votre démarche est fondée sur l'avis fourni par la commission supérieure des monuments historiques (sections travaux et abords réunies), dans sa séance du 16 juin 2005. Pour être précis, rappelons que celui-ci comportait trois aspects :

- démolition de l'immeuble : avis favorable (15 contre 11 et 3 abstentions)

- traitement de la façade Romé : avis favorable (unanimité moins 1 voix et 4 abstentions)

- projet de construction proposé par M. Viguier : avis défavorable (17 contre 9 et 3 abstentions).
Juridiquement, cet avis, purement consultatif, ne lie pas le ministre, conformément à l'article Ier du décret du 28 janvier 1994. Une décision contraire que prendrait celui-ci n'est pas ipso facto illégale. Mais surtout, il faut rappeler que la commission, dont la consultation par le ministre n'a rien d'obligatoire, s'est prononcée sur la première version du projet imaginé par le maître d'oeuvre. Depuis, un long travail de maturation, piloté par l'inspecteur général de l'architecture et du patrimoine, s'est poursuivi pour l'amender dans le sens des observations exprimées le 16 juin 2005. Faut-il s'en étonner ? Compte tenu du caractère hautement symbolique des lieux, c'est le contraire qui serait surprenant.
De juin 2005 à avril 2006, 9 avis complémentaires ont été ainsi sollicités : ils portent tantôt sur la démolition tantôt sur la construction. Sous ce dernier aspect, 2 sont clairement défavorables, 4 sont, à l'inverse, favorables, traduisant ainsi l'évolution du projet initial. Qu'on le veuille ou non, cette balance penche nettement en faveur d'une appréciation positive. Certains des experts consultés ces derniers mois ont d'ailleurs formulé des recommandations que la décision ministérielle du 27 avril 2006 reprend, pour une part, sous la forme de prescriptions imposées au bénéficiaire du permis.
L'analyse du contenu de ces avis montre enfin que l'objet essentiel de la discussion porte sur l'insertion urbaine du projet, dans un environnement lui-même assez disparate, marqué par la présence imposante de la cathédrale, de rues ayant conservé leur morphologie médiévale mais aussi des immeubles, de facture inégale, de la reconstruction. Comment une architecture contemporaine, sobre et sans provocation, peut-elle dialoguer avec cet ensemble ? Je comprends parfaitement que le parti choisi suscite des jugements contrastés, souvent forgés à partir de plans difficiles à interpréter ou d'images partielles. L'architecture est un art, non une science ! Aucune « vérité » ne s'impose donc par elle-même, en quelques mois. En revanche, j'ai du mal à comprendre l'acharnement manifesté à l'égard d'un projet qui rassemble, chez les experts, une majorité d'avis positifs et n'a suscité, depuis son autorisation, aucun recours contentieux. Ce constat est à lui seul porteur de sens. Pour l'ensemble de ces raisons, je ne puis que rejeter votre recours gracieux. Vous avez cependant la possibilité de contester cette décision dans un délai de 2 mois.


Veuillez, Monsieur le Conseiller municipal, agréer l'expression de ma considération.
Pierre ALBERTINI

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