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human engineering. C’est donc à la distance nécessaire à soutenir une pareille position qu’on peut attribuer l’éclipse dans la psychanalyse, des termes les plus vivants de son expérience, l’inconscient, la sexualité, dont il semble que bientôt la mention même doive s’effacer. Nous n’avons pas à prendre parti sur le formalisme et l’esprit de boutique, dont les documents officiels du groupe lui-même font état pour les dénoncer. Le pharisien et le boutiquier ne nous intéressent que pour leur essence commune, source des difficultés qu’ils ont l’un et l’autre avec la parole, et spécialement quand il s’agit du talking shop, de parler métier. C’est que l’incommunicabilité des motifs, si elle peut soutenir un magistère, ne va pas de pair avec la maîtrise, celadu moins qu’exige un enseignement. On s’en est aperçu du reste, les mêmes causes ayant mêmes effets. C’est pourquoi l’attachement indéfectiblement réaffirmé par maints auteurs pour la technique traditionnelle après bilan des épreuves faites aux champs frontières plus haut énumérés, ne va pas sans équivoque ; elle se mesure à la substitution du terme de classique à celui d’orthodoxie pour qualifier cette technique. On se rattache à la forme, faute de savoir à quel sens se vouer. Nous affirmons pour nous que la technique ne peut être comprise, ni donc correctement appliquée, si l’on méconnaît les concepts qui la fondent. Notre tâche sera de démontrer que ces concepts ne prennent leur sens plein qu’à s’orienter dans un champ de langage, qu’à s’ordonner à la fonction de la parole. Point où nous notons que pour manier aucun concept freudien, la lecture de Freud ne saurait être tenue pour superflue, fût-ce pour ceux qui sont homonymes à des notions (92)courantes. Comme le démontre la mésaventure que la saison ramène à notre souvenir d’une théorie des instincts, revue de Freud par un auteur peu éveillé à la part, dite par Freud expressément mythique, qu’elle contient. Manifestement il ne saurait l’être puisqu’il l’aborde par un exposé de seconde main, tenu sans cesse pour équivalent au texte freudien et cité sans que rien en avertisse le lecteur, se fiant, peut-être non sans raison, au bon goût de celui-ci pour l’en distinguer, mais prouvant par là que rien ne justifie cette préférence, sinon la différence de style par quoi l’ouvrage reste ou non partie de l’œuvre. Moyennant quoi de réductions en déductions, et d’inductions en hypothèses, l’auteur conclut par la stricte tautologie de ses prémisses fausses : à savoir que les instincts dont il s’agit sont réductibles à l’arc réflexe. Telle la pile d’assiettes dont l’écroulement se distille dans l’exhibition classique, pour ne laisser entre les mains de l’artiste que deux morceaux dépareillés par le fracas, la construction complexe qui va de la découverte des migrations de la libido dans les zones érogènes au passage métapsychologique d’un principe de plaisir généralisé à l’instinct de mort, devient le binôme d’un instinct érotique passif modelé sur l’activité des chercheuses de poux, chères au poète, et d’un instinct destructeur, simplement identifié à la motricité. Résultat qui mérite une mention très honorable pour l’art, volontaire ou non, de pousser à la rigueur les conséquences d’un malentendu. (93)I PAROLE VIDE ET PAROLE PLEINE DANS LA RÉALISATION PSYCHANALYTIQUE DU SUJET « Donne en ma bouche parole vraie et estable et fay de moy langue caulte ». (L’Internele consolacion, XLVe Chapitre : qu’on ne doit pas chascun croire et du legier trebuchement de paroles). « Cause toujours ». (Devise de la pensée causaliste). Qu’elle se veuille agent de guérison, de formation ou de sondage, la psychanalyse n’a qu’un médium : la parole du patient. L’évidence du fait n’excuse pas qu’on le néglige. Or toute parole appelle réponse. Nous montrerons qu’il n’est pas de parole sans réponse, même si elle ne rencontre que le silence, pourvu qu’elle ait un auditeur, et que c’est là le cœur de sa fonction dans l’analyse. Mais si le psychanalyste ignore qu’il en va ainsi de la fonction de la parole, il n’en subira que plus fortement l’appel, et si c’est le vide qui d’abord s’y fait entendre, c’est en lui-même qu’il l’éprouvera et c’est au delà de la parole qu’il cherchera une réalité qui comble ce vide. Ainsi en vient-il à analyser le comportement du sujet pour y trouver ce qu’il ne dit pas. Mais pour en obtenir l’aveu, il faut bien qu’il lui en parle. Il retrouve alors la parole, mais rendue suspecte de n’avoir répondu qu’à la défaite de son silence, devant l’écho perçu de son propre néant. Mais qu’était donc cet appel du sujet au delà du vide de son dire ? Appel à la vérité dans son principe, à travers quoi (94)vacilleront les appels de besoins plus humbles. Mais d’abord et d’emblée appel propre du vide, dans la béance ambiguë d’une séduction tentée sur l’autre par les moyens où le sujet met sa complaisance et où il va engager le monument de son narcissisme. « La voilà bien, l’introspection ! » s’exclame l’homme qui en sait long sur ses dangers. Il n’est pas certes le dernier à en avoir goûté les charmes, avant d’en avoir épuisé le profit. Dommage qu’il n’ait plus de temps à y perdre. Car vous en entendriez de belles et de profondes, s’il venait sur votre divan. Il est étrange qu’un analyste, pour qui ce personnage est une des premières rencontres de son expérience, fasse encore état de l’introspection dans la psychanalyse. Car si cet homme tient sa gageure, il voit s’évanouir ces belles choses qu’il avait en réserve et, s’il s’oblige à les retrouver, elles s’avèrent plutôt courtes, mais d’autres se présentent assez inattendues pour lui paraître des sottises et le rendre coi un bon moment, comme tout un chacun. Il saisit alors la différence entre le mirage de monologue dont les fantaisies accommodantes animaient sa jactance et le travail forcé de ce discours sans échappatoire que le psychologue, non sans humour, et le thérapeute, non sans ruse, ont décoré du nom de « libre association ». Car c’est bien là un travail, et tant un travail qu’on a pu dire qu’il exige un apprentissage, et aller jusqu’à voir dans cet apprentissage la valeur formatrice de ce travail. Mais à le prendre ainsi, que formerait-il d’autre qu’un ouvrier qualifié ? Dès lors, qu’en est-il de ce travail ? Examinons ses conditions, son fruit, dans l’espoir d’y voir mieux son but et son profit. On a reconnu au passage la pertinence du terme durcharbeiten auquel équivaut l’anglais working through, et qui chez nous a désespéré les traducteurs, encore que s’offrît à eux l’exercice d’épuisement à jamais marqué en notre langue de la frappe d’un maître du style : « Cent fois sur le métier, remettez… », mais comment l’ouvrage progresse-t-il ici ? La théorie nous rappelle la triade : frustration, agressivité, régression. C’est une explication d’aspect si compréhensible qu’elle pourrait bien nous dispenser de comprendre. L’intuition est preste, mais une évidence doit nous être d’autant plus suspecte qu’elle est devenue idée reçue. Que l’analyse vienne à (95)surprendre sa faiblesse, il conviendra de ne pas se payer du recours à l’affectivité. Mot-tabou de l’incapacité dialectique qui, avec le verbe intellectualiser, dont l’acception péjorative fait de cette incapacité mérite, resteront dans l’histoire de la langue les stigmates de notre obtusion en matière de psychologie… Demandons-nous plutôt d’où vient cette frustration ? Est-ce du silence de l’analyste ? Une réponse, même et surtout approbatrice, à la parole vide montre souvent par ses effets qu’elle est bien plus frustrante que le silence. Ne s’agit-il pas plutôt d’une frustration qui serait inhérente au discours même du sujet ? Ce discours ne l’engage-t-il pas dans une dépossession toujours plus grande de cet être de lui-même, dont, à force de peintures sincères qui laissent se dissiper son image, d’efforts dénégateurs qui n’atteignent pas à dégager son essence, d’étais et de défenses qui n’empêchent pas de vaciller sa statue, d’étreintes narcissiques qui s’épuisent à l’animer de son souffle, il finit par reconnaître que cet être n’a jamais été qu’une œuvre imaginaire et que cette œuvre déçoit en lui toute certitude. Car dans ce travail qu’il fait de la reconstruire pour un autre, il retrouve l’aliénation fondamentale qui la lui a fait construire comme une autre, et qui l’a toujours destinée à lui être dérobée par un autre. Cet ego, dont nos théoriciens définissent maintenant la force par la capacité de soutenir une frustration, est frustration dans son essence3. Il est frustration non d’un désir du sujet, mais d’un objet où son désir est aliéné et qui, tant plus il s’élabore, tant plus s’approfondit pour le sujet l’aliénation de sa jouissance. Frustration au second degré, donc, et telle que le sujet en ramènerait-il la forme en son discours jusqu’à l’image passivante par où le sujet se fait objet dans la parade du miroir, il ne saurait s’en satisfaire puisqu’à atteindre même en cette image sa plus parfaite ressemblance, ce serait encore la jouissance de l’autre qu’il y ferait reconnaître. C’est pourquoi il n’y a (96)pas de réponse adéquate à ce discours, car le sujet tiendra comme de mépris toute parole qui s’engagera dans sa méprise. L’agressivité que le sujet éprouvera ici n’a rien à faire avec l’agressivité animale du désir frustré. Cette référence dont on se contente, en masque une autre moins agréable pour tous et pour chacun : l’agressivité de l’esclave qui répond à la frustration de son travail par un désir de mort. On conçoit dès lors comment cette agressivité peut répondre à toute intervention qui, dénonçant les intentions imaginaires du discours, démonte l’objet que le sujet a construit pour les satisfaire. C’est ce qu’on appelle en effet l’analyse des résistances, dont apparaît aussitôt le dangereux versant. Il est déjà signalé par l’existence du naïf qui n’a jamais vu se manifester que la signification agressive des fantasmes de ses sujets4. C’est le même qui, n’hésitant pas à plaider pour une analyse « causaliste » qui viserait à transformer le sujet dans son présent par des explications savantes de son passé, trahit assez jusque dans son ton, l’angoisse qu’il veut s’épargner d’avoir à penser que la liberté de son patient soit suspendue à celle de son intervention. Que le biais où il se résout puisse être à quelque moment bénéfique pour le sujet, ceci n’a pas d’autre portée qu’une plaisanterie stimulante et ne nous retiendra pas plus longtemps. Visons plutôt ce hic et nunc où certains croient devoir enclore la manœuvre de l’analyse. Il peut être utile en effet, pourvu que l’intention imaginaire que l’analyste y découvre, ne soit pas détachée par lui de la relation symbolique où elle s’exprime. Rien ne doit y être lu concernant le moi du sujet, qui ne puisse être réassumé par lui sous la forme du « je », soit en première personne. « Je n’ai été ceci que pour devenir ce que je puis être » : si telle n’était pas la pointe permanente de l’assomption que le sujet fait de ses mirages, où pourrait-on saisir ici un progrès ? L’analyste dès lors ne saurait traquer sans danger le sujet dans l’intimité de son geste, voire de sa statique, sauf à les réintégrer comme parties muettes dans son discours narcissique, et ceci a été noté de façon fort sensible, même par de jeunes praticiens. (97)Le danger n’y est pas de la réaction négative du sujet, mais bien plutôt de sa capture dans une objectivation, non moins imaginaire que devant, de sa statique, voire de sa statue, dans un statut renouvelé de son aliénation. Tout au contraire l’art de l’analyste doit être de suspendre les certitudes du sujet, jusqu’à ce que s’en consument les derniers mirages. Et c’est dans le discours que doit se scander leur résolution. Quelque vide en effet qu’apparaisse ce discours, il n’en est ainsi qu’à le prendre à sa valeur faciale : celle qui justifie la phrase de Mallarmé quand il compare l’usage commun du langage à l’échange d’une monnaie dont l’avers comme l’envers ne montrent plus que des figures effacées et que l’on se passe de main en main « en silence ». Cette métaphore suffit à nous rappeler que la parole, même à l’extrême de son usure, garde sa valeur de tessère. Même s’il ne communique rien, le discours représente l’existence de la communication ; même s’il nie l’évidence, il affirme que la parole constitue la vérité ; même s’il est destiné à tromper, il spécule sur la foi dans le témoignage. Aussi bien le psychanalyste sait-il mieux que personne que la question y est d’entendre à quelle « partie » de ce discours est confié le terme significatif, et c’est bien ainsi qu’il opère dans le meilleur cas : prenant le récit d’une histoire quotidienne pour un apologue qui à bon entendeur adresse son salut, une longue prosopopée pour une interjection directe, ou au contraire un simple lapsus pour une déclaration fort complexe, voire le soupir d’un silence pour tout le développement lyrique auquel il supplée. Ainsi c’est une ponctuation heureuse qui donne son sens au discours du sujet. C’est pourquoi la suspension de la séance dont la technique actuelle fait une halte purement chronométrique et comme telle indifférente à la trame du discours, y joue le rôle d’une scansion qui a toute la valeur d’une intervention pour précipiter les moments concluants. Et ceci indique de libérer ce terme de son cadre routinier pour le soumettre à toutes fins utiles de la technique. C’est ainsi que la régression peut s’opérer, qui n’est que l’actualisation dans le discours des relations fantasmatiques restituées par un ego à chaque étape de la décomposition de sa (98)structure. Car enfin cette régression n’est pas réelle ; elle ne se manifeste même dans le langage que par des inflexions, des tournures, des « trébuchements si légers » qu’ils ne sauraient à l’extrême dépasser l’artifice du parler « babyish » chez l’adulte. Lui imputer la réalité d’une relation actuelle à l’objet revient à projeter le sujet dans une illusion aliénante qui ne fait que répercuter un alibi du psychanalyste. C’est pourquoi rien ne saurait plus égarer le psychanalyste que de chercher à se guider sur un prétendu contact éprouvé de la réalité du sujet. Cette tarte à la crème de la psychologie intuitionniste, voire phénoménologique, a pris dans l’usage contemporain une extension bien symptomatique de la raréfaction des effets de la parole dans le contexte social présent. Mais sa valeur obsessionnelle devient flagrante à être promue dans une relation qui, par ses règles mêmes, exclut tout contact réel. Les jeunes analystes qui s’en laisseraient pourtant imposer par ce que ce recours implique de dons impénétrables, ne trouveront pas mieux pour en rabattre qu’à se référer au succès des contrôles mêmes qu’ils subissent. Du point de vue du contact avec le réel, la possibilité même de ces contrôles deviendrait un problème. Bien au contraire, le contrôleur y manifeste une seconde vue, c’est le cas de le dire, qui rend pour lui l’expérience au moins aussi instructive que pour le contrôlé. Et ceci presque d’autant plus que ce dernier y montre moins de ces dons, que certains tiennent pour d’autant plus incommunicables qu’ils font eux-mêmes plus d’embarras de leurs secrets techniques. La raison de cette énigme est que le contrôlé y joue le rôle de filtre, voire de réfracteur du discours du sujet, et qu’ainsi est présentée toute faite au contrôleur une stéréographie dégageant déjà les trois ou quatre registres où il peut lire la partition constituée par ce discours. Si le contrôlé pouvait être mis par le contrôleur dans une position subjective différente de celle qu’implique le terme sinistre de contrôle (avantageusement remplacé, mais seulement en langue anglaise, par celui de supervision), le meilleur fruit qu’il tirerait de cet exercice serait d’apprendre à se tenir lui-même dans la position de subjectivité seconde où la situation met d’emblée le contrôleur. (99)Il y trouverait la voie authentique pour atteindre ce que la classique formule de l’attention diffuse, voire distraite, de l’analyste n’exprime que très approximativement. Car l’essentiel est de savoir ce que cette attention vise : assurément pas, tout notre travail est fait pour le démontrer, un objet au delà de la parole du sujet, comme certains s’astreignent à ne le jamais perdre de vue. Si telle devait être la voie de l’analyse, c’est sans aucun doute à d’autres moyens qu’elle aurait recours, ou bien ce serait le seul exemple d’une méthode qui s’interdirait les moyens de sa fin. Le seul objet qui soit à la portée de l’analyste, c’est la relation imaginaire qui le lie au sujet en tant que |
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