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Two-body psychology. On ne saurait mieux dire en effet. L’analyse devient la relation de deux corps entre lesquels s’établit une communication fantasmatique où l’analyste apprend au sujet à se saisir comme objet ; la subjectivité n’y est admise que dans la parenthèse de l’illusion, et la parole y est mise à l’index d’une recherche du vécu qui en devient le but suprême, mais le résultat dialectiquement nécessaire en apparaît dans le fait que la subjectivité du psychanalyste étant délivrée de tout frein, laisse le sujet livré à toutes les intimations de sa parole. La topique intra-subjective une fois entifiée se réalise en effet dans la division du travail entre les sujets en présence. Et cet usage détourné de la formule de Freud que tout ce qui est de l’id doit devenir de l’ego, apparaît sous une forme démystifiée ; le sujet transformé en un cela a à se conformer à un ego où l’analyste n’aura pas de peine à reconnaître son allié, puisque c’est de son propre ego qu’en vérité il s’agit. C’est bien ce processus qui s’exprime dans mainte formulation théorique du splitting de l’ego dans l’analyse. La moitié de l’ego du sujet passe de l’autre côté du mur qui sépare l’analysé de l’analyste, puis la moitié de la moitié, et ainsi de suite, en une procession asymptotique qui ne parviendra pourtant à annuler, si loin qu’elle soit poussée dans l’opinion où le sujet sera venu de lui-même, toute marge qui puisse l’avertir de l’aberration de l’analyse. Mais comment le sujet d’une analyse axée sur le principe que toutes ses formulations sont des systèmes de défense, pourrait-il être défendu contre la désorientation totale où ce principe laisse la dialectique de l’analyste ? L’interprétation de Freud, dont le procédé dialectique apparaît si bien dans l’observation de Dora, ne présente pas ces dangers, car, lorsque les préjugés de l’analyste (c’est-à-dire son contre-transfert, terme dont l’emploi correct à notre gré ne saurait être étendu au delà des raisons dialectiques de l’erreur) l’ont fourvoyé dans son intervention, il le paie aussitôt de son prix par un transfert négatif. Car celui-ci se manifeste avec une force d’autant plus grande qu’une telle analyse a déjà (150)engagé plus loin le sujet dans une reconnaissance authentique, et il s’ensuit habituellement la rupture. C’est bien ce qui est arrivé dans le cas de Dora, en raison de l’acharnement de Freud à vouloir lui faire reconnaître l’objet caché de son désir en cette personne de M. K. où les préjugés constituants de son contre-transfert l’entraînaient à voir la promesse de son bonheur. Sans doute Dora était-elle elle-même feintée en cette relation, mais elle n’en a pas moins vivement ressenti que Freud le fût avec elle. Mais quand elle revient le voir, après le délai de quinze mois où s’inscrit le chiffre fatidique de son « temps pour comprendre », on la sent entrer dans la voie d’une feinte d’avoir feint, et la convergence de cette feinte au second degré, avec l’intention agressive que Freud lui impute non sans exactitude certes, mais sans en reconnaître le véritable ressort, nous présente l’ébauche de la complicité intersubjective qu’une « analyse des résistances » forte de ses droits, eût pu entre eux perpétuer. Nul doute qu’avec les moyens qui nous sont maintenant offerts par notre progrès technique, l’erreur humaine eût pu se proroger au delà des limites où elle devient diabolique. Tout ceci n’est pas de notre cru, car Freud lui-même a reconnu après coup la source préjudicielle de son échec dans la méconnaissance où il était alors lui-même de la position homosexuelle de l’objet visé par le désir de l’hystérique. Sans doute tout le procès qui a abouti à cette tendance actuelle de la psychanalyse remonte-t-il, et d’abord, à la mauvaise conscience que l’analyste a pris du miracle opéré par sa parole. Il interprète le symbole, et voici que le symptôme, qui l’inscrit en lettres de souffrance dans la chair du sujet, s’efface. Cette thaumaturgie est malséante à nos coutumes. Car enfin nous sommes des savants et la magie n’est pas une pratique défendable. On s’en décharge en imputant au patient une pensée magique. Bientôt nous allons prêcher à nos malades l’Évangile selon Lévy-Bruhl. En attendant, nous voici redevenus des penseurs, et voici aussi rétablies ces justes distances qu’il faut savoir garder avec les malades et dont on avait sans doute un peu vite abandonné la tradition si noblement exprimée dans ces lignes de Pierre Janet sur les petites capacités de l’hystérique comparées à nos hauteurs. « Elle ne comprend rien (151)à la science, nous confie-t-il parlant de la pauvrette, et ne s’imagine pas qu’on puisse s’y intéresser… Si l’on songe à l’absence de contrôle qui caractérise leur pensée, au lieu de se scandaliser de leurs mensonges, qui sont d’ailleurs très naïfs, on s’étonnera plutôt qu’il y en ait encore tant d’honnêtes, etc. ». Ces lignes, pour représenter le sentiment auquel sont revenus maints de ces analystes de nos jours qui condescendent à parler au malade « son langage », peuvent nous servir à comprendre ce qui s’est passé entre temps. Car si Freud avait été capable de les signer, comment aurait-il pu entendre comme il l’a fait la vérité incluse aux historiettes de ses premiers malades, voire déchiffrer un sombre délire comme celui de Schreber jusqu’à l’élargir à la mesure de l’homme éternellement enchaîné à ses symboles ? Notre raison est-elle si faible que de ne pas se reconnaître égale dans la médiation du discours savant et dans l’échange premier de l’objet symbolique, et de n’y pas retrouver la mesure identique de sa ruse originelle ? Va-t-il falloir rappeler ce que vaut l’aune de la « pensée », aux praticiens d’une expérience qui en rapproche l’occupation plutôt d’un érotisme intestin que d’un équivalent de l’action ? Faut-il que celui qui vous parle vous témoigne qu’il n’a pas, quant à lui, besoin de recourir à la pensée, pour comprendre que s’il vous parle en ce moment de la parole, c’est en tant que nous avons en commun une technique de la parole qui vous rend aptes à l’entendre quand il vous en parle, et qui le dispose à s’adresser à travers vous à ceux qui n’y entendent rien ? Car si nous ne saisissons dans la parole qu’un reflet de la pensée cachée derrière le mur du langage, bientôt nous en viendrons à ne plus vouloir entendre que les coups frappés derrière le mur, à les chercher non pas dans la ponctuation mais dans les trous du discours. Dès lors, nous ne serons plus occupés qu’au décodage de ce mode de communication et, comme il faut avouer que nous ne nous sommes pas mis dans les conditions les plus propres à en recevoir le message, nous aurons à le faire répéter quelquefois pour être sûrs de le comprendre, voire pour faire comprendre au sujet que nous le comprenons, et il se pourra qu’après un nombre suffisant de ces allers et retours le sujet ait simplement (153)appris de nous à frapper ses coups en mesure, forme de « mise au pas » qui en vaut bien une autre. À mi-chemin de cet extrême, la question est posée : la psychanalyse reste-t-elle une relation dialectique où le non-agir de l’analyste guide le discours du sujet vers la réalisation de sa vérité, ou se réduira-t-elle à une relation fantasmatique où « deux abîmes se frôlent » sans se toucher jusqu’à épuisement de la gamme des régressions imaginaires, – à une sorte de bundling27, poussé à ses limites suprêmes en fait d’épreuve psychologique. En fait, cette illusion. qui nous pousse à chercher la réalité du sujet au delà du mur du langage est la même par laquelle le sujet croit que sa vérité est en nous déjà donnée, que nous la connaissons à l’avance, et c’est aussi bien par là qu’il est béant à notre intervention objectivante. Sans doute n’a-t-il pas, quant à lui, à répondre de cette erreur subjective qui, avouée ou non dans son discours, est immanente au fait qu’il est entré dans l’analyse, et qu’il en a conclu le pacte principiel. Et l’on saurait d’autant moins négliger la subjectivité de ce moment que nous y trouvons la raison de ce qu’on peut appeler les effets constituants du transfert en tant qu’ils se distinguent par un indice de réalité des effets constitués qui leur succèdent. Freud, rappelons-le, touchant les sentiments qu’on rapporte au transfert, insistait sur la nécessité d’y distinguer un facteur de réalité, et ce serait, concluait-il, abuser de la docilité du sujet que de vouloir le persuader en tous les cas que ces sentiments sont une simple répétition transférentielle de la névrose. Dès lors, comme ces sentiments réels se manifestent comme primaires et que le charme propre de nos personnes reste un facteur aléatoire, il peut sembler qu’il y ait là quelque mystère. Mais ce mystère s’éclaircit à l’envisager dans la phénoménologie (153)du sujet, en tant que le sujet se constitue dans la recherche de la vérité. Il n’est que de recourir aux données traditionnelles que les bouddhistes ne seront pas seuls à nous fournir, pour reconnaître dans cette forme du transfert l’erreur propre de l’existence, et sous trois chefs dont ils font le compte ainsi : l’amour, la haine et l’ignorance. C’est donc comme contre effet du mouvement analytique que nous comprendrons leur équivalence dans ce qu’on appelle un transfert positif à l’origine – chacun trouvant à s’éclairer des deux autres sous cet aspect existentiel, si l’on n’en excepte pas le troisième généralement omis pour sa proximité du sujet. Nous évoquons ici l’invective par où nous prenait à témoin du manque de retenue dont faisait preuve un certain travail (déjà trop cité par nous) dans son objectivation insensée du jeu des instincts dans l’analyse, quelqu’un, dont on reconnaîtra la dette à notre endroit par l’usage conforme qu’il y faisait du terme de réel. C’est en ces mots en effet qu’il « libérait », comme on dit, « son cœur » : « Il est grand temps que finisse cette escroquerie qui tend à faire croire qu’il se passe dans le traitement quoi que ce soit de réel ». Laissons de côté ce qu’il en est advenu, car hélas ! si l’analyse n’a pas guéri le vice oral du chien dont parle l’Écriture, son état est pire qu’avant : c’est le vomissement des autres qu’il ravale. Mais si la question posée dans cette boutade, mieux inspirée que bien intentionnée, a bien son sens, nous croyons qu’il faut l’envisager dans la distinction fondamentale du symbolique, de l’imaginaire et du réel. La réalité en effet dans l’expérience analytique reste souvent voilée sous des formes négatives, mais il n’est pas trop malaisé de la situer. Elle se rencontre, par exemple, dans ce que nous réprouvons habituellement comme interventions actives ; mais ce serait une erreur que d’en définir par là la limite. Car il est clair, d’autre part, que l’abstention de l’analyste, son refus de répondre, est un élément de la réalité dans l’analyse. Plus exactement, c’est dans cette négativité en tant qu’elle est pure, c’est-à-dire détachée de tout motif particulier, que réside la jointure entre le symbolique et le réel. Ce qui se comprend en ceci que ce non-agir est fondé sur notre savoir affirmé du principe que tout ce qui est réel est rationnel, et sur (154)le motif qui s’ensuit que c’est au sujet qu’il appartient de retrouver sa mesure. Il reste que cette abstention n’est pas soutenue indéfiniment ; quand la question du sujet a pris forme de vraie parole, nous la sanctionnons de notre réponse, mais aussi avons-nous montré qu’une vraie parole contient déjà sa réponse et que seulement nous doublons de notre lai son antienne. Qu’est-ce à dire ? Sinon que nous ne faisons rien que donner à la parole du sujet sa ponctuation dialectique. On voit dès lors l’autre moment où le symbolique et le réel se conjoignent, et nous l’avions déjà marqué théoriquement : dans la fonction du temps, et ceci vaut que nous arrêtions un moment sur les effets techniques du temps. Le temps joue son rôle dans la technique sous plusieurs incidences. Il se présente dans la durée totale de l’analyse d’abord, et implique le sens à donner au terme de l’analyse, qui est la question préalable à celle des signes de sa fin. Nous toucherons au problème de la fixation de son terme. Mais d’ores et déjà, il est clair que cette durée ne peut être anticipée pour le sujet que comme indéfinie. Ceci pour deux raisons, qu’on ne peut distinguer que dans la perspective dialectique :
(155)C’est bien ce qui s’est passé dans le cas célèbre de l’homme aux loups, dont l’importance exemplaire a été si bien comprise par Freud qu’il y reprend appui dans son article sur l’analyse finie ou indéfinie28. La fixation anticipée d’un terme, première forme d’intervention active, inaugurée (proh pudor !) par Freud lui-même, quelle que soit la sûreté divinatoire (au sens propre du terme29), dont puisse faire preuve l’analyste à suivre son exemple, laissera toujours le sujet dans l’aliénation de sa vérité. Aussi bien en trouvons-nous la confirmation en deux faits du cas de Freud : Premièrement, l’homme aux loups, – malgré tout le faisceau de preuves démontrant l’historicité de la scène primitive, malgré la conviction qu’il manifeste à son endroit, imperturbable aux mises en doute méthodiques dont Freud lui impose l’épreuve –, jamais n’arrive pourtant à en intégrer sa remémoration dans son histoire. Deuxièmement, l’homme aux loups démontre ultérieurement son aliénation de la façon la plus catégorique, sous une forme paranoïde. Il est vrai qu’ici se mêle un autre facteur, par où la réalité intervient dans l’analyse, à savoir le don d’argent dont nous nous réservons de traiter ailleurs la valeur symbolique, mais dont la portée déjà s’indique dans ce que nous avons évoqué du lien de la parole au don constituant de l’échange primitif. Or ici le don d’argent est renversé par une initiative de Freud où nous pouvons reconnaître, autant qu’à son insistance à revenir sur ce cas, la subjectivation non résolue en lui des problèmes que ce cas laisse en suspens. Et personne ne doute que ç’ait été là un facteur déclenchant de la psychose, au reste sans savoir dire trop bien pourquoi. Ne comprend-on pas pourtant qu’admettre un sujet à être (156)nourri dans le prytanée de la psychanalyse (car c’est en fait d’une collecte du groupe qu’il tenait sa pension) pour le mérite du service à elle rendu par l’observation de son cas, c’est précipiter définitivement en lui l’aliénation de sa vérité ? Un rêve du sujet durant le supplément d’analyse où Mme Ruth Mac Brunswick le prend en charge, démontre ce que nous avançons au delà de toute rigueur souhaitable, – ses images symbolisant jusqu’au mur même de notre métaphore, derrière lequel se pressent dans un vain effort les loups de la scène primitive, jusqu’à ce qu’ils arrivent à le tourner avec l’aide de l’analyste qui n’intervient ici qu’en fonction seconde. Rien ne serait plus instructif pour notre propos que de montrer comment Mme Mac Brunswick a mené ce rôle second. L’identification de l’ensemble du discours de la première analyse à ce mur même qu’il faut tourner, serait la plus belle illustration des rôles réciproques de la parole et du langage dans la médiation analytique, mais la place nous manque ici pour en donner le développement. Ceux qui suivent notre enseignement le connaissent déjà, et ceux qui nous ont suivi maintenant pourront le retrouver sans doute par leurs propres moyens. Nous voulons en effet toucher un autre aspect particulièrement brûlant dans l’actualité, de la fonction du temps dans la technique. Nous voulons parler de la durée de la séance. Ici il s’agit encore d’un élément qui appartient manifestement à la réalité, puisqu’il représente notre temps de travail et, sous cet angle, il tombe sous le chef d’une réglementation professionnelle qui peut être tenue pour prévalente. Mais ses incidences subjectives ne sont pas moins importantes. Et d’abord pour l’analyste. Le caractère tabou sous lequel on l’a produit dans de récents débats prouve assez que la subjectivité du groupe est fort peu libérée à son égard, et le caractère scrupuleux, pour ne pas dire obsessionnel, que prend pour certains, sinon pour la plupart, l’observation d’un standard dont les variations historiques et géographiques ne semblent au reste inquiéter personne, est bien le signe de l’existence d’un problème qu’on est d’autant moins disposé à aborder qu’on sent qu’il entraînerait fort loin dans la mise en question de la fonction de l’analyste. Pour le sujet en analyse, d’autre part, on n’en saurait (157)méconnaître l’importance. L’inconscient, profère-t-on sur un ton d’autant plus entendu qu’on est moins capable de justifier ce qu’on veut dire, l’inconscient demande du temps pour se révéler. Nous en sommes bien d’accord. Mais nous demandons quelle est sa mesure ? Est-ce celle de l’univers de la précision, pour employer l’expression de M. Alexandre Koyré ? Sans doute nous vivons dans cet univers, mais son avènement pour l’homme est de date récente, puisqu’il remonte exactement à l’horloge de Huyghens, soit à l’an 1659, et le malaise de l’homme moderne n’indique pas précisément que cette précision soit en soi pour lui un facteur de libération. Ce temps de la chute des graves est-il sacré comme répondant au temps des astres en tant que posé dans l’éternel par Dieu qui, comme Lichtenberg nous l’a dit, remonte nos cadrans solaires ? Peut-être en prendrons-nous quelque meilleure idée en comparant le temps de la création d’un objet symbolique et le moment d’inattention où nous le laissons choir ? Quoi qu’il en soit, si le travail de notre fonction durant ce temps reste problématique, nous croyons avoir assez mis en évidence la fonction de travail de ce qu’y réalise le patient. Mais la réalité, quelle qu’elle soit, de ce temps y prend dès lors une valeur particulière, celle d’une sanction de la qualité dans ce travail. 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