''Essais sur la libre pensée''







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présente
Virginia WOOLF
(Grande-Bretagne)
(1882-1941)

Au fil de sa biographie s’inscrivent ses œuvres

qui sont résumées et commentées

(chacun des romans, l'ensemble des nouvelles, l'ensemble des essais,

faisant l'objet d'un fichier à part).

À la fin, se trouve une synthèse,

sur la femme (page 39) et sur l'écrivaine (page 44).
Bonne lecture !
Elle naquit le 25 janvier 1882, à Londres, au 22 Hyde Park Gate (dans l'élégant quartier de Kensington), une vaste maison victorienne, où l'on avait une belle vue sur Hyde Park, mais qui était sombre, surchargée de dorures, de tentures pourpres et de portraits d’ancêtres. Ce «lieu où l’émotion s’emmêle et s’enchevêtre» allait lui laisser le souvenir d'une atmosphère pesante, d'«une cage».

La famille paternelle, les Stephen, était l'une des plus respectables du Royaume-Uni, une véritable dynastie appartenant aux milieux universitaire et politique. L'arrière-grand-père de Virginia avait milité pour I'abolition de I'esclavage aux Antilles. Son grand-père avait été professeur à Cambridge, et sous-secrétaire d'État aux colonies sous Disraeli. Son oncle, James, était professeur de droit criminel.
Son père, Leslie, était connu comme l’une des figures les plus originales de l’Angleterre victorienne : alpiniste téméraire, il fut un des premiers membres du Club alpin ; surtout, il comptait parmi les esprits les plus marquants de sa génération, étant un homme de lettres brillant, doté d'une clarté intellectuelle implacable que tempérait cependant un humour caustique ; à la fois critique, biographe, philosophe, il avait été le successeur de William Thackeray à la direction du ‘’Cornhill magazine’’, et avait épousé sa fille cadette, mariage dont était née Laura, une enfant arriérée mentale ; il était l’ami de George Eliot, d’Henry James et de Meredith, qui le peignit dans ‘’The egoist’’ (1879, ''L'égoïste''), sous les traits du sérieux Vernon Whitford, le désignant par ces termes : «un Phæbus Apollon devenu moine jeûneur» car, en effet, il était entré dans les ordres pour en sortir, quinze années plus tard, parfaitement agnostique ; il fut I'auteur de nombreux ouvrages, dont ''Peaks, passes and glaciers'' (1862), ''The playground of Europe'' (1871, ''Le terrain de jeu de l'Europe''), ''Essays on free thinking and plain speaking'' (1873, ''Essais sur la libre pensée''), ‘’The history of English thought in eighteenth century’’ (1876, “Histoire de la pensée anglaise au XVIIIe siècle”), ''The science of ethics'' (1882), ''An agnostic's apology'' (1893), ''The utilitarians'' (1900), ''English literature and society in the eighteenth century'' (1904, ''Littérature et société anglaises au XVIIIe siècle'') ; pendant la petite enfance de Virginia, il se consacra à la direction éditoriale du ''Dictionary of national biography'' ('’Dictionnaire de biographie nationale’’) : soixante-trois volumes tous publiés en 1900 ; politiquement proche de la ''Fabian society'' (un groupe de réflexion fondé en 1884, animé par un souci de réformes sociales, qui allait être partie prenante lors de la création du parti travailliste en 1900) ; du fait de son agnosticisme militant, il refusa de faire baptiser ses enfants.
Veuf en 1875, il se remaria, en 1878, avec Julia Prinsep Jackson-Duckworth, veuve elle aussi. Elle appartenait à une famille d’éditeurs de lointaine ascendance française, dans laquelle on avait un goût très vif pour les beaux-arts, la plupart de ses nombreuses tantes ou grands-tantes s'étant adonnées à la peinture ou à la photographie. Jeune fille, elle avait été une beauté reconnue, et avait posé pour des peintres préraphaélites comme Burne-Jones et G.F. Watts, ainsi que pour sa tante, la photographe Julia Margaret Cameron ; elle fut membre du cercle d'artistes qui se réunissaient à ''Little Holland House''.
De leurs précédents mariages. Leslie Stephen et Julia Prinsep avaient alors, lui une fille, Laura, elle une fille, Stella, et deux fils, George-Herbert et Gerald. Ils allaient avoir ensemble Vanessa (née en 1879), Julian Thoby (né en 1880), Adeline Virginia (née en 1882) et Adrian (né en 1883). Âgé de quarante-six ans, de dix-huit ans plus vieux que sa femme pour laquelle il représentait l'assurance de la maturité, il fut un de ces tyrans domestiques comme l'époque victorienne, campée sur ses certitudes, a pu en produire, car il fut acariâtre, brutal, capricieux, exigeant, si autoritaire que Virginia allait écrire dans son ''Journal'', à l’âge adulte : «Si mon père était resté en vie, je n’aurais jamais écrit autant de romans et d’essais» ; le qualifier de «patriarche despotique» ; déclarer qu’«il n’avait aucune sensibilité à la peinture, pas d’oreille, aucun sens de la musique des mots», que «la nature l’avait doué d’une grande vigueur animale, mais avait négligé de l’équiper d’un cerveau» ; et elle alla jusqu'à l'enrober fantasmatiquement d’un inceste avec sa demi-sœur. Pourtant, elle le qualifia aussi de «vieux monsieur adorable et un peu terrible».
Les parents de Virginia Woolf, s'ils jouissaient d’une confortable aisance, leur grande maison abritant, outre ses dix occupants permanents, un nombre indéterminé de domestiques, à ne considérer que les seuls critères économiques, n'appartenaient pas à la haute bourgeoisie mais s'y rattachaient par leurs goûts, leur éducation, leur distinction, et leurs relations.
Comme Virginia avait une santé fragile qui l'empêchait de suivre un cycle normal d’études, son père décida qu'elle n'irait pas à l’école ; qu'elle recevrait une instruction de bric et de broc, donnée par les parents ou des précepteurs, son père dirigeant ses lectures jusqu'à l'âge de douze ans (Euripide, Sophocle, Platon, Aristote, Eschyle, Spinoza, Montaigne, Hume, les poètes anglais [entre autres Shelley], les romanciers anglais [entre autres Jane Austen et Charles Dickens]), puis, car il avait le souci de développer l'esprit critique de ses enfants, lui laissant libre accès à son immense bibliothèque, ce qui lui permit d'acquérir une culture que peu de femmes avaient à cette époque : elle se tourna alors vers d'autres romanciers anglais (George Eliot, Thomas Hardy), américains (Nathanaël Hawthorne, Henry James, Edith Wharton) et russes (en particulier Dostoïevski et Tourgueniev qu'elle allait traduire et auxquels elle allait consacrer plusieurs essais critiques). Elle reconnut, en 1932, que son père avait joué un rôle capital dans sa formation intellectuelle : «Même aujourd'hui, il doit exister des parents qui se demandent s'il est sage de permettre à une jeune fille de quinze ans l'usage d'une vaste bibliothèque non expurgée. Mon père l'autorisait... Lire ce qui vous plaisait parce que cela vous plaisait, ne jamais feindre d'admirer ce qu'on n'admire pas était son unique précepte dans l'art de la lecture. Écrire avec concision, aussi clairement que possible ce que l'on veut dire était son unique précepte dans l'art d'écrire.» Elle raconta encore : «Pas d’école, je flânais seule parmi les livres de mon père ; aucune chance de saisir ce qui se passait dans les écoles : les brimades, le jeu de balle, le chahut, l’argot, les grossièretés, les disputes, les jalousies. Je n’ai jamais connu la compétition.» Elle ajouta poétiquement : «J’avais l’impression d’être dans un grain de raisin et de voir à travers une pellicule d’un jaune semi-translucide.» Cependant, cette culture était avant tout littéraire, si déficiente en matière de mathématiques qu'adulte elle devait encore compter sur ses doigts ! Et elle allait souvent s’excuser, sous forme de boutade, de n’avoir pas fait d’études, d’être ignorante.

De plus, son père recevait des intellectuels comme les écrivains de renom Henry James, George Eliot, George Henry Lewes, James Russell Lowell, Thomas Hardy et George Meredith. Par conséquent, elle fut en contact direct avec la littérature de l’époque.
Les deux sœurs, qu’unissait une «très étroite conspiration», ayant cherché de bonne heure à réaliser leurs aspirations personnelles, manifestèrent leurs vocations respectives : Vanessa, qui était sous l'influence de sa mère, décida de devenir peintre, et Virginia, qui était sous celle de son père, découvrit sa vocation pour l’écriture. Mais sa sensibilité littéraire était très proche de celle du peintre dans la mesure où elle percevait spontanément les couleurs, ou les imaginait ; et elle allait fréquemment attribuer cette tendance aux personnages de ses romans. Sa nostalgie de I'art pictural la conduisit même parfois vers une écriture qui tentait de donner au lecteur la perception immédiate que procure un tableau.

Elle fit en quelque sorte ses débuts quand, entre 1891 et 1895, sur le modèle du ‘’Tit bits’’ de George Newnes, magazine pour enfants alors en vogue en Angleterre, elle rédigea avec Vanessa et Thoby un «journal» intitulé ‘’Hyde Park Gate news’’, qui «paraissait» le mardi ; qui, dans un ton très «écrit», très élaboré, faisait la chronique de la vie de cette famille très cultivée, très artiste, pour laquelle la littérature, la peinture, la musique avaient priorité sur tout ; qui racontait les petits événements de tous les jours : les relations entre les enfants, les rencontres avec les voisins, les faits et gestes des domestiques, les vacances (à St Ives, belle plage de Cornouailles où, en 1882, Leslie Stephen prit à bail ‘’Talland house’’, demeure où la famille passa tous les étés jusqu’en 1895, où vint même Henry James), les animaux familiers ; qui présentait aussi des nouvelles, des feuilletons, des correspondances inventées, des jeux de mots, des devinettes ou des vers de mirliton, auxquels s’ajoutaient une foule de dessins. C’était le reflet d’une culture littéraire précoce, d’une envie aussi des enfants d’être reconnus et aimés des parents, qui étaient distants : «C’est plutôt astucieux, je trouve», concéda quand même un jour Julia, après avoir jeté un coup d’œil distrait aux feuillets abandonnés à côté d’elle.
Mais la jeunesse de Virginia fut perturbée par plusieurs drames.

Ses deux demi-frères eurent, pour Vanessa et pour elle, un intérêt très ambigu, les poursuivirent de leurs assiduités. Gerald Duckworth, de quatorze ans son aîné, alla jusqu’à violer Virginia alors qu’elle était âgée de six ans ; elle allait raconter plus tard : «Gérard me hisse sur une sorte de console et, pendant que je suis assise là, se met à explorer ma personne. Je peux me souvenir de la sensation de ses mains passant sous mes vêtements, descendant fermement et longuement de plus en plus bas. Je me souviens combien j’espérais qu’il s’arrête ; combien je me raidissais et me tortillais tandis que sa main s’approchait de mes parties intimes. Mais il ne s’arrêta pas.» (’’A sketch of the past’’). Les deux soeurs ne dirent rien, comme l’époque le voulait. Et Virginia fut ainsi amenée à considérer la sexualité comme une chose ignoble.

Laura, sa demi-sœur, qu'on appelait «la dame du lac», sans doute par dérision, sombra dans l’aliénation mentale, et fut internée jusqu'à sa mort en 1945.

En 1895, à l’âge de quarante-huit ans, Julia fut victime d’une grippe, et, le 5 mai, mourut. Virginia, qui avait treize ans, assista à cette mort, vit son père sortir de la chambre en s’appuyant sur les murs. Elle subit un grand choc, et, quelques semaines après ce décès, connut la première des dépressions nerveuses qui allaient l’assaillir tout au long de sa vie : «On eut dit que par une belle journée de printemps, les nuages en marche s’immobilisaient, que le vent tombait, et que toutes les créatures de la Terre gémissaient ou erraient dans une quête sans but» (''Moments of being''). Elle eut alors ses premières hallucinations, voyant sa mère avec un homme assis à son côté, et des démons noirs et velus, qui poussaient des cris horribles. Elle fit sa première tentative de suicide. Le «chagrin latent» (''A sketch of the past'') que lui laissa cette tragédie allait la poursuivre toute sa vie.

Refoulés, ces drames allaient travailler sa vie durant la jeune victorienne, et continuer d’infuser à travers toute son œuvre.

Cependant, en novembre, Vanessa et Virginia firent un voyage d'une semaine dans le nord de la France, en compagnie de George et de Miss Duckworth, la belle-sœur de Julia, qu'on appelait «tante Minna».

Le 10 avril 1897, l'autre demi-sœur de Virginia, Stella, qui avait été pour elle comme une autre mère, qui avait vingt-sept ans, se maria. Mais, dès le 28, au retour de son voyage de noces, elle fut atteinte d'une péritonite, et mourut le 19 juillet. Cette nouvelle épreuve atteignit Virginia encore plus profondément, et engendra une autre crise nerveuse.

Cette année-là, elle fit la connaissance de Violet Dickinson, une grande femme très vive, pleine de bon sens, de gaieté et d'optimisme, qui était venue rendre visite à son père, qui, à cette occasion, nota : «Elle se prit d'une grande affection pour toutes les filles, spécialement pour Ginia (Virginia)». Cette femme de trente-deux ans prit la jeune fille de quinze ans sous son aile.
Cette année-là encore, en déclarant : «Je m'efforcerai d'être un serviteur honnête, soucieux de rassembler la matière susceptible d'être utile, par la suite, à une main plus experte», elle commença à écrire un premier journal. Il était déjà inspiré par l'idée de Mémoires, et cela guida le ton de ces cahiers. Elle n'y fit que des notations hyperréalistes où tout était mis au même niveau :

- Qu’elle croise Henry James, un peintre préraphaélite, l’enfant qui allait être le modèle de Peter Pan, ou la reine Victoria, ces figures ne satisfirent encore que sa tendance au «name dropping».

- Même quand elle perdit sa demi-sœur, elle en resta aux faits.

- Ses demi-frères et sœurs, pourtant dotés d’un caractère hors du commun, tinrent peu de place.

- Jamais non plus elle n’évoqua la moindre attente amoureuse.

- La société elle-même ne la retenait pas longtemps, et la politique l’assommait.

- Certes, elle aimait «lire» les gens, mais bien plus les romans, les dévorant sans se rassasier.

- Elle rédigea des comptes rendus de séjours à l'étranger sans céder à la tentation d'un exotisme de convention, en s'interrogeant sur la manière d'embrasser le vivant sans le figer, en se plaçant déjà à rebours des canons en vigueur, des mécanismes romanesques faciles.

Peut-on alors encore parler de journal intime? D’ailleurs, elle écrivit : «Comme cela m'intéresserait que ce journal puisse devenir un jour un vrai journal intime [...] Mais pour cela il faudrait que j'y parle de l'âme ; et n'en ai-je pas banni l'âme quand je l'ai commencé?»

Le journal fut surtout prétexte à l'exercice de ses premières armes d'écrivain, Mais on constate que cette adolescente nerveuse et gâtée, que cette apprentie écrivaine passionnée, qui était déjà dévouée corps et âme à la genèse d'une œuvre, n’avait encore aucun style ; elle s'appliquait à faire des phrases comme on fait des gammes, en se moquant d'elle-même cependant.

En novembre 1897, elle commença, à suivre des cours de grec et d'Histoire au ‘’King's College’’ de Londres, puis, en octobre 1898, des cours de latin et de grec avec Miss Clara Pater (la sœur de l'écrivain Walter Pater).

Cette année-là, Gerard Duckworth fonda une maison d'édition à son nom.

Cette année-là encore, Virginia n’écrivit rien dans son ''Journal''.
En 1899, elle manifesta son désir de consacrer sa vie à l'écriture. S'entraînant, comme on fait des gammes, le 12 août, alors qu'elle était «au beau milieu du vieux pays des Fens [région de l'Est de l'Angleterre, qui s'étend principalement autour de l'estuaire du Wash]», elle nota dans son ''Journal'' :: «J'aimerais tant, une fois pour toutes, dire avec cette méchante écriture qui est la mienne combien ce pays m'impressionne - comme je ressens bien cette uniformité dure comme la pierre (?) et la monotonie de cette plaine.» Mais elle doutait encore : «L'encre me paraît ce soir la méthode la moins efficace qui soit, et la musique celle qui s'approche le plus de la vérité».

Pourtant, en 1900, elle commença à écrire des articles de critique littéraire.

Les 25 et 26 novembre 1901, Vanessa et Virginia accompagnèrent leur père à Oxford où lui fut conféré un grade de docteur «honoris causa».
En janvier 1902, Virginia prit des cours particuliers de grec avec Miss Janet Case, pédagogue beaucoup plus rigoureuse que Clara Pater.

Cette année-là, Virginia et Violet Dickinson commencèrent à correspondre. Elle dit de sa nouvelle amie : «Elle a trente-sept ans et n'a aucune prétention aux bonnes manières, ce qu'elle reconnaît avec humour en faisant allusion, en riant, à ses cheveux gris, et en déformant son visage par les grimaces les plus comiques. Mais un observateur, qui voudrait ne voir en elle qu'une de ces dames d'âge moyen astucieuses et accommodantes qui sont les bienvenues partout et indispensables nulle part, serait, en fait, tout à fait superficiel.» Dès le début de leur correspondance, leurs échanges furent plaisamment érotiques, étant émaillés de plaisanteries taquines, de demandes d'attention, de confidences de secrets, d'appels pour du chouchoutage et du maternage. Mais, en juillet 1903 Virginia écrivit à Violet : «Il est étonnant de constater quelles profondeurs, quelles profondeurs volcaniques, votre doigt a excitées !» ; et, à une autre occasion, elle lui indiqua qu'elle tenait prêt un lit double en prévision de sa visite. Il est donc certain que Violet Dickinson lui procura son premier amour à la fois sentimental et physique.

En 1902, Leslie Stephen, atteint d'un cancer, subit une opération à l'abdomen, et Virginia se consacra aux soins à lui porter. Mais, le 22 février 1904, il mourut. Elle n’en dit rien dans son ''Journal'', alors que son seul but était de conquérir l'admiration de cet homme savant et sévère. En fait, le choc fut si violent qu'elle connut une autre dépression, et tenta de se suicider. Et son souvenir allait la hanter longtemps. Pourtant, ce fut après cette disparition qu’elle fut certaine d’être capable d'écrire un livre, d'autant plus qu'étant devenue, à la suite de ce décès, encore plus proche de Violet Dickinson. Comme celle-ci croyait fermement en son talent, elle joua un rôle important dans la naissance de sa carrière littéraire, favorisa l'évolution de ses idées sur les façons de vivre, de parler et d'écrire. Et elle la présenta à Margaret Littleton, l'éditrice du supplément féminin du ''Guardian'', qui lui commanda un article sur Charlotte Brontë.

En avril, les quatre enfants Stephen firent un voyage en Italie, visitant Venise, Florence, Sienne et Gênes, étant épisodiquement accompagnés de Gerald Duckworth et de Violet Dickinson, que Virginia accusa alors d'être «une femme dangereuse» qui «n'avait pas la bonne sorte d'influence qu'il faudrait avoir sur de jeunes filles». Que s'était-il passé?

Le 10 mai, Virginia subit une autre dépression où elle fut victime de peurs, de suspicions, d’anorexie, d’insomnie, d’aménorrhée, de véritables troubles mentaux (elle entendait «les oiseaux chanter en grec, et le roi Édouard parler en langage ordurier»). Il fallut la faire interner plusieurs mois. Elle tenta de se suicider avec le véronal que lui prescrivait le médecin de la famille, le docteur George H. Savage. À la fin août, elle entra en convalescence, allant alors se reposer trois mois dans la maison de Violet Dickinson.

En octobre, les Stephen quittèrent le 22 Hyde Park Gate, et s'établirent au 46 Gordon Square, dans le quartier de Bloomsbury (centre ouest de Londres). Vanessa y eut son atelier de peintre, Virginia, son bureau d’écrivaine.

Les deux sœurs furent, par Kitty Maxse, l'épouse de l'éditeur de la ''National review'', introduites dans le monde élégant de Kensington et de Mayfair.

Cependant, Virginia donnait des cours du soir pour ouvriers au ‘’Morley Memorial College''.

Le 14 décembre 1904, elle publia anonymement, dans ''The women’s supplement'' de ‘’The guardian’’, un article consacré à ''The son of Royal Langbrith'', roman de W. D. Howells, dont elle ne mentionna pas qu'il était un Étatsunien. Une semaine plus tard, parut, dans ''The Times literary supplement'', un article écrit précédemment, qui était le compte rendu d'une visite faite à ''Haworth parsonage'', la maison de la famille Brontë.
En février 1905, Thoby, qui, au ‘’King's College’’ et au ‘’Trinity College’’ de Cambridge, avait fait partie de la ‘’Midnight society’’ qui se réunissait le samedi à minuit dans une chambre d'étudiant, commença à tenir ses «jeudi soir» au 46 Gordon Square, y recevant d'abord les amis qu'il s'était faits à l'université : le biographe, critique et essayiste Lytton Strachey, les fonctionnaires Leonard Woolf et Saxon Sydney-Turner, le critique d'art Clive Bell ; puis Vanessa et Virginia ; enfin le romancier E.M. Forster, le peintre Duncan Grant, le critique d'art Roger Fry, l'économiste John Maynard Keynes, le militaire Anthony Buxton, l'avocat Guy Ridley, le poète Horace de Vere Cole. C'est ainsi que se constitua le groupe de Bloomsbury, formé d'intellectuels qui étaient animés par une volonté de liberté de parole, de vérité, de non-conformisme, de culte de l'individu, d’égalité entre les hommes et les femmes ; qui étaient irrévérencieux pour toutes les formes de respect aveugle, critiques à l'égard de la société contemporaine, hostiles au capitalisme et à ses guerres impérialistes, politiquement répartis entre le libéralisme et le socialisme mais unis dans leur opposition contre le gouvernement ; qui pensaient que la vie doit avoir pour objectifs l'amour, la recherche du savoir, la création et la jouissance esthétique en étant ennemis du réalisme matérialiste dans la peinture et les œuvres d'imagination ; qui, ayant le «sense of fun», se livraient à toutes sortes de plaisanteries mais aussi d'audaces dans leurs mœurs (homosexualité de Keynes, de Grant et de Strachey).

Peu à peu, à leur contact, les deux sœurs Stephen allaient se détacher de l'éducation victorienne faite de mœurs rigides, de faux-semblants et de mondanités, que leur famille leur avait inculquée, s'opposer au modèle de la femme victorienne dévouée à son mari et à ses enfants, victime de la société patriarcale. En véritables renégates, elles en vinrent à décider de ne plus aller aux bals donnés par la bonne société. Au cours de soirées tapageuses, Vanessa dansa nue ; et elle se lia avec Roger Fry et Duncan Grant. Virginia fut moins téméraire, mais partagea la gaieté et I'humour qui tempéraient la gravité des «Bloomsburytes».
Tandis que Vanessa était attirée par Clive Bell, Virginia plaisait à un autre membre du groupe, Leonard Woolf, d'un an son aîné.

Fils d’un réputé avocat de Putney, juif non pratiquant et se sentant parfaitement britannique, il partit (avec, dans ses bagages, quatre-vingt-dix volumes de Voltaire, et, comme compagnon, son petit chien) à Ceylan pour être, dans cet avant-poste de l’Empire, un très discipliné administrateur colonial. Il allait avoir à y lutter contre l’ignorance et la pauvreté, à surveiller les pêcheurs de perles, à faire abattre le bétail malade, à régler les disputes matrimoniales ou religieuses, à présider aux flagellations et aux pendaisons, tout en étudiant le tamoul et le cinghalais aussi bien que le bouddhisme, ce qui le rapprocha des indigènes bien plus que de ses collègues buveurs, joueurs de tennis et de bridge. Il en vint à gouverner un territoire de mille milles carrés et une population de cent mille personnes. Mais il connut de longues périodes d’ennui, la pesanteur du climat tropical, des maladies. Il alla même, au cœur de cette solitude, jusqu’à, à une occasion, charger son revolver, sans succomber toutefois à ce désir de suicide.
1906
En septembre, toute la famille Stephen fit, en compagnie de Violet Dickinson, un voyage en Grèce (Olympie, Corinthe, Athènes, Péloponnèse).

Le 20 novembre, à l’âge de vingt-six ans, Thoby succomba à une fièvre typhoïde contractée en Grèce. Or Virginia avait, avec ce plus jeune frère, qui était son double bien-aimé, des relations incestueuses ; aussi sa disparition eut-elle sur elle un retentissement profond et durable. Mais, d'abord, elle s’acharna à nier sa mort en parlant de lui comme étant toujours vivant, dans plus de vingt lettres envoyées à Violet Dickinson.
Cette année-là, elle écrivit des nouvelles :

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