Questions à Agnès Van Zanten Sociologue, chargée de recherche au cnrs à l’Observatoire sociologique du changement







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Dossiers d'actualité Le collège unique Questions à Agnès Van Zanten

Questions à Agnès Van Zanten
Sociologue, chargée de recherche au CNRS
à l’Observatoire sociologique du changement




1. Le 5 avril 2001, Jack Lang, ministre de l’Education nationale, a annoncé ses mesures pour le collège. Comment expliquez-vous que le collège unique concentre les réflexions et les difficultés du système éducatif ?

Le collège unique concentre les difficultés parce que c’est d’abord le segment le plus récent du système éducatif. L’école primaire remonte au moins aux lois de Jules Ferry et le lycée à la période napoléonienne. Le collège unique est une construction progressive et plus récente à partir d’éléments différents, comme les petites classes de lycées et l’enseignement primaire supérieur, et de modes d’enseignements déjà existants et très hétérogènes. En outre, dans le modèle qui a finalement été adopté, le collège ne prend pas la suite de l’école primaire, mais décline plutôt les programmes du lycée pour des enfants plus jeunes.

D’autre part, les classes moyennes ne soutiennent plus ce projet de la même façon qu’à ses débuts. Favorables au départ à cette ouverture du système dont elles étaient les bénéficiaires, elles ont aujourd’hui des positions plus défensives face à ce qu’elles perçoivent comme une arrivée massive des enfants issus de milieux populaires et immigrés au collège.

Enfin, les enseignants sont éprouvés par les difficultés persistantes à enseigner dans des classes hétérogènes dans les collèges aujourd’hui.

2. Les professeurs soulignent la difficulté à gérer des classes composées d’élèves de niveaux différents. Comment peut-on apprécier ce phénomène d’hétérogénéité et est-il bénéfique aux élèves ?

Certains établissements développent aujourd’hui des classes de niveau, ou d’excellence, pour réguler la sélection. Jusqu’au milieu des années 80, une bonne partie des élèves en difficulté quittaient le collège en fin de 5ème. Cette possibilité a été progressivement supprimée sans que les établissements aient les moyens de faire face à ce changement très important : garder tous les élèves jusqu’en 3ème . Ils ont alors développé des politiques internes de gestion de leurs élèves et ont créé des classes d’élite. D’autant plus que cette initiative a été soutenue par les parents, bien qu’ils surestiment en général la portée pédagogique de cette solution.

Les établissements qui ne le font pas ont des classes hétérogènes et certains d’entre eux le revendiquent comme un principe démocratique. Mais ces classes ne sont pas faciles à gérer et les enseignants n’ont pas de formation pour répondre aux problèmes qu’elles posent, notamment avec une pédagogie différenciée.

En fait, il existe une conjonction entre les problèmes pédagogiques rencontrés par les enseignants, celui du chef d’établissement qui perd ses bons élèves et les stratégies des parents, qui aboutit à la mise en place de classes de niveau.

En ce qui concerne l’aspect bénéfique que peuvent retirer les élèves de l’hétérogénéité, les recherches montrent que les faibles perdent beaucoup à être ensemble dans une même classe sans être mélangés avec des élèves de niveau différent. En effet, si le climat entre les élèves et les enseignants est souvent meilleur, ce dispositif ne contribue pas à leur progression. Les classes ne doivent pas non plus être trop hétérogènes car les élèves plus faibles peuvent alors développer des complexes.

En ce qui concerne les élèves plus forts, certaines études montrent une plus grande progression lorsqu’ils sont regroupés tous ensemble et d’autres non.

3. Jack Lang prévoit de renforcer les activités pluridisciplinaires pour lutter notamment contre l’ennui des élèves. Ce manque de motivation est-il lié à des méthodes pédagogiques ou à un type d’enseignement mal adapté aux collégiens ?

L'inadaptation de l'enseignement explique en partie les difficultés. Il est constitué d’une accumulation de notions qui ne permet pas aux élèves de dégager l’essentiel et de comprendre les liens existant entre elles. Il convient d’être extrêmement ouvert sur ce qu’il faut apprendre aux élèves. L’école ne réfléchit pas assez à ce que les enfants apprennent par ailleurs. Elle doit s’interroger davantage sur les connaissances et les rapports au savoir plutôt que développer de manière exponentielle les programmes. Mais cette réflexion ne peut pas être confiée uniquement aux spécialistes des différentes disciplines sinon aucune modification n’est possible, chacun défendant l’importance de sa matière.

La pluridisciplinarité et le travail par projet sont une solution intéressante. Les projets, bâtis autour d’un thème par exemple, peuvent permettre de faire travailler les élèves avec des approches disciplinaires différentes et constituent un élément de motivation et d’implication des élèves. Ils participent à la construction du savoir. Ces initiatives permettent aussi aux enseignants de travailler différemment et de mieux se coordonner.

Cette solution n’est donc pas une panacée mais peut être un moyen de remotiver les élèves sans pour autant évacuer les contenus disciplinaires.


Mise en place et réformes

Un long processus




La réforme Berthoin de 1959



La réforme Fouchet-Capelle de 1963



La réforme Haby du 11 juillet 1975

La volonté d’unifier les structures et les enseignements de l’école moyenne apparaît dès le début du xxe siècle avec Ferdinand Buisson et les Compagnons de l’Université nouvelle (un groupe d’enseignants de tous les niveaux) qui lancent l’idée d’une " école unique ".
À cette époque, le primaire et le secondaire ne désignent pas des étapes successives de la scolarité des élèves mais deux types d’enseignement et d’établissement existant parallèlement. En comptant la voie professionnelle, il existait donc trois filières après l’école élémentaire :

  • L’enseignement primaire supérieur dispensé pendant quatre ans après le certificat d’études de la sixième à la troisième, soit dans des écoles primaires supérieures (EPS), soit dans des cours complémentaires.

  • L’enseignement secondaire, dispensé dans des lycées, qui offrait, après ses propres " petites classes " élémentaires, un premier et un second cycles allant de la sixième à la terminale.

  • Les centres d’apprentissage accueillaient les élèves pendant trois ans après l’école élémentaire.

Cette organisation était vivement critiquée car considérée comme portant atteinte aux principes démocratiques de la République. En effet, elle correspondait aux clivages sociaux de l’époque entre d’une part le peuple citadin ou rural et d’autre part une population aisée, bourgeoise ou aristocrate.
En 1941, le ministre Jérôme Carcopino transforme les EPS en collèges modernes et les intègre dans l’enseignement secondaire. En 1959, les changements de structures se poursuivent.

La réforme Berthoin de 1959

Pour répondre notamment aux nouveaux besoins liés à la croissance (entre 1956 et 1961, 51 000 ingénieurs ou scientifiques sont nécessaires mais on ne prévoyait que 24 000 diplômés de l’enseignement), le gouvernement gaulliste mène une politique de modernisation et de démocratisation du système éducatif.

Le ministre de l’Éducation, Jean Berthoin, prolonge par une ordonnance (n° 59-45) la scolarité obligatoire de 14 à 16 ans et réforme par un décret du même jour (n° 59-57) l’organisation du système éducatif.
Les centres d’apprentissage deviennent des collèges d’enseignement technique (CET), les cours complémentaires de l’enseignement primaire supérieur se transforment en collège d’enseignement général (CEG). A leurs côtés, les " petits lycées " continuent d’exister.
Un cycle d’observation de deux ans (6ème , 5ème ) commun à toutes les sections est mis en place dans le but d’orienter les élèves à la fin de ce cycle vers l’enseignement qui leur convienne le mieux selon leur mérite et non selon leur origine sociale. Il existe quatre possibilités : deux filières générales, courte ou longue, et deux filières techniques, courte ou longue.
A partir de ce moment, les effectifs du premier cycle progressent rapidement. Ainsi, dans les CEG, on passe de 474500 élèves en 1959-1960 à 789300 en 1963-1964.

La réforme Fouchet-Capelle de 1963

La réforme de 1959 échoue sur un point essentiel : l'orientation. En effet, le cycle d’observation n’entraîne aucune redistribution en 4ème des élèves qui continuent leur scolarité dans le type d’établissement au sein duquel ils l’ont commencée. Ce constat guide la réforme du ministre de l’Éducation Christian Fouchet et du recteur Capelle.
Par décret (n° 63-793), les procédures d’observation et d’orientation sont étendues à toutes les classes du premier cycle. Les orientations décisives sont ainsi reportées de deux années, à la fin de la 3ème.
D’autre part, des collèges d’enseignement secondaire (CES) sont mis en place et toute nouvelle création d’établissement de premier cycle doit prendre cette forme. Les lycées perdent progressivement leurs " petits lycées ", détachés pour constituer des CES distincts.


CES Saint-Jean de la Ruelle (1968).
© La Documentation française - Photo Almasy

Les CES comprennent désormais trois filières :

  • celle de l'enseignement général long (classique ou moderne long) aboutissant aux lycées et sanctionné par le baccalauréat ;

  • un enseignement général court complété d'une classe complémentaire ou conduisant à l'enseignement professionnel en deux ans (CET) ;

  • un cycle de transition (6ème et 5ème) suivi d'un cycle terminal pratique.

À côté des CES, les CEG demeurent. Ils peuvent abriter l'ensemble de ces filières à l'exception de l'enseignement général long classique.



La réforme Haby du 11 juillet 1975

Cette réforme constitue l’aboutissement du processus d’unification et de démocratisation en instaurant le collège unique. Par la publication de la loi n° 75-620, René Haby unifie les structures administratives du premier cycle en supprimant la distinction entre CES et CEG, qui deviennent tous des collèges. Il unifie aussi les structures pédagogiques en mettant fin à l'organisation de la scolarité en filières, les sections devenant " indifférenciées ".La répartition des élèves dans les classes s'effectue sans distinction, l’hétérogénéité des classes est établie, des actions de soutien et des activités d'approfondissement sont organisées, le diplôme national du Brevet des collèges sanctionne la formation acquise (il remplace le Brevet d'études du premier cycle du second degré - BEPC - créé en 1947).Le brevet est obtenu soit à la suite d'un examen, soit au vu des seuls résultats scolaires du candidat.

L’idée de la réforme est d’orienter les élèves en fonction de leurs aptitudes en fin de 3ème vers l’enseignement général, technique ou professionnel. Cependant il subsiste, en fin de 5ème , une orientation notamment vers des classes de préparation au CAP (certificat d’aptitude professionnelle) permettant au système éducatif de trouver une place aux élèves qui réussissaient mal et que l’école refusait.
La réforme n’est mise en application qu’à la rentrée scolaire de septembre 1977.
Cependant, devant une opposition assez générale, le projet bute sur la définition d’un socle commun de connaissances comprenant des compétences technologiques et professionnelles.



Les différentes réformes




Pourquoi des réformes ?



1982 : "la rénovation du collège unique"



Novembre 1993-1997 : "un collège unique mais pas uniforme"



Mai 1999 : "le collège de l’an 2000"



Avril 2001 : "pour un collège républicain"

Pourquoi des réformes ?

Le collège unique est très vite confronté à des difficultés persistantes dont les principales sont les suivantes :

  • les conséquences de la massification de l’enseignement depuis les années 1960. L’hétérogénéité des publics scolaires aussi bien du point de vue du niveau que de l’origine sociale entraîne des difficultés de gestion et d’adaptation à ces nouveaux élèves ;

  • un bilan contrasté de la démocratisation de l’enseignement. Si la mise en place du collège unique est indissociable des progrès de la scolarisation (augmentation du nombre d’élèves, allongement de la scolarité, amélioration du niveau moyen de formation), les pesanteurs sociologiques restent importantes dans ce nouveau système. Les élèves âgés, redoublants, ou qui ont de mauvais résultats scolaires, sont souvent des enfants issus des catégories sociales les moins favorisées. Les procédés d’orientation ne sont donc pas satisfaisants. De plus, l’inégalité entre les établissements s’accroît ;

  • une qualité de vie dans les établissements qui ne convient pas toujours aux professeurs et aux élèves, notamment à cause du développement des incivilités ;

  • l’ambiguïté des objectifs du collège unique. En effet, le collège doit accueillir tous les enfants jusqu’à seize ans tout en préparant une partie d’entre eux à des études longues.

Face à ces problèmes, les différents ministres de l’Éducation nationale ont commandé depuis le début des années 1980 des rapports à des spécialistes du monde éducatif dans le but de " réformer " ou de " rénover " le collège unique. Les propositions avancées par les différents rapports ne sont pas si différentes mais elles se heurtent à des blocages qui nuisent à leur application, donc à la mise en place de réelles solutions.



1982 : " la rénovation du collège unique "

En décembre 1982, Louis Legrand, ancien directeur de l’Institut national de la recherche pédagogique remet au ministre de l’éducation Alain Savary son rapport intitulé " Pour un collège démocratique ".
Face à l’insatisfaction générale concernant le fonctionnement du collège, il recherche les voies nouvelles d’une réelle démocratisation pour lutter contre les échecs scolaires et répondre aux nouvelles exigences sociales d’élévation du niveau de culture et de qualification professionnelle de la Nation. Le projet est accueilli comme une nouvelle grande réforme.

Il propose :

  • d’aménager dans les classes de 6ème et 5ème des temps de travail en groupes d’élèves de niveau hétérogène et des temps en groupes de même niveau ;

  • d’adapter les programmes nationaux à la diversité des publics et des situations locales ;

  • de favoriser les activités d’expression et de production technique ;

  • de renforcer les liens entre l’élémentaire et le secondaire pour faciliter le passage en 6ème ;

  • de favoriser l’autonomie des établissements pour prendre en compte la diversité des situations locales et transformer la vie des collèges en donnant des pouvoirs et des responsabilités aux partenaires ;

  • de mettre en place un tutorat destiné à aider les élèves dans leur travail et leur vie scolaire ;

  • de transformer les fonctions et les services des enseignants qui effectueraient 16 heures d’enseignement + 3 heures de concertation en équipe pédagogique et 3 heures de tutorat.
    L’accent est mis sur l’importance du travail en équipe pédagogique et pluridisciplinaire, l’élaboration de projets éducatifs.

Cependant l’application de la réforme se fait sur la base du volontariat des établissements, ce qui réduit considérablement sa diffusion. De plus, le ministre abandonne le redéfinition du service hebdomadaire des professeurs et le tutorat, mais annonce des discussions nationales sur le statut des enseignants.



Novembre 1993-1997 : "un collège unique mais pas uniforme"
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