Vous êtes engagée sur la scène artistique depuis les années 70, avec vos assemblages d'oiseaux empaillés, de poupées bricolées, de broderies, de coloriages et de photographies. Savez-vous aujourd'hui à quoi sert l'art?
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| Vocabulaire: Polemique: Débat plus ou moins violent, vif et agressif, le plus souvent par écrit Mêler: Mettre des choses ensemble, les réunir en formant un tout, les combiner, les mélanger Rétrospective: Exposition présentant de façon récapitulative les œuvres d'un artiste, d'une école, d'une époque Rébarbatif: Se dit d'une attitude rude et rebutante; revêche Abordable: Qui est d'un prix accessible Envahi: Prendre trop de place, toute la place avec des objets Vitrines: armoire, table munie d’un châssis vitré, afin de laisser voir les objets qui y sont placés Annette Messager "Je suis une messagère sans message" Par Colonna-Césari Annick, publié le 02/07/1998 En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/informations/je-suis-une-messagere-sans-message_629545.html#8KjoxS7x6cCQwMPc.99 L'art du quotidien Elle se nourrit de l'air du temps et explore l'identité humaine depuis les années 70, en héritière de Duchamp. Amour, haine, violence, barbarie: le quotidien est au centre de ses préoccupations. Ses installations faites de photos trafiquées et de peluches éviscérées, de laines détricotées et d'animaux empaillés racontent des histoires qui mêlent humour, dérision et tragédie. Au Top Ten de la création dans l'hexagone, Annette Messager, née à Berck, est aussi la seule artiste femme et française de sa génération à jouir d'une reconnaissance internationale. Le musée d'Art moderne de la ville de Paris et le Museum of Modern Art (Moma) de New York lui ont déjà consacré une rétrospective. Vous êtes engagée sur la scène artistique depuis les années 70, avec vos assemblages d'oiseaux empaillés, de poupées bricolées, de broderies, de coloriages et de photographies. Savez-vous aujourd'hui à quoi sert l'art? Messager: A rien. Donc à tout. Il ne peut ni servir une idéologie ni remplir une fonction sociale. Il doit être le domaine de la plus grande liberté. Il active nos sens, élargit notre perception visuelle et mentale. J'adore cette phrase du peintre Robert Filliou: "L'art doit rendre la vie plus intéressante que l'art." Alors pourquoi cette polémique, qui a vu récemment s'opposer en France, par ouvrages interposés, détracteurs et défenseurs de l'art contemporain? Messager : Cette polémique ne m'intéresse pas et ne m'étonne pas. C'est sans doute un contrecoup des années 80, durant lesquelles on a vendu facilement n'importe quoi à n'importe qui, à des prix très élevés. Par un effet de mode, on a organisé brusquement trop d'expositions et de foires, sans aucune éducation du public. Mais à ce moment-là le roi n'était pas nu. Est arrivée la crise. Les prix ont chuté. Alors, on a brûlé les idoles de la veille. Avec les difficultés sociales et économiques, le monde est devenu plus réactionnaire. Dans une période de crise, il est plus facile de se réfugier dans les discours académiques. De toute manière, je ne pense pas que l'art contemporain puisse et doive être populaire. La Fête de la musique est drôle et sympathique, mais elle ne révèle pas de grands courants musicaux. L'art contemporain, c'est de la recherche. Par définition, il est difficile à comprendre, parfois ennuyeux et rébarbatif. Comment définiriez-vous la scène artistique actuelle? Messager : Les formes d'expression sont très variées. Les installations sont à la mode. La photo gagne un public nombreux parce qu'elle remplace la peinture, grâce à des prix plus abordables. Les jeunes utilisent aussi beaucoup la vidéo, parce que c'est leur univers depuis l'enfance. Qu'apportent les nouveaux médias à la création? Messager: Je ne crois pas à la notion de progrès en art. Les technologies évoluent, fax, vidéo, Internet. Mais l'artiste veut toujours dire la même chose. Le plus important aujourd'hui est que l'Occident est en train de s'ouvrir à des cultures différentes, de découvrir des artistes thaïlandais, coréens, japonais, chinois, africains. Avant il y avait New York, Cologne, Düsseldorf, un peu Paris. Maintenant le marché éclate. Los Angeles commence à faire concurrence à New York. Récemment des biennales ont été organisées en Corée, à Cuba et à Johannesburg. Comment votre travail a-t-il évolué? Messager : J'ai toujours voulu faire des gestes modestes sur un mode mineur. Au début, par timidité sans doute, j'exposais mes travaux dans des vitrines. Puis, à partir de 1975, je les ai accrochés sur les murs. J'ai commencé à mélanger photo et peinture. C'est alors que j'ai réalisé une série intitulée Les Chimères, de grandes photos de corps humains que je peignais et découpais, et qui apparaissaient ainsi déployées sur les murs, comme des chauves-souris ou des vampires menaçants. J'ai ensuite, de plus en plus, envahi l'espace. J'aime que le spectateur soit obligé de traverser des éléments, pour ne pas être passif comme devant un tableau. |
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