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INTERVENTION COLLOQUE HUESCA

JEUDI 1er OCTOBRE 2009 11h30

Danielle BUYS


  • Première adjointe au maire de Tournefeuille, déléguée à la culture.




  • Présidente de la commission culture au Conseil Régional Midi-Pyrénées




  • Membre du bureau de la Fédération Nationale des Collectivités de la Culture (FNCC)


POURQUOI PROGRAMMER LA DANSE ET LE THÉÂTRE CONTEMPORAINS EN TEMPS DE CRISE ?

( UNE QUESTION PERMANENTE)
La question est fondamentale, parce que la problématique des ressources n’est pas uniquement économique ou sociale elle est aussi symbolique.
Une époque s’achève une autre commence. Sans la confrontation nécessaire des réflexions, des opinions, des positions, nous sombrerons dans l’indifférence générale d’une société conservatrice, d’une société sécuritaire et totalitaire.
C’est une question permanente, qui ne se limite pas à la diffusion des œuvres mais porte sur l’ensemble du dispositif de soutien à la création.
Lorsque l’on parle d’art contemporain (quelle que soit la discipline) il est difficile de fidéliser, de capter un public, de demander un effort de compréhension pour développer la relation entre les œuvres et les populations.
Il nous faut sans arrêt défendre l’idée que l’art est nécessaire au monde, que la création contemporaine est sans doute seule à même de révéler les enjeux réels et symboliques de nos sociétés.

La place des artistes est essentielle car elle pose la question de l’intégrité, de la dignité et de la complexité humaine, elle renvoie au monde des visons et des représentations, elle replace le subjectif pour interroger la rigidité de l’univers matériel, et mettre en évidence la complexité du réel et non sa prétendue uniformité.
En temps de crise, l’enjeu devient décisif. Les inégalités se creusent, la société se divise, on assiste à un repli vers les besoins matériels… C’est alors que l’art et la culture doivent briller d’autant plus fort que l’obscurité, et l’obscurantisme, menacent nos sociétés.

Dans un même temps, il faut arriver à faire passer ce qui est sans doute le message essentiel : l’art et la création doivent être soutenus, diffusés, valorisés, car ils construisent l’avenir.


( LA RESPONSABILITÉ DES POLITIQUES CULTURELLES )
Il n’y a jamais eu autant de richesse et d’abondance sur notre planète, et il n’y a jamais eu autant de facilités de transmission et de communication. Nous sommes dans un effondrement de nos systèmes financiers, dans une guerre pour contrôler la répartition totalement inéquitable de ces richesses.
Nous n’assistons pas à une faillite de la création et de la production, nous assistons à une faillite du système d’échanges entre les hommes, les pays, les sociétés. La culture et la création devraient être en première ligne pour en inventer un nouveau, qui ne serait pas basé sur la surconsommation et le monopole des échanges financiers.
Face à la crise et aux restrictions nécessaires l’heure du choix a sonné, il ne faut pas baisser les bras, réduire les ambitions, il ne faut surtout pas ne programmer que ce qui plait, que ce qui « marche » et remplit les salles, il ne faut pas aller uniquement au plus rentable. Ce serait sombrer dans la facilité, dans le populisme, dans un repli frileux vers le seul divertissement.
Pour cela, il nous faut également transformer le rapport à l’art, pour faire comprendre que la culture n’est pas un luxe réservé à une élite ou un divertissement dont le sens importe peu. En temps de crise, il est d’autant plus urgent de former des citoyens libres et émancipés, de développer une société créative et imaginative.

Il faut instaurer un lien permanent entre l’art et le citoyen. Il ne suffit pas de remplir des théâtres et des musées, qui sont toujours visités par les mêmes personnes, il faut aussi et surtout amener l’art dans la vie quotidienne, dans l’espace public, dans la sphère familiale, pour que se crée un lien entre l’art et la cité. Ce n’est qu’à ces conditions que la culture sera une composante essentielle du projet politique, et non un simple luxe divertissant.
Si nous abordons maintenant les aspects économiques, nous constatons que dans tous les domaines on nous assène que la Recherche et le Développement sont les ferments de la reprise, de l’avenir. La culture est en elle-même à la fois recherche et développement, créatrice d’activité et d’emploi. Par exemple à Tournefeuille, 27 000 habitants, la culture représente 300 emplois entre le public et le privé.

Le secteur de la culture est à la fois créateur d’emploi et de lien social, créateur de croissance économique et de développement personnel, il constitue à la fois un ancrage dans le réel et un ferment pour l’avenir.

Pour toutes ces raisons il nous faut soutenir et diffuser la création contemporaine.
Mais attention : l’enjeu d’intérêt général n’est pas de financer une corporation appelée « artistes » qui fabrique des œuvres, mais bien de contribuer à l’élaboration d’un imaginaire commun pour l’humanité, dans une société où chacun est libre de choisir sa culture.

La politique de soutien aux artistes consiste à organiser le processus qui répondra à cet objectif, à donner les outils pour que les citoyens forment leur propre jugement à partir des références artistiques soutenues par les politiques publiques.

L’enjeu est fondamental, en particulier en périodes de crise identitaire. Face au risque de repli exclusif sur des cultures identitaires, voire sur des nationalismes, il nous faut favoriser la diversité culturelle, reflet de la diversité humaine. Ce qui signifie penser l’identité du genre humain au lieu d’ignorer et censurer tout ce qui est en dehors de l’institution ou de l’identité culturelle soi-disant « légitime ». C’est d’autant plus vrai en période de crise que toutes les cultures doivent pouvoir apporter leur pierre à la construction de l’humanité.
Mettre en œuvre ces idées et sortir du « prêt à penser » de la culture nécessite finalement un courage politique et une prise de risque artistique que peu de villes et peu de salles de spectacles osent prendre.
Cela devient encore plus difficile lorsque le pays connaît une crise économique, lorsque les collectivités voient fondre leurs ressources fiscales. La culture est souvent la première touchée par les réductions de budget, et la prise de risque artistique est évitée, voire éliminée.
Le risque est bien réel de voir les décideurs eux-mêmes sombrer dans le défaitisme et, involontairement, faire le lit de l’obscurantisme.

C’est pourquoi je réaffirme qu’il ne faut pas éteindre la lumière quand la nuit tombe !


( QUELQUES PISTES )
Après avoir abordé les raisons de soutenir et programmer la création contemporaine, je voudrais aborder la question de la mise en œuvre opérationnelle de ces idées, au niveau local.

Afin d’illustrer mon propos et d’entrer peut-être plus dans le concret, je citerai quelques réflexions qui émanent de notre expérience à Tournefeuille, où depuis plus de dix ans nous expérimentons dans le sens que je viens de développer.
( DÉMARRAGE DU POWER POINT )
1) Ouvrir les portes sur la diversité des expressions artistiques.

Si l’on veut innover, pour une politique créative qui transforme la cité et rapproche l’art contemporain des populations et de la sphère publique, il ne faut surtout pas partir de la demande des habitants. Bien au contraire, il ne faut pas avoir peur de proposer aux citoyens ce qu’ils ne connaissent pas, ce qu’ils n’auraient jamais pensé demander.
2) Transmettre et partager l’expérience artistique.

Cette démarche doit être participative. Il ne s’agit pas seulement de faire connaître la création contemporaine, il s’agit de faire partager la découverte, d’éveiller la curiosité, d’encourager les propositions et l’émergence des pratiques, de créer une familiarité active entre les personnes et les cultures, à tous les âges.
3) Partir du projet artistique et explorer les possibles en matière d’action culturelle.

Une autre règle de base est qu’il faut partir absolument du projet artistique autour duquel s’organisent des actions en direction des habitants, et non l’inverse (qui serait instrumentaliser les artistes dans un but social, économique, touristique…).
4) Repenser le rôle du service public dans l’action culturelle.

Un autre point clef concerne le rôle du service public dans le développement culturel. Il est essentiel de tracer une troisième voie entre d’un côté une culture « cultivée », officielle, reconnue, présentée dans les lieux culturels, et de l’autre une culture marchandisée, véhiculée massivement par les medias.

Le rôle du service public, d’autant plus en temps de crise, est de faire découvrir la création théâtrale, chorégraphique, dans toute son émergence, et non seulement lorsqu’elle est reconnue ou commercialisée.
5) Inscrire les politiques et les actions dans la durée.

Une autre constante, condition incontournable du succès : l’inscription dans la durée. Il est facile de comprendre que dix ans d’action s’adressant à chaque citoyen produit un impact phénoménal dans la transformation de la pratique culturelle et de la relation à l’art contemporain, bien plus que des opérations ponctuelles ou une simple programmation de spectacles dans un théâtre, aussi bonne soit elle.
6) L’équipement : un moyen et non une fin en soi.

La question des équipements culturels est également fondamentale. A Tournefeuille, le projet précède l’équipement, ou même s’en passe sans trop de problème. L’équipement doit être un outil léger pour une politique de fond. Il doit absolument être au service de la création, de l’émergence, d’une vision prospective, son objectif doit être le soutien aux disciplines artistiques contemporaines.
7) Un exemple parmi d’autres.

Pour rester dans le cadre de la danse contemporaine, l’expérience la plus révélatrice est peut être celle menée avec la Cie Emmanuel Grivet . Cette compagnie de danse contemporaine est implantée dans notre ville depuis une dizaine d’années. Nous avons mis en place avec elle une action au lycée professionnel.

Seuls le proviseur et le conseiller d’éducation sont au courant du projet. Un camion de la ville arrive, des techniciens installent un tapis de danse sous le préau du lycée. Le chorégraphe commence à faire répéter les danseurs pour sa prochaine création. Professeurs et élèves découvrent tout cela depuis les fenêtres des classes, puis à la récréation et au moment du repas de midi, et cela pendant toute une semaine.

A la cantine, des sets de table sont distribués à tous les élèves, où est imprimée une question : « Ai-je vraiment besoin de ce qui me manque ? ». Les danseurs discutent avec les jeunes, puis improvisent avec eux sur ce thème de la consommation, du besoin, du manque… puis un professeur se lance, organise une rencontre improvisée entre sa classe et les artistes…

Il y a là, il me semble, une vraie rencontre entre la danse contemporaine et les jeunes citoyens, autour de questions qui traversent nos sociétés.

Voilà aussi pourquoi il faut soutenir la création et la diffusion du théâtre, de la danse et de toutes les formes d’art contemporain: pour sortir du cadre, aller vers l’art, aller vers l’autre.

BUDGET
La crise implique forcément une baisse des budgets, publics et privés. Le message que je viens de développer, il faut donc le faire passer à l’ensemble des élus, pour qu’ils opèrent intelligemment leurs choix budgétaires et ne traitent pas la culture comme un luxe dont on peu se dispenser, mais comme une mission d’intérêt public au même titre que l’éducation ou la santé.
Cette crise nous enseigne l’humilité, nous incite à mettre en avant ce qui donne sens et à reléguer le clinquant et l’artifice au second plan. Le monde de la culture n’a-t-il pas lui-même favorisé les dérives inflationnistes des grands équipements, le marketing et la concurrence entre structures au détriment de l’éducation et de la création ? N’ont-ils pas géré l’existant au détriment de l’imagination ?
Au regard de la crise, l’agenda 21 de la culture, et la déclaration de l’UNESCO sur la diversité culturelle, nous donnent des éléments de réponse : mutualiser, coproduire, optimiser la diffusion des œuvres en fédérant les lieux de diffusion, gérer des lieux en intercommunalité, créer les réseaux de solidarité et de créativité… L’agenda 21 est en lui-même un outil pour définir et construire l’avenir, en partant des contraintes du présent pour inventer d’autres modes de production et de partage des cultures.
Alors oui, il nous faut demander aux gouvernements et aux élus de ne pas éteindre la lumière en temps de crise, mais il nous faut aussi inventer des moyens durables et économes de faire cette lumière. Tout en rappelant sans cesse la question posée par Victor Hugo, alors député de la République : « Vous trouvez que la culture coûte cher ? Essayez l’ignorance ! »

CONCLUSION
La culture est porteuse d’espoir, un espoir de transformation des comportements, mais aussi un espoir de liberté dans un monde en crise. Cet enjeu donné à la création artistique ne pourra aboutir que si nous savons recréer de nouvelles relations entre les politiques et les citoyens, entre les politiques et les artistes.

La politique publique a besoin de sa confrontation aux artistes, dans un rapport qui prenne en considération le citoyen dans son intégralité et non dans son seul statut de spectateur.
En même temps, je ne suis pas naïve au point de croire que la création artistique et la beauté seules sauveront le monde. La liberté de l’artiste (comme de tous les acteurs culturels) va de pair avec sa responsabilité, il ne saurait s’exonérer des questions qui ébranlent la société et continuer à créer ex nihilo en réclamant sans cesse les moyens de sa création.
On ne passe pas de la vision d’un spectacle à une compréhension du monde et d’une compréhension intellectuelle à une décision d’action.
On passe d’un monde sensible à un autre monde sensible qui détruit d’autres tolérances et intolérances, d’autres capacités et incapacités.
L’art contemporain doit innover dans son contenu mais aussi dans son mode de production, mettre son système de fonctionnement en accord avec ses valeurs de création, d’ouverture, d’expérimentation. Je citerais en exemple l’Orchestre de Chambre de Toulouse, qui s’est constitué en coopérative ouvrière de production, intégré dans le vaste réseau coopératif de l’économie solidaire.
Tous les philosophes et sociologues savent que c’est en temps de crise que les sociétés évoluent, rebondissent pour surmonter leurs contradictions, car la crise nous oblige à bouger les lignes, à nous fédérer, à nous rapprocher, à combiner nos moyens et nos énergies, pour inventer de nouvelles façons de faire la culture, pour donner sens à la présence artistique dans les territoires, pour des instants de partage et d’utopie au quotidien.
En temps de crise le chemin est tortueux plein d’obstacles, faisons en sorte que l’art contemporain nous interpelle et nous donne le courage d’inventer un avenir partagé par tous les hommes.

15/11/2016

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