Artiste-philosophe et sociologue de l’art et de la cyberculture







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l'universel. Il est devenu alors patent que les artistes vivaient dans une société de classe et que leur production s'inscrivait dans la forme ou l'écriture de la classe dominante : « c'est parce que la société n'est pas réconciliée que le langage nécessaire et nécessairement dirigé institue pour l'écrivain une condition déchirée. »
Les peintres contemporains ont diversement assumé cette « compromis­sion ». Nous intéressent particulièrement les démarches politiques qui ont tenté de s'engager avec militantisme dans des causes comme celle du Viêt-nam ou la dénonciation de l'exploitation du capitalisme. Le Salon de la jeune peinture à Paris, avec le groupe des Malassis, composé principalement de peintres marxistes, a tenté de retrouver un usage critique de l'image contre ses manipulateurs habituels. L'appartement-songe, la dénonciation de la torture, des crimes de guerre, des famines non secourues dans le Tiers monde, de l'affairisme des hommes politiques au pouvoir, les fresques qui caricaturent violemment la société de consommation en s'inspirant de l'imagerie du Radeau de la Méduse sur les frontons d'une grande surface de vente à Grenoble, sont autant de prises de position engagées, avec les moyens tra­ditionnels de la peinture. Le militantisme du Front des Artistes plasticiens en France, notamment contre l'exposition 72-72 organisée à Paris à l'initiative du président Pompidou, rejoint les mêmes objectifs politiques.
Des démarches à l'étranger comme celles de K. P. Brehmer, Albrecht D ou Klaus Staeck en Allemagne, du Guerilla Art Action Group (Toche et Hendricks) à New York, de Sarenco ou Patella en Italie, de Vigo et Zabala en Argentine, de John Latham en Grande-Bretagne, vont dans le même sens.
Le collectif d'art sociologique déclare son alliance objective avec ces courants engagés, dont l'exemple a été important, mais il se propose des méthodes assez différentes qui le distinguent de cet « art militant ». Car ce serait retomber dans le sillage des attitudes artistiques des années 60 qui ont fait la preuve de leur insuffisance. Engagé politiquement, l'art sociologique recherche une autre stratégie, d'autres méthodes que l'art militant qui a été une étape importante, mais qui apparaît aujourd'hui peu opérant. L'art militant fait les questions et les réponses. Il montre le bien, le mal, alors que nous refusons de penser pour les autres et de dire ce qu'il faut croire. L'essentiel est de penser par soi-même et de se déconditionner des « matraquages » renvoyant à un dogme, fût-il de gauche.
En outre, il nous paraît difficile de dénoncer efficacement la bourgeoisie avec une esthétique bourgeoise et ses poncifs picturaux. Or cette peinture militante emprunte constamment au formalisme pictural du XIXe siècle (par exemple le Radeau de la Méduse) et s'attire ainsi le même reproche que Barthes fait à l'écriture littéraire communiste qui recourt au langage classique, c'est-à-dire de la classe dominante : « cette écriture petite-bourgeoise a été requise par les écrivains communistes, parce que pour le moment, les normes artistiques du prolétariat ne peuvent être différentes de celles de la petite-bourgeoisie (fait d'ailleurs conforme à la doctrine) et parce que le dogme même du réalisme socialiste oblige fatalement à une écriture conventionnelle, chargée de signaler bien visiblement un contenu impuissant à s'imposer sans une forme qui l'identifie. »
Il ne faut pas s'étonner qu'un peintre engagé comme Lucien Fleury, mem­bre du groupe des Malassis, déclare lui-même fréquenter assidûment les musées et aimer la peinture du XlXe siècle, dont on retrouve des morceaux de bravoure dans sa production.
Pour contester les valeurs politiques de l'ordre bourgeois, il faut aussi rompre avec ses valeurs esthétiques ! Bernard Teyssèdre à qui, depuis 1973, j'avais eu l'occasion d'exposer les principes qui fondent l'art sociologique, propose à la suite de notre premier Manifeste, fin 1974, une définition de l'art sociologique qui de fait caractérise bien un art social ou politique : « une pratique artistique qui tend à mettre l'art en question, d'une part en le référant à son contexte idéologique, socio-économique et politique, d'autre part en attirant l'attention sur ses canaux de communication (ou non-communication), sur ses circuits de diffusion (ou occultation), sur leur éventuelle perturbation et subversion ». Il est clair qu'en référant cette pratique à son contexte social et non pas à la théorie sociologique, Bernard Teyssèdre, au moment même où il voulait ,participer à notre démarche, montrait qu'il n'en avait pas retenu le fondement même. Ce qui explique qu'il ait procédé par amalgame de noms d'artistes les plus divers pour définir, à sa façon, l'art sociologique, par la somme d'exemples juxtaposés de démarches artistiques contestataires, ce qui lui tint lieu de théorie.
Notre but n'est pas de dénoncer le capitalisme bourgeois pour nous enfer­mer dans le bureaucratisme communiste ; il est d'interroger également ces deux modèles et leurs réalisations sociales. C'est en quoi nous nous écartons d'une position telle que celle du groupe anarcho-syndicaliste l'Art social (Jean Grave, Charles-Albert et Paul Delesalle, Fernand Pelloutier) qui, à la fin du XlXe siècle, prit la position suivante : « De même que l'art bourgeois fait plus pour le maintien du régime capitaliste que toutes les autres forces sociales réunies : gouvernement, armée, police, magistrature, de même l'art social et révolutionnaire fera plus pour l'avènement du communisme libre que tous les actes de révolte inspirés à l'homme par l'excès de sa souffrance. »
Sans prendre position vis-à-vis de son oeuvre, nous pouvons rappeler une phrase de Jean Dubuffet : « Révolution c'est retourner le sablier. Subversion est tout autre chose, c'est le briser, l'éliminer » 17.
Bakounine lui-même avait déjà dit non à un art militant.
La démarche de l'art sociologique n'est pas un militantisme révolutionnaire et théologique ; elle est utopique, négative, c'est-à-dire critique sans catéchis­me de substitution en poche.
Il nous paraît légitime de faire ici la part du travail de Hans Haacke, que nous n'avons pas mentionné à propos de l'art conceptuel, dans la mesure où il n'a jamais appartenu à ce mouvement, mais dont les constats subversifs sont parfois très proches d'une pratique sociologique.
Les démarches de Hans Haacke 18 jusqu'à ce jour ont été diverses. Edward F. Fry, dans la monographie qu'il lui a consacrée en 1972, relève principale­ment les systèmes physiques, biologiques et sociaux auxquels Hans Haacke s'est intéressé.
L'analyse des systèmes physiques et biologiques s'est concrétisée par des boîtes de condensation, des mélanges de liquides de densité différente, des études sur la dynamique des fluides, des vents, des vagues, des gaz, sur l'éva­poration, les relevés de température ou d'enneigement, sur l'écologie, ainsi que sur la vie des fourmilières, sur la mécanique de vol des oiseaux, l'éclosion des œufs, les échanges entre les animaux sauvages et l’environnement naturel et sur la pollution.
Au-delà de cette démarche, où s'était déjà engagé Yves Klein et dont Hans Haacke avait connu l'œuvre lors de son séjour a Paris en 1960-61 (l'apport de Hans Haacke dans ce domaine est considérable), c'est plus particulièrement aux systèmes sociaux que va notre attention. Il était cependant nécessaire de souligner que leur étude par Hans Haacke est le troisième volet des recherches consacrées aux systèmes physiques et biologiques, car c'est ainsi qu'apparaît la cohérence de cette démarche. L'étude de l'organisation du système social commence en 1969 avec l'observation d'une fourmilière recréée en milieu artificiel.
C'est à l'automne 1969 que Hans Haacke aborde le problème de la com­munication par la présentation au Jewish Museum de New York de plusieurs téléscripteurs qui donnent au sein de l'exposition les dernières nouvelles internationales, selon les différentes agences de presse; les visiteurs pouvaient donc comparer les informations données au même moment.
C'est encore à l'automne 1969 que Hans Haacke présente lors d'une manifestation à la Kunsthalle de Düsseldorf, grâce à un écran de télévision, les résultats des élections politiques au Bundestag (Wahlresultate, 28 septembre 1969).
Lors de son exposition personnelle de novembre 1969 à la Howard Wise Gallery de New York, Hans Haacke fait auprès des visiteurs une enquête à l'aide d'un questionnaire : ceux-ci étaient invités à indiquer leur date de naissance et leur lieu de résidence grâce à des épingles qu'ils plantaient sur une carte géographique et sur un tableau indiquant les années. Les points de concentration des épingles donnaient un « Profil » succinct des visiteurs.
Hans Haacke avait eu, début 1969, un projet de questionnaire beaucoup plus complet, lors de l'exposition Art and Technology, à Los Angeles : un ordinateur devait analyser les résultats de ce questionnaire portant sur les données sociologiques, politiques et économiques des visiteurs, et les communiquer au cours de l'exposition. Ce projet ne fut malheureusement pas réalisé.
En été 1970, Hans Haacke interroge les visiteurs de l'exposition Information au Musée d'Art moderne de New York sur leur opinion concer­nant la politique du moment et en particulier l'attitude du gouverneur Rockfeller par rapport à la guerre du Viêt-nam (on sait que la famille Rockfeller est liée au MOMA). La question était ainsi rédigée : « Est-ce que le fait que le gouverneur Rockfeller n'a pas dénoncé la politique du président Nixon au Viêt-nam serait une raison pour vous de ne pas voter pour lui en novembre ? » Selon la réponse, les visiteurs plaçaient leur bulletin de vote dans deux urnes différentes.
C'est en mars 1971 que le directeur du Guggenheim Museum de New York, Mr. Thomas Messer, annule l'exposition où Hans Haacke devait montrer les activités immobilières de grosses sociétés new-yorkaises (photos de façades d'immeubles) et proposer aux visiteurs un questionnaire d'opinions assorti d'indications socio-démographiques. Une exposition eut cependant lieu à la galerie Paul Maenz de Cologne, sous la forme de documents photogra­phiques montrant la résidence des visiteurs de la galerie.
Hans Haacke put, d'autre part, soumettre les visiteurs du Milwaukee Art Center à un questionnaire complet en été 1971 et utiliser un ordinateur pour analyser et présenter les résultats au fur et à mesure.
À la Documenta 5 de Kassel en 1972, les visiteurs se souviennent du questionnaire très complet auquel Hans Haacke les soumettait. Un ordinateur permettait aussi de dépouiller les réponses.
Ce type d'enquêtes impliquait une méthodologie sociologique tout à fait nouvelle dans le domaine de l'art. Mais à la différence de celle employée par Jean-Paul Thénot pour les Concours qu'il organisa en octobre 1971 et surtout pour les enquêtes qu'il réalise depuis 1972, elle portait sur les visiteurs de galeries ou musées, tandis que Thénot travaille sur des échantillons repré­sentatifs de la population (INSEE) non spécifiquement artistiques.
Politiquement, la démarche de Hans Haacke est aussi subversive. Thomas Messer ne s'y était pas trompé, ni le Dr. Keller, directeur du Wallraf-Richartz Museum de Cologne, qui a refusé la participation de Hans Haacke pourtant invité à Projekt '74. Il s'agissait cette fois d'un tableau de Manet, Nature morte aux asperges, dont Hans Haacke présentait en dix panneaux les sept propriétaires successifs et Hermann J. Abs, directeur de l'association des amis du musée, qui avait acheté l'œuvre pour l'offrir au musée. Ce fut, semble-t-il, la fiche signalétique sur les activités industrielles et financières dans les gran­des sociétés capitalistes allemandes, pourtant extraite d'un annuaire officiel, de M. Abs, qui incita le directeur du musée à annuler l'invitation faite à Hans Haacke. Il n'admettait pas que soit constatée à l'intérieur du musée la position économique du principal bienfaiteur du musée, qui en tant que président du conseil d'administration de la Deutsche Bank, la plus grande banque d'Allemagne, membre du conseil de la fameuse société chimique BASF, directeur de la Lufthansa, etc., avait facilement obtenu de ses amis et relations les contributions nécessaires pour acquérir l'œuvre de Manet et l'offrir au musée.
Hans Haacke ne se réclame aucunement de la sociologie, ni d'aucune science humaine. Mais ses investigations sociales, notamment sur les struc­tures socio-économiques de l'art, de la spéculation foncière, ses recours à la méthodologie de l'enquête sociologique en font un précurseur important. « Les situations sociales spécifiques » que le directeur du musée se refusait à exposer constituaient un déplacement subversif d'informations d'un support culturel sur un autre. Sa méthode du constat interrogatif rejoint la nôtre. Son travail critique contre les institutions culturelles mérite aussi notre attention. Ce qui nous parait manquer, c'est le travail théorique fondamental, notamment sur l'analyse idéologique de l'art, Haacke n'apportant pas de contribution théorique dans ce domaine et apparaissant plutôt comme un empiriste.
Enfin la prospection d'ensemble de ses démarches sur les différents « systèmes » physiques, biologiques et sociaux est moins centrée que la nôtre sur la réalité sociale surdéterminante.


3. Sociologie de l'art
et art sociologique.


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À l'opposé de ceux qui tentent de noyer l'art sociologique dans le thème art et société, d'autres objectent que notre démarche n'est pas de l'art mais de la sociologie de l'art. Cette objection paraît peu importante car elle renvoie à l'idéologie traditionnelle de l'autonomie de l'art. Après l'avènement de l'art conceptuel, lié lui-même à la linguistique, elle parait assez inactuelle.
Pourtant on retrouve curieusement dans ce clan ceux qui, après avoir défendu l'art conceptuel en France, sont devenus aujourd'hui les champions de la peinture - peinture spéculative.
Enfin, elle parait peu fondée. Pourquoi la démystification de l'idéologie artistique idéaliste et bourgeoise ne pourrait-elle pas mettre en scène visuelle­ment le discours de la sociologie de l'art dans une galerie ou un musée ? Kosuth a bien pris la liberté de présenter à New York, chez Castelli, en 1975, des livres d'anthropologie du langage.
Mais il est clair que l'art sociologique est une pratique et non une théorie seulement. Il en marque le passage à l'acte. Il emploie des modes interrogatifs, quand la sociologie théorique est démonstrative, et plus souvent visuels ou dialogiques que textuels, encore que cette dernière distinction ne soit pas caractéristique, le recours à des textes théoriques ou méthodologiques dans le musée, à des tracts diffusés postalement ou dans la rue étant aussi valable dans certains cas que le débat oral.
Ce qui distingue de la sociologie l'art sociologique, ce ne sont pas ses moyens ou ses objets tant que ses attitudes et le lieu de son exercice. Le nier, c'est peu connaître le discours sociologique (universitaire par définition puisque c'est cette institution qui l'a produit jusqu'à présent). Alors que la théorie sociologique ne sort pas du lieu clos de l'université, de ses livres et de ses annales, l'art sociologique s'aventure à l'extérieur. La contradiction des lieux et institutions sociales qui produisent art et sociologie doit être soulignée parce qu'elle est capable de contribuer à transformer dialectiquement et ces institutions et leurs productions. L'art sociologique est une pratique active, insérée dans le tissu social où il intervient ici et maintenant. Il dépasse dialectiquement la théorie sociologique sur laquelle il fonde ses expériences en confrontant ses résultats à la rationalité du discours théorique. La sociolo­gie et la méthodologie sociologique ne sont pour la pratique sociologique que des instruments intellectuels de son action. Autant confondre l'optique d'Alberti qui a contribué à l'élaboration de la perspective linéaire et la peinture de la Renaissance qui s'en est servie. J'ajouterai à cet égard que ma propre pratique artistique m'a conduit à revoir et modifier bien des points de la théorie sociologique de la peinture à laquelle je travaille.
L'art sociologique ne peut être une
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