Pl. 45. Un des rakans ou arhats, par Li Kung-lin, dit Li Lung-mien (en jap. Riryomin).
† 1106. Époque des Song. (Collection Charles Freer, à Détroit, États-Unis.)

Pl. 49. Un rakan ou arhat en extase sur les eaux.
École de Li Kung-lin, dit Li Lung-mien (en jap. Riryomin). † 1106. Époque des Song.

Pl. 50. Groupe de rakans ou arhats regardant des cigognes.
École de Li Kung-lin, dit Li Lung-mien (en jap. Riryomin). † 1106. Époque des Song.
a été un peintre bouddhiste extraordinaire, il convient de considérer le rôle qu'il a joué comme peintre de la vie. Il avait vécu sa jeunesse dans une contrée d'élevage de chevaux pur sang, et il s'intéressa à leurs allures vives et sauvages ; il devint un peintre de chevaux étonnant que

Pl. 48. La Villa « Riomin-Zan », habitation du peintre Li Kung-lin,
dit Li Lung-mien (en jap. Riryomin). Par lui-même. † 1106. Époque des Song.
les critiques ont égalé au grand peintre de chevaux des Tang, Kankan. Il excella surtout dans la peinture de chevaux montés par des cavaliers (le Japonais Okio en a laissé une copie admirable).
Si ce n'est pour ses œuvres d'autels, Riryomin p.173 se servit surtout pour peindre de papier plutôt que de soie, et il peignit à l'encre. Mais dans ses œuvres bouddhiques sa couleur était réputée « divine », et il a peint aussi des paysages en couleurs. On lui a reproché de ne s'être servi de couleurs que dans ses copies, ce qui est faux. Il a déclaré lui-même qu'il avait beaucoup aimé faire des copies des œuvres des grands maîtres antérieurs. Il peignit Upasaka Yuima visité par Ananda, peut-être d'après la peinture de Kogaishi.

Pl. 47b. Le célèbre Yuima.
Copie, par Li Kung-lin, dit Li Lung-mien (en jap. Riryomin). † 1106. Époque des Song.
Une de ses œuvres sur papier délicatement colorée, est un gros Hoteï dormant, très supérieur à ceux de Sesshu et de Motonobu.

Pl. 47a. Hoteï dormant.
Par Li Kung-lin, dit Li Lung-mien (en jap. Riryomin). † 1106. Époque des Song.
Il portraitura le poète Rihaku et manifesta son génie humoristique dans cette étonnante bataille de musiciens aveugles.
Comme paysagiste, il semble dépendant des Tang, plutôt que rallié au style nouveau de Kakki. Il y fut minutieux, épris, de riches couleurs. Il fit souvent sa demeure, Riryominzan, dont un spécimen est connu au Japon ; il se montre très fin, très intime, amoureux du détail, d'un charme naïf et doux. En 1100, il était déjà tout à fait retiré de la vie publique.
On ne peut oublier le profond respect qu'il montrait pour les vertus domestiques de la femme, et ce fut un de ses sujets favoris de peindre les grandes dames de la cour dans la splendeur de leur beauté. 
Pl. 46. Tête de femme.
Dessin de Li Kung-lin, dit Li Lung-mien (en jap. Riryomin). † 1106. Époque des Song.
Les contemporains de Riryomin furent les savants Bunyoka, Toba et Beigensho ; mais, à lire entre les lignes des commentateurs, il semble certain que très célèbres littérateurs, ils ne furent p.174 en art que des amateurs, et très peu personnels, reflétant dans leurs travaux le style de divers maîtres.
En 1101, Hin Tsung (Kiso-Kotei) montait sur le trône, et avec lui s'ouvrait une ère d'art asiatique de la plus grande splendeur. Il commença par s'entourer des plus notables artistes de son temps, comme d'une Académie, très officielle, dont les confucianistes se sont toujours moqués. Nul doute qu'il n'y eût là des risques, si le drapeau de l'art n'avait pas été tenu très haut et très droit par l'empereur même. Il avait réuni le plus extraordinaire musée de choses d'art chinoises qui fût jamais ; la collection Senkwa (période du même nom, 1119-1125), qui comprenait plus d'une centaine de peintures de Riryomin, fut publiée et gravée ; les Japonais ont nommé ce catalogue « Haibunsai Shogwafu ». Et l'empereur, au milieu de ses collections, discutait avec les artistes de son académie des mérites des œuvres, usant de son influence au profit des plus beaux exemples et des meilleurs modèles. Et lui-même, cet empereur Kiso, n'était-il pas un artiste, et très grand ? Ses biographes ont dit que son style dérivait de Riryomin, dernière manière. On peut en juger d'après sa merveilleuse peinture de Shaka, Monju et Fugen, en couleurs, conservée dans un temple près de Kioto. Il n'est pas de plus gracieuse figure, d'esprit tout hellénique, d'un art plus délicat et féminin que celui de Riryomin, que ce jeune Monju, drapé dans les longs plis de son manteau, figure presque féminine. — Le pigeon blanc et le pigeon mordoré au milieu des fleurs p.175 de pêcher de Kiso, le montrent inspiré de Ch'u Hui (Joki). — Mais peut-être est-il le plus grand dans le paysage, avec les deux merveilleux kakemonos du Daitokuji de Kioto. L'un montre un poète, (et c'est presque un Riryomin), dans un surprenant décor de montagnes : il s'est assis au pied d'un cèdre que les tempêtes ont ravagé ; un grand roc se dresse au premier plan, et au loin une chaîne de pics rudes ; de blancs nuages flottent dans une atmosphère lourde, et une cigogne sauvage vole et semble s'abandonner à l'infini. La pose du poète, que la nature a repris tout entier, et qui se livre à elle dans l'oubli total de sa condition, un bras contre le rude tronc du cèdre aux branches convulsées comme les faisait Zengetsu Daishi, est d'une beauté sans égale.

Pl. 51. Paysage, par l'empereur Hwei Tsung. † 1135.
(Temple Daitokuji, à Kioto.)
L'autre peinture représente un paysage de rocs et de bambous au bord d'une cascade qui s'échappe d'un défilé ; un singe est suspendu à un arbre au-dessus de la cascade. Au milieu des rocs écroulés une figure se tient debout, contemplant les abîmes. C'est au petit matin, alors que les brumes de la nuit rôdent lourdement autour des rochers. Dans de tels paysages, le style de Kiso n'a rien de Godoshi ni de Kakki. Le trait, chez lui, a une grande force, mais aussi une suprême élégance ; il ne cherche pas à rendre l'espace par de grands partis pris de lumière et d'ombre, ni à établir ses masses par des effets impressionnistes. Aucun détail n'est négligé, et cependant l'effet est large par la perfection même de la touche.

Pl. 52. Une dame de l'époque des Song s'appuyant contre un pin.
Par Chao Tsien-Li (en jap. Chosenri). XIIe siècle. Coll. Charles Freer, à Détroit, États-Unis.
Dans ce long règne artistique de Kiso (1101-1126), il ne fut pas sans influencer d'autres membres de la famille royale Chao des Song, spécialement Chao ta-nien (Chotainen), le paysagiste exquis en couleurs, et Chao Ch'ien-li (Chosenri). Rito nous a laissé de beaux paysages avec buffles, mais où il se montre inférieur à Taisu des Tang. Fameux vers 1111, il mourut à quatre-vingts ans vers 1130. — Li Ti (Riteiki), artiste de l'Académie impériale, s'illustra dans le paysage et les figures. — Li An-chung (Rianchu) fut excellent dans les oiseaux et les chevaux en mouvement ; il nous a laissé de vivantes visions des Tartares Kins, qui dévastaient l'empire du Nord ; comme il a su bien rendre le Tartare à cheval tuant un daim sauvage ! Jinkouin nous a transmis de curieuses scènes de vie rurale.

Pl. 53. Un Tartare chassant un daim.
Par Li An-chung (en jap. Rianchu). XIIe siècle. Époque des Song.
Une des plus belles peintures de cette époque, très près de Kiso-Kotei, est celle de cette grande dame des Song appuyée à un grand pin, de la collection Ch. Freer, marquée de sceaux impériaux, et exécutée avec tant de force unie à tant de douceur. On a pu avec vraisemblance l'attribuer à Chao ta-nien, cousin de Hwei Tsung.
@
II. Les Song du Sud à Hangchow sur le Yangtsé
L'amour de la nature, et l'art du paysage pénétré de la doctrine zen. Les peintres Ma Yuan, Hsia Kuei, et Mu Chi. L'invasion et la conquête mongole. La dynastie mongole des Yuen. L'école réaliste des Yuen.
Ces vingt-cinq années resplendissantes de Hwei Tsung à Kaifongfu, sur la rive sud du fleuve Hoangho, un des centres les plus vénérables de la p.177 vieille civilisation chinoise, sombrèrent dans la plus terrible secousse que la Chine ait subie depuis Genso des Tang. La cité fut prise et tout le Nord de la Chine occupé par les Tartares Kins en 1126. Les historiens en ont chargé Kiso-Kotei, l'esthète impie ; ils en ont fait une sorte de Néron, devant Kaifong en feu. Les confucianistes n'avaient-ils pas été les premiers à lui donner les plus funestes conseils ?
Ces Tartares, les plus civilisés de leur race, étaient en contact avec la Chine depuis quelque temps : la culture des Song les avait pénétrés. Comme en 1114 ils serraient de près les Liang, ceux-ci, sans en référer aux Song, les avaient attaqués et vaincus. Ces Liang rebelles, les Tartares avaient offert à Kiso de l'aider à les soumettre, et ils les réduisaient après une dure guerre de sept années. Mais alors les Tartares se retournaient vers l'empereur et demandaient la récompense de leur aide. Ce prix fut tout le Nord de la Chine, la captivité de Kiso lui-même, et la capitale reculée aux provinces du Sud. Ce désastre de 1127 est le point douloureux de l'histoire chinoise. La capitale, en 1138, était transférée à Hangchow, sur les bords si pittoresques du Yangtsé, avec la proximité du beau lac voisin entouré de montagnes, au bord duquel on éleva un grand mur, interrompu de grandes portes d'accès ; avec ses canaux et ses ponts arqués, Hangchow devint une sorte de Venise, et le palais s'élevait sur une langue de terre qui séparait le lac de la rivière Sento, vaste estuaire ouvert sur la mer.
p.178 Marco Polo vit la magnifique cité vers 1130 1 et en fit une description enthousiaste. Qu'est-il resté de ces splendeurs après sa terrible destruction par les Taipings en 1860 ?
Kiso, prisonnier des Tartares Kins qui avaient leur capitale près du site actuel de Pékin, y vécut au milieu de nombreux Chinois qui l'avaient suivi ; et, déchu de son pouvoir, il n'en poursuivait pas moins ses rêves d'art, et ne pouvait que civiliser heureusement ses maîtres. Ils n'étaient plus du tout des sauvages quand, un siècle plus tard, les Mongols les absorbèrent. L'étude de cette période de la civilisation tartare sera digne d'étude. Kiso mourut captif en 1135.
Bien loin que l'esthéticisme excessif de Kiso ait été une cause de réaction, le nouveau gouvernement d'Hangchow se plongea dans les délices des arts avec une nouvelle ardeur. L'Institut Impérial d'art devint un organe même des services de la cour, avec une suite d'examens et un rang hiérarchique analogues à ceux des Belles-Lettres. Et ce qui est stupéfiant, c'est que des artistes officiels comme Ma Yuan (Bayen) ou Hsia Kuei (Kakei) aient pu, dans cette dépendance, rester aussi libres et peindre avec autant de fantaisie personnelle et de personnalité respectée. Au fond, ils étaient à la cour comme Phidias devant Périclès, ou les quattrocentistes devant les Médicis.
Jamais l'amour de la nature et la passion du paysage ne furent plus ardents. Cette cour des Song était là dans son milieu natif. Non loin p.179 était cette rivière pathétique où Butei de Rio avait conçu ses créations bouddhiques dans l'ancienne Nanking. Non loin s'élevaient les grandes chaînes de montagnes, étincelantes de leurs lacs, où Toemmei et Shareiun avaient trouvé l'inspiration de leurs plus célèbres poésies naturistes. Ç'avait été toujours cette puissante imagination du Sud qui avait soutenu l'inspiration du Nord ; et elle revenait à ses sources les plus pures après cinq siècles d'absence. Elle y reprit un bain salutaire et vivifiant ; et l'on vit ce prodige d'un peuple entier exprimant, par l'art, ses plus intimes émotions, ses rêves et ses méditations, comme avait été chrétien l'art du cinquecento italien, comme avait été bouddhique l'art des Fujiwara à Kioto. Mokkei était digne d'entrer dans la société de Fra Angelico ou de Yeishin Sozu.
Ce furent donc ces Song du Sud qui ont continué avec leur originalité propre la contemplation de la nature de la secte zen. Elle réalisait tout ce que le taoïsme avait pensé et interprété, tout ce que Kakki avait expliqué dans les développements symboliques et poétiques de son grand Essai. Chaque moine zen, chaque abbé devient un peintre de paysage et imagine des figures qui sont substance même de ces paysages et ne pourraient plus en être isolées. On a continué d'écrire sur la nature, on a continué à faire des vers, mais le vrai génie de l'époque s'était tout entier adonné à la peinture.
Loin de se sentir enclins à revenir au rituel ascétique des confucianistes, les nouveaux p.180 empereurs du Sud, au lieu de résister au confucianisme, cherchèrent à le transformer, et trois générations se mirent en quête d'un système où confucianisme, taoïsme et bouddhisme zen se seraient confondus. Mais il aurait fallu compter sans Genghis Khan, chef des Mongols en 1206, maître de toute l'Asie et d'une moitié de l'Europe.
La vie à Hangchow fut un miracle d'épanouissement idyllique. Hommes d'État, artistes, poètes, prêtres zen, étaient sur le pied d'une totale égalité spirituelle, amis intéressés dans leurs respectifs travaux ; le matin était consacré au travail, mais les journées et les soirées se passaient sur les lacs, sur les terrasses, sur les degrés des temples, dans les villas au bord des baies. Autour des villas des jardins s'étendaient avec de fraîches terrasses, des ponts de marbre : on en peut voir encore les restes à Hangchow et à Fuchow.
Si l'on s'occupait de philosophie, d'histoire et de peinture, quelle passion pour la poterie ! Ce furent les vrais créateurs des bruns crémeux, des gris marbrés, des rouges pourpres et des bleus laiteux dans les émaux opaques.
La première génération de ces artistes des Song du Sud, de si prenante influence sur les Japonais, appartenait déjà à la grande école Senkwa de Hwei Tsung ; c'étaient Riteiki et Rianchu et le vieux Rito et Sokanshin. Mais Yang Pu-chih (Yohoshi) s'était dérobé aux avances de Kiso qui cherchait à l'attirer. C'était un talent fruste, qui ne prenait conseil que de sa propre sensibilité, p.181 se bornait à peindre à l'encre de plusieurs tons des branchettes de prunier, des orchidées, des bambous, des pins.
Parmi les plus anciens artistes qui aient apparus dans la Chine du Sud sous le premier empereur, furent Bakoso, le critique de la nouvelle Académie, et Bakwashi, natif d'Hangchow, qui peignit une suite de trois cents pièces illustrant les anciennes odes composées par Confucius. Un commentaire poétique les accompagnait, et ce devint vite une coutume de tracer des écritures sur les fonds des œuvres peintes aussitôt faites, et qui se transmit au Japon des Ashikaga ; ainsi l'œuvre pouvait avoir une triple beauté, quand à la peinture et à la poésie venait se joindre la calligraphie.
Ce premier empereur Koso 1, qui avait édifié le palais de Hangchow en 1138, avait gouverné en pleine paix, en grand patron des arts, jusqu'en 1162, et vécut jusqu'en 1187, bien qu'ayant résigné le pouvoir aux mains du second empereur.
D'autres artistes de cette éclatante période de Koso furent Mosho, animalier, et son fils Mao Yih (Moyeki), qui fut surtout dans la période Kendo (1165-1173), le peintre des chats et des tigres, dont il rendit si bien les pelages (le tigre de la collection Freer).
Ce fut vraiment le règne du quatrième empereur de Hangchow, Nin Tsung (Neiso), qui fut l'apogée du resplendissant génie des Song (1195-1224). Mais cette belle période comprit aussi la fin de règne du deuxième empereur et le court règne du troisième, si bien que cette grande ère p.182 historique et artistique peut être ainsi divisée : la vie de Koso, 1127-1187 ; l'âge de Neiso, 1187-1225 ; le règne de Riso, 1225-1264.
L'âge de Neiso, qu'avaient préparé l'ère Senkwa et l'époque de Koso, vit la consécration définitive et le triomphe de la pensée philosophique et de Shuki 1 ; époque de raffinement intellectuel et d'intelligente compréhension féminine. Ce fut le moment des grands peintres du Sud Ma Yuan (Bayen), Hsia Kuei (Kakei) et Mu Chi (Mokkei).
Ma Yuan (Bayen) était d'une famille qui, à de bien lointaines générations en arrière, avait produit des artistes. Son grand-père Bakos avait été un des grands critiques, et un des fondateurs de l'Académie du Sud. Son père Bakeisei avait occupé un rang élevé sous le second empereur. Son oncle était le célèbre Bakoku. Lui-même devint un des plus célèbres professeurs, et ses peintures, fameuses déjà de son temps, étaient encore l'objet des études passionnées des Ming. Il fut le premier à peindre les trois grands fondateurs de religions et de philosophie de la Chine, Sakyamuni (ou Bouddha), Confucius et Laotse, que le professeur Giles avait pris pour un portrait du Christ et de ses disciples ! Ce fut peut-être d'après Bayen que Kano Masanobu reprit le même sujet. À la composition s'applique exactement la description d'un critique des Song, qui parle de Shaka se promenant et se retournant vers Laotse et Confucius qui marchent ensemble. L'influence bouddhique de l'Inde en découle encore formellement. — Bayen fut le second à peindre les huit fameuses vues du lac Shosei, p.183 que seul Sobunshi avait peintes un peu avant lui ; mais l'œuvre de Bayen, beaucoup plus belle, est devenue typique dans la suite pour tous les artistes chinois et japonais.

|