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II-2 Le Sujet postmoderne :
En effet, les turbulences qui affectent les modes de configuration d’une société en mutation, mettent en cause la notion de sujet héritée de la modernité et déterminent de nouvelles pratiques qui manifestent un sujet en crise, dont l’altérité s’inscrit jusque dans

les comportements les plus intimes.
a-La Crise du sujet :

Le sujet moderne idéal, issu de la pensée des Lumières est un sujet holiste qui accède à l’identité par l’exercice de la raison et dont les valeurs fondamentales sont la liberté, envisagée dans le cadre d’un droit collectif et l’universalité. Pour Alain Touraine, le sujet moderne émerge contre l'oppression féodale et l’obscurantisme en se qualifiant d’abord comme « acteur social ». Il résulte de la « transformation du Soi en acteur »131 et le procès de rationalisation qui permet ce passage du Soi au Je fait de sa liberté l’exercice d’une responsabilité dans ce contexte inter-relationnel que Rousseau appelle « le contrat social ».

En outre, le sujet des Lumières, comme l’a montré Kristeva, est un sujet cosmopolite dont l’idéal de progrès qui s’ouvre à l’ensemble du genre humain, s’affirme comme projet universaliste. Rousseau, Montesquieu, Diderot, ont exprimé chacun à sa manière cette perspective cosmopolite qui marque le triomphe de la raison contre les forces de l’irrationnel et, à la fin du 18ème siècle, Kant résume l’universalisme des Lumières dans son projet de Paix éternelle où il imagine une fédération de tous les états fondée sur la co-existence pacifique des différences.132

Mais déjà, la révolution de 1789, en créant une distinction entre les droits de l’homme et du citoyen, opère un clivage entre l’homme abstrait et le citoyen patriote, sujet de la nation. L’idéal cosmopolite se dissout dans le nationalisme et l’exacerbation de l’idée de fierté puis de supériorité nationales aboutit à tous les excès modernes, du racisme au nazisme. Sur cette perversion du sujet citoyen en sujet totalitaire l’analyse de Kristeva rejoint celle de Touraine. Mais l’autre perversion du projet moderne qui se réalise dans la modernisation capitaliste, si l’on reprend la distinction d’Alain Touraine, vient des excès du libéralisme. La dissociation entre la raison et la rationalité instrumentale prépare l’avènement de la consommation et l’affaiblissement du lien social qui renvoie le sujet à son contraire, l’individu.

La consommation de masse précipite en effet l’évolution d’une société holiste vers une société individualiste133 qui se caractérise par le repliement du sujet sur la sphère narcissique du soi et la perte du sens collectif. Ce procès d’individuation qu’on peut analyser comme une crise du sujet s’opère à partir d’une mutation d’un mode de liberté contractuelle qui caractérisait le sujet vers une liberté de jouissance où se réalise l’individu.

L’accès à la libre consommation, dans les « Trente glorieuses » peut-être considéré comme une manifestation du progrès avec l’équipement des ménages qui libère des tâches fastidieuses. Lorsque le consumérisme devient l’expression d’un désir narcissique qui rabat le principe de liberté individuelle sur la légitimation des choix personnels, alors s’ouvrent ces non-lieux de la surmodernité que sont pour Marc Augé les grandes surfaces et autres hyper-marchés. Le Clézio en fait le cadre d’un roman, La Guerre, qu’on peut lire comme une allégorie du chaos, en écho au Voyage d’Anna Blume de l’Américain Paul Auster.

Quelles sont les caractéristiques de ce chaos consumériste qui transforme le sujet centré de la modernité en sujet discontinu ? Les analyses de Gilles Lipovetsky, en ce domaine, ne manquent pas d’intérêt, même si sa perception, sur le mode « soft » d’une postmodernité comme « art de la glisse »134 et réalisation de l’idéal « cool » de la modernité, reste très discutable. Lipovestsky montre, en effet, comment le développement de l’offre qui stimule le désir de consommation, met en place un « procès de personnalisation » définissant l’individualisme contemporain. De plus en plus sollicité par la libéralisation du crédit et par les stratégies de séduction du marketing, l’individu identifie la jouissance de l’avoir à la liberté d’être et trouve dans un narcissisme hédoniste le mode de réalisation du Soi confondu avec le Je. Ce narcissisme contemporain détourne le sujet des formes sociales et collectives d’accomplissement et le replie sur la sphère privée ce qui explique le désinvestissement dont la politique comme le syndicalisme font aujourd’hui l’objet.

Ce constat, auquel pourrait souscrire Alain Touraine me semble décisif, c’est l’interprétation qu’en donne Lipovesty, qui peut surprendre. Sans doute le procès de personnalisation marque-t-il une « rupture avec la phase inaugurale des sociétés modernes, démocratiques-disciplinaires, universalistes-rigoristes, idéologiques-coercitives »135, faut-il y voir pour autant une émancipation qui, finalement, répondrait au souhait des Lumières ? La liberté de choisir, de consommer apparaît-elle comme une libération ou comme un leurre : le masque de la grande manipulation dans laquelle le marché, avec ses modèles publicitaires, ses techniques de vente, la tyrannie de la mode, enferme le consommateur ?

Si l’on peut débattre de sa signification, il faut convenir que ce repli narcissique de l’individu sur un hédonisme consumériste produit un éclatement du tissu social par où réapparaît le travail du discontinu qui caractérise la postmodernité. En effet, l’hyper-investissement du moi, consécutif au retrait du sujet de la sphère collective136, nous renvoie l’image d’une société qui se fragmente en une mosaïque d’ego corpusculaires, livrés au mouvement brownien des choix personnels que stimule infiniment l’explosion de l’offre, comme des particules dans un champ de force. L’individu autonome, qu’évoque Jean-Claude Guillebaud, c’est-à-dire « l’individu autosuffisant et propriétaire de soi-même qui se constitue sur « le Moi devenu fou »137 poursuit ainsi la trajectoire complexe et erratique de ses désirs personnels, dans l’isolement (le baladeur stéréo et l’usage des stupéfiants) mais aussi l’indifférence. Or cette indifférence qui naît de l’excès -de l’hyper-sollicitation, de l’hyper-information- marque l’interstice vide où a sombré le lien social dans le procès d’atomisation du sujet collectif. D’où cette image de l’individualisme que nous donne encore Guillebaud :
L’individu planté aujourd’hui devant le monde est plus diférent de ses grands-parents que le serait un extra-terrestre. Il se sent capable de rompre pour la première fois, avec toutes les sujetions, localisations, appartenances, fidélités auxquelles sa vie se trouva si longtemps soumise : famille-refuge, morale de groupe, héritages, repères collectifs ou traditions précautionneuses…Le « moi » est libéré du « nous ». Il tient dans sa propre main tous les fils de son destin. Tout se passe comme s’il atteignait pour de bons à des rivages longtemps imaginés : l’individualisme chimiquement pur.138

b-L’altérité à soi :

Mais le principe de désir, avant de s’investir dans l’idéal consumériste qui atomise la société en particules individuelles, avait déjà commencé son travail d’hétérogénéisation du sujet avec le discours freudien. En effet, pour Alain Touraine, Freud se trouve, avec Nietzsche, à l’origine de la désintégation de la modernité…Le Freud de la deuxième topique, notamment, qui fait du moi un lieu d’interaction entre les forces pulsionnelles du ça et les contraintes collectives du Surmoi (entre le désir et la loi), ouvre le sujet à la conscience de son altérité, au sentiment de sa propre discontinuité. C’est cette idée que développe Julia Kristeva dans son livre, Etrangers à nous-mêmes :
Avec la notion freudienne d’inconscient, l’involution de l’étrange dans le psychisme perd son aspect pathologique et intègre au sein de l’unité présumée des hommes une altérité à la fois biologique et symbolique, qui devient partie intégrante du même.139
Pour illustrer cette irruption de l’autre scène, dans le sujet centré de la psychologie classique, elle reprend le concept freudien d’  « inquiétante étrangeté », l’unheimliche, qui retrace la découverte, à partir d’une lecture de Hoffmann, d’un phénomène de projection des angoisses du refoulé sur nos perceptions extérieures. C’est l’autre en nous, le ça, qui se manifeste ainsi, dans l’ambivalence entre le familier et l’inquiétant, de sorte que la sensation d’unheimliche traduit la matérialisation de l’autre comme double d’un moi clivé, c’est-à-dire comme double, étranger à moi-même : « Inquiétante, l’étrangeté est en nous : nous sommes nos propres étrangers – nous sommes divisés. »140 On comprend que le roman de Tahar Ben Jelloun, L’Enfant de sable (1986), qui raconte l’histoire -non-narrable- d’un dédoublement homme/femme, comme métaphore du bilinguisme et de la double culture, fasse dériver son titre d’un des contes d’Hoffmann analysés par Freud : L’Homme de sable, tout en offrant, nous le verrons, d’autres connexions avec Borgès (Le Livre de sable)…141

Mais, pour Kristeva, l’inquiétante étrangeté, dans un fonctionnement inverse à celui que décrit Freud, peut s’investir dans la figure de l’étranger, reconnu, avec une sensation d’étonnement, comme double du même, sans qui le moi reste impuissant à s’édifier. Et nous abordons ici, un élément essentiel de la culture postmoderne, l’intégration de l’autre – cet ennemi pour la modernité – dans la conscience de l’identité-ipse142.

En effet, en faisant du nationalisme l’un des modes de subjectivation qui identifie le citoyen à l’état-nation, la modernité développe le racisme et l’exclusion comme l’ont montré Touraine et Wallerstein. Or, la pensée de l’altérité dans la culture postmoderne, renouvelle, de ce point de vue la question du sujet. Il va de soi que l’actuelle poussée migratoire, en dépit des contraintes réglementaires, transforme de plus en plus le paysage européen des cultures ataviques en espace culturel composite. Pour s’arrêter au cas de la France qui assiste à l’irruption, au cœur de la nation, de ses anciennes colonies, la cohabitation plus ou moins facile, a modifié jusqu’au discours républicain de l’intégration auquel personne ne croit plus. L’étranger africain ou maghrébin qui s’installe en France, le fait avec ses différences et c’est le développement de cette culture de l’hétérogène née du contact entre les différences (avec le rai, le rap, le hip-hop, les rythmes afro, les salsas caraïbes et autres regae) qui perturbent ceux qui vivent encore avec le fantasme moderne de la race pure et de l’identité-racine. Il est vrai que l’afflux migratoire et les turbulences qu’il engendre apparaît dans l’imaginaire social comme l’une des composantes de la crise mais on ne peut réduire un phénomène majeur à ses seuls effets pervers et qu’on le veuille ou non, l’autre, avec ses mosquées ou les dragons de la fête du Têth, fait désormais partie du paysage familier auquel je m’identifie.

La littérature francophone, on le verra, reflète, jusque dans ses formes narratives, ce mixing culturel, en installant la diglossie et le bilinguisme dans les dispositifs textuels, pour traduire le chaos identitaire qui révèle au sujet postmoderne son identité composite. Et cette textualisation de l’hétérogène gagne les littératures régionales comme la littérature bretonne qui rejette l’ identité négative engendrée par le modernisme jacobin pour reconnaître la pluralité des langues (le breton celtique, le français, le gallo) où puise son imaginaire (Yves Elléouët, Xavier Grall, Paol Keineg…) D’où, renforcée par l’  « exception » corse, la controverse entre l’état républicain et le désir d’émancipation des cultures régionales.

C’est le discours antillais de la créolité qui a le mieux pensé cet éclatement du sujet-ipse, Edouard Glissant notamment, en reprenant, nous l’avons vu, les notions d’ identité-racine et d’identité-rhizome, élaborées par Gilles Deleuze. Ce que postule Glissant et à sa suite les écrivains de la créolité (Patrick Chamoiseau, Jean Bernabé, Raphaël Confiant), c’est la construction d’une identité mosaïque, ouverte par la relation au « Tout-Monde » dont le projet de culture composite ne renvoie pas à l’idée moderne de totalité mais au principe postmoderne de diversalité.

La figure de l’autre, en relation avec laquelle le moi se configure, traverse donc le sujet postmoderne, archipélisé par le travail, en lui, des différences. Lorsque Alain Touraine stigmatise, à juste titre, le repli identitaire qui revient à la forme exclusive de l’identité-racine, il oublie que l’universalisme cosmopolite dont il rêve pour une nouvelle modernité, couvre le risque d’une mondialisation culturelle entropique que déjoue précisément le principe postmoderne de créolisation. A l’ordre binaire de l’opposition de l’autre et du moi se substitue la complexité du rhizome qui tisse les différences et cette « altérité intime », comme l’appelle encore Marc Augé, rend proprement impensable l’idée même « l’individualité absolue »143.

On pourrait ajouter comme symptôme de ce décentrement du sujet, le marquage du corps dans la culture postmoderne qui, à travers les pratiques néo-archaïsantes du tatoo et du percing, désigne un exotisme du moi, au sens où Segalen emploie ce terme : « exo : en dehors de »144 : tout ce qui résulte du déport vers l’autre. Car le corps, nous allons le voir, au-delà de ce marquage, qui, sans doute, reste anecdotique, devient le lieu ultime où s’inscrit le principe de discontinuité dont résulte la fragmentation du sujet de la modernité.
c-Le corps discontinu :

Le corps postmoderne est avant tout un corps déculpabilisé qui échappe totalement à l’austérité puritaine sur laquelle, selon la théorie de Max Weber, s’est édifié le capitalisme occidental. C’est cette déculpabilisation qui prend la forme, jugée parfois outrancière de la pornographie.

Or, la pornographie qui met le sexe au cœur de la recherche hédoniste et qui en fait un « site » privilégié de l’ensemble des réseaux virtuels, signifie d’abord, comme l’affirme Lipovetsky une levée « de l’ordre archaïque de la Loi et de l’Interdit »145. C’est pourquoi toute répression à l’égard de la pornographie, sous prétexte d’  « atteinte aux bonnes mœurs » peut traduire un retour du puritanisme castrateur de la modernité. Certes, l’inflation du porno et la réification de l’éros ne doivent pas cacher l’effet de marchandisation, ni le caractère souvent réactionnaire et stéréotypé de la distribution des rôles (hommes/femmes) dans les sous-productions vidéo des séries X. C’est au-delà de la notion incontestable de marché du sexe, que mon propos veut se situer. Car la pornographie, comme pratique excessive, a mis en évidence une nouvelle atomisation du sujet en déconnectant la recherche du plaisir de la contrainte sentimentale. Le corps pornographique est un corps sans affectivité, un dispositif d’organes à brancher sur un autre, dans le contexte dépassionné de l’expérimentation et de la performance érotique. C’est cette recherche individualiste de la jouissance que Kundera met en scène dans ce qu’il appelle « l’amitié érotique » (L’Insoutenable légèreté de l’être) et que l’on retrouve, sous le terme d’  « aimance » chez un écrivain marocain comme Abdelkebir Khatibi (Un été à Stockholm), l’aimance étant précisément une manière de se désengager de l’aventure passionnelle, nécessairement binaire et conflictuelle, pour une quête du plaisir, flottante et sans attaches, soumise au hasard des rencontres et au jeu aléatoire des attractions (encore la métaphore du mouvement brownien des molécules…) D’où ces comportements néo-libertins –objets de la pornographie- qui cherchent dans l’échangisme et les pratiques de groupe, de nouvelles combinatoires et des dispositifs toujours inédits de jouissance. A l’inverse de ces pratiques collectives, qui réduisent la notion de couple à la sphère affective, le sexe postmoderne peut-être solitaire et virtuel, dans une connexion interactive avec les sites spécialisés du réseau ou dans la mise en œuvres d’interfaces technologiques et robotiques qui activent le fantasme de l’orgasme solitaire.

Une autre forme de désintégration du sujet naît de la revendication homosexuelle qui vient déconstruire le système du couple fondé sur l’opposition des sexes. En effet, tandis que la modernité culmine avec la libération sexuelle comme lutte politique dont les modalités essentielles sont le recul de la culpabilisation religieuse et la contraception, c’est-à-dire, pour la femme, le libre choix entre la fonction maternelle et la recherche du plaisir, la gay pride vient brouiller la relation binaire traditionnelle virilité/féminité en instituant une différence dont le pacs civil vient de permettre la reconnaissance comme norme nouvelle. La pratique trans-individualiste et postmoderne du groupisme, au sens de Wallerstein146, trouve ici l’un de ses terrains d’élection en favorisant la mise en réseau de cette nouvelle différence qui découpe à l’intérieur de la société hétérosexuelle une zone de séparation des sexes où se contruit la culture gay, avec ses lieux de rencontre, ses rites festifs, ses sites de communication et sa littérature…L’émergence, chez un éditeur comme Balland, par exemple, d’un « rayon gay » avec ses best-sellers (Nicolas Pagès) traduit ce phénomène de différenciation.

Quant à la revendication lesbienne, après avoir constitué le fer de lance du féminisme militant (Monique Witting : Les Guérillères), en postulant une séparation radicale entre la femme, ultra-réceptive au plaisir et l’homme, impuissant à la satisfaire147, elle se replie aujourd’hui sur un groupisme parallèle à celui des homosexuels masculins, solidaire dans la revendication mais en décalage dans les rituels d’identification. Là aussi, au-delà de la « guerre des sexes », se constitue une nouvelle culture qui tend à sortir de la marge, avec, à titre d’exemple, l’émergence d’un polar lesbien dont la meilleure représentante, en France, à l’instar des Américaines, Sandra Scoppettone et Laurie King, reste à ce jour, Maud Tabachnik (Le Festin de l’araignée, 1996)…

Plus significatif encore, de cette déconstruction du sujet hétérosexuel, le phénomène trans-sexuel rend compte du tremblement identitaire contemporain. Qu’il s’agisse de l’exhibitionnisme travesti ou des opérations cliniques de transformisme, la transsexualité détermine une zone hybride du corps postmoderne où l’altérité quitte l’espace pulsionnel du ça pour développer un mal-être somatique qui s’extériorise par une mise en scène de l’ambivalence. Et peut-être, la révolte de Jean Baudrillard contre l’indifférence contemporaine et la superficialité d’une société du spectacle, manque-t-elle un peu d’indulgence pour ce qui concerne la souffrance souvent réelle du travesti :
Les choses ont bien changé depuis que sexe et politique faisaient partie du même projet subversif : si la Cicciolina peut être aujourd’hui député au Parlement italien, c’est justement que le transsexuel et la transpolitique se rejoignent dans la même indifférence ironique. Cette performance, impensable il y a seulement quelques années, témoigne du fait que c’est non seulement la culture sexuelle, mais toute la culture politique qui est passée du côté du travesti.148

Le corps postmoderne, après l’ « orgie » de la modernité de libération (1968), porte donc la marque d’une série de discontinuités qui traduisent la levée des interdits sociaux et la revendication de nouvelles différences. Si le corps pornographique réalise la séparation radicale du sexe et du sentiment, le corps homosexuel, dans sa demande de reconnaissance, introduit une autre rupture dans la normalité hétérosexuelle en opérant une stricte dissociation des genres dont la transsexualité marque les zones d’incertitude et de transit, reflétées d’une autre manière par le modèle androgyne de la mode.

Le discontinu et l’aléatoire apparaissent donc comme les deux grands principes, producteurs d’altérité, autour desquels se constitue la culture postmoderne. L’imaginaire social, avec la crise comme horizon de turbulence et le développement des sciences du chaos, nous offre ainsi l’image d’une modernité en voie de désintégration, tandis que le sujet, issu des mutations du système-monde moderne, devient lui-même une particule narcissique dans une société atomisée par l’effacement du lien social. Mais la crise du sujet opère à l’intérieur même de l’individu qui prend conscience de l’altérité comme élément irréductible d’une identité vécue de plus en plus sur le mode du composite, de sorte que le corps, à son tour, expérimente la « fractalisation » de la culture jusque dans l’inflation pornographique de l’éros et la gay pride qui brouille les figures de l’identité sexuelle. Le sujet absolu que postulait Hegel comme horizon de la modernité révèle son utopie et l’  « incrédulité » qui marque l’émergence d’un sujet postmoderne, en fait un « ensemble flou », soumis au principe de discontinuité et à la relation d’incertitude…
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