Gymnase de Chamblandes et Gymnase de Morges







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Introduction

Qu'est-ce que l'histoire ?

La conception traditionnelle de l’« histoire universelle »


[L]' « histoire universelle » […] [s'inscrit], sans le dire, dans une vision téléologique de l'histoire, que son signe fût chrétien, marxiste ou seulement associé à l'idée de Progrès. Ce dispositif [est] également, sans le dire, européo-centrique, puisque les peuples n' « entraient » dans l'Histoire qu'avec leur « découverte » par les Européens... […]

L'histoire s'identifie à l'histoire de l'Occident et on y retrouve la même manifestation d'un ethnocentrisme à plusieurs cercles : celui de l'Europe, qui joue vis-à-vis des peuples d'Asie et d'Afrique, mais aussi à l'intérieur de l'Europe elle-même, en ce sens que, par exemple, on étudie l'histoire russe surtout après Pierre le Grand, c'est-à-dire à partir du moment où ce pays « s'européanise » ; de sorte que l'Europe s'identifie essentiellement à la fois à la chrétienté et au progrès technique. Le deuxième cercle de cet ethnocentrisme se manifeste, pour chaque nation, dans son rapport avec ses voisines. En France, par exemple, une fois cité le nom de Charlemagne, on ne parle plus guère du Saint Empire Romain Germanique, qui dure pourtant neuf siècles ; on évoquerait plutôt sa fin, en 1806, pour mieux dire la part qu'y a prise Napoléon. De la même manière, les Français sous-évaluent l'importance du mouvement romantique, qui s'épanouit en Allemagne, et influence l'Europe, insistant plutôt sur les effets, en Allemagne, de la révolution de 1789. Cet ethnocentrisme du deuxième type est particulièrement développé en France, en Espagne, en Allemagne et en Angleterre ; il l'est moins en Italie, où l’État-nation s'est constitué plus tardivement. Par contre, l'histoire en Italie pratique un ethnocentrisme de troisième type (comme la France), qui valorise l’Italie du Nord ou la France du Nord par rapport aux provinces méridionales. En Grande-Bretagne, ce trait a été corrigé depuis longtemps : Pays de Galles, Écosse et Irlande sont analysés dans leur histoire propre, et pas seulement dans leur rapport avec Londres, avec le gouvernement anglais.

Les différentes formes de cet ethnocentrisme se cachent derrière une histoire générale qui est à peu près la même dans le Malet et Isaac en France, La Storia dell'Uomo en Italie, et ailleurs. L'histoire y « naît » avec l’Égypte ancienne, la Chaldée et Israël ; elle se développe avec la grandeur de la Grèce et de Rome. Le « Moyen Age » commence avec la chute de l'Empire Romain d'Occident, en 476, et les grandes invasions ; il s'achève avec la chute de l'Empire Romain d'Orient, en 1453, et la conquête turque. Les grandes « découvertes », l'humanisme et la réforme protestante ouvrent les « temps modernes » qui laissent la place à l'époque contemporaine qu'ouvre la révolution de 1789.

FERRO Marc, Comment on raconte l’histoire aux enfants, Petite Bibliothèque Payot (coll. Documents), Paris, 1992 (1ère édition 1981), pp. 10-11



Quelques fonctions de l’histoire


Indépendamment de sa vocation scientifique, l'histoire exerce en effet une double fonction, thérapeutique et militante. A travers les temps, le « signe » de cette mission a changé, mais non le sens : qu'au temps de Franco en Espagne elle glorifie le Christ-Roi ; au temps des Républiques en France, la nation et l’État ; le parti communiste en U.R.S.S. ou en Chine, elle n'en demeure pas moins missionnaire ; le scientisme et la méthodologie servent au plus de « cache-sexe » à l'idéologie. Benedetto Croce écrivait, au début de ce siècle, que l'histoire pose les problèmes de son temps plus encore que ceux de l'époque qu'elle est censée étudier. Ainsi, évoquant l'un et l'autre le Moyen Age russe, l'Alexandre Nevski d'Eisenstein, et l'Andrei Roublev de Tarkovski nous informent, l'un sur la Russie stalinienne et sa crainte de l'Allemagne ; l'autre sur l'U.R.S.S. brejnévienne, sa lutte pour la liberté et sa haine des Chinois. L'histoire enseignée aujourd'hui aux petits Africains nous en apprend autant sur les problèmes actuels du continent noir que sur son passé. Les livres pour enfants y sont portés à glorifier les grands empires du passé africain, dont la splendeur est mise en parallèle avec la déchéance et le retard de l'Europe féodale, à la même époque : la fonction thérapeutique est clairement exprimée. Ou bien, pour des raisons d'actualité aussi, le lourd contentieux du conflit avec l’lslam est évacué, réduit, et même mis en doute par l'emploi du conditionnel...

Aux Caraïbes, où vit une population déracinée (Noirs, Chinois, Indiens, etc.), l'histoire racontée aux enfants transfigure les descendants d’anciens esclaves ou coolies en citoyens du monde qui ont l'avantage, unique, de participer à toutes les cultures de l'Humanité. L'histoire de l'esclavage est présentée de telle façon que l'enfant noir de la Jamaïque s'apitoie moins sur le sort de ses ancêtres que sur celui des malheureux Anglais qui, dans l'histoire, furent les premiers esclaves expédiés en Italie au temps de César.

Pour l'histoire « militante », on pense d'abord naturellement aux manipulations pratiquées en U.R.S.S. : pendant longtemps, Trotski y avait été jeté aux oubliettes, et il n'était question que de Staline ; depuis dix ans, Staline a disparu, ou presque, et l'on cite fréquemment Trotski — pour le condamner. Mais, aux États-Unis, l'évolution de l'enseignement est encore plus radicale : elle exprime le passage de l'idéologie du melting-pot (l'Amérique « creuset » des peuples) à celle du salad-bowl (variée), où les cultures gardent leur identité.

Malgré ces changements, demeure une matrice de l'histoire de chaque pays : c'est la dominante qui marque la conscience collective de chaque société. Aussi est-il important de connaître les éléments mêmes de cette matrice. Les récits et les croyances qui la constituent […] ont une saveur bien plus forte que toutes les analyses.

FERRO Marc, Comment on raconte l’histoire aux enfants, Petite Bibliothèque Payot (coll. Documents), Paris, 1992 (1ère édition 1981), pp. 8-9



Contre une histoire-belote…


Cette histoire qui colle à l'événement traditionnellement privilégié suivant un code immuable, cette histoire qui fut pourtant scientifique il y a un siècle, mais qui est aujourd'hui ravalée de la fonction vitale de geste fondatrice de nos grands États nationaux à l'anecdote attendue de la vie des princes-acteurs d'une tragi-comédie immobile, cette histoire est une histoire scientifique, elle est l'histoire critique d'hier, totalement usée, il est vrai, profondément dégradée, livrée par les mass media à la consommation culturelle de masse. Elle est l'histoire-amusette, l'histoire-anecdote, l'histoire qui fait monter les tirages, qui gonfle les comptes en banque et qui distrait honnêtement les foules, elle est histoire-rêve, elle contribue, tant bien que mal, à une forme de distraction, vraisemblablement, à l'heure actuelle, une des formes les plus acceptables, une des rares formes équilibrantes au sein d'un univers de rupture dangereusement dissociatif des équilibres mentaux. Chaque pays, chaque société a sa pépinière privilégiée de l'histoire-évasion, de l'histoire-distraction. En France, depuis près d'un siècle, la Révolution et l'Empire, indéracinablement, constituent le plan chronologique privilégié de ce qu'il faut bien appeler l'histoire bête (et non l'histoire-bataille qui peut être intelligente), en dépit de l'art de divertir de ceux qui récitent, inlassablement, et non sans talent au gré d'un vaste public fidèle et comblé, l'histoire attendue, l'histoire sans surprise, de Marie-Antoinette, de Marat dans sa baignoire, de Robespierre, de Napoléon au pont d'Arcole, à Sainte-Hélène, une histoire qui fut combattante, édifiante, prédicatrice, mais qui est, aujourd'hui, aussi insignifiante qu'une partie de belote.

[…] Vivons donc avec l'histoire telle que le présent qui se mue à chaque instant, en passé, ne cesse de l'édifier. Mais comprenons que le poids de l'histoire-culture de masse, que le poids de l'histoire-distraction, que le poids même de l'histoire scientifique d'hier, constitue un lourd handicap pour l'histoire scientifique d'aujourd'hui, cette histoire médiatrice, fédératrice, intelligente de toutes les sciences humaines, qui leur donne la dimension, dans le temps, sans laquelle ces sciences du présent ne sont que maîtresses d'illusions.

L'histoire-distraction pèse dans le subconscient des élites. Elle contribue à dévaloriser, au niveau de la décision, l'apport de la nouvelle histoire qui est quantificatrice, réflexive, projective.

CHAUNU Pierre (1975) in L'histoire, textes, vol. 2 : La question du sens, Librairie Belin (coll. DIA), 1980, pp. 187-88



… pour une histoire-anthropologie


Ailleurs le folklore, quoique trop coupé de l'histoire, offre à l'historien des sociétés européennes qui veut recourir à l'anthropologie, un trésor de documents, de méthodes et de travaux qu'il ferait bien d'interroger avant de se tourner vers l'ethnologie extra-européenne. Folklore trop méprisé, ethnologie du pauvre, qui est pourtant une source essentielle pour l'anthropologie historique de nos sociétés dites « historiques ». Or la longue durée pertinente de notre histoire — pour nous en tant qu'hommes de métier et hommes vivant dans le flux de l'histoire — me paraît ce long Moyen Age qui a duré depuis le IIe ou IIIe siècle de notre ère pour mourir lentement sous les coups de la révolution industrielle — des révolutions industrielles — entre le XIXe siècle et nos jours. Ce long Moyen Age c'est l'histoire de la société préindustrielle. En amont c'est une autre histoire, en aval c'est une histoire — la contemporaine — à faire ou mieux à inventer, quant aux méthodes. Ce long Moyen Age est pour moi le contraire du hiatus qu'ont vu les humanistes de la Renaissance et, sauf rares exceptions, les hommes des Lumières. C'est le moment de la création de la société moderne, d'une civilisation moribonde ou morte sous ses formes paysannes traditionnelles, mais vivante par ce qu'elle a créé d'essentiel dans nos structures sociales et mentales. Elle a créé la ville, la nation, l'État, l'université, le moulin et la machine, l'heure et la montre, le livre, la fourchette, le linge, la personne, la conscience et finalement la révolution. Entre le néolithique et les révolutions industrielles et politiques des deux derniers siècles elle est — au moins pour les sociétés occidentales — non un creux ni un pont mais une grande poussée créatrice — coupée de crises, nuancée de décalages selon les régions, les catégories sociales, les secteurs d'activité, diversifiée dans ses processus.

Ne nous attardons pas aux jeux dérisoires d'une légende dorée du Moyen Age à substituer à la légende noire des siècles passés. Ce n'est pas cela un autre Moyen Age. Un autre Moyen Age c'est — dans l'effort de l'historien — un Moyen Age total qui s'élabore aussi bien à partir des sources littéraires, archéologiques, artistiques, juridiques qu'avec les seuls documents naguère concédés aux médiévistes « purs ». C'est un Moyen Age long, je le répète, dont tous les aspects se structurent en un système qui, pour l'essentiel, fonctionne du Bas-Empire romain à la révolution industrielle des XVIIIe-XIXe siècles. C'est un Moyen Age profond que le recours aux méthodes ethnologiques permet d'atteindre dans ses habitudes journalières, ses croyances, ses comportements, ses mentalités. C'est la période qui nous permet le mieux de nous saisir dans nos racines et nos ruptures, dans notre modernité effarée, dans notre besoin de comprendre le changement, la transformation qui est le fonds de l'histoire en tant que science et en tant qu'expérience vécue. C'est la distance de la mémoire constituante : le temps des grands-parents. Je crois que la maîtrise du passé que seul réalise l'historien de métier est aussi essentielle à nos contemporains que la maîtrise de la matière que leur offre le physicien ou la maîtrise de la vie que leur propose le biologiste.

LE GOFF Jacques (1977) in L'histoire, textes, vol. 2 : La question du sens, Librairie Belin (coll. DIA), 1980, pp. 181-82



Histoire-récit ou histoire-problème ?


L’histoire qui s’exprime par le récit, assimilé ici aux modes de la description et de la narration s’oppose à l’histoire qui s’exprime par l’analyse et l’argumentation.

D’autres renforcent cette opposition d’écoles par les distinctions portant sur les domaines abordés, sur les sources retenues, les méthodes employées et les formes d’écriture induites. Ainsi François Furet distingue, d’une part, l’histoire-récit, descriptive, habitée par des personnages, se déroulant au rythme d’un temps uniforme, qui présente le seul déroulement des faits comme une reproduction de l’enchaînement réel du temps passé ; et d’autre part, l’histoire-problème, qui cherche à construire une démonstration avec des arguments successifs, des plans thématiques ou documentaires concomitants et des temps emboîtés, dont on tente de mesurer le poids respectif. L’objet de cette seconde histoire est davantage l’intelligible (R. Barthes) que le réel.

SALINERO Grégoire, FRANÇOIS Pascal, THILLAY Alain, Histoire, Géographie au Collège, Belin (Guide Belin de l’enseignement), 1996, p. 41

L’histoire, « leçon pour le présent » ?


En conclusion, pensez-vous que l'on puisse prétendre, à partir des études historiques, à une intelligibilité du présent ?

RC : Je crois que c'est un tour rhétorique des historiens pour justifier leur position que de dire que le passé peut éclairer le présent. Pour moi cette idée est sans fondement puisque je pense que l'histoire est faite de discontinuités. Les événements ne se répètent pas, il n'y a pas de retour en arrière, il n'y a pas d'exemplarité historique. Dans l'Antiquité, les exemples historiques servaient de guides pour le présent. Ce n'est, bien sûr, plus le cas aujourd'hui.

Mais en revanche, un travail historique sur les Templiers, l'empire carolingien ou le XVIIe siècle… a un rapport avec le présent, non pas par une homologie possible des situations, mais parce qu'il peut amener le lecteur à s'approprier des instruments critiques qui peuvent être utiles pour l'étude de sa propre société. Le rapport de l'histoire au présent est donc décalé : il n'est pas rapport d'homologie, mais rapport critique. Et le travail historique lorsqu'il est réussi, « par le fait et l’exemple » comme disait Lucien Febvre, propose ces instruments critiques permettant un rapport plus lâche entre passé et temps contemporain1. C'est cette démarche critique qui me paraît être pour le présent la leçon de l'histoire.

CHARTIER Roger (interview) in L’histoire aujourd’hui, Ed. Sciences humaines, 1999, pp. 18-19



Histoire et objectivité

L’histoire est une réflexion


L'histoire n'est pas le décalque d'une chronologie, mais un effort de penser le passé. Il est essentiel de faire comprendre aux élèves que le passé n'est pas donné, immuable, qu'il serait seulement possible de le décrypter sous des masques et des déformations, mais qu'il est, au contraire, le résultat d'une opération intellectuelle, mise en place à partir d'interrogations présentes, conduite selon des méthodes et des principes explicites, débouchant plus sur des hypothèses que sur des certitudes.

MARTIN J.-C.  : « L'enseignement de l'Histoire au Lycée, Vingtième Siècle », 1995, cité in QUÉTEL Claude (dir.), Histoire seconde, Livre du maître, Bordas, 1996, p. 130

La question de l’objectivité en histoire


Lorsqu'on définit l'histoire comme « un récit d'événements vrais » ou que l'on choisit comme premier devoir de l'historien « d'établir la vérité » [P. Veyne], on se réfère bien plus à cette objectivité, au sens commun du terme qu'est l'honnêteté intellectuelle, qu'à l'objectivité dont traite l'épistémologie et qui est l'adéquation de la représentation à l'objet. La différence est capitale car, même si l'historien se contente de son éthique professionnelle et applique les règles établies par sa discipline pour s'assurer la « vérité », l'épistémologie extérieure démontre les limites de cette représentation. Puisque l'objet ne peut être connu que par un sujet, la poursuite de l'objectivité consiste à détecter toutes les sources de distorsion provenant de ce dernier – centrations, valorisations, projections, etc. Elle est « la dissociation d'avec le moi en sa subjectivité égocentrique » [J. Piaget], et on pourrait ajouter : la dissociation du nous en sa subjectivité ethnocentrique.

Même la participation directe aux événements n'est pas susceptible de fournir des données objectives. « Même si je suis, dit Paul Veyne, contemporain et témoin de Waterloo, même si j'en suis le principal acteur et Napoléon en personne, je n'aurai qu'une perspective sur ce que les historiens appelleront l'événement de Waterloo ; je ne pourrai laisser à la postérité que mon témoignage, qu'elle appellera trace s'il parvient jusqu'à elle ». Dans ces conditions, il serait vain d'exiger qu'à la place de l'histoire si défaillante qui est enseignée à des générations successives d'hommes dans tous les pays du monde se substituera [sic !] miraculeusement une histoire « vraie ».

[…] L'essentiel est d'être conscient que toutes les versions comportent leur part de subjectivité et que l'intersubjectivité, même si elle ne fait pas encore l'objectivité, constitue déjà une certaine avance.

« L'évidence première n'est pas une vérité fondamentale. En fait, l'objectivité scientifique n'est possible que si l'on a d'abord rompu avec l'objet immédiat, si l'on a refusé la séduction du premier choix, si l'on a arrêté et contredit les pensées qui naissent de la première observation. Toute objectivité, dûment vérifiée, dément le premier contact avec l'objet. » [Georges Bachelard]

PREISWERK Roy, PERROT Dominique, Ethnocentrisme et Histoire, L'Afrique, l'Amérique indienne et l'Asie dans les manuels occidentaux, Ed. Anthropos, 1975, pp. 22, 24, 95



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