télécharger 199.66 Kb.
|
III) L’immeuble haussmanniena) Les prototypes de l’espace haussmannienHéritée de l’âge classique, c’est toute une tradition de mise en valeur de l’espace public qui prime à la recherche d’une quelconque clientèle privée : à la spéculation des particuliers s’opposent la responsabilité de l’administration dans la question du domaine de la ville ou de l’Etat. L’idée majeure d’embellissement s’impose et l’établissement des fontaines en est une démonstration : un simple robinet pouvait suffire pour les besoins d’une rue ou d’un quartier, alors que ce sont de véritables monuments que l’on voit s’édifier. La ville commande à Louis Visconti, auteur de la Fontaine Gaillon, les constructions colossales du square Louvois, de la place Saint Sulpice ou de la fontaine Molière ; J.I. Hitorff se réservant pour sa part les vasques de la place de la Concorde. Dans le rêve romain d’une ville aux mille fontaines, aérée de jardins et de promenades ombragées, on retrouve la tradition néo – classique du voyage en Italie, un pèlerinage aux sources qui fut le fondement même de l’école des Beaux Arts et qui a profondément imprégné le regard qui est le nôtre sur la ville. Même si les références de Visconti restent françaises (fontaine des Innocents ou de Grenelle), le traitement des eaux jaillissantes et l’appel à un traitement monumental rompant avec l’échelle du bâti parisien, sont tout à fait romains.33L’idée d’un embellissement est très importante dans l’aménagement des promenades plantées auquel se consacre Rambuteau le long des quais de Seine, une préfiguration, avec les boulevards intérieurs, des futures percées haussmanniennes Le boulevard se compose de voies parallèles dévolues aux circulations distinctes des piétons ou des voitures : au centre , le flux de la circulation rapide ; sur les côtés, la promenade et le loisir, protégés du flot des véhicules par un rang d’arbres. La formule est née, accidentellement, de la transformation des anciens boulevards de l’enceinte de Louis XIV en promenades publiques. La plantation d’arbres n’eut à l’origine qu’un rôle militaire.34 Mais elle devient bientôt le type de l’espace urbain central – ne serait – ce que par le succès considérable que remportent les grands boulevards sur la rive droite de la Seine, centre de la vie parisienne au XIX eme siècle. Le boulevard, lieu d’échange, combinaison de passages couverts à la mode avec des rues passantes, le boulevard devient bientôt le modèle de l’espace urbain central. Il assure une fonction d’animation commerciale sur ses trottoirs, la circulation rapide d’un quartier à l’autre de la ville sur la chaussée, la césure de son double rang d’arbres entre deux quartiers distincts. En outre, il crée une trame à grande échelle indispensable à une lisibilité globale de la forme urbaine. C’est à la fois un passage et une césure qui joue un rôle complexe dans la définition de l’espace urbain. Son succès est tel que le modèle s’en répand sur les quais.35Il attire les bouquinistes, désertant les arcades de l’Odéon ou les galeries du Palais. Il s’imposera comme le modèle du grand vide urbain nécessaire à aérer et structurer un agglomérat hors d’échelle comme l’est devenue la capitale. b) Caractéristiques de l’immeuble haussmannienLa vision impériale de l’organisation urbaine n’est aucunement utopique et, au contraire, se fonde sur le pragmatisme , sur une adaptation aux situations concrètes et aux données conjoncturelles, pour créer un « langage de base dont la répétition en de nombreux lieux constitue une image urbaine cohérente en partant d’un type architectural défini, l’immeuble haussmannien, et de son intégration dans l’espace public par le biais de la projection réglementaire (l’architecture réglementaire est un fondement de l’haussmanissme) pour aboutir à une vision globale de la forme urbaine dans la hiérarchie de ses composants.36 L’immeuble et son ordonnancement sont asservis à la nature de l’espace public dont ils dépendent : la force de l’haussmanissme est d’avoir composé à partir des éléments traditionnels de la hiérarchie urbaine une structure très claire, dont l’évidence est telle qu’elle forme un repère en quelque lieu de la ville où l’on puisse se trouver.37 Si Paris est une mosaïque de fragments de ville, une conséquence inéluctable des hasards de l’histoire, mais il n’en est pas moins vrai qu’elle est aussi la ville la plus cohérente d’Europe : l’haussmanissme est le produit d’un étonnant consensus sur les éléments formateurs de l’urbain. De la conception de l’immeuble à celle de la rue, puis de la rue au quartier et du quartier à la ville, il est nécessaire de suivre cette progression – d’autant plus méritoire que la technologie industrielle bouleversait simultanément toutes les habitudes remettant totalement en question des usages millénaires. La différence entre l’immeuble haussmannien et l’immeuble Louis Philippe en pans de bois reflète plus une situation technique qu’une situation chronologique. La façade de plâtre, qui est l’expression d’une technologie de construction traditionnelle, se dévalorise peu à peu et devient au début de la III eme République, le matériau des constructions les plus modestes situées dans les quartiers périphériques. Au cours de cette période de lente dégradation, le décor s’est stérilisé, oubliant les fantaisies charmantes du néo clacissisme qui caractérisait le règne de Louis Philippe ; il s’est figé dans une ornementation triste et banale des moulures filantes d’appui et des chambranles. Inversement, la construction en pierre, prestigieuse au début de la Restauration, s’est généralisée et sa décoration a fini par se compliquer et se multiplier, à tel point que l’immeuble de la fin du règne de Louis Philippe est difficile à distinguer de l’immeuble haussmannien.38 La distinction classique entre immeuble Louis Philippe et immeuble haussmannien comporte trois étapes :
La disparition des hésitations sur le gabarit, après 1860, tient à une application systématique de la nouvelle réglementation. Le rôle des architectes voyers semble avoir été essentiel : la réorganisation administrative d’ Haussmann, en renforçant leur position, a accentué l’impact d’une typologie réglementaire qui, si elle ne s’inscrit pas vraiment dans les textes, résulte d’une pratique du Conseil Architectural plus ou moins autoritaire chez les responsables de la voirie. L’unité n’en est que plus forte, aboutissant à des alignements aussi cohérents que celui du boulevard Voltaire ou de l’avenue de l’Opéra (réalisé après 1870). L’autonomie des façades d’immeubles disparaît : non seulement le parcellaire se découpe en lots réguliers, mais les immeubles, qui sont alignés au même gabarit, offrent les mêmes lignes de structure et d’ornement. La variation tient porte sur le détail architectural à l’intérieur d’un schéma imposé par l’architecte voyer. Cette application du principe d’uniformité provoque par compensation la recherche de l’individualisation dans le détail. Cette variation de l’écriture dans la petite échelle crée la stylistique de l’immeuble haussmannien, fondée sur la répétition d’une trame identique en même temps que sur une énorme prolixité du détail. Il est vrai que la répétition peut aller lus loin : le lotissement des voies nouvelles s’établit sur des parcelles de longueur égale. L’aménagement des angles est délicat, notamment celui des deux voies convergentes (immeuble dit « en fer à repasser »).La longueur de parcelle étant déterminée par un principe de distribution – un seul escalier par immeuble (qu’elle qu’en soit la largeur : 12 ou 20 mètres, soit un ou deux appartements en façade) – sa logique s’applique même en cas d’opération unique groupant plusieurs immeubles, la cadence des mitoyens correspond à celle des cages d’escalier. Le respect de cette unité foncière que constitue la parcelle est donc absolu. La similitude des immeubles est telle qu’ils peuvent se superposer sur une même grille : nombre identique de percements (tous semblables, sur le thème unique de la porte fenêtre de 1m20 de large), réduction des pleins à des trumeaux étroits dont la largeur est inférieure à celle des vides, recours systématique au compartimentage décoratif – composition par travée avec chambranles et motifs de liaison verticale associant le linteau d’étage à la tablette d’appuis supérieure. Dans ce cadre rigoureux, l’animation vient uniquement de la différence d’échelle des motifs entre horizontales et verticales : les premières forment le lien continu entre les immeubles et elles sont exprimées par des tablettes saillantes – appuis ou balcons, que renforcent les grilles de fonte ornée ; les secondes sont marquées par la fragmentation en hauteur des vides et de l’ornement qui les relie. Le graphisme et la masse, éléments fortement horizontalisés, constituent donc une unité à grande échelle – celle de l’îlot en fait, percées et décors sculptés, à dominante verticale en sont le commentaire rythmique en vision rapprochée. La mise au point d’un tel procédé dut certainement se révéler délicate car la lecture d’une même forme à deux échelles de distance n’est pas un problème aisé. Dès lors que le balcon a pris son sens en tant que saillie et en tant que motif graphique, la réorganisation du décor a pu se faire – entraînant l’abandon des grandes ordonnances architecturales classiques au profit de l’ornement de cadre à échelle réduite. Mais le défaut de l’écriture Louis Philippe était l’absence d’intérêt pour la vision rapprochée : le compartimentage des lignes stabilisait la forme en le liant à, la masse de l’îlot, mais il n’apportait rien de plus près, en revanche. Le travail sur le faible relief – la végétation stylisée des chambranles – a permis l’enchaînement des perceptions successives avec la distance et le renouvèlement permanent de l’effet apporté par les échelles successives de la perception. De fait, de loin, seule la grande masse de l’îlot est visible, relayée ensuite à moyenne distance par ce « emballage »que constituent les balcons du deuxième et du cinquième étage. Puis, d’un peu plus près, les groupements de percées et la cadence des mitoyens émergent : ce qui les exprime, n’est pas la largeur des ouvertures toujours égale, mais la largeur des trumeaux pleins, ainsi que quelques détails significatifs comme cet ornement que constitue la console de balcon ou l’appui, propice à des groupements expressifs. De plus près encore, l’individualisation de l’immeuble d se manifeste par la variété du répertoire de surface – la sculpture qui tend désormais à travailler simultanément le positif et le négatif en relief ou la taille en réserve, la saillie et la gravure (caractéristique du style « grec » à la mode sous le Second Empire). Enfin, pour l’observateur attentif, le décryptage des motifs de balcon reste une ressource supplémentaire – celle que donne la contemplation de l’objet architectural, au – delà des grandes formes : la grille qui n’était à distance qu’une sorte de « battage » plus ou moins complexe, devient de très près un jeu de figures riches en enchaînement et en contre figures. Il ne serait pas excessif d’affirmer que le motif de fonte ornée dans les balcons parisiens est destiné à la quotidienneté – à cette contemplation permanente et inévitable que donne le vis-à-vis de la rue, depuis la maison d’en face. La subtilité dans les échelles successives de la perception est caractéristique de l’immeuble haussmannien : on lui a reproché plus tard la pauvreté de ses effets de masse, l’ennuyeuse uniformité d’un gabarit unique, sans voir que cette monotonie des grandes formes était compensée par une extraordinaire variété perceptive du détail. L’architecture parisienne de l’immeuble rejoignait ici une tradition de l’architecture monumentale classique, étroitement adaptée aux raffinements de modelé que permettent les lumières caractéristiques de l’Ile de France. L’aboutissement de ce système de composition qui joue sur l’uniformité totale des vides est un refus de tous les traitements à l’axialité forte, on a un abandon des compositions ternaires au profit du jumelage des baies qui en est la conséquence. Il permet d’introduire un rythme cadencé, monotone, qui – comme celui des lignes de balcons – transgresse les limites parcellaires au profit de l’unité du tout. A la fin du Second Empire, les compositions binaires sont presque devenues impératives, banalisant au maximum les immeubles et valorisant par contrecoup la variété infinie du détail décoratif inscrit sur une trame architecturale aux caractéristiques identiques. |
![]() | «De Napoléon IL à Napoléon 111 ou l'histoire de deux exilés. Les débuts d'un conspirateur» par Roland Mathieu. De 16 h 10 à 18 h... | ![]() | «Le xixe siècle fut le siècle de Napoléon iii» phrase de Anceau. IL faut capter la bienveillance du correcteur |
![]() | «Écartons tous les faits» (le géré, l’idéologique) permet ainsi de poser la question de la politique : celle d’une distinction dont... | ![]() | «retourné comme un gant» lors de sa conversion est devenu, sur le plan ecclésial, selon la formule de Paul VI de 1973, «un maître... |
![]() | «Ecole d'Agriculture» rue St-Victor, 5); verlaine (Hall omnisports Rue de la Station, 37); villers-le-bouillet (Hall omnisports –... | ![]() | «Ecole d'Agriculture» rue St-Victor, 5); verlaine (Hall omnisports Rue de la Station, 37); villers-le-bouillet (Hall omnisports –... |
![]() | «Ecole d'Agriculture» rue St-Victor, 5); verlaine (Hall omnisports Rue de la Station, 37); villers-le-bouillet (Hall omnisports –... | ![]() | |
![]() | «parrochia St Stephani de Saorra», citée en 1163, dans un précepte du pape Alexandre III, parmi les possessions de l’abbaye du Canigou,... | ![]() | «cela est politique». Cela explique pourquoi le caractère politique n’est pas immédiatement repérable : la définition de chacun en... |