Quelles sources pour l’abstraction ?
Si l’abstraction est rupture, elle apparaît dans un contexte culturel multiforme.
* Certains artistes ont fait le « détour » par le Surréalisme comme Judith RIEGL et Simon HANTAÏ avant d’être des peintres abstraits. Attirés par les principes mêmes du Surréalisme comme l’expression de l’inconscient, l’automatisme du geste, l’importance du rêve, et une nouvelle approche de l'homme.
La Seconde Guerre mondiale va focaliser la mise en question de « ce » monde et les surréalistes vont s’appliquer à résoudre les contradictions de l’homme au delà des conflits sociaux et de la montée des nationalismes qu’ils dénoncent. C’est en cela qu’ils ont pu attirer la jeune génération de peintres exilés en France. L’automatisme du geste et l’expression de l’inconscient peuvent être une entrée dans l’abstraction.
* L’opposition aux Académismes est aussi le moteur de l’expression de certains artistes. Le jeune SOULAGES « monté à Paris » pour devenir professeur de dessin ne se reconnaît pas dans cet enseignement, bien qu’admis à l'Ecole Nationale supérieure des Beaux-arts, il retourne à Rodez. Mais comme Hartung, Soulages raconte volontiers que très jeune il dessinait à l’encre de chine sur une feuille blanche, intéressé uniquement par la trace, et avait déclaré comme une boutade qu’il représentait des traces dans la neige.
* Le refus de la peinture abstraite géométrique et de son formalisme mais aussi la reconnaissance que la rupture avec l’imitation de la nature, la mimésis est bien consommée. APOLLINAIRE avait prédit : « On s'achemine ainsi vers un art entièrement nouveau, qui sera à la peinture, telle qu'on l'avait envisagée jusqu'ici, ce que la musique est à la littérature. » 17
Serge POLIAKOFF, même s’il utilise des formes simples par juxtaposition de couleurs, compose librement ses formes qui échappent ainsi à la rigueur géométrique et répondent à sa nature lyrique. Rappelons que le peintre a d’abord pu vivre grâce à son talent de guitariste et sa peinture entretient un rapport étroit avec la musique.
Avec la peinture abstraite, les organisations non référentielles d'éléments plastiques, lignes, valeurs, couleurs, textures, etc., trouvent dans la musique à la fois un modèle et une alliée : à l'antique ut pictura poesis se substitue le moderne ut pictura musica.18
*Si l’on parle de deuxième Ecole de Paris, l’évocation de l’Ecole de New York s’impose. Paris, n’est plus l’unique capitale culturelle : La Seconde Guerre mondiale qui marque un temps d'arrêt dans la vie artistique européenne voit apparaître aux États-Unis, en particulier à New York, une génération de jeunes artistes qui affirment pour la première fois leur originalité et apportent une contribution importante à l'évolution internationale de l'art moderne. Cette réalité s’est imposée grâce à des artistes qui prennent conscience de la nécessité de créer une tradition picturale nouvelle et de se trouver « au centre de l’art du temps ». Des événements ont précédé cette prise de conscience : le scandale de l’Armory Show en 1913, l’arrivée de Marcel DUCHAMP en 1920 et l'enseignement très suivi du peintre allemand Hans HOFMANN. Ce qui caractérise les productions plastiques des américains du début de l’école de New York est le mode d'expression lié à la révolte purement physique de l'art gestuel.19 Cette forme d’expression même si elle a pu tenter les artistes de Paris, reste la caractéristique de l’art abstrait américain, certains allant même jusqu’à s’y « opposer ». Aline Palau-Gazé et Arnaud Rolland, Service Educatif du Musée Fabre Montpellier, 2011
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