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III




Finalité et évolution universelle. L’immortalité.


Table des matière-2
Hugo admet en toutes choses ce que les philosophes ap­pellent une finalité immanente, c'est-à-dire un désir, une aspiration interne, dont l'évolution mécanique des choses n'est. que le côté extérieur. « Une formation sacrée accomplit ses phases, dit-il 3. » On ne peut pas plus circonscrire la cause que limiter l'effet... Toutes les décompositions de forces aboutissent à l'unité. Tout travaille à tout... Qui donc connaît les flux et les reflux réciproques de l'infini­ment grand et de l'infiniment petit 1 ? »
Dans l’Année terrible, il insiste sur la fonction dévolue à chaque partie dans le tout :
…La surface est le vaste repos;

En dessous tout s'efforce, en dessus tout sommeille;

On dirait que l'obscure immensité vermeille

Qui balance la mer pour bercer l'alcyon,

Et que nous appelons Vie et Création,

Charmante, fait semblant de dormir, et caresse

L'universel travail avec de la paresse.
Pour Hugo, l' « évolution sainte de la vie est progrès. » Ce monde, cette création où Dieu semble englouti sous le chaos des forces,
C'est du mal qui travaille et du bien qui se fait.



La raison n'a raison qu'après avoir eu tort.

Les philosophes, pleins de crainte ou d'espérance,

Songent et n'ont entre eux pas d'autre différence,

En révélant l'Eden, et même en le prouvant,

Que le voir en arrière ou le voir en avant.

Les sages du passé disent : - L'homme recule;

Il sort de la lumière, il entre au crépuscule...



Ils disent : bien et mal. Nous disons : mal et bien.
Mal et bien, est-ce là le mot ? le chiffre unique ?

Le dogme ? est-ce d'Isis la dernière tunique ?

Mal et bien, est-ce là toute la loi ! - La loi !

Qui la connaît ?...

Vous demandez d'un fait : Est-ce toute la loi ?



Et qui donc ici-bas, qui, maudit ou béni,

Peut de quoi que ce soit, force, âme, esprit, matière,

Dire : - Ce que j'ai là, c'est la loi tout entière;

Ceci, c'est Dieu complet, avec tous ses rayons 2!
Selon Hugo, il s'opère un « déplacement incessant et démesuré des mondes; » l'homme participe à ce mouve­ment de translation, « et la quantité d'oscillation qu'il subit, il l'appelle la destinée ». Où commence la destinée ? Où finit la nature ? Quelle différence y a-t-il « entre un événement et une saison, entre un chagrin et une pluie, entre une vertu et une étoile ? Une heure, n'est-ce pas une onde ? » Les mondes en mouvement continuent, sans répondre à l'homme, leur révolution impassible. « Le ciel étoilé est une vision de roues, de balanciers et de contre­poids... On se voit dans l'engrenage, on est partie intégrante d'un Tout ignoré, on sent l'inconnu qu'on a en soi fraterniser mystérieusement avec un inconnu qu'on a hors de soi. Ceci est l'annonce sublime de la mort 1. Quelle angoisse, et en même temps quel ravisse­ment ! Adhérer à l'infini, être amené par cette adhérence à s'attribuer à soi-même une immor­talité nécessaire, qui sait ? une éternité possible 2; sentir dans le prodigieux flot de ce déluge de vie universelle l'opiniâtreté insubmersible du moi ! regarder les astres et dire : je suis une âme comme vous ! regarder l'obscurité et dire : je suis un abîme comme toi 3! »
A en croire Victor Hugo, le moi est en dehors de la dissolu­tion : « Dans les vastes échan­ges cosmiques, la vie universelle va et vient en quantité inconnue, oscillant et serpentant, faisant de la lumière une force et de la pensée un élément, dissémi­née et indivisible, dissolvant tout, excepté ce point géomé­trique, le moi 4. » L'immortalité est donc individuelle et personnelle. Elle porte sur le véritable objet de l'amour, sur le vrai moi, qui est seul le « définitif ». - « La destinée, la vraie, commence pour l'homme à la première marche du tom­beau.. » Alors il lui apparaît quelque chose, et il commence à distinguer le définitif. - « Le définitif, songez à ce mot. Les vivants voient l'infini; le définitif ne se laisse voir qu'au morts 5. » Cette distinction rappelle άπειρον et le πέρας des anciens. « Malheur, hélas ! à qui n'aura aimé que des corps, des formes, des apparences ! La mort lui ôtera tout. Tâchez d'aimer des âmes, vous les retrouverez. » Jamais Hugo n'a­bandonne cet espoir-là. Il admet comme certaine au fond de l'univers une sorte de paternité, de bonté épandue, et s'écrierait volontiers, avec la foi absolue et naïve de l'évêque Myriel parlant à celui qui va mourir sur l'échafaud : - Entrez dans la vie, le Père est là 6!
Non ! je ne donne pas à la mort ceux que j'aime !

Je les garde, je veux le firmament pour eux,

Pour moi, pour tous; et l'aube attend les ténébreux :

L'amour, en nous, passants qu'un rayon lointain dore,

Est le commencement auguste de l'aurore;

Mon cœur, s'il n'a ce jour divin, se sent banni,

Et, pour avoir le temps d'aimer, veut l'infini :

Car la vie est passée avant qu'on ait pu vivre.
Ce n'est donc point une immortalité proprement méta­physique, encore moins une indes­tructibilité toute physique que rêve Hugo; c'est une immortalité morale, qui consisterait à aimer toujours et à être aimé :
Les âmes vont s’aimer au-dessus de la mort.
Il nous raconte quelque part qu'il a vu en rêve un « ange blanc » passant sur sa tête et qui venait « prendre son Âme » :
« Es-tu la mort, lui dis-je, ou bien es-tu la vie ? »

Et la nuit augmentait sur mon âme ravie,

Et l'ange devint noir, et dit : « Je suis l'amour »

Mais son front sombre était plus charmant que le jour,

Et je voyais, dans l'ombre où brillaient ses prunelles.

Les astres à travers les plumes de ses ailes 1.
Au delà de la mort, la vie morale continuera avec ses devoirs, avec son progrès indéfini :
On entre plus heureux dans un devoir plus grand...

Ce n'est pas pour dormir qu'on meurt; non, c'est pour faire

De plus haut ce que fait en bas notre humble sphère,

C'est pour le faire mieux, c'est pour le faire bien 2.
Comme Lamartine dans Jocelyn, Hugo raconte à son tour, en symboles et en mythes, la destinée humaine, - ou plutôt la destinée universelle. Sa doctrine est empreinte de ce pytha­gorisme qui a laissé tant de traces dans sa poésie. Il appelle l'homme quelque part : tête auguste du nombre; et nous avons vu que les images tirées du nombre sont chez lui fré­quentes. En outre, il emprunte à Pythagore et à Platon leurs idées orien­tales. Ce que dit la bouche d'ombre est un mythe analogue à celui d'Er l’Arménien dans la République. La théorie hindoue de la sanction inhérente aux actions mêmes y est ad­mirablement exprimée, et dans toute sa profondeur. Déjà La­martine avait représenté l'âme montant et descendant par le poids de sa nature; Hugo ne prend plus cette théorie dans le sens chrétien, mais dans le sens indien. Le monde entier est le lieu de la sanction, le monde-châtiment, domaine de la chute des âmes, où chaque être occupe la place que lui assigne son propre poids, plus haut ou plus bas, comme un corps plongé dans un fluide monte ou descend selon qu'il renferme plus de matière. Cette grande idée métaphysique et morale prend même chez Hugo la forme mythique qu'elle avait prise dans l'Inde : celle de la renaissance et de la métempsycose. Com­me il s'agit d'un poète, nous ne pouvons savoir avec précision si cette idée était pour lui un simple symbole. Cependant, ce caractère symbolique peut s'inférer de la doctrine soutenue par Hugo que tout vit, même les choses, et que les animaux sont les « ombres vivantes » de nos vertus et de nos vices. Selon Hugo un mystère réside, muet, dans ce que nous appelons la chose, la chose matérielle, sans vie apparente, où « repose l'être insondable » :
Tout vit-il ? quelque chose, ô nuit, est-ce quelqu'un 3?
Une fleur souffre-t-elle, un rocher pense-t-il ?



Vivants, distinguons-nous une chose d'un être 4?
Un autre mystère est dans l'animal :
Mettre un pied sur un ver est une question :

Ce ver ne tient-il pas à Dieu 5?
Chacun des individus de l'espèce humaine correspond, selon Hugo, à quelqu'une des espè­ces de la création ani­male : « tous les animaux sont dans l'homme et chacun d'eux est dans un homme. Quelquefois même plusieurs d'entre eux à la fois. Les animaux ne sont autre chose que les figures de nos vertus et de nos vices, errantes devant nos yeux, les fan­tômes visibles de nos âmes. » Ce sont donc des « ombres » plutôt que de pleines réalités. D'ailleurs « le moi visible (de l'homme) n'autorise en aucune façon le penseur à nier le moi latent (chez l'animal) 1. » Cette vue platonicienne sur les animaux, ombres de nos vertus et de nos vices, prouve que le mythe renouvelé de l'antique Orient sur la chute des âmes et leurs transfi­gurations a pour Hugo une valeur en partie symbolique.
Sache que tout connaît sa loi, son but, sa route;

Que, de l'astre au ciron, l'immensité s'écoute;

Que tout a conscience en la création;

Et l'oreille pourrait avoir sa vision,

Car les choses et l'être ont un grand dialogue.

Tout parle; l'air qui passe et l'alcyon qui vogue,

Le brin d'herbe, la fleur, le germe, l'élément.

T'imaginais-tu donc l'univers autrement ?

Crois-tu que Dieu, par qui la forme sort du nombre,

Aurait fait à jamais sonner la forêt sombre,

L'orage, le torrent roulant de noirs limons,

Le rocher dans les flots, la bête dans les monts,

La mouche, le buisson, la ronce où croit la mûre,

Et qu'il n'aurait rien mis dans l'éternel murmure ?



Non, tout est une voix et tout est un parfum;

Tout dit dans l'infini quelque chose à quelqu'un;

Une pensée emplit le tumulte superbe.

Dieu n'a pas fait un bruit sans y mêler le Verbe.

Tout comme toi gémit, ou chante comme moi,

Tout parle. Et maintenant, homme, sais-tu pourquoi

Tout parle ? Écoute bien, c'est que veut, onde, flammes,

Arbres, roseaux, rochers, tout. est ! tout est plein d’âmes.
Voici maintenant revenir l'opposition de la lumière et de l'ombre, et la doctrine persane selon laquelle l'ombre n'est qu'une dégradation de la lumière :
Ne réfléchis-tu pas, lorsque tu vois ton ombre ?

Cette forme de toi, rampante, horrible, sombre,

Qui, liée à tes pas comme un spectre vivant,

Va tantôt en arrière et tantôt en avant;

Qui se mêle à la nuit, sa grande sœur funeste,

Et qui contre le jour, noire et dure, proteste,

D'où vient-elle ? De toi, de ta chair, du limon

Dont l'esprit se revêt en devenant démon;

De ce corps qui, créé par la faute première,

Ayant rejeté Dieu, résiste à la lumière;

De ta matière, hélas ! de ton iniquité.

Cette ombre dit : « Je suis l'être d'infirmité;

Je suis tombé déjà; je puis tomber encore. »

L'ange laisse passer à travers lui l'aurore;

Nul simulacre obscur ne suit l'être normal;

Homme, tout ce qui fait de l'ombre a fait le mal.
La peinture qui suit est un nouveau mélange d'idées et de symboles orientaux :
Et d'abord, sache

Que le monde où tu vis est un monde effrayant

Devant qui le songeur, sous l'infini ployant,

Lève les bras au ciel et recule terrible.

Ton soleil est lugubre et ta terre est horrible.

Vous habitez le seuil du monde châtiment.

Mais vous n'êtes pas hors de Dieu complètement;

Dieu, soleil dans l'azur, dans la cendre étincelle,

N'est hors de rien, étant la fin universelle.
On remarquera cette conception aristotélique de Dieu présent à tout comme fin plutôt encore que comme cause.
L'éclair est son regard, autant que le rayon;

Et tout, même le mal, est la création,

Car le dedans du masque est encor la figure.



A la fatalité, loi du monstre captif,.

Succède le devoir, fatalité de l'homme,

Ainsi de toutes parts l'épreuve se consomme,

Dans le monstre passif, dans l'homme intelligent,

La nécessité morne en devoir se changeant,

Et même remontant à sa beauté première,

Va de l'ombre fatale à la libre lumière.
La suite exprime la plus haute idée de la sanction que l'on se soit faite, celle des Indiens, qui croient que l'être monte ou descend sur l'échelle universelle par son propre poids, que la vertu ou le vice renferment ainsi eux-mêmes leur récom­pense ou leur châtiment :
L'être créé se meut dans la lumière immense.

Libre, il sait où le bien cesse, où le mal commence;

Il a ses actions pour juges.

Il suffit

Qu'il soit méchant ou bon; tout est dit. Ce qu’on fit,

Crime est. notre geôlier, ou vertu nous délivre.

L'être ouvre à son insu, de lui-même, le livre;

Sa conscience calme y marque avec le doigt

Ce que l'ombre lui garde ou ce que Dieu lui doit.

On agit, et l'on gagne ou l’on perd à mesure.

On peut être étincelle ou bien éclaboussure.



On s'alourdit, immonde, au poids croissant du mal;

Dans la vie infinie on monte et l’on s'élance,

Ou l’on tombe; et tout être est sa propre balance.

Dieu ne nous juge point. Vivant tous à la fois,

Nous pensons, et chacun descend selon son poids.

Toute faute qu'on fait est un cachot qu'on s'ouvre.

Les mauvais, ignorant quel mystère les couvre,

Les êtres de fureur, de sang, de trahison,

Avec leurs actions bâtissent leur prison;



L'homme marche sans voir ce qu'il fait dans l’abîme.

L'assassin pâtirait s’il voyait sa victime :

C'est lui !...
Ces vers sont, à notre avis, le modèle de la poésie philoso­phique. Exacte en ses formules et cependant colorée, ce n'est plus une traduction, c'est une incarnation d'idées, où la vie vient du dedans pour éclater au dehors.
Le dernier mot d'Hugo sur la destinée est celui de Platon dans la République : Θεός άν ίτιος.
Grand Dieu ! nul homme au monde

N'a droit, en choisissant sa route, en y marchant,

De dire que c'est toi qui ras rendu méchant;

Car le méchant, Seigneur, ne t'est pas nécessaire 1.


Deuxième partie: chapitre III:
“L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie contemporaine (suite).
Victor Hugo”

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