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III




Coppée.



Table des matière-2
Hugo, toujours préoccupé du point de vue social, avait chanté les Misérables et, dans la Légende des siècles, les petits. Il restait et il reste encore bien des inspirations à chercher, pour le poète, dans toute cette partie de la société, la plus nombreuse, qui vit ignorée, et qui est cependant le fond même de l'humanité. Là, que de joies et que de dou­leurs avec lesquelles le poète, comme le philosophe, peut entrer en sympathie ! Coppée l'a compris et, à son tour, il chante les Humbles. C'est un psychologue et un moraliste, en même temps qu'un poète. Avec quelle vérité d'expression et quelle sympathie il a su peindre cette femme seule, dont il nous fait deviner la tristesse :
Elle était pâle et brune; elle avait vint-cinq ans;

Le sang veinait de bleu ses mains longues et fières,

Et, nerveux, les longs cils de ses chastes paupières

Voilaient ses regards bruns de battements fréquents.
Quand un petit enfant présentait à la ronde

Son front à nos baisers, oh ! comme lentement,

Mélancoliquement et douloureusement,

Ses lèvres s'appuyaient sur cette tête blonde !
Mais, aussitôt après ce trop cruel plaisir,

Comme elle reprenait son travail au plus vite !

Et sur ses traits alors quelle rougeur subite

En songeant au regret qu'on avait pu saisir !...
J'avais bien remarqué que son humble regard,

Tremblait d'être heurté par un regard qui brille,

Qu'elle n'allait jamais près d'une jeune fille,

Et ne levait les yeux que devant un vieillard 1...
Seulement Coppée a trop souvent pensé que, pour trouver le vrai, - à notre époque on le cherche beaucoup, - il suf­fisait de découvrir et de reproduire le fond effacé et journalier de la vie, en un mot sa banalité; c'est un peu comme un mu­sicien qui ne donnerait guère d'un air que l'accompagnement, ou un peintre qui s'appliquerait à n'éclairer son tableau que d'une lumière partout unie. A la vérité, ce ne sont pas tant les humbles qu'il a remarqués dans notre société que les ordi­naires; et dans leur vie, c'est le côté ordinaire, habituel, commun à tous qu’il a cherché à faire saillir. La plupart du temps, aux détails qu'il sème à travers ses récits, il ne de­mande pas tant d'être expressifs de la réalité que de se répéter souvent dans la réalité. Même le souvenir, pour lui, se revêt trop du prosaïsme de l'action journalière; il oublie que le sou­venir rend aux choses, en les résumant et les condensant, en quelque sorte, tout le prix qu'elles perdaient par le frac­tionnement quotidien. Olivier a résolu d'aller porter des fleurs sur la tombe de sa mère, et sa pensée se trouve rame­née tout naturellement à son enfance, à sa mère :
Olivier revoyait les plus minimes choses;



... le grand potager derrière la maison

Où, pour faire la soupe et selon la saison,

Sa mère allait cueillir les choux-fleurs et l'oseille.
Il devait revoir ces choses; il devait en revoir d'autres aussi, et plus importantes, qu'il eût été bon de dire. Voir à travers le souvenir, c'est voir à travers un rayon de lu­mière : tout semble devenir transparent, s'éclaire, se trans­figure; pourtant rien n'est changé à la réalité, rien, sinon peut-être qu'on en saisit mieux le vrai sens.
Coppée est le paisible habitant de Paris qui, du plus loin qu'il se souvienne, se retrouve suivant ces mêmes boulevards qu'il arpente aujourd'hui d'un pas à peine plus tranquille :
Et quand mes petits pieds étaient assez solides,

Nous poussions quelquefois jusques aux Invalides,

Où, mêlés aux badauds descendus des faubourgs,

Nous suivions la retraite et les petits tambours.
Oui, c'est sa promenade dans Paris, dans la vie, si vous aimez mieux, qu'il nous peint avec ses yeux de poète. Dès ses pre­miers regards, il s'est appliqué « à noter les tons fins d'un ciel mélancolique » sans jamais dépasser les « vieux bords de la Seine », ligne de l'horizon. La nature, pour lui, c'est la Seine d'abord, un chalet ensuite, avec un bouquet de bois; et l'agré­able, c'est
Un hamac au jardin, un bateau sur le fleuve.
Parmi ses rêves d'amour, en voici un :
Et dans les bois voisins, inondés de rayons,

Précédés du gros chien, nous nous promènerions,

Moi, vêtu de coutil, elle, en toilette blanche,

Et j'envelopperais sa taille, et sous sa manche

Ma main caresserait la rondeur de son bras,

On ferait des bouquets, et, quand nous serions las,

On rejoindrait, suivis toujours du chien qui jappe,

La table mise, avec des roses sur la nappe,

Prés du bosquet criblé par le soleil couchant;

Et, tout en s'envoyant des baisers en mangeant,

Tout en s'interrompant pour se dire : Je t'aime !

On assaisonnerait des fraises à la crème,
Et l’on bavarderait comme des étourdis

Jusqu'à ce que la nuit descende...

- O Paradis 1!
Si Coppée, à la suite d'Olivier, nous emmène à la cam­pagne, c'est dans une ferme - jadis « château » ; - le maître du logis, « le bonhomme », est un « vieux noble-fermier », et l'on s'en ira « voir les travaux de campagne », « dans un panier d'osier ». Nous sommes dans ces environs de Paris où, pendant les beaux jours, on transporte les scènes et la vie factice de l'opéra-comique; le convenu social, sous toutes ses formes, tient une large place dans l'existence parisienne. Il est juste, d'ailleurs, d'ajouter que Coppée ne s'est pas con­tenté, dans la vie sociale comme au théâtre, de regarder le devant de la scène, les dehors uniquement. Mainte fois nous le voyons arrêté au seuil des humbles intérieurs : la lampe allumée, la bûche du foyer et le labeur du soir ont trouvé en lui leur poète ému. Chez la petite ouvrière qui passe, « gan­tée et mise avec décence », se rendant dès le matin à l'ou­vrage dans la maison des riches, il devine les souffrances de la mansarde qu'elle quitte, qu'elle retrouvera ce soir avec les petits frères qui disent « nous avons faim, » tandis que le père roule dans l'escalier après avoir laissé au cabaret sa paye de la semaine. Une simplicité un peu affectée et un naturel un peu artificiel n'empêchent point le poète d'égrener partout sur son chemin, avec sa fantaisie, les plus jolis vers :
Le sourire survit au bonheur. Qui peut dire

Cet homme malheureux, puisqu'on le voit sourire ?

Savons-nous, quand le soir, rêveurs, nous admirons

Le Zodiaque immense en marche sur nos fronts,

Combien dans la nature, Isis au triple voile,

La lumière survit à la mort d'une étoile,

Et si cet astre d'or, dont le rayonnement

A travers l'infini nous parvient seulement

Et décore le ciel des nuits illuminées,

N'est pas éteint déjà depuis bien des années ?
Et ailleurs :
Car revoir son pays, c'est revoir sa jeunesse.

Ailleurs encore :
Triste comme un beau jour pour un cœur sans espoir.
Et tant d'autres charmants passages. Un peu trop de rayons d'or, de bluets et de pervenches, peut-être; mais vrai­ment n'est-ce pas se plaindre qu'il y ait trop de fleurs en un parterre ? Toute cette poésie est d'une grâce, d'un fini dans le coloris, qui fait. songer à ces merveil­leuses porcelaines où des roses qui ravissent s'allient à des bleus d'une douceur de rêve. C'est charmant, pas bien réel ; les vraies couleurs, les vraies nuances ont des dégradations infinies que le pinceau de Coppée, quoique délicat et menu, ne semble pas bien fait pour rendre; mais, par contre, ce pinceau est léger autant qu'habile, et fin comme l'esprit même du poète 1.

Deuxième partie: chapitre IV:
“L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie contemporaine (suite).
Les successeurs d’Hugo.”

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