Artiste-philosophe et sociologue de l’art et de la cyberculture







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6. Hygiène de la galerie (1973)


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La quatrième dimension de l'espace pictural : analyse de la fonction socio­logique du cadre.
Étant laissés de côté le vêtement, le tatouage et le marquage, dont les fonc­tions religieuses et sociales sont évidentes, l'origine de la peinture occidentale est principalement murale : rupestre, puis architecturale.
Les déplacements seigneuriaux de château en château imposèrent la tenture, pliable et transportable ; d'autre part, les Italiens inventèrent la toile tendue sur châssis, plus légère que le panneau de bois.
Séparée du mur, l'image impliquait une bordure ou un cadre, celui-ci se substituant aux limites traditionnelles de la forme architecturale et opérant cette distanciation radicale entre la réalité profane et l'univers sacré de l'image, que j'appelle la quatrième dimension de l'espace pictural et qu'assurait aupara­vant la qualité particulière du lieu : demeure religieuse ou royale où était isolée l'œuvre.
À mesure que la société s'est désacralisée, cette séparation symbolique entre le monde profane et le sacré devenait de plus en plus impérieuse, jus­qu'au jour où la désacralisation de l'art lui-même impliqua la suppression du cadre séparateur.
Cette séparation subsiste cependant de façon évidente au niveau des clivages socio-culturels, où l'art opère de façon discriminatoire. C'est aujour­d'hui le rôle du musée ou de la galerie d'isoler l'art de la vie profane, d'en réserver l'usage aux privilégiés, d'y fonder un système de valeurs initiatiques et d'en garantir le respect, au service du pouvoir de l'élite. A celui qui veut abolir cette quatrième dimension sociologique de l'art, ce cadre apparaît cependant comme une sorte de ghetto, dont il ne peut sortir.
Space 640, rue du Château à Saint-Jeannet, village de l'arrière-pays niçois, peut apparaître comme un espace neutre, susceptible de se prêter à la démons­tration. Je me suis proposé d'en marquer tous les murs de contre-empreintes répétitives de main, en séries verticales alternativement bleues et rouges à même l'enduit blanc. Plafond et sol sont traités de même. Quatre idées se dégagent :
1) La contre-empreinte de main, c'est le geste élémentaire et répétitif qui renvoie au support.
2) Par cette intervention sur les murs, j'expose cet espace en tant que galerie d'art. A l'inverse du processus habituel, c'est ici la peinture qui expose la galerie, ce qui démontre le lien essentiel et réversible entre art et galerie. Avec les ready made, Marcel Duchamp a déjà fait la démonstration de la proposition réciproque.
3) L'alternance en séries ordonnées bleues (blanc) rouges met en évidence le caractère social privilégié de l'art et de son support.
4) Le cadre de cette pratique sociale, ou quatrième dimension de la pein­ture, est marqué par le seuil même de cet espace : la marche et la porte d'entrée, l'huisserie, pourrais-je même dire, négatif du châssis d'une toile, qui opère symboliquement la séparation d'avec le monde profane.
Pour n'être pas dorées à la feuille, comme les cadres traditionnels et à la façon des auréoles des saints, qu'on veut séparer des hommes ordinaires, l'huisserie et la porte n'en sont pas moins la limite, le cadrage évident de cet espace neutre devenu galerie et donc support social de l'activité artistique.
Ce que j'appellerai hygiène de la galerie, ce n'est pas seulement la critique de ce cadrage social de la galerie et de la pratique artistique qu'elle implique, ce doit être, en contrepartie, la valorisation de la vie profane, contre la mystifi­cation bourgeoise du sacré (et de ses succédanés modernes que sont l'imagi­naire surréaliste ou le fantastique).



7. Hygiène des chefs-d’œuvre


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Série HYGIÈNE DU MUSÉE, 1974.
La visite au Musée des chefs-d’œuvre que nous proposent les mass media (reproductions, publicité) - ou l'anti-musée imaginaire de notre époque :
En 1974, les Japonais ont défilé, à raison de 10 secondes chacun sur un tapis roulant devant la Joconde. Hommage rendu par l'Asie moderne à un chef-d’œuvre de la Renaissance italienne. Ceux que choque cette consomma­tion rapide du SIGNE MUSÉOGRAPHIQUE par excellence qu'est la Joconde, oublient que les visiteurs des musées se comportent naturellement comme ces Japonais que débite le tapis roulant.
Dans le grand bazar culturel des musées imaginaires, silencieux, recueillis, mais incapables de contempler « l'invisible », ni d'écouter « les voix du silen­ce », nous consommons salle par salle, numéro par numéro (titre de l’œuvre, nom du peintre) les signes culturels que nous a légués l'histoire de l'art aristo­cratique et bourgeoise. Icônes, reliques : nous passons devant les autels du temple que n'habite plus aucun dieu, mais les œuvres/signes disent encore efficacement le prestige, le pouvoir des classes dominantes qui ont fait l'histoire... Les signes ne disent plus que cela, mais leur accumulation, leur répétition affirment encore la force de l'idéologie dominante. Car ils disent tous, à travers les époques, les écoles, ou les salles, quels que soient les auteurs, les formats et les thèmes, strictement la même chose ; ils sont l'insti­tution culturelle des signes idéologiques. Ils sont la légitimité spirituelle de l'idéologie dominante. Ils fonctionnent comme tels et nous les consommons comme tels. Ce qui justifie leur lecture rapide au long des salles.
Cette idéologie de l'art s'analyse assez facilement. Depuis la trilogie plato­nicienne qui identifia le beau au vrai, au bien - et finalement à « Dieu » -, le beau a pris un caractère d'éternité et d'universalité, qui lui a permis d'échapper jusqu'à nos jours à la critique sociologique. Au service de la gloire de Dieu, puis des grands chefs de guerre, les rois croisés et tous ceux qui affirmaient la légitimité religieuse de leur pouvoir, il a contribué bientôt au prestige des grands marchands génois et hollandais. De cette longue histoire, malgré le contrecoup de la crise de la société au XIXe siècle, il a gardé un caractère d'objet tabou. L’œuvre d'art signifie un interdit. Or cet interdit n'évoque plus l'ancienne fonction magique de l'art, ni même sa fonction religieuse ; mais il signifie encore le pouvoir social qui était lié à ces fonctions. Il appelle généralement le respect et l'interdit social. La spéculation bourgeoise a su compenser une évidente perte de pouvoir religieux.
L'HYGIÈNE DE L'ART, ce que j'appelle ainsi, c'est donc le « décrassage culturel », le rejet de la culture au pouvoir, la démystification du fonctionne­ment politique de l'art. La pratique socio-pédagogique de l'art que je propose est un travail sur l'idéologie de l'art. Ce travail porte très largement sur les signes artistiques, considérés comme valeurs symboliques, valeurs d'échanges, et sur les codes qu'implique leur fonctionnement collectif. Le vidéo-tape HYGIÈNE DES CHEFS-D’OEUVRE s'inscrit dans une série de travaux portant sur l'hygiène du musée et sur la déchirure des œuvres d'art.
Faute de pouvoir déchirer ces chefs-d’œuvre et opérer la rupture démysti­ficatrice qu'impose leur statut politique, nous les maltraitons symboliquement en exploitant les possibilités de l'écriture vidéo. Le travail sur la bande magné­tique (perturbations, écrétages, effacements, biffures, etc.) permet de donner à voir ces chefs-d’œuvre réduits à leur minimum signalétique. On constatera qu'à ce point limite, dès lors que les œuvres sont encore juste reconnaissables, en tant que signes, elles fonctionnent encore de la même façon que les oeuvres originales non dénaturées.
Le travail sémiologique que nous opérons ainsi, à titre de démonstration, est une contribution à un art sociologique. Un travail parallèle est en cours, utilisant un autre media que le vidéo-tape : travail sur panneaux de signalisa­tion, qui permettent d'opérer une réduction analogue des signes, au niveau de codes signalétiques.


8. 100 panneaux de signalisation artistique
dans les rues de Paris

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A Paris, de juin à octobre 1974, pendant cinq mois, tous les panneaux d'interdiction de stationner des rues situées entre Saint-Germain-des-Prés, la Seine, la place Saint-Michel et la rue des Saint-Pères, c'est-à-dire dans le quartier rive gauche où étaient situées les galeries d'art ancien et d'avant-garde les plus actives, furent recouverts d'un disque de papier collé mentionnant selon un graphisme imité des panneaux de douane, la question : ART, QU'AVEZ-VOUS À DÉCLARER ? La police municipale, malgré quelques complications, toléra cette action en raison d'une expérience piétonnière dans ce quartier pendant quelques semaines avant l'été. C'est avec l'aide des étudiants de l'École des Beaux-Arts, située dans ce quartier, que j'ai pu réaliser ce projet. Aujourd'hui encore, certains de ces panneaux, anonymement grattés, portent toujours la mention ART et le point d'interrogation en travers de la signalisation routière d'interdiction.


9. « Un événement historique 1 »


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La salle s'emplit du tic-tac répétitif d'un réveil branché sur les micros. Hervé Fischer, muni d'un décamètre-ruban, mesure, avec une solennité affi­chée, la largeur de la salle face au publie.
De gauche à droite, H. F. marche lentement face au public. Il est habillé en vert, et d'une chemise indienne blanche brodée de fleurs. Il se guide d'une main à la corde blanche suspendue à la hauteur de ses yeux. De l'autre main il tient un micro dans lequel il dit au long du chemin :
« D'origine mythique est l'histoire de l'art. Magique. Ieux. Age. Anse. Isme. Isme. Isme. Isme. Isme. Neoisme, Isme. Isme. lque. Han. Ion. Hie. Pop. Hop. Kitsch. Asthme. Isme. Art. Hic. Tic. Tac. Tic. »
Arrivé à un pas du milieu de la corde, il s'arrête et dit
« Simple artiste, dernier-né de cette chronologie asthmatique, ce jour de l'année 1979, je constate et je déclare que L’HISTOIRE DE L'ART EST TERMINÉE. »
Il avance d'un pas, coupe la corde et dit
« L'instant où j'ai coupé ce cordon fut l'ultime événement de l'histoire de l'art. »
Laissant tomber à terre l'autre moitié de la corde, il ajoute :
« Le prolongement linéaire de cette ligne tombée n'était qu'une illusion paresseuse de la pensée. »
Les trois portes du Palais du Louvre

Paris
Position des trois portes par rapport au Palais :



Musées & galeries d'avant-garde dans le Tiers monde.




Action sous chlorure de vinyle 1972.

Envoi postal à l’occasion du 1er janvier 1975.


Il laisse aussi tomber la première partie de la corde :
« Désormais libres de l'illusion géométrique, attentifs aux énergies du présent, nous entrons dans l'ère événementielle de l'art post-historique, le META-ART. »
Deux banderoles sont dépliées dans la salle : ART POST-HISTORIQUE et META-ART.
H. F. dit alors :
METARTIFILS

je suis,

Regardez le motard,

quels que socio l'apprêt,

la logique et la mode,

arnaquer l'inconscient!
Car ni tôt mi tard

il perce les meaux

tombés dans les panneaux.
Puis Hervé Fischer lance sur le public, par poignées, des bonbons multi­colores.


10. L'avant-garde en gare terminus
des Brotteaux

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Rendez-vous était pris dans la salle d'attente Ille classe de la gare terminus des Brotteaux, à 17h 30. Orlan, après de multiples négociations menées avec les responsables de la S.N.C.F. avait réussi à obtenir cette possibilité selon mon désir.
Le personnel des chemins de fer n'était guère convaincu de l'intérêt d'une performance d'artiste dans leur salle d'attente. Peu sûrs de leur accord définitif, nous sommes entrés discrètement nous asseoir sur les bancs de chêne. Un employé est venu cependant prier les voyageurs dont l'aspect semblait à ses yeux mieux cadrer avec la salle d'attente de 2e classe de quitter les lieux (valises, vêtements et couleur de peau des travailleurs émigrés semblèrent être ses critères).
Pendant la performance d'autres voyageurs vinrent s'asseoir parmi nous, respectueusement surpris des événements qui se passèrent.
Voici ces événements : l'artiste sortit de son sac une petite locomotive en plastique noir et rouge munie de piles lui assurant un déplacement circulaire autonome sur le carrelage (d'époque) de la salle. On entendait aussi les trains arriver en gare et chaque fois, pendant le grincement des freins, l'artiste devait s'arrêter de parler.
L'artiste cheminot d'occasion s'en prit dès le début à l'avant-garde qu'il compara de façon hétéroclite, tantôt au concours Lépine de la nouveauté, tan­tôt à une petite société secrète initiatique, tantôt - et ce fut son principal argument - à une gare terminus, au-delà de laquelle il n'y a plus de voie à suivre, plus d'histoire à inventer, plus de destination pour aucune locomotive, que de passer sur les aiguillages à moteur et repartir dans la direction d'où les trains sont venus.
Que faire ? Élevant le débat, l'artiste imagina qu'il avait parcouru le monde entier en avion, qu'il n'espérait plus découvrir aucune terre inconnue, inventer aucun continent. Mais ce voyageur de luxe se mettrait-il alors à reparcourir à pied les grands itinéraires survolés avec la vitesse des machines volantes de l'avant-garde ?
C'est vrai que la terre est comme un terminus pour nous autres hommes. Quand nous l'avons parcourue en ligne droite et quel que soit le sens, nous revenons toujours et immanquablement au point de départ.
Quel est le sens de tout cela ? Alors, on ne peut plus aller toujours de l'avant et découvrir toujours du nouveau.
...Il va falloir inventer quelque chose d'autre à faire. On ne peut quand même pas espérer devenir un grand artiste destiné aux marges du dictionnaire historique en faisant du surplace ou en refaisant ce qui a déjà été fait!
Vraiment, ce n'est pas juste, pour quelqu'un qui aurait normalement pu devenir un grand artiste avec sa barbe dans le dictionnaire, d'être né justement maintenant, dans la gare terminus, quand il n'y a plus d'histoire de l'art à poursuivre. Plus de rails, plus de voie...
L'artiste se plaignait à haute voix, monologuant tristement dans cette salle d'attente, assis sur le banc de chêne, sans valise, répondant aux questions des autres voyageurs en attente. Un train arriva encore, dont le grincement des freins l'obligea à s'arrêter. On se quitta. (Avril 1979.)


L’histoire de l’art est terminée (1981)
Chapitre III
La mort des avant-gardes

1. L'idéologie avant-gardiste


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S'il est difficile de préciser la date historique d'apparition de l'attitude avant-gardiste, il est en revanche aisé de voir se dessiner progressivement la valeur de nouveauté qu'elle implique, parallèlement au développement du capi­talisme concurrentiel au XIXe siècle. L'influence du saint-simonisme (l'art comme avant-garde sociale) et du positivisme et le boom capitaliste du Second Empire préparent la possibilité idéologique de la rupture impression­niste, au nom du nouveau. Cette logique encore inconsciente en 1874 - Monet et les autres parlent de nature, de lumière, de couleur - est explicitée pour la première fois avec les Futuristes qui injurient le passé et veulent une sensi­bilité et un art nouveaux pour une nouvelle société, celle de la ville, de la technique, de la vitesse, de la violence (1909).
Ce rapport de l'art à la société, pensé par les Futuristes en termes affirma­tifs sous les catégories de nécessité et de nouveauté, est repris par Dada en termes négatifs, pour rejeter l'un et l'autre, mais aussi par le Constructivisme en termes positifs : la construction de l'art d'une nouvelle société. La nouveauté nécessaire de la société doit trouver son expression dans la nou­veauté nécessaire de l'art. C'est de la croyance au progrès social dans une perspective historique de l'évolution humaine qu'est née l'idéologie du nouveau dans l'art et de la valeur avant-gardiste, avec, sans aucun doute, la croyance à un
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