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Carnet de notes « Entre Shalom et Salam » 3 juin 2005 –14 juin 2005 Ca y est c’est parti. Je suis dans le bus pour Jérusalem. C’est rien de dire que je suis heureux et que je me sens bien. Libre. Entouré de jeunes en uniforme kaki, l’ambiance est plutôt cool dans ce bus number 405. Pas deux jours que je suis en Israël et j’en ai déjà vécu des choses. Une pensée pour mon grand-père qui m’accompagne dans ce voyage. Retour aux sources ? Pas uniquement. Beaucoup de curiosité à vrai dire. Israël, on en entend toujours parler à la télé alors envie de voir les choses par moi-même et si possible y voir plus clair sur ce qui s’y passe, comment on y vit. En un mot apprendre. Pourtant, je dois sans cesse me positionner quant à ma démarche ici. Etre seul, ne pas avoir de famille au pays et le visiter surprend les gens. Et moi je kiffe ma race ! Le bus est parti. Un jeune soldat est à côté de moi. Mitraillette posée sur un genou et téléphone cellulaire sur l’autre. La radio balance du « Police ». Je souris. « Beleive in me » chante Sting. Putain j’ai la pêche ! Je mate le paysage, on ne peut pas dire que cela soit joli mais je suis super dépaysé. C’est riche. Mon départ de Paname s’est fait sur les chapeaux de roue. Couché à une heure du mat’ et levé à trois heure. Dormi un heure environ. J’ai la tête dans le cul et suis super excité. Le taxi réservé la veille m’appelle. Il est en bas de chez moi. Nickel. Je suis on time. Je chope mon sac et descends. Point de tacos dis donc ! Et pire que ça, ma Nike air est crevée. Fais chier j’vais partir en Israël claudiquant sur une seul boudin ! J’me marre en fait. Bah ouais, c’est drôle non ? Je file à la Madeleine. Me fais charger par un yougo - à qui je ne confierai pas ma fille si j’en avais une et si j’avais besoin d’un baby-sitter - qui me développe sa philosophie sur l’absolue nécessité pour être heureux de rester optimiste dans la vie. J’acquiesce ! Paris-Vienne en deux heures. Une heure de stand-by. Je découvre le duty-free viennois. Jamais vu un duty-free aussi beau, grand et classe. Le must des duty ! J’me balade une plombe, fume des clopes. Et c’est le boarding. A l’embarquement un asiatique, autrichien ou israélien je me le demande encore, m’interroge vingt minutes sur les raisons de mon voyage en Israël. Sur ce que je fais dans la vie. Inspecteur des impôts m’sieur ! There is a problem ? No. It’s fine alors ! Y veut voir ma carte professionnelle. Pas de problème. J’y ai pensé en partant me suis dit qu’une carte à l’entête du ministère de l’économie et des finances français pourrait être rassurante et donc utile. Je la sors donc prestement. Sans rire mais avec amabilité, il me pose une foultitude de questions. Tout juste s’il ne me demande pas si j’ai la couille gauche plus grosse que la droite ou l’inverse. L’avion décolle. Trois heures et des brouettes de flight. On arrive à l’heure. L’aéroport Ben Gourion de Tel aviv - TLV on dit ici – est majestueux et bien surveillé. Je passe à la douane. Fait chier, j’ai oublié de préciser que je ne voulais pas que l’on tamponne mon passeport and now it’s to late ! Tant pis. C’est pas un drame. Je file récupérer mon bagage. Cool, il est déjà sur le tapis et je n’ai plus qu’à m’en saisir. Je me dirige vers la sortie lorsqu’un jeune mec en civil mais pistolet à la ceinture avec le physique et la gueule de Vin Diesel me stoppe. Re-interrogatoire. Pourquoi je visite ? Où je loge ? Suis-je le parrain du fils de Ben Laden ? Ais-je de l’ecstasy, de la coco ou de la marijuana sur moi ? Bah je réponds non. T’aurais fait quoi toi ? Je galère pour trouver le départ des bus. Galère également pour comprendre quelque chose à la monnaie que j’ai dans la poche. J’ai changé 50 euros et obtenu 230 shekels. Pas facile la conversion hein ! Je me rencarde sur le numéro du bus. C’est le 7 qui doit me mener à TLV Airport City d’où je dois prendre le 222. Ce dernier étant celui pour TLV Center. Je saute dans le bus. J’ai le MP3 dans les oreilles et balance la tête d’avant en arrière, un peu comme les orthodoxes devant le mur des lamentations, sauf que moi c’est sur du pur hip-hop ! Des gamins me regardent amusés et me demandent ce que j’écoute. Puis ils se marrent ! J’arrive à TLV Airport City. No man’s land intégral. Un immeuble en construction et un arrêt de bus pis c’est tout ! Merde alors, le soldat à côté de moi s’est endormi et il a presque sa tête sur mon épaule gauche. Je bouge un peu pour le réveiller. Il lève une paupière. It’s ok man, continue à dormir si tu veux. On est à mi-chemin entre TLV et Jérusalem et il coule une douce musique dans ce bus 405. Bref, je patiente à TLV Airport City devant mon arrêt de bus une heure trente en plein cagnard. Les rares personnes présentes sont toutes à l’ombre et moi au soleil. Un touriste qui vient d’arriver quoi ! Je fais connaissance avec Drew, un « pote de galère » partageant le même statisme que moi à cet arrêt de bus et arrivant tout droit de Jacksonville, « Florida » comme il dit. Il est très sympa ce Drew mais qu’est-ce qu’ils sont chiants ces amerloques à ne faire aucun effort pour gommer leur accent et parler moins vite. Je lui ai dit cinq fois de ralentir. Il s’en tape ou n’y arrive pas j’en sais rien ! Mais tout ce que je sais c’est que maintenant je module mes « yes » et mes « no » en fonction des expressions de son visage, fatigué de faire des efforts de compréhension alors que lui n’en fait aucun de communication. On attend un moment le bus 222. Et le problème qui se pose est que des bus portant le numéro 222 j’en ai déjà vu passer trois. Mais lorsque je demande aux conducteurs s’ils vont bien à Tel aviv, ils me répondent tous négativement. Et ajoutent qu’il faut prendre le 222 qui arrive derrière le leur. Va comprendre toi ! Ca peut nous mener loin dans la nuit ce genre de conneries. Du coup, on poirote bien deux heures et on finit par se retrouver comme deux peigne-culs avec nos sacs, seuls devant un abribus où il ne passe plus du bus justement. Et le soleil qui commence à baisser. Finalement un autocar s’arrête. C’est le numéro 419 et je me précipite pour demander au conducteur s’il peut me renseigner sur le fameux 222 fantôme. Ca m’amuse moins là car j’ai pas envie de rester bloqué comme un con, ou plutôt comme deux cons avec Drew, dans ce trou à rat. Heureusement que je bouge mon cul car le conducteur m’indique que c’est shabbat et qu’il n’y a plus de bus pour TLV partant de Tel aviv Airport City. Il nous propose néanmoins de nous déposer à un croisement à partir duquel on pourra se débrouiller. On s’exécute vite fait et grimpons dans le bus. Il nous dépose au fameux carrefour et nous indique un nouvel arrêt de bus en nous précisant qu’il est possible qu’il y ait encore des autocars pour TLV Center. Mais rien de certain. Le hic, c’est que des autocars, en une heure trente de fumage de clopes et de tentatives avortées d’échanges linguistiques franglais-amerloque, bah on en voit pas la calandre d’un seul ! Je propose à Drew de choper un tacos et de partager la course. Il est ok le ricain et ça tombe bien car on a pas plus le choix que ça ! On chope un taxi sympa et bavard qui nous dépose à Frishman street. On s’est mis d’accord sur cette rue car en étudiant le plan de la TLV on en a conclu que c’était à mi-chemin entre l’hôtel du gars de Jackson et le mien. On divise la note par deux, je balance mon sac sur mon épaule. Putain qu’il est lourd ! Et remonte Ayarkon street. Ca fait une petite trotte jusqu’à l’hôtel quand on est chargé. Et je sue à grosses gouttes avec mon bardas sur le dos. J’arrive devant l’hôtel « Ami », il semble ridiculement petit et minable à côté des Hilton, Sheraton et Basel situés en face mais je m’en tape. Je présente mon passeport et on me donne les clés de la chambre 405. J’ai confirmation en entrant dans celle-ci que ce n’est pas le Carlton Palace ici ! L’endroit est crade, la moquette n’a pas du être shampouinée depuis le guerre des six jours, y’a des trous de clopes dans les draps, les couvertures et sur le sol. Et surtout ça pue la merde. Un truc de dingue ! J’ouvre la porte de la salle de bains et constate que l’odeur d’égout émane bien de cette pièce. Pas grave, je vais aérer et puis de toutes façons je ne suis là que pour dormir hein. Je pose mon sac et vais de suite me promener sur le bord de mer. Je n’arrive pas à savoir si c’est très beau ou très laid. Je crois que c’est un mélange des deux en fait. Y’a pas un pékin dans la rue pour cause de Shabbat. Ca fait une drôle d’impression. Un peu comme s’il y avait couvre-feu ou France-Brésil à la télé ! Je décide d’aller me taper un falafel car j’ai faim et soif. Je me dirige vers le seul « resto-café » encore ouvert. Il est 20h30. Je suis apparemment l’unique client du boui-boui. Le serveur me cause en hébreu, me demande manifestement ce que je veux comme garniture. Je comprends uniquement les termes houmous et pita, et lui dis que je n’en sais rien. Qu’il mette ce qu’il veut après tout ! On ne va pas déjà se compliquer la vie non ? Je m’installe pour becqueter. Dans un coin du « resto » dîne le patron et toute sa famille. J’observe à leur table la plus belle beauté slave jamais entraperçue by myself. Sans exagération aucune. Elle me sourit. Je fonds. Il y a en fait à cette tablée le grand-père et sa femme (le patron et la patronne), le fils David et sa petite amie (la jolie slave qui effectivement est russe), la fille qui se prénomme Ravit et sa « fillette » de 4 ans, Yali. Je suis seul devant mon falafel et mon coca et la petite fille, intriguée, vient me voir. Elle me parle en hébreu. Me confie sa peluche, un énorme éléphant qui chante. Je lui réponds en français et on discourt longuement tous les deux, ce qui amuse beaucoup le reste de la famille. Ils m’invitent à les rejoindre à leur table et on fait connaissance. Ils veulent savoir d’où je viens. Sont étonnés par ma démarche lorsque je leur dis que je suis venu par curiosité et que je voyage seul. Sans avoir de famille connue sur le territoire. Ils me demandent si je suis marié, ce que je fais dans la vie. Mon anglais patine par moment. Ils semblent très surpris lorsque je leur dis que je veux tout voir ici, y compris les territoires palestiniens, et me conseillent d’être prudent. Me disent que pour eux ce n’est pas possible. Trop dangereux et même interdit. Mais que c’est réellement dommage car certaines villes sont très jolies. Les yeux de la grand-mère pétillent lorsque je lui précise que je veux absolument visiter Bethléem. Ils m’interrogent sur mon judaïsme, je leur réponds sur ma judaïté et leur explique que la mère de mon grand-père est née à Jérusalem, que mes grands-parents maternels sont donc juifs mais absolument pas croyants ni pratiquants. Que la seule fois où je suis rentré dans une synagogue, pour le mariage d’un cousin éloigné, j’avais neuf ou dix ans. Et que franchement moi, je n’en ai cure d’être juif ou pas. Je sais simplement que si j’étais né à une sombre époque, j’aurais porté l’étoile jaune et cela suffit pour que je sois allergique à la moindre remarque raciste, xénophobe ou antisémite. Ils me signifient qu’ils ne sont pas religieux non plus et qu’ils sont fatigués par les événements qui se déroulent ici. Par cette guerre larvée et cette tension. Je remarque d’ailleurs la grimace de la grand-mère lorsqu’une sirène de police hurle dans la rue. Ils m’offrent une bière israélienne pis nous prenons le dessert ensemble. Je goutte une pastèque succulente et sucrée. Je suis en famille. C’est sympa. Je joue avec Yali qui m’emmène dehors. Elle ne veut plus me lâcher la « gamine ». Elle s’entête à essayer de m’apprendre l’hébreu et moi je m’entête à lui répondre doucement en français. Et on cause, et on cause…Tout le monde est plié en quatre. Je reviens triomphant dans le café avec Yali sur mes épaules en annonçant à la cantonade que j’ai trouvé la femme de ma vie en Israël. Léger froid dans l’assistance lorsqu’on m’annonce que Yali est un petit garçon et pas une petite fille. Je ne sais plus où me mettre. Balbutie que c’est à cause des cheveux longs, de la barrette les maintenant, du prénom « Yali » que j’entends pour la première fois. Sa mère m’apprend que celui-ci signifie modestement en hébreu « Moi Dieu », que Yali ne veut pas qu’on lui coupe les cheveux et qu’en Israël on ne coupe pas les cheveux des enfants avant trois ans. Ok, je savais pas ! Je reste à papoter avec la famille jusqu’à minuit passé puis tout le monde se lève et va se coucher après qu’ils m’aient donné leurs numéros de portables et qu’on se soit fixé rendez-vous pour aller ensemble le lendemain à la plage. Je me lève le samedi vers dix heures, vais me balader dans un TLV plus animé qu’hier soir et prends quelques photos. Je me fais entuber par un mec qui me vend un carte téléphonique 20 unités à 50 shekel (skl) mais cela me permet néanmoins de joindre Ravit qui me confirme qu’on se retrouve effectivement à la plage aux alentours de 14 heures. Je graille un kebab et me promène avant de filer à la plage. Celle-ci est bondée. C’est samedi, donc toujours shabbat, et tout le monde semble s’y être donné rencard. J’hallucine devant le nombre de jeunes et la quantité astronomique de jolies filles. Je rejoins mes nouveaux amis. On papote, boit un verre, mange une glace et surtout je joue le « Yali-sitter » avec mon petit bonhomme qui ne veut pas me lâcher la grappe. On déconne ensemble dans de l’eau à 25°C et, puisqu’il a prénom divin, je le tiens par les bras et le fais marcher sur l’eau et parfois même courir. ! Ca l’amuse beaucoup à en croire ses gloussements de plaisir. A 17 heures, la famille quitte la plage car ils partent tous le lendemain pour passer quatre jours à Antalaya en Turquie. De mon côté, je marche jusqu’à Jaffa ce qui me prend une bonne heure. L’endroit est somptueux, chargé d’histoire. Le petit port charmant. Je prends des photos de la vieille ville et me perds dans ses ruelles. J’ai la dalle à 20h et vais me restaurer en avalant un hot-dog/coca au comptoir. Je me fais alpaguer par des nanas genre « je danse le mia ». Pluie de questions. “Are you jewish ?”, “Are you married ?”, “Are you a millionar ?”, “You’re so cute !”. Je bouffe mon hot-dog et m’esquive rapidos. Je rentre à l’hôtel ”Ami”. Environ 1h20 de marche. Et décide de sortir sur TLV Port. J’étudie le plan pour m’y rendre. Ok, c’est à environ 30 minutes à pied. Est ce que ça le fait ? Ouais Ouais ! Arrivé au port, je tombe sur un magnifique café. En fait, c’est un bar à ciel découvert qui forme une sorte de rond. Derrière se trouvent des banquettes et des coussins où des gens prennent un verre. Toute la déco est en rose et blanc avec des néons de ces deux couleurs un peu partout. C’est splendide et il fait super bon. Un petit 22 ou 23°C, ni trop chaud ni trop froid. Je commande une bière et compte les jolies filles au comptoir…une, deux, six, dix…bon j’arrête de compter ! En fait, j’observe ce qui se passe et comment l’on s’amuse en Israël. En un mot, je découvre. Le barman qui prend ma commande reconnaît mon accent, me sort deux ou trois phrases en français avec un grand sourire. Il a une bonne tête, paraît très cool et s’appelle Mosh. Il me paie un verre de vodka et trinque avec moi pour fêter ma première fois en Israël comme il dit. Allez hop, cul sec mec ! Je me tape deux autres bières, l’ambiance chauffe dans le bar. Je déconne avec Mosh. Son prénom m’éclate car il est plutôt beau mec et ça me fait délirer de l’appeler ”Hey Mosh !”. Deux russes d’environ 25 ans viennent s’asseoir à côté de moi et me font la causette au bout de quelques minutes. Une blonde et une brune. Manquait plus qu’une rousse et j’avais le tiercé dans l’ordre moi ! Le courant ne passe pas super bien. Il est alternatif ! La brune me dit qu’elle trouve bizarre de venir faire le touriste en Israël. Que de son côté elle souhaite s’arracher direction le Brésil. Elle est très belle, elle le sait et elle se la pète un max. A l’intérieur de son bras est tatoué ”Addicted to pleasure” et ses ongles sont ultra-soignés. Avec des petits motifs de couleurs collés ou peints dessus. Ca sent non pas la pute car elle me parle un peu de sa vie, de son taf, de ses loisirs mais la nana qui veut qu’on lui brosse l’ego. Qu’on la drague, la séduise. Et accessoirement qu’on la rince et la traite en petite princesse également à mon avis. Je la zappe. Je suis cool, bien, peinard et je n’ai pas envie de me mettre en quatre pour son joli petit cul…bref, j’suis pas mort de faim et plutôt adepte par ailleurs de la simplicité. A deux heures du mat’ le bar se vide. Je décide d’aller dans une boîte que l’on m’a conseillée et qui s’appelle le ”TLV” justement. Les mecs à l’entrée me demandent mon âge. Sympa les gars ! J’fais si jeune que ça ou quoi ? Vous voulez un mot de ma mère aussi ? Ils me fouillent et me laissent entrer après m’avoir fait raquer 70 skl, conso non comprise. A l’intérieur c’est minable. Des ados bourrés. La musique est à chier par les yeux. Je reste un quart d’heure et me casse. Objectif, retrouver mon chemin pour rentrage à bon port de Tel aviv Port avec un minimum d’effort. Trop fort non ? Je me couche vers trois heures du mat’ et me réveille à neuf heures. Pas de temps à perdre, le shabbat est terminé, on est dimanche et tout est désormais ouvert. Les bus circulent à nouveau. Et moi je suis bien décidé à aller visiter Jérusalem. Merde alors ! C’est super beau dehors et Madonna chante ”Don’t cry for me argentina”. Je vais mater un peu le paysage. Yes ! On arrive dans les faubourgs de Jérusalem. A plus tard. Je vois le panneau de signalisation m’indiquant l’entrée dans Jérusalem. Le soldat dort toujours à côté de moi. C’est con mais je suis ému. Un de mes rêves se concrétise. Je suis heureux - seul - libre et bien. Il est 11h45 à ma toquante. On arrive dans la vieille ville. Je crois que je vais avoir du mal à trouver des mots pour exprimer ce que je ressens. Et dire que, lorsque j’étais marmot, je disais avec entêtement que les vieilles pierres m’emmerdaient. Tiens c’est rigolo. Le premier bâtiment officiel que je vois est celui du ministère israélien des finances. Income Tax Office ! Je mate autour de moi les gens dans la rue. Je crois que je vais être un des rares à ne pas porter de kipa ! Bah oui mais elle s’accorderait mal avec ma tenue débardeur moulant-pantacourt ! Sur un banc en face de moi, j’observe trois jeunes blacks en uniforme assis sur un banc et mitraillette à la main. Trois jeunes Shlomo. ”Vas, vis et deviens”. Et moi, en attendant, perdu dans mon observation et ma rêverie, je suis le dernier à sortir du bus. On se fait scrupuleusement fouiller en rentrant dans la gare routière. Je chausse mon béret de voyage. Et c’est ti-par pour Jéru ! 13 heures – Je suis attablé dans un resto marocain et je bois mon premier vrai jus d’orange frais. Un délice ! Et j’enchaîne avec une assiette de kebab-crudités spécialité de la maison selon le serveur. Ouais, pas mal non plus le kebab. Et j’ai faim ! J’ai fait un petit tour dans le souk puis dans la partie arabe de Jérusalem. Beaucoup de touristes. Dédale de petites rues. Ca me rappelle le Maghreb en fait. Je viens de finir mon assiette. J’ai bouffé comme un porc. Oups, pardon ! Comme un chancre si vous préférez ! J’suis content, j’ai fait une rencontre des plus agréables en demandant le numéro du bus pour Jérusalem Old City. J’ai fait la connaissance de Rachel, une marocaine d’environ cinquante ans habitant Jérusalem. Elle m’a questionné en français. Pourquoi suis-je venu ici ? Suis-je juif ? Ai-je de la famille ou des amis ici en Israël ? Bref, un échange sympa. Pourquoi je suis ici ? Parce que j’aime voyager, que Jérusalem est un nom qui me fait rêver, que j’adore rêver, que je me suis souvent dit que j’irais un jour là-bas et que j’ai eu un déclic en voyant un joli film au cinéma. Parce qu’il ne se passe pas une semaine ou un mois sans que l’actualité politique internationale nous rappelle qu’ici ce n’est pas comme ailleurs. Parce que, que je le veuille ou non, j’ai bel et bien des racines ici. Cela m’amène à me poser la seconde question de Rachel. Suis-je juif ? Je lui ai répondu en souriant et avec un air désolé, ”Je ne sais pas”. Elle m’a dit ”Ah oui ! vous êtes moitié-moitié”. Mais lorsque je lui ai dit que mes grands-parents maternels sont juifs, elle s’est exclamée ”Mais alors Boris, vous êtes juif c’est sûr !”. Je lui ai expliqué que pour moi, être juif au nom d’une loi que l’on ne reconnaît pas plus qu’une autre ne donne pas une identité. Je ne renie rien et n’affirme rien non plus. En fait je m’en tape ! La religion pour moi ne concerne que la sphère privée. C’est quelque chose d’intime, de personnel…en résumé, les étendards m’emmerdent autant qu’ils m’effraient. C’est déjà si difficile d’être un humain parfois…si l’on doit en plus se compliquer la vie en s’étiquetant, je trouve ça triste et désolant. Apparemment, je ne suis pas le seul ! Rachel m’avoue qu’elle ne se plaît pas dans cette ville. ”Trop de religieux” me dit-elle. Pour l’instant j’ai pas vu grand-chose de Jérusalem mais je crois que j’ai pigé quand même. Ici, les signes sont ostentatoires. D’ailleurs, je ne fais pas le mariole avec ma petite tenue et suis moyennement à l’aise. C’est cool, Rachel m’a donné son téléphone maison et son mobile lorsque je l’ai quittée à la porte de Damas. Elle m’a dit qu’elle aimerait me présenter à ses enfants. Lorsqu’elle m’a demandé ce qui m’a le plus marqué depuis mon arrivée sur la terre promise, je lui ai répondu illico ”les belles femmes et plus particulièrement les belles filles en uniforme”. Elle a acquiescé et m’a dit que sa fille était splendide et en uniforme ! J’vais peut-être l’appeler pour me faire inviter à manger finalement ! Ceci dit, c’est vrai que ce métissage méditerranéen est des plus sympathiques. J’ai chopé un torticolis sur la playa de Tel aviv hier. Un festival de petits culs et de seins en avant comme j’en ai rarement vu. Même à Rio et à la Réunion ! Et la drague est à mon avis le sport number one ici. On se montre, s’exhibe et s’affiche. Après tout, c’est la vie non ? Quoiqu’il en soit, cela me va très bien. Si je dois me réincarner en animal une jour, j’opte pour la version chouette et la possibilité d’effectuer des 360° on the beach sans souffrir des cervicales ! La vache ! On vient de me servir un pur café marocain, ça arrache tout ce truc ! Et laisse plein de points noirs entre les dents ! Ca tombe plutôt bien car j’ai une putain d’envie de dormir. Faut dire que je me suis couché à trois heures du mat’ à moitié farci comme un falafel et levé à 9 heures ! Vous appelez ça des vacances vous ? Moi oui ! Bon, c’est pas le tout mais il est 14 heures. Je vais commander l’addition (je crains le pire) et riper mes petites galoches de petit enculé pour jouer les vrai/faux pèlerins. A plus. Diantre, en parlant d’enculé je ne croyais pas si bien dire. A 90 skl le kebab soit plus de 20 euros, y m’a sérieusement agrandi le trou de balle le marocain ! 16 heures – Je suis une éponge. J’absorbe tout. Bruits, odeurs, visages, soleil, sourires, tensions, émotions. Et des émotions je viens d’en vivre de fortes durant ces deux heures. J’ai déambulé au hasard dans la vieille ville et mes pas m’ont mené sur le parvis du mur des lamentations. The Western Wall comme on l’appelle ici. C’est petit et grand à la fois, modeste et riche. Bref, y’a un truc à cet endroit. J’ai emprunté le passage de droite et me suis gentiment fait refouler car c’est la partie réservée aux femmes. J’ai fait le tour, mal à l’aise avec mes bras dénudés dans ce lieu sacré. Je n’ai pas pris de kipa en carton que l’on distribue à l’entrée mais j’ai conservé mon béret de titi parigot. Tout un symbole pour moi ! Jusqu’ici, ce qui m’a le plus marqué c’est l’impressionnante présence militaire et policière. Ils sont des dizaines, voire une centaine, sur un espace de quatre ou cinq cent mètre carrés. Puis je me suis approché du mur, à l’écart, seul sur le côté droit. J’y ai posé une main et assez rapidement la deuxième. Sensation de chaleur. Je mentirai si je disais ne pas avoir ressenti une profonde émotion à ce moment précis. Emotion de toucher des doigts un lieu saint. Emotion de poser mes mains là où des millions de gens les ont posées avant moi. Emotion d’être aux racines de quelque chose. Et, pour être honnête, émotion aussi de reconnaître que pendant les quelques minutes de recueillement où je pensais à tout et à rien à la fois, je me suis senti à ma place. Il fallait que je vienne ici. J’en suis certain. J’ai pensé à mon grand-père. Au fait que je suis sûr qu’il serait heureux de me savoir là. En homme libre et curieux. Avec mon béret. Et j’ai fait ce que je n’aurais jamais imaginé faire. Tout naturellement j’ai arraché un petit bout de papier de mon carnet de notes. J’ai écrit une petite phrase en pensant à lui que j’ai glissée dans une petite interstice encore vierge. Ca m’a fait du bien. J’ai pris une photo. Je me suis éloigné, ému et le cœur au bord des lèvres à vrai dire, puis je suis retourné toucher à nouveau le mur. Uniquement pour moi cette fois-ci. Heureux et étonné à la fois de me retrouver au milieu de soldats israéliens en uniforme priant autour de moi. J’ai posé mes deux avant-bras sur le mur et me suis recueilli. A ma façon. Laïquement. J’ai quitté le mur empreint d’un sentiment mêlé de bouleversement intérieur et de sérénité. Drôle de mélange à vrai dire ! En sortant, un orthodoxe à frisette me voyant curieusement attifé m’a demandé si j’étais juif. Je lui ai répondu ”I don’t know”. Il m’a pris pour un con et m’a dit ”C’est très simple si ta mère est juive tu es juif”. C’est peut-être simple pour lui mais moi la simplicité m’emmerde lorsqu’elle s’impose avec trop d’évidence et nie tout libre-arbitre. C’est aussi mon droit non ? Et je me marre tout seul en me disant ”Et si ta mère est conne ça veut dire que tu l’es aussi ? J’sais pas moi les gars, faut m’expliquer le truc !”. Je suis alors retourné à mon occupation préférée. Le déambulage ! Je me suis rapidement retrouvé dans le quartier palestinien. Des enfants arabes ont voulu me vendre des chewing-gums à ½ skl le paquet. On a fait affaire et j’en ai pris plusieurs. Je me suis retrouvé assis à papoter en anglais avec eux pendant trente minutes. Ils m’ont demandé mon âge. M’ont trouvé vieux. On a parlé foot. Lyon, Marseille et PSG. Ils m’ont dit que la Palestine était ”famous”. Depuis que je suis ici, ce sont quasiment les seules personnes rencontrées à ne pas m’avoir demandé si j’étais juif ou non et je leur en suis très reconnaissant. J’aime les mômes et me sens bien et à l’aise en leur compagnie. On s’est pris en photo les uns les autres. J’ai kiffé ce moment. 18h15 – Enfin dans le bus 405 qui mène directement de TLV à Jérusalem. C’est drôle, c’est le même numéro que ma chambre d’hôtel. Je souris. Je suis pourtant physiquement au bout du rouleau. La raison ? Elle en est très simple. Y’avait une manifestation culturelle genre défilé de tracteurs et de moissonneuses-batteuses accompagnés de fanfare et la circulation était coupée dans toute la ville. J’ai même cru reconnaître le José Bové du coin assis sur un Ferguson avec sa grosse moustache. Bref. Plus de bagnoles. Plus de bus. Que des piétons ! Résultat, je me suis tapé deux heures de marche dans le Jérusalem moderne pour rallier la gare centrale de bus depuis la vieille ville. Durant mon périple j’ai rencontré Ali, un jeune arabe qui m’a proposé de me montrer le chemin pour aller à la gare. Je ne lui avais rien demandé au lascar mais bon ! Au bout de deux kilomètres à marcher et à discuter ensemble, il m’a dit que c’était ”straight on”, autrement dit tout droit, avant de me demander un peu de money. Comme je le trouvais sympa et que j’étais de bonne humeur, je lui ai filé 10 skl. C’est alors qu’il m’a annoncé le prix exorbitant de sa ”charmante compagnie” qu’il évaluait selon le tarif syndical des enculeurs de touristes à 50 skl. J’me suis marré. Lui ai expliqué que je ne lui avais rien demandé et que nous n’avions aucun deal et que les 10 skl n’étaient qu’amabilité de ma part. Le bougre a insisté jusqu’à me taper sur les nerfs. J’ai haussé le ton, gonflé les pecs et pris ma gueule de boxeur qu’il ne faut pas faire chier des plombes pour finir par lui dire d’aller se faire foutre. Fin du chapitre ducon ! Bref, j’suis happy d’être dans le bus direction TLV car je suis vanné par ma journée. Je vais rentrer à l’hôtel, me laver car je renifle le mec qu’à marché toute la journée sous un soleil de plomb, bouffer un truc vite fait au comptoir, boire un verre dans un troquet en matant les jolies filles qui passent – c’est plus sympa – et me coucher tôt. And it’s all right brother ! 20h20 – Changement de programme. J’ai fait la connaissance de Steven dans le bus. C’est un américain natif de Chicago. Je lui donne environ 35 ans. Homosexuel, j’en mettrais mon prépuce à couper. Et Dieu sait que j’y tiens pourtant ! Passionné par l’architecture et l’art contemporain. Il vient de voyager pendant trois mois. On a tchatché Brésil. Il est cool, intéressant et m’a proposé de manger avec lui ce soir. So let’s go ! Le temps de me décrasser et cela ne sera pas du luxe et je suis parti. Rendez-vous 21 heures intersection Gordon street et Dizengoff. 00h05 – J’ai passé une soirée fantastique really ! Une de ces rencontres improbables qui enrichissent la vie. Steven, 41 balais, m’a raconté en toute simplicité son périple de trois mois qui l’a mené de la Chine à Singapour, de Goa en Syrie, de la Jordanie à la Croatie en passant par Dubaï, le Brésil, Israël, le Cambodge…et j’en oublie, c’est certain. Publicitaire, programmateur musical à Hong-Kong, amoureux des arts, il m’a confié sa passion pour l’architecture et l’urbanisme, la soul music, la musique latine et le cinéma. Je lui ai parlé boxe, hip-hop, ”Million dollar Baby” et ”Parle avec elle”. Puis identité juive of course. Pas évident pour moi de tenir un discours cohérent et argumenté sur le conflit israélo-palestinien en anglais mais pari tenu grâce à l’aide de mon petit dico. Nous n’étions pas toujours d’accord, loin s’en faut. Mais l’échange a néanmoins été des plus riches et des plus passionnants. Conscient de son judaïsme, il a tenté avec intelligence et force d’arguments de me convaincre de la légitimité de l’Etat d’Israël. De mon côté, c’est dans ma culture, je suis plutôt tenté de prendre la défense des jeteurs de pierres contre les types en blindés. L’échange fut intense mais toujours sympathique. Puis il m’a confié son angoisse à l’idée de retrouver sa vie à Chicago. Un boulot intéressant dans lequel il se réalise. Je le comprends ! Et sur le côté échappatoire que revêt un tel trip de trois mois. C’est chouette de rencontrer quelqu’un à l’étranger et d’avoir un bon feeling car l’échange est plus profond et le discours plus franc. La fugacité du moment ne laisse aucune place aux jeux de rôles dictés par les codes sociétaux. On est soi-même et puis basta ! Le jugement n’a pas son rang ici et l’intérêt de l’échange intellectuel s’en ressent. Steven a bu son thé qui, such a shame n’était pas un Darjeeling, en matant tous les chiens qui passaient - he loves the dogs - et accessoirement leurs maîtres. Et moi le déhanché bien balancé de leurs maîtresses. Chacun son trip non ? Oh non ça c’est horrible. Pendant que je me parle – ou que je vous parle – ma voisine de chambre est en train de prendre son pied à faire tomber les murs de Jéricho. Une vraie symphonie dont les basses sont constituées de coups de sommiers dans le mur qui nous sépare. Elle va réveiller tout l’hôtel tellement elle gémit à mon avis ! Et moi, c’est absolument pas ce qu’il faut pour me faire dormir tout ça ! Fais chier, j’ai plus qu’à mettre mes boules quiès. Merci papa au fait pour le petit stock que tu as piqué pour moi à l’aérospatiale ! Je blague. Tant mieux pour elle…et pour lui ! C’est beau des gens qui font l’amour non ? J’ai un putain de smile moi ce soir…je vis à fond ! |