télécharger 0.74 Mb.
|
A— Les circonstances conjoncturelles Deux faits historiques ont été à l'origine de ce renouveau de la Science Politique. Ils ont montré les insuffisances d'un certain nombre d'analyses préexistantes et la nécessité de leurs dépassements. Il s'agit dans l'ordre chronologique, de la Révolution Soviétique de 1917 en Russie, puis dans le Centre de l'Europe à partir de 1945, en Chine de la prise de Pouvoir par les Communistes en 1949, puis dans certains Pays Asiatiques, Africains et d'Amérique latine, dans les années suivantes. Autant de bouleversements Sociopolitiques de Gauche, qui se surajoutant aux séquelles du Fascisme et du Nazisme de l'entre-deux-guerres, ont brisé l'homogénéité Idéologique du Monde. Celle-ci était caractérisée jusqu'alors par un certain Libéralisme Economique et Politique, est un même substrat Socioculturel. Il s'agit aussi du processus de Décolonisation initié dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale qui s'est développé tout particulièrement dans les années 1960. Le mythe de l'homogénéité Socio-économique entre les différentes Sociétés Etatiques, occultée jusque-là par les relations de subordination entretenues entre l'Europe Coloniale et le reste du Monde, a alors volé en éclats. La Décolonisation est un phénomène important dans l'Histoire des Relations Internationales du XXe siècle. Elle peut être définie, comme l'accession à l'Indépendance et à la pleine Souveraineté des territoires colonisés, et se caractérisait par une égalité de Droits entre l'Etat Colonial, ancienne puissance administrante et le Nouvel Etat anciennement colonisé, dont les rapports sont désormais régis par le Droit International. Sur le plan Historique, René Sedillot dans son ouvrage « Histoire des Colonisations », en a clairement exposé les enjeux et ils sont considérables, dans la mesure où, triplant le nombre des Etats entre 1945 et 1972, la Décolonisation va bouleverser la carte du Monde, tout autant que la perception que l'on en avait jusque-là. Sur les plans Idéologiques et Economiques, ces deux événements que l'on vient de relater, triomphe du Communisme dans un certain nombre de pays d'une part, et décolonisation d'autre part vont se traduire dans la deuxième moitié du XXe siècle par la mise en place d'une nouvelle Société Internationale, largement hétérogène. Le Monde se diversifie, et à la « summa divisio » qui sous le nom de Guerre Froide va radicaliser de 1947 aux années 1960, l'affrontement Est-Ouest entre les deux Superpuissances et leurs alliés respectifs, que sont l'URSS d'une part et les Etats-Unis d'Amérique de l'autre, va se superposer à partir des années de détente et plus encore avec la disparition du Communisme en Russie et en Europe Centrale dans les années 1990, une coupure qui semble s'approfondir chaque jour davantage entre schématiquement, le Nord et le Sud de la Planète. C'est ainsi que depuis notamment la chute du Mur de Berlin, fin 1989, le même type d'Etat Capitaliste relativement développé, caractérise l'Hémisphère Nord, dont les intérêts et surtout depuis l'échec de la Conférence Nord-Sud qui s'est tenue à Paris en juin 1977, apparaissent comme opposés à ceux des Pays du Sud, tels qu'ils ont été exprimés à Alger en 1973 où l'on a accrédité la Thèse de cette Division du Monde, entre Etats riches et Pays pauvres. Pour caricaturale qu'elle soit la prise en compte nouvelle de cette réalité Géostratégique a pu utilement faire redécouvrir le Thème Marxien de la Lutte des Classes dans sa transposition Internationale. Les Sociétés développées pouvant être assimilées à une Classe de Nation dominante, et les Pays Sous-développés aux Nations Prolétaires pour reprendre le titre d’un ouvrage de Pierre Moussa, paru en 1961. Aussi dans ce contexte, une approche renouvelée de l'Univers Politique s'imposait. B— La genèse du concept Développementaliste Aujourd'hui pour étudier les Systèmes du temps présent, les Politistes n'abandonnent certes pas l'Analyse Classique ni l'Analyse Marxiste, mais ils les complètent par l'une des Théories de la Modernisation. En face de la diversité du présent en effet, l'Analyse Classique, qui dans l'étude des rapports Société-Gouvernement, privilégiait le rôle des Règles Juridiques régissant le Pouvoir, son aménagement et son exercice, privilégiait spécialement les Règles Constitutionnelles, et bien ce type d'Analyses formalistes, que propageaient dans les Facultés de Droit Occidental, les Constitutionnalistes, ne pouvaient porter que sur les Institutions et les Normes sans examiner les comportements concrets et leur environnement. La raison en était que les substrats Socioculturels des Etats observés étaient les mêmes partout, stables, homogènes, dans des pays qui avaient en commun la même Civilisation, le même type de Société, le même degré approximatif de Développement Economique et la même Idéologie Libérale. L'Analyste Politique se souciait alors peu, d'étudier les Collectivités sous Administration Coloniale. En revanche, dorénavant l'émergence des Pays non Occidentaux sur la Scène Internationale, impose de tenir compte des discordances idéologiques, socio-économiques et institutionnelles qui caractérisent la diversité de leurs situations et de leurs besoins. Cela oblige à élargir le champ de la réflexion, bien au-delà du Droit Constitutionnel, jusqu'à englober des considérations sur les Systèmes Politiques globaux et il s'agit enfin, dans une optique réaliste, de redécouvrir la portée de variables longtemps négligées comme les environnements géographiques, idéologiques, culturels, sociaux etc. Sur un autre registre après avoir vu la portée limitée des Théories Classiques, il est certain que l'Analyse Marxiste, dont nous avons pu déjà souligner les faiblesses Théoriques se révèle à son tour inapte, par-delà les oppositions entre Etats Capitalistes et Etats Socialistes, a exprimer les traits communs et le fort courant vers l'assimilation entre ces deux types de Sociétés. Ainsi certains auteurs ont pu faire remarquer qu’exclusivement basée sur le Régime de Propriété des Moyens de Production, elle n'était plus opératoire en ce qui concernait les Systèmes Politiques contemporains. Par exemple, Herbert Marcuse dans « Le Marxisme Soviétique », un ouvrage publié en Français en 1963, minore le clivage Socialisme, Capitalisme, pour remarquer que dans des contextes différents, les Sociétés Américaines et Soviétiques, présentent des traits communs, caractéristiques d'une même Civilisation Industrielle. Tandis que par ailleurs dans ses 18 leçons sur la Société Industrielle, Raymond Aron va approfondir ce concept de Société Industrielle, caractéristique des Etats économiquement avancés et il va l'opposer aux Etats sous-développés ou en voie de Développement. Autrement dit il y avait donc à mettre au point un appareil Théorique, rénové, plus performant, appelé notamment de ses voeux par le Professeur Duverger dans son manuel de « Sociologie Politique » de 1973, sous la forme d'une esquisse d'un Modèle Théorique général, qui écrit l'auteur en page 361, je cite, « Puisse fournir une approche commune aux Sociologues Occidentaux et Marxistes, en permettant d'intégrer leurs modèles respectifs », fin de citation. Et le Professeur Duverger proposait du même coup de retenir quatre variables à la formation d'un cadre abstrait, servant de schéma de comparaison. A savoir, l'Economie, les Classes Sociales, l'Idéologie, et l'Organisation Politique au sens large. Le modèle construit à partir d'elles qui pourrait être amélioré dit l'auteur, consisterait précisément à définir le sens et la portée de leurs indépendances. Et justement sur l'Echelle Comparative des Sociétés et des Régimes Politiques, un paramètre commun semble apte à donner un sens à ces variables, ainsi qu'à servir d'étalon de référence, c'est la Notion de Modernisation. Cette notion de modernisation relève en effet d'un phénomène universel, à partir du dernier tiers du XXe siècle qui est lié à la Mondialisation Culturelle Economique et Politique, dont on peut remarquer qu'elle est plus ou moins rapide, selon les Etats et les Nations considérées. La Théorie de la Modernisation repose donc sur la constatation que le processus de Développement Economique a des incidences Socio-économiques ou encore que la Modernisation peut aussi affecter le seul Secteur Politique et le faire évoluer de manière plus autonome. Mais avant d'exposer ces Théories, penchons-nous un instant sur deux, parmi ces variables, qui expliquent la pluralité des Sociétés Politiques. Paragraphe II Les facteurs de la diversité Politique Il nous a paru opportun de sélectionner les facteurs géographiques tout particulièrement influents sur l'économie, et les idéologies, dont dépendent les Régimes Politiques. Nous pourrions naturellement en trouver bien d'autres, mais disons que dans les Théories Développementalistes, ces facteurs sont intéressants parce qu'ils sont revisités c'est-à-dire que l'on a abandonné le déterminisme d'antan, les grandes explications globales des siècles derniers, qui faisaient de chacun le seul élément à prendre en considération pour préférer aujourd'hui une Analyse au cas par cas. A— Les facteurs géographiques. Montesquieu les a mis à l'honneur, ils étaient suivis par des auteurs comme l’Anglais Toneby, le géographe Ratzel à la fin du XIXe siècle ou encore l'Américain Huntington. Pour eux, les éléments essentiels de la Société Politique peuvent s'expliquer par la géographie. Montesquieu par exemple, estime de façon catégorique que les climats chauds, amollissent les hommes en font des lâches et des esclaves, alors que le froid les rend courageux, et libre. Et que par ailleurs les habitants des plaines sont soumis, alors que ceux des montagnes sont des conquérants. Évidemment un tel déterminisme géographique est critiquable et cela au moins pour quatre raisons. Première critique, il est difficilement concevable que tel ou tel facteur géographique affecte automatiquement tous les membres sans exception d'un groupe. Evidemment si tous les Méditerranéens étaient des lâches, Napoléon dans ce contexte n’aurait jamais dû exister. Deuxième critique, la Géopolitique qui isole généralement un facteur géographique particulier, ce peut être le relief, le climat, l’insularité, etc, est bien entendue trop simpliste. Troisième critique, la Géopolitique semble ne pas tenir compte des réactions de l'homme qui en toute hypothèse sait s'adapter aux environnements les plus extrêmes. Enfin quatrième critique, la Géopolitique sous-estime le Progrès Technique, qui permet de diminuer le poids des facteurs naturels. Cela remarqué, il n'en reste pas moins que la géographie reste à sa place, dans une approche circonstanciée des Etats. D'abord parce que l'ampleur du territoire, sa situation, la présence ou non de ressources naturelles, sont des éléments qui incluent ou excluent plus ou moins les Etats concernés, de la tendance actuelle à la Mondialisation et à la standardisation des Modes de Vie et des Régimes Politiques, qui revendiquent tous, peu ou prou, leur appartenance, au groupe des Etats Démocratiques. Ensuite, parce que sur le plan interne, la géographie influe sur les attitudes Politiques et sur les Régimes Politiques. — Reprenons ces deux points : en ce qui concerne les attitudes Politiques, André Siegfried dans un livre de 1913, intitulé, « Tableaux de la France de l'Ouest », a notamment remarquablement démontré que la nature des sols Vendéens, conditionnait l'habitat. Là où le sol était imperméable, l'eau était facile à trouver et l'habitat dispersé, alors que dans les sols perméables, les puits étaient rares et l'habitat aggloméré autour d’eux. Avec la traduction Politique de cette situation à savoir que, dans les zones de populations isolées les idées anciennes demeurent et les électeurs sont plutôt conservateurs, alors qu'ils sont plus tournés vers le changement dans les bourgs ou la diffusion des idées est plus rapide. Voilà un bon exemple d'application du facteur géographique dans une des Théories de l'Etat et plus spécifiquement dans une Théorie de la Modernisation. Par ailleurs la géographie peut avoir un impact certain sur le Régime Politique lui-même. L'exemple typique en est fourni par la Suisse, dont le Fédéralisme appliqué à un si petit Pays ne peut s'expliquer que par le relatif isolement de ces vallées. B— Les facteurs Idéologiques. Comme la géographie, comme la Démographie pourrait-on ajouter, les phénomènes d'acculturation, et bien entendu, de multiples autres facteurs, les Idéologies sont aussi à prendre en considération dans l'Etat des lieux des Sociétés Politiques. Naturellement à condition de sortir de l'optique Marxiste trop étroite, qui les avait étudiés, on peut définir une Idéologie, comme un Système de valeurs qui mobilise tout ou partie d'une Société, ou encore comme un Système d'idées tendues vers le but qui est adopté par un groupe Social, qui en fait le ressort de son action. Et l'on ne peut ignorer l'influence des courants idéologiques précisément à ce sujet dans notamment le déclenchement des Révolutions, 1789 en France, 1917 en Russie, et plus près de nous, dans l'arrêt de l'intervention Américaine au Vietnam ou contre la Mondialisation dans les années 1999, 2000, 2001. Pour Marx, l'Idéologie dans une Société, c'est catégoriquement celle que la Classe des possédants impose aux Prolétaires pour les maintenir en l'Etat de dépendance. Il en va ainsi du Nationalisme, qui privilégiant la solidarité entre Classes d'un même Etat, à coup de propagande, éloigne le danger de la solidarité Prolétarienne Transnationale et les risques de Révolution. Il en va aussi de la Religion, l'opium du peuple, qui détourne les Classes exploitées de toutes revendications terrestres, cette vision est discutable, le Nationalisme en effet n'est pas qu'une Valeur de Droite, pendant l'occupation de la France, durant la dernière guerre, il était par exemple porté par la Gauche. Et l'Eglise qui s'universalise en ce qui concerne la manière dont Marx regardait la Religion, et vient cette Eglise aujourd'hui est souvent à l'avant-garde du Combat Social, notamment dans les Pays Sous-développés, je pense au Brésil avec la Théorie de la Libération. Autrement dit à condition de relativiser les choses, les Idéologies ont leur place dans les études Développementalistes aujourd'hui, dans la mesure où, à condition de les prendre pour ce qu'elles sont, elles peuvent être considérées comme un critère de mesure de la cohésion Sociale, mais naturellement tout un ensemble Social ne peut être expliqué par la seule prise en considération des seules Idéologies. ---------------- SECTION II Problématique du Développement telle que la conçoit la Théorie qui associe Niveau de Développement Socio-économique et situation Politique en premier lieu et telle que l'exprime la Thèse du Développement Politique « sui generis » en second lieu. A l'origine immédiate de l'Ecole Développementaliste, il y a les travaux d'un Conférencier, à l'Université de Cambridge dans le Massachusetts, Walt Rostov, ces travaux ont été publiés en 1960 sous le titre, « The Stages of Economic Growth », et dans la traduction Française de 1963, « Les Etapes de la Croissance Economique ». Voici comment l'auteur lui-même en page 16 résume sa Thèse, je le cite, « A considérer dit-il le degré de Développement de l'Economie, on peut dire de toutes les Sociétés, qu'elles passent par l'une des cinq phases suivantes, la Société Traditionnelle, les Conditions préalables au Démarrage, le Démarrage, la Marche vers la Maturité et l'ère de la Consommation de Masse », fin de citation. Et c'est en partant de là que quelques Sociologues à commencer par Robert Dahl et Bruce Russett, observant que la Société Traditionnelle et la Société de Consommation de Masse ne se gouvernaient pas de la même manière, se sont interrogés sur les effets Politiques du Développement Socio-économique et plus précisément sur les conditions Socio-économiques à l'accès à la Démocratie Libérale. Il y avait là certes une vision Occidentalo-centriste autant que Mono linéaire de l'Histoire, puisque à chaque étape du Développement Economique était accolé un type particulier de Régime Politique, l'idéal à atteindre au niveau de la Consommation de Masse devant être incarné, par la Polyarchie Américaine. Mais la Thèse avait le mérite de réactualiser en le réinterprétant le concept du conditionnement du Politique par l'Economie, un temps délaissé sous les arguments des critiques anti Marxistes. Et puis très vite les tenants de l'Autonomie du Politique ont refait surface, en disjoignant les sphères Economiques et Politiques, comme l'avaient fait avant eux, les Elitistes, et en faisant porter leurs recherches sur les seules mutations des Système Politiques eux-mêmes. Paragraphe I l’examen de la Thèse du conditionnement Socio-économique de la Polyarchie Sur le Thème du Conditionnement Socio-économique de la Polyarchie, c'est-à-dire répétons-le du Gouvernement qui associe le peuple aux choix Politiques fondamentaux, détaillons donc les éléments du constat puis l'argumentation de la Thèse et enfin nous verrons les critiques que l'on peut lui apporter. |