Séminaire droit de la protection des personnes M. Latil







télécharger 78.1 Kb.
titreSéminaire droit de la protection des personnes M. Latil
date de publication21.10.2016
taille78.1 Kb.
typeDocumentos
a.21-bal.com > loi > Documentos

Séminaire droit de la protection des personnes – M. LATIL

Exposé du Mercredi 26 février 2014

Elodie TOUIL – Alexia GREFFET



EXPOSE LE TROUBLE MENTAL

Introduction

Historique
Dans « l’histoire de la folie à l’âge classique », Michel FOUCAULT stigmatise la ségrégation dont sont victimes « les fous » : « l’enfermement se justifie moins par leur maladie que par le caractère asocial qu’il leur est prêté ».
Avant la Révolution française, notamment au Moyen âge, beaucoup de vagabonds arpentaient les rues. Leur surveillance était un souci pour les autorités de l’époque.

Certains d’entre eux étaient fous puisqu’à cette époque le « fou » était marginalisé et exclu, jeté à la rue avec les mendiants et les auteurs de délits ou de crimes mutilés alors qu’ils y étaient venus pour se faire soigner. On pensait qu’ils étaient possédés par le démon.

L’autre partie était celle des fous forcés de se faire « hospitaliser » après avoir été attrapés dans la rue ou après qu’une demande ait émané de la famille par exemple.
A cette époque, il n’y avait pas de spécialiste de la psychiatrie, encore moins d’établissement dédié à la prise en charge psychiatrique ou réservé aux fous.
Ainsi, ce n’est qu’à la fin du XVIIIème siècle, que les travaux d’aliénistes tels que Pinel (1791) et Esquirol(1805) ont permis à ce que la personne aliénée soit reconnue « malade mental ». A cela, tous ceux qui étaient enfermés se voient libérer suite à une lettre de cachet qui énonçait que les aliénés ne peuvent être détenus que sur décision de justice ou sur demande de leur famille.
Dès 1810, le « Criminel » et « l’Aliéné » ne sont plus confondus, le Code pénal énonçant dans son article 64 qu’il n’y a pas infraction s’il y a démence au moment des faits.

Certes, le fou voit ses chaînes brisées, on prend conscience de son trouble, pour autant il n’est pas encore soigné, simplement laissé à son sort.
La Loi du 30 juin 1838 relative aux aliénés, inspirée par Esquirol, obligeait chaque département à faire construire son asile et définissait les modalités d’internement.

Les médecins pouvaient dès lors priver les aliénés de liberté (prérogatives qui ne relèvent plus du pouvoir judiciaire). « L’aliéniste dans son asile apparaît donc comme un personnage qui cumule des fonctions d’administrateur, de juge, d’expert, de thérapeute et de savant ». 
Dès la fin du XIXe siècle la psychiatrie prend donc une autre dimension, nombre de théories pour décrire la maladie mentale sont formulées, sur la paranoïa, la démence, la dégénérescence, la névrose, l’hystérie. Une clinique de la schizophrénie est mise en place.

La « psychiatrie » devient une spécialité médicale et des moyens lui sont donnés, permettant d’envisager les pathologies auxquelles elle se rapporte sous l’angle de la thérapie.

Plu qu’un intérêt porté à la psychiatrie, au XXème siècle, il y a une volonté de soigner les malades mentaux.
Définition
Désormais, le trouble mental se définit comme une altération des facultés mentales ou comportementales qui atteignent l’intelligence ou la volonté d’un individu.
Les pathologies mentales ou psychiatriques sont nombreuses et font référence à des classifications diagnostiques internationales.

Parmi les plus connues : le trouble bipolaire, la schizophrénie, l’autisme, les troubles obsessionnels compulsifs, les troubles des conduites alimentaires, les phobies, l’anxiété généralisée…
Causes
En dépit de la recherche réalisée dans ce domaine, on ne connaît pas encore les causes de chacune des maladies mentales. On sait toutefois qu'il existe des facteurs déclenchant, souvent des événements douloureux qui peuvent favoriser son apparition, par exemple, la perte d'un être chère, un divorce, la perte d'un emploi, un accident ou une maladie grave.
Les recherches indiquent que les maladies mentales résultent d'une interaction complexe de facteurs génétiques, biologiques, des traits de personnalité et de l'environnement social.

C’est ce qui est appelé le modèle « bio-psycho-social ». Ce modèle souligne l'interaction constante entre les aspects biologique, psychologique et social des maladies en rejetant la réduction de la maladie à un seul de ces aspects de l'être humain et ce, au bénéfice de la personne atteinte.
Quelques chiffres…
Près d’une personne sur cinq souffrira d’une maladie mentale au cours de sa vie.

Les troubles mentaux représentent près de 20% de la charge de morbidité pour notre société, se situant ainsi au 2ème rang, comparativement à 23% pour les maladies cardiovasculaires et 11% pour les cancers.
Tout le monde peut être touché par la maladie mentale.

Comme le diabète ou l’asthme, la maladie mentale ne vise pas les gens en fonction de leurs qualités ou de leurs défauts, et touche sans discrimination des individus de toute provenance et condition sociale.
Solutions
Ainsi, il faut une législation sur la santé mentale pour protéger les droits des personnes atteintes de troubles mentaux qui constituent un groupe vulnérable de la société.

Elles sont confrontées à la stigmatisation, à la discrimination et à la marginalisation dans toutes les sociétés, ce qui accroît les risques de violation de leurs droits humains.

Les troubles mentaux peuvent parfois affecter les capacités de prise de décision des gens au point qu’ils ne peuvent pas toujours chercher ou accepter les solutions à leurs problèmes.
Les personnes atteintes de troubles mentaux constituent rarement un risque pour elles-mêmes ou pour les autres à cause de leur inaptitude à prendre des décisions.

Le risque de violence ou de dommage lié aux troubles mentaux est relativement faible.

Les idées fausses répandues à ce sujet ne devraient pas influencer la législation sur la santé mentale.
La législation sur la santé mentale peut offrir un cadre de référence pour résoudre des problèmes cruciaux tels que ceux de l’intégration communautaire des personnes atteintes de troubles mentaux, la prestation de services de bonne qualité, l’amélioration de l’accès aux soins, la protection des droits civiques, ainsi que la protection et la promotion des droits dans d’autres domaines critiques tels que le logement, l’éducation et l’emploi.

La législation peut également jouer un rôle important dans la promotion de la santé mentale et la prévention des troubles mentaux.
Problématique
Quels sont les moyens de protection juridique mis en œuvre pour protéger les droits des personnes atteintes de troubles mentaux ?
Plan
Afin de répondre à cette question, nous traiterons le sujet en trois parties :

  • L’approche du trouble mental en droit civil

  • L’approche du trouble mental en droit pénal

  • L’approche du trouble mental en droit International et Européen


PARTIE 1

L’APPROCHE DU TROUBLE MENTAL EN DROIT CIVIL FRANÇAIS


  1. La protection spécifique des personnes majeures incapables, atteintes de troubles mentaux


Avant la loi sur les incapables majeurs en date du 3 janvier 1968, le code civil envisageait dans son ancien article 490, 3 cas d’altération mentale : la maladie, l'infirmité et l'affaiblissement dû à l'âge.

 

Pour les deux premiers cas, le législateur a voulu donner au texte un champ d'application très large. Il s'est donc abstenu volontairement d'identifier les maladies à l'aide d'étiquettes médicales mais il est clair que la question est ici celle du handicap mental.

L’article 490, al. 3 exigeait en effet que « l’altération des facultés mentale ou corporelle doit être médicalement établie » précision fondamentale dans le cadre du régime plus vaste de l’hospitalisation pour trouble mental (cf. CSP, art. 326-1).

Le dernier cas visait les vieillards qui se trouvaient dans l'impossibilité de s'occuper de leurs affaires. D’une façon générale, le peuple des incapables majeurs n’était pas gai : les incapables majeurs, étaient alors les fous furieux, les fous paisibles, les idiots du village, les dépressifs et les faibles d'esprit, les drogués, les alcooliques, les handicapés, les victimes d'accidents graves, les vieillards.
La loi du 3 janvier 1968 relative aux incapables majeurs est venue réformée ce régime et a instauré des mesures de protections juridiques des incapables majeurs.
La loi du 3 janvier 1968 a réorganisé trois mesures de protection en créant la sauvegarde de justice, la procédure d'urgence et en adaptant la curatelle, mesure d'assistance et la tutelle régime de représentation.

Certes, ces dispositions qui visent la capacité du consentement juridique à des actes de dispositions des biens s'appliquent à la protection du patrimoine de l'incapable majeur, lequel risquerait d'être victime du fait de son handicap de manœuvres de spoliation.
Toutefois, il s'agit également de dispositions qui s'appliquent à la protection de la personne, notamment dans l'éventualité d'un acte médical.
Dans cet arsenal législatif, le rôle du médecin est en effet primordial :

  • D'une part, étant donné qu'il est, par définition, le protecteur naturel de son patient, il lui revient non seulement de dispenser des soins médicaux à son malade, mais aussi de juger d'une diminution éventuelle de ses capacités de consentement.

  • D'autre part, lorsque le statut juridique du malade répond à l'une de ces trois catégories (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle), le médecin doit s'assurer pour juger du consentement préalable du patient à l'acte médical, des mesures de protection qui en résultent.


La Loi du 3 Janvier 1968 a dissocié la notion de protection de celle de trouble mental. Elle a voulu ainsi protéger les malades mentaux, non hospitalisés ou hospitalisés "en service libre".

Elle a voulu aussi protéger non seulement les malades atteints de troubles mentaux, mais aussi toute personne dont la capacité civile pourrait se trouver diminuée.

La Loi du 3 Janvier 1968 étant basée fondamentalement sur la capacité de consentement, il y a lieu d'en envisager les caractéristiques.


  • Les principes généraux :


La loi étend la protection des biens :

  • A tous les malades hospitalisés ou non dans des hôpitaux psychiatriques ou non, que ce soit dans un hôpital général, un hospice ou une maison de retraite.

  • Aux malades mentaux bien entendu mais également à tous ceux dont les troubles pathologiques " empêchent l'expression de la volonté, que celle-ci résulte d'une maladie, d'une infirmité ou d'un affaiblissement dû à l'âge."


La loi donne au médecin traitant un rôle essentiel avant la décision d'un régime de protection quel qu'il soit, son avis doit être requis dans tous les cas car le régime de protection doit répondre à l'état médical particulier du malade et non à sa situation administrative.
Les deux conditions pour qu'intervienne une telle mesure de protection sont très simples

Il suffit :

  • Que la personne à protéger soit majeure, pour les arriérés dégénérés mentaux depuis l'enfance, il convient alors de provoquer l'application de la loi de 1968 dès l'approche de l'âge de la majorité, c'est-à-dire 18 ans, pour éviter qu'il y ait une interruption des mesures de protection (les mineurs étant suffisamment protégés par le Code Civil).

  • Et que cette personne ait besoin d'être protégée, c'est-à-dire tout malade qui du fait de son état doit être assisté, conseillé ou contrôlé de manière épisodique ou même le rendant incapable d'exprimer un consentement valable de façon continue dans les actes de la vie civile.


La loi prévoit 3 modalités de protection à gradation croissante selon l'importance de la protection à instituer :

1) La sauvegarde de justice (qui est une création de la loi de 1968).

2) La curatelle,

3) La tutelle, qui existaient déjà, mais qui ont été modifiées et adaptées.

Enfin, c'est l'autorité judiciaire (et non administrative laquelle est directement dépendante du pouvoir politique) qui est chargée du contrôle et de l'application de la loi ; elle donne notamment un rôle essentiel dévolu au Juge des Tutelles qui existait déjà pour les mineurs (loi du 14 décembre 1964).


  • Les dispositions de la loi :


Deux éventualités se présentent :

  • Ou bien le majeur est capable d'exprimer sa volonté, mais peut être abusé de par sa faiblesse d'esprit, et il suffit du placement sous sauvegarde de justice.

  • Ou bien le sujet est hors d'état d'agir par lui même, soit de manière partielle si ses facultés ne sont que diminuées et c'est la curatelle, soit dans l'incapacité totale de sonner un consentement valable et c'est la tutelle qui s'impose.




  • Le placement sous sauvegarde de justice : articles 433 et suivants du Code Civil.

C’est le régime de protection le plus souple, il n’y a pas véritablement incapacité, il s’agit en réalité d’une protection, protection qui doit être temporaire.
Le placement sous sauvegarde de justice est destiné soit à des sujets dont l'altération des facultés mentales est peu importante ou passagère, soit en tant que solution d'attente avant l'institution d'un des deux autres régimes.
Le malade placé sous sauvegarde de justice conserve en effet l'exercice de tous ses droits. Mais au cas où il viendrait à être grugé, abusé ou spolié, il peut demander au tribunal l'annulation de ses actes qu'il a passés ou des engagements qu'il a contractés.


  • Le placement sous le régime de la curatelle : articles 440 et suivants du Code Civil.

C'est un régime non de représentation comme la tutelle, mais d'assistance. La mise en curatelle exige la constatation par les juges du fond, d’une part, de l’altération des facultés mentales de l’intéressé er, d’autre part, de la nécessité, pour celui ci, d’être conseillé ou contrôlés dans les actes de la vie civile (Civ. 1ère, 24 octobre 1995).
Les effets du placement sous curatelle d’un majeur protégé sont prévus à l’article 457-1 du Code civil, ainsi : « La personne protégée reçoit de la personne chargée de sa protection, selon des modalités adaptées à son état et sans préjudice des informations que les tiers sont tenus de lui dispenser en vertu de la loi, toutes informations sur sa situation personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d’urgence, leurs effets et les conséquences d’un refus de sa part ».
La curatelle peut prendre fin dans plusieurs cas :

  • en cas de renforcement de la mesure de protection (mise en tutelle du majeur incapable)

  • en cas de décès du majeur incapable

  • en cas de levée de la mesure par décision du juge (si le majeur a retrouvé ses facultés, il peut émettre par lui même une requête auprès du juge)

  • en cas de levée automatique de la mesure arrivée à échéance




  • La tutelle : articles 440 et suivants du Code Civil.

C'est le régime le plus complet de protection, car c'est un régime de représentation, ce qui le différencie de la curatelle qui est un régime d'assistance et c'est une représentation continue, ce qui le différencie de la sauvegarde de justice qui n'est qu'une mesure provisoire.
Tout majeur qui a besoin "d'être représenté d'une manière continue dans les actes de la vie civile."
Les malades totalement privés de leur capacité juridique sont en toutes circonstances et dans tous les actes représentés par un tuteur. Celui-ci, peut être le conjoint ou tout autre personne désignée par le Conseil de Famille, un ascendant, un descendant, un frère, une sœur nommée par le juge des tutelles, ou même une personne morale (dans le cas des inadaptés), c'est-à-dire un gérant de tutelle.

Le juge peut toutefois énumérer, après avis du médecin traitant, certains actes que la personne en tutelle peut faire elle-même.

Dans le cas particulier des sujets privés de famille et ayant peu de biens, le juge peut désigner un administrateur spécial ou un préposé d'un Etablissement Hospitalier.
Tous les actes passés postérieurement au jugement d'ouverture de la tutelle sont nuls de plein droit.


  • Le mandat de protection future : articles 477 du Code Civil

Le mandat de protection future peut être pour soi ou exceptionnellement pour autrui, les parents peuvent ainsi désigner un mandat de protection future pour leur enfant majeur ou mineur.
Le mandat de protection future est un acte solennel et sa forme est extrêmement importante, car selon la forme qui lui sera donnée les pouvoirs du mandataire seront différents. Le mandat peut être spécial ou général et le mandataire est celui que l’on désigne.
Le mandat prend effet quand le mandant ne peut plus pourvoir seul à ses intérêts, cela doit être confirmé par un acte médical. Mais ce mandant n’implique pas de contrôle judiciaire et il empêche l’ouverture d’une tutelle ou d’une curatelle.


  1. Le principe de responsabilité civile des personnes déficientes mentales


Dans le domaine du droit de la responsabilité, on distingue, de façon tout à fait générale, la responsabilité civile et la responsabilité pénale.


Nous traiterons dans cette première partie la responsabilité civile d’une personne atteinte d’un trouble mental, la responsabilité pénale sera étudiée en partie 2 de notre exposé.


Pour qu’il y ait responsabilité civile, il faut en principe une faute qui cause un dommage à autrui. Et la loi prévoit que le responsable de la faute est tenu de réparer le dommage.
À l’origine le Code civil de 1804 n’avait prévu aucune disposition pour régler la question de la responsabilité civile des personnes souffrant d’une altération des facultés mentales.
Ainsi la jurisprudence à propos des accidents causés par des aliénés s’est prononcée dans le sens de l’irresponsabilité (Civ. 2e, 11 mars 1965) Elle ne faisait que reprendre la solution retenue en droit romain ou dans notre ancien droit en se fondant sur une certaine conception de la responsabilité, qui suppose l’imputabilité de l’acte ayant causé le dommage. L’idée est que seul le libre arbitre permet d’exiger d’une personne qu’elle réponde des conséquences de ses actes.
La solution était approuvée par une grande partie de la doctrine (R. Savatier Traité de la responsabilité civile en droit)
Toutefois le principe ainsi posé pouvait aboutir à des conséquences inéquitables. La victime d’un aliéné n’avait droit à aucune réparation quelle que soit la gravité du préjudice qu’elle avait subi, même si l’auteur du dommage possédait une fortune considérable (J. Massip, Les majeurs protégés, tome 1, Régime juridique), aboutissant à priver les victimes de la réparation à laquelle elles auraient pu prétendre si l’auteur du dommage avait été sain d’esprit, cette position a commencé à faire l’objet de vives critiques.
Finalement lors que la réforme du droit des incapables mise en place par la loi du 3 janvier 1968, la solution traditionnelle a été abandonnée.
Le projet de loi déposé par le gouvernement avait inséré à l’article 489-2 du Code civil les dispositions suivantes : « Celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation. Mais les juges pourront, en ayant égard à la situation respective de la victime et de l’auteur du dommage, modérer l’indemnité mise à sa charge. Ce pouvoir de modération n’est applicable ni à la responsabilité du fait des préposés ou apprentis, ni aux responsabilités du fait des choses. »
Ainsi, le principe de l’obligation à réparation se trouvait-il corrigé par le pouvoir de modération reconnu aux juges.

Cet article a fait l’objet au Parlement de longues discussions qui ont abouti à la suppression des deux dernières phrases de l’article proposé, de telle sorte que le texte finalement adopté ne fait plus allusion au pouvoir de modération.
En fait la loi a voulu aligner la situation de l’aliéné sur celle de « l’homme normal » ; il n’est ni plus ni moins responsable que lui. Le législateur a ainsi privilégié la situation de la victime d’un dommage.
En conclusion de cette première partie, à l’instar de la plupart des auteurs, il faut se demander si la solution actuelle est satisfaisante. En effet, la condamnation de personnes privées de raisonnement à payer des dommages et intérêts a quelque chose de choquant.
Ainsi, il est suggéré d’instituer une assurance obligatoire de responsabilité civile lorsque le majeur est placé sous régime de protection et de compléter par un fonds de garantie prenant en charge les dommages provoqués par le fait d’un aliéné ne faisant l’objet d’aucune mesure de protection légale. Ceci afin d’éviter les injustices qui peuvent naître de l’admission d’un principe de responsabilité civile des inconscients.
A priori, cette injustice ne devrait pas se rencontrer en droit pénal dans la mesure où le principe est l’irresponsabilité des personnes souffrant d’une altération des facultés mentales.
 

         

PARTIE 2

L’APPROCHE DU TROUBLE MENTAL EN DROIT PENAL FRANÇAIS


  1. Le principe de l'irresponsabilité pénale des personnes déficientes mentales




  • Quand le trouble mental est une cause d'irresponsabilité


Contrairement à ce que prévoyait l'avant-projet de Code pénal de 1978, la décision d'internement comme la décision de sortie échappent au juge judiciaire et appartiennent au Préfet.

En effet, lorsque l'existence d'un trouble mental est reconnue, elle conduit à une irresponsabilité se manifestant par l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ou bien le prononcé d'une relaxe ou d'un acquittement par la juridiction de jugement.

Reconnu irresponsable, le malade mental est en principe remis en liberté, et le juge pénal ne peut prendre à son encontre aucune mesure curative ou punitive.

L'ordonnance de non-lieu ou le prononcé d'une relaxe ou d'un acquittement entraîne de plein droit la perte de la qualité de victime et de partie civile.
Même si la Loi du 8 février 1995 a renforcé les droits de la victime en lui offrant notamment la possibilité de demander une contre-expertise, la victime a souvent le sentiment d'être frustrée du procès pénal, quand bien même l'article 489-2 du Code civil, adopté en 1968, lui assure une réparation civile de ses dommages.
Certains psychiatres considèrent du reste qu'une déclaration de culpabilité solennelle et une médiation entre auteur et victime participent de plein droit au traitement du malade mental.
Quoiqu'il en soit, aux termes de l'article L348 du Code de la santé publique, le juge pénal doit aviser le préfet de l'ordonnance de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, afin que celui-ci prenne un arrêté d'internement au vue d'un rapport circonstancié établissant que l'individu atteint d'un trouble mental présente un danger pour l'ordre public ou la sécurité des personnes.
Cette exclusion du juge pénal, au profit de la compétence administrative, fait l'objet de critiques récurrentes.

D'une part, la décision d'internement porte une atteinte à la liberté fondamentale d'aller et venir, et aux termes de l'article 66 de la Constitution, seule l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle.

Certes, la voie de fait permet en théorie de contrôler les placements abusifs en établissements psychiatriques.
Par ailleurs, l'article L351 du Code de la santé publique permet de saisir le Président du TGI par simple requête afin que, statuant en la forme des référés, il ordonne la sortie immédiate de toute personne hospitalisée ou retenue sans son consentement.
Cependant, ces contrôles sont très imparfaits et certains auteurs regrettent que les propositions en vue de créer un internement judiciaire, avancées en 1978 et 1986, n'aient pas abouti, à la différence de certains pays voisins comme la Belgique.
Les critiques ne sont pas moindres si l'on considère la démission du droit pénal lorsque le trouble mental est une cause d'atténuation de la responsabilité.


  • Quand le trouble mental est une cause d'atténuation de la responsabilité : Cas des détenus.



Parfois, le trouble mental peut conduire à une simple atténuation de la responsabilité pénale, et non à une totale abolition.

En principe la maladie mentale est prit en considération en milieu fermé comme en milieu ouvert.
Des services médico-psychiatriques existent dans les établissements pénitentiaires depuis 1986, et sont, depuis 1994, sous le contrôle de l'administration hospitalière publique.

Cependant, ces structures sont en nombre limité, et elles ne peuvent pas répondre de manière satisfaisante à la demande de soins psychiatriques en milieu carcéral.
En milieu ouvert, le trouble mental est pris en considération en matière de sursis avec mise à l'épreuve, qui peut être assorti de l'obligation de suivre un traitement médical -article 132-45 du Code pénal).

Le fractionnement de la peine, pour motif médical (article 132-27 du Code pénal) et la semi-liberté (article 132-25) sont également envisageables.

Enfin, la libération conditionnelle du détenu peut s'accompagner d'un certain nombre d'obligations imposant notamment au probationnaire de suivre un traitement médical.
Malgré tout, la prise en compte du sort du malade mental par le droit pénal est apparue à beaucoup comme insuffisante, et des efforts ont été accomplis afin que son sort soit davantage considéré.


  1. Le traitement du délinquant sexuel atteint d’un trouble mental


La prise en compte accrue du malade mental intéresse autant le traitement du délinquant que la protection de la victime.


  • Le traitement du délinquant sexuel atteint de trouble mental


Les délinquants sexuels ne sont pas considérés comme pénalement irresponsables ; bien qu’on admette qu’ils sont atteints de troubles mentaux, ils sont exposés à des peines très lourdes. Le dispositif mis en place par la Loi du 17 juin 1998 part en effet du principe selon lequel le délinquant sexuel est souvent un malade qui s’ignore, ce qui suggère de lui proposer fermement un traitement auquel il n’aurait pas pensé spontanément.

Ainsi a été institué le suivi socio-judiciaire qui contribue à accroitre sensiblement les pouvoirs du juge pénal dans le traitement des délinquants sexuels.
C’est le juge de l’application des peines (JAP) qui est le pivot du système, et il s’est vu doter de pouvoirs juridictionnels puisqu’il peut remettre en cause non seulement ses propres décisions mais aussi celles de la juridiction de jugement.

Selon les articles 131-6 et suivants du Code Pénal, le JAP peut non seulement moduler les obligations mises à la charge du délinquant sexuel en les aggravant ou en les allégeant mais ils disposent aussi de la possibilité de sanctionner l’inobservation de ses obligations par le prononcé d’un emprisonnement immédiat.

Le suivi socio-judiciaire peut comprendre une injonction de soin (article 131-36-4 CP), ainsi que l’interdiction pour le délinquant sexuel de paraître dans certains lieux ou d’exercer certaines activités professionnelles impliquant un contact avec les mineurs (article 132-36-2CP). La mise en œuvre de l’injonction de soin implique la désignation par le JAP d’un médecin coordinateur qui fera le lien entre le magistrat et le médecin traitant du délinquant.
Ce lourd dispositif, dont les décrets d’application ne sont intervenus que le 18 mai 2000 a suscité un vif débat parmi les psychiatres. En effet, certains redoutent que l’efficacité du traitement, assise sur la relation de la confiance avec le médecin, ne soit hypothéquée par l’obligation faite au médecin de prévenir les autorités en cas de risque de récidive, conformément à l’article L355-35 CSP. Quoi qu’il en soit, le suivi socio-judiciaire associé au fichier des empruntes génétiques des délinquants sexuels témoignent d’une volonté de prévention de la récidive, qui passait nécessairement par un contrôle accru du juge pénal sur le sort des malades mentaux. De la même manière, on peut observer aujourd'hui une sollicitude renforcée à l’égard du malade mental victime.


  • La protection de la victime atteinte d’un trouble mental


La prise en considération du trouble mental qui affecte la victime peut se traduire par une circonstance aggravante ou bien donner lieu à la définition d’infraction spécifique.
Il est traditionnel d’appréhender le trouble mental de la victime comme une circonstance aggravante, dans de nombreuses infractions sanctionnant les atteintes à la personne. C’est ainsi que « l’état de particulière vulnérabilité connue ou apparente » est érigé en circonstances aggravantes en matière d’homicide, de violence ou encore de viol.
Cependant le droit contemporain tend aujourd'hui à intégrer le trouble mental dans la définition d’infraction spécifique. Tel est le cas de l’abus de l’état d’ignorance ou de faiblesse instituée en 1994 dans l’article 311-4CP, et aujourd'hui réprimée de façon élargie dans l’article 323-2CP. Cette promotion de l’abus de faiblesse dans la catégorie des infractions contre les personnes est issue de la loi du 12 juin 2001 sur les mouvements sectaires, loi qui a par ailleurs envisagé les hypothèses ou le trouble mental est provoqué par des suggestions psychologiques.
La prise en compte du trouble mental par le droit pénal témoigne de la difficile conciliation entre l’impératif de prévention des infractions et l’objectif d’humanisation. S’il est certain que le principe de l’irresponsabilité pénale du malade mental témoigne d’une humanisation, il reste encore beaucoup à faire pour la prise en charge de la maladie mentale dans les prisons. Par ailleurs, l’investissement accru du droit pénal quand au sort du malade mental, dont témoigne l’institution du suivi socio-judiciaire ne va pas sans ambiguïté. Non seulement le suivi est inclassable, puisqu’il n’est ni vraiment une peine, ni vraiment une mesure de sureté, mais encore certains aspects du nouveau dispositif peuvent apparaître comme potentiellement liberticide.

PARTIE 3

L’APPROCHE DU TROUBLE MENTAL AU NIVEAU DU DROIT INTERNATIONAL RELATIVE AUX DROITS DE L’HOMME
Du fait que les instruments relatifs aux droits de l’homme qui traitent le plus spécifiquement de la santé mentale et de l’incapacité sont plutôt des résolutions sans force obligatoire que des conventions contraignantes, on a à tort le sentiment que les gouvernements jouissent d’une entière discrétion pour ce qui est de l’adoption de la législation nationale visant à protéger les personnes handicapées mentales ou à réglementer le fonctionnement des systèmes de santé mentale ou des services sociaux. Mais tel n’est pas le cas. Les gouvernements sont tenus, en vertu du droit international relatif aux droits de l’homme, d’assurer que leurs politiques et leurs pratiques soient conformes aux normes impératives du droit international en la matière.


  1. Mise en œuvre internationale et contrôle de l'application des conventions


Dans le cadre des systèmes régionaux de protection des droits de l’homme, institués en Afrique, dans les Amériques et en Europe, des mécanismes très perfectionnés ont été développés pour faire respecter les conventions relatives aux droits de l’homme.
Les particuliers peuvent déposer des plaintes contre les gouvernements auprès de commissions ou de tribunaux établis en vertu de ces conventions et lesdits organes peuvent soit trouver des solutions à l’amiable, soit rendre des décisions exécutoires.
Il existe aujourd’hui toute une jurisprudence sur les droits des personnes handicapées mentales dans le cadre de la Commission européenne des Droits de l’Homme et une première affaire concernant une personne handicapée mentale a récemment été tranchée en vertu de la Convention américaine relative aux droits de l’homme.
Même s’il n’existe pas de mécanisme international de mise en œuvre, de nombreuses conventions relatives aux droits de l’homme créent un système de surveillance internationale. Les principales conventions de l’ONU, y compris le Pacte relatif aux droits civils et politiques et le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, prévoient la création d’organes de suivi qui sont chargés de la mise en application de ces instruments.
Les gouvernements qui ratifient les conventions acceptent de faire régulièrement rapport sur les mesures qu’ils ont prises pour y donner effet – que ce soit par une modification de leur législation, de leur politique ou de leur pratique.
Les organisations non gouvernementales peuvent aussi transmettre des informations pour examen aux organes de suivi. Ces organes examinent à la fois les rapports officiels et ceux des organisations non gouvernementales et publient leurs constatations, parmi lesquelles peut figurer la conclusion que les gouvernements n’ont pas satisfait à leurs obligations internationales au titre de la Convention.
Ce processus de surveillance internationale et de présentation de rapports fournit non seulement une occasion de renseigner le public sur un ensemble particulier de droits, mais il peut aussi constituer un puissant moyen de pression pour amener les gouvernements à respecter les droits conventionnels.


  1. Principes pour la protection des personnes atteintes de la maladie mentale


En 1991, les Principes pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale et l’amélioration des soins de santé mentale ont établi des normes minimales de pratique concernant la protection des droits de l’homme dans le domaine de la santé mentale : ces Principes ont été reconnus comme « l’ensemble le plus complet de normes pour la protection des droits des personnes handicapées mentales à l’échelon international ».

Les Principes ont été utilisés par les organes internationaux de suivi chargés de veiller à l’application des conventions comme un instrument faisant autorité pour interpréter les prescriptions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et de la Convention américaine relative aux droits de l’homme.
Les Principes ont servi de modèle pour l’élaboration de la législation en matière de santé mentale, et de nombreux pays comme le Mexique, la Hongrie, le Costa Rica, le Portugal et l’Australie les ont incorporés en tout ou partie dans leur droit interne.
D’autres pays comme le Nicaragua et le Costa Rica ont utilisé les Principes comme guide pour revoir leur politique en matière de santé mentale. Les Principes établissent des normes pour le traitement et les conditions de vie dans les établissements psychiatriques et créent des protections contre l’internement arbitraire dans ces établissements.
Ils s’appliquent de manière générale aux personnes atteintes de maladie mentale, qu’elles soient ou non placées dans des établissements psychiatriques, ainsi qu’à toutes les personnes admises dans des services de santé mentale, qu’un diagnostic de maladie mentale les concernant ait été ou non posé.

Ces dispositions sont importantes car, dans de nombreux pays, les services de santé mentale de long séjour accueillent souvent des personnes qui n’ont pas d’antécédents de maladie mentale et ne sont pas actuellement malades, mais qui restent dans ces établissements faute d’autres installations ou services communautaires pouvant répondre à leurs besoins.
Les Principes reconnaissent que « toute personne atteinte de maladie mentale a, dans la mesure du possible, le droit de vivre et de travailler au sein de la société ».

Les Principes ont des conséquences importantes en ce qui concerne la structure des systèmes de santé mentale, car ils reconnaissent que « tout patient a dans la mesure du possible le droit d’être traité et soigné dans le milieu où il vit »
Les Principes pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale protègent tout un ensemble de droits au sein des institutions, y compris le droit pour le patient d’être « protégé des atteintes que pourraient lui causer notamment les médicaments injustifiés, les mauvais traitements provenant d’autres patients, du personnel de service ou d’autres personnes … ». Des mécanismes de contrôle et d’inspection des services doivent être mis en place pour assurer le respect des Principes qui prévoient que le traitement « doit se fonder sur un programme individuel » et doit « tendre à préserver et à renforcer l’autonomie personnelle du patient ».

Les Principes établissent des normes de fond et des protections procédurales contre l’internement arbitraire en établissement psychiatrique.
La Déclaration universelle des droits de l’homme présente les droits de l’homme comme « l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations ».

Bien que cette Déclaration soit généralement reconnue comme la pierre angulaire du droit international relatif aux droits de l’homme, on a souvent le sentiment qu’il y a une certaine contradiction entre le caractère universel des droits de l’homme et les différences régionales, culturelles ou économiques qui peuvent exister entre les pays.
La Déclaration de Vienne indique toutefois clairement que « s’il convient de ne pas perdre de vue l’importance des particularismes nationaux et régionaux et la diversité historique, culturelle et religieuse, il est du devoir des États, quel qu’en soit le système politique, économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales ».


similaire:

Séminaire droit de la protection des personnes M. Latil iconComment préserver sa vie privée et celle des autres sur internet ?
«Droit et vie en société», sensibiliser aux dangers d’internet, et à la protection de la vie privée

Séminaire droit de la protection des personnes M. Latil iconEtat civil
«Droit de l’homme, droit culturel et droit des artistes». Programme Artwatch Africa, Institut Goethe-Abidjan, Côte d’Ivoire

Séminaire droit de la protection des personnes M. Latil iconLe droit pénal est un droit atypique. Entre autres, seule cette branche...

Séminaire droit de la protection des personnes M. Latil iconLa protection du patrimoine culturel et naturel
«père». le patrimoine est donc d’abords un héritage, un dépôt que l’on a reçu de ses ancêtres et que l’on doit conserver et enrichir...

Séminaire droit de la protection des personnes M. Latil iconCours de droit economique professeur moussa samb agrege des facultes...
«législation communautaire sur la concurrence» composée de Règlements et de Directives

Séminaire droit de la protection des personnes M. Latil iconSéminaire de Rennes 2, Présentation de F. Mazel, 18 novembre 2010, corrigée mai 2011

Séminaire droit de la protection des personnes M. Latil iconChapitre histoire de l’ emergence des systemes de droit1
«droit naturel procédural7». On aurait tort cependant de limiter la rule of law à des critères formels et procéduraux, car elle porte...

Séminaire droit de la protection des personnes M. Latil iconSur le droit à la non-communication des différences
«Sur le Droit à la Non-Communication de la Différence». Ethnopsy. Les mondes contemporains de la guérison (Paris), no. 4 (avril 2002),...

Séminaire droit de la protection des personnes M. Latil iconIl est impossible au quotidien de ne pas conclure de contrat. Ce...
«si vieille conclusion qui est bien certaine, IL n'y a pas de fin dans l'évolution du droit des obligations»

Séminaire droit de la protection des personnes M. Latil iconRésumé du projet d’objectifs de politique générale et de principes...







Tous droits réservés. Copyright © 2016
contacts
a.21-bal.com