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![]() www.comptoirlitteraire.com André Durand présente Jacques FERRON (Québec) (1921-1985) ![]() Au fil de sa biographie s’inscrivent ses œuvres qui sont résumées et commentées (surtout ’’Les grands soleils’’, ‘’Contes du pays incertain’’, ‘’Le ciel de Québec’’ et ‘’L’amélanchier’’). Bonne lecture ! Né à Louiseville, dans le comté de Maskinongé, il était le petit-fils d’un cultivateur, le fils d'un notaire, Joseph-Alphonse et d’Adrienne Caron. Les réalités géographiques, sociales et folkloriques du comté de Maskinongé allaient être partout présentes dans son oeuvre ; la rivière du Loup, affluent du lac Saint-Pierre (la « mer des Tranquillités» de ‘’L'amélanchier’’), le grand lac Saccacomi où il passait ses vacances d'écolier, les rangs Fontarabie et Trompe-Souris, la paroisse de Saint-Justin. Mais ce qui le frappa le plus dans sa Louiseville natale, ce fut la séparation socio-économique et, au fond, raciale, morale, manichéenne, en deux zones, deux niveaux: le Haut et le Bas, le «grand-village» et le «petit-village ». «Dominé par la France, puis par l'Angleterre et le Canada anglais, le notable canadien-français dominait à son tour le petit-village à noyau amérindien ». Ce colonialisme, cette ségrégation, cette bonne conscience puritaine et hypocrite, structure de toute l'Amérique blanche, Ferron les retrouva, historiquement, dans le voisinage suspect de Ville-Marie et de Lachine, et, concrètement, à Fredericton-Denver, à Gros-Morne, longtemps « petit-village» de Mont-Louis et de Grande-Vallée, etc. Avec son frère, Paul, et ses sœurs, Marcelle et Madeleine, il fut élevé dans l’aisance et la liberté, passant des étés au milieu d’un troupeau de chevaux sauvages. Mais il dut aussi faire face à la disparition prématurée de sa mère, victime de la tuberculose. Avant de mourir, elle lui aurait dit : « Ne te crois pas plus fin [plus intelligent] que les autres ! » De 1926 à 1931, il fit ses études primaires à l’Académie Saint-Louis de Gonzague, à Louiseville En 1931-1933, il les termina au ‘’Jardin de l'Enfance’’ de Trois-Rivières, tenu par les ‘’Filles de Jésus’’. où il fut pensionnaire et où, dans ‘’La légende d'un peuple’’ de Louis Fréchette, il apprit à connaître passionnément l’histoire du Québec. En septembre 1933, il entreprit ses études classiques au Collège Jean-de-Brébeuf de Montréal, tenu par les jésuites, où il apprécia en particulier l'enseignement du père Robert Bernier. Il s’y lia à Pierre Baillargeon, rencontra Paul Toupin, Pierre Laporte, Pierre-Elliott Trudeau (en qui il voyait un « dandy prétentieux ») et Pierre Vadeboncœur qui allait dire de lui : «Moraliste précoce et précieux, timide, grand seigneur, aisément narquois, Ferron écrivait déjà admirablement bien» (mais, pour lui, ce n’était que « des poèmes niaiseux » !) . Il en fut renvoyé en 1936, passa au Collège Saint-Laurent, pour y revenir de 1937 à 1941, en être à nouveau expulsé et, en 1941, terminer au Collège de L’Assomption. Ces études allaient faire de lui un des rares écrivains à écrire un français vraiment correct. C’est à ce moment-là qu’il entama une correspondance avec Pierre Baillargeon, un autre ancien élève de Brébeuf, moraliste qui était l’un des intellectuels québécois les plus remarqués dans les milieux culturels et littéraires de l’après-guerre et qu’il considérait alors comme son maître : «Votre personnage m’importe, mais m’importe davantage le rôle, que je vous ai confié, sans que vous l’ayez recherché, d’être au-dessus de moi et d’être aussi mon maître. […] Si vous partez, vous ne laissez que farce derrière vous et je ne suis plus qu’un brigand tout cru.» Il prenait plaisir à ces échanges littéraires différés : envoi de textes, commentaires critiques à propos de nouvelles parutions, etc. Il était catégorique : la médecine devait servir uniquement à assurer son existence, la première place étant assurément occupée par la littérature. Il donnait cette définition de l’écrivain : «un homme qui se plaint de n’être pas une femme entretenue», avouant : «De l'arrogance est nécessaire à qui veut écrire». Entre son apprentissage littéraire et ses réflexions sur l’état actuel de la «littérature canadienne» qui, à ses yeux, ne jouissait d’aucun prestige, il pensait que la «littérature française est la seule littérature moderne qui soit classique, c’est-à-dire formatrice». Il doutait de l'émergence de la littérature dans la société canadienne-française que tous les deux jugeaient obscurantiste. Ils admiraient béatement Valéry, Alain, Giraudoux. En septembre 1941, il entreprit des études de médecine à l’Université Laval de Québec : «Ce sera le médecin qui entretiendra l'écrivain. Je serai mon propre mécène» (‘’Gaspé-Mattempa’’) car il pressentait déjà que l’écriture, intimement liée à sa vie de médecin, faisait partie par là-même de sa survie. Au terme de sa première année, il reçut le prix Lemieux. En 1945, il fut enrôlé dans les Forces armées canadiennes et reçut sa formation militaire dans quelques bases du Canada. Finalement, il se retrouva au camp de Grande-Ligne, «partagé entre les prisonniers allemands et les Olds Vets qui les gardaient, neutre comme un bon Québécois.» Il y constata que tout y s’y passait en anglais : «L’armée m'a quand même appris le Canada ». Démobilisé en 1946, plutôt que d'exercer une carrière aisée à la ville, il s'installa pour deux ans en Gaspésie : « Je suis allé m'établir à Rivière-Madeleine par le goût de l'assonance, de la rime, je ne sais pas. » Après avoir considéré le milieu comme hostile, s’être senti presque en exil, il se lia d'affection avec ce peuple aux mains de labeur : «Il est impossible d'être révolutionnaire dans une riche campagne. [...] La Gaspésie est différente ; la misère y est endémique. Je pourrais faire quelque argent, payer mes dettes, mais il faudrait que j'exploite les gens tout comme mes prédécesseurs l'ont fait. Je m'en épargne la bassesse et je demeure du côté des misérables.» Il y soigna de pauvres pêcheurs, parfois gratuitement, ce qui lui valut, victime du règne de Duplessis, d’être dénoncé en chaire comme « communiste ». Sensible aux images, aux impressions, aux façons de parler, il s’y imprégna « de français archaïque et de verve populaire ». Mais, chaque année, au milieu de mai, il venait à Montréal, rencontrer son ami, Pierre Baillargeon, laissant l'hiver derrière lui, croisant le printemps à Québec, trouvant l'été feuillu à Montréal. Ces deux années de Gaspésie allaient nourrir abondamment son œuvre et être en particulier racontées dans le roman ‘’Gaspé-Mattempa’’. Le 5 mars 1947, son père se suicida : « Dorénavant mon père [...] n'aura plus personne au-dessus de lui et sera capable de défier Dieu, Prométhée à l'échelle du comté de Maskinongé, de mourir comme il l'entendait, calculant bien son acte et choisissant son jour, le cinq mars, celui-là même où ma mère était morte et qui, comme par hasard, se trouvait être la date d'une échéance qu'il ne pouvait pas rencontrer et où il allait être mis en banqueroute. Il n'y eut pas de banqueroute, sa vie était assurée comme on dit par un curieux euphémisme, c'est-à-dire échangeable pour le montant d'argent qu'il lui manquait pour faire honneur à ses affaires. Tous ses biens vendus, y compris la maison au toit tarabiscoté de la grand-rue, l'actif dépassait le passif ; il me laissait un petit héritage suffisant pour continuer mes études et pourvoir à mon établissement loin de Louiseville. Tel fut son rachat, cash down, le Diable n'en accepte pas d'autre. On en pensera ce qu'on voudra. Pour moi, c'en fut un et je voudrais bien aussi avoir hérité de son courage. » - « Je suis le corbillard de mon père qui se promène ainsi par politesse pour la parenté, qui ne peut survivre qu'en moi, finies les temporisations de l'au-delà ! ». Le 15 novembre 1947, il écrivit à son ami, Pierre Baillargeon : «Les idées sont toujours triviales, et les gens qui se battent pour elles sont le plus souvent des charretiers.» Ce n'est pas la doctrine qui l'attirait, mais le territoire de l'imaginaire vers lequel il se dirigeait intuitivement. Même si rien ne contrariait l'amitié qui liait les deux épistoliers, il constatait que les idées qu'il échangeait avec Baillargeon les menaient chacun vers des continents littéraires opposés. L’année suivante, Baillargeon, l'aîné et le maître, qui avait fondé, avec Roger Rolland, la revue ‘’Amérique française’’, partit s'installer en France. Ferron, le cadet et le disciple, qui avait découvert le Québec profond en pratiquant la médecine auprès des illettrés de la Gaspésie, déclara, au contraire, son «mépris de la France». Déjà, s’asseyant à sa table dès cinq heures du matin, il écrivait : _________________________________________________________________________________ ‘’Les rats’’ (1947) Pièce de théâtre Bertrant, amant éconduit de Berthe, la reconquiert en mettant le feu à une pharmacie. Blanchi Blanchon, écrivain, décide dans son délire de se sacrer roi, installant sa Célimène à son côté sur le trône, et l'auguste Champlain fait des rats les représentants de son autorité… Commentaire Ce premier grand texte dramatique de Jacques Ferron constitue un exemple frappant de comédie héroïque où la langue, classique, rencontre un univers dramatique baroque, débridé, satirique. _________________________________________________________________________________ En 1948, Ferron se sépara de sa première femme et se remaria avec Madeleine Lavallée dont il allait avoir trois enfants : Marie, Martine et Jean-Olivier. Dès cette année, il publia, dans la revue ‘’Amérique Française’’ et dans quelques autres périodiques, des nouvelles. Il menait déjà une action politique contre le premier ministre du Canada, Louis Saint-Laurent, et contre le premier ministre du Québec, Maurice Duplessis. Il dénonçait le prétendu bilinguisme qui n’était imposé qu’aux francophones et ne faisait que favoriser l’anglais. En 1949, s'étant vu retirer, sur l'ordre du Premier ministre Duplessis, l'allocation de cent dollars par mois que lui versait le ministère de la Colonisation, il rentra à Montréal : « Moi [...] qui m'étais déclaré communiste dès 1947. Ce n'était pas opportun, loin de là, et je pourrais vous en compter long sur mes souffrances et mes tourments, mais à quoi bon ! À cause de la grande noirceur, vous ne pourriez pas les voir, les apprécier à leur juste horreur, et vous sympathiseriez à tort et à travers. Et puis j'ai survécu, ce qui n'est pas le fait d'un authentique martyr. » En 1949, il s'établit et ouvrit un cabinet de consultation à Ville Jacques-Cartier, sur la rive sud du Saint-Laurent, en face de Montréal. C’était un faubourg mal famé, un véritable bidonville canadien-français, qu’il appela « le petit-village magoua » en face du «grand-village» métropolitain. Il n’allait le « quitter que deux fois en trente ans ». Pourtant, il y découvrit tout à coup un pays et un langage incertains, fut consterné par la détérioration du français qui se décomposait (et se décompose toujours) au contact de l'anglais : «Je passais d'une langue qui théoriquement pouvait se parfaire et se soumettre aux rigoureuses exigences de Baillargeon, à une langue humiliée qui ne savait pas encore qu'elle était le joual.» Médecin peu fortuné, toujours proche de ses malades, il y pratiqua la médecine générale : « Mon fief était populaire [...]. On y était venu s'y installer sans illusion, tout simplement parce qu'après la guerre, il n'y avait plus de place pour se loger dans les taudis de Montréal [...] La superstructure du pont constituait la nuit, la haute porte de la ville. » - « Ville Jacques-Cartier en moins d'un quart de siècle est passée du Farouest à l'immuable beauté qui, dans le pareil au même, célèbre la civilisation pétrolière. » (‘’Ville Jacques- Cartier’’, ‘’Le devoir’’, 18 mai 1974). Il a écrit une part de son œuvre « à partir d’un patrimoine que plusieurs méprisaient », faisant de ce bidonville «un centre nerveux du Québec», un lieu privilégié de la modernité québécoise. Il a exploité la symbolique de ce pont, qui est le pont Jacques-Cartier, porte d'entrée par excellence de l'île de Montréal, qui occupait, depuis son inauguration au début des années 1930, une place importante dans le paysage de la métropole et qui, pour lui, est à cheval entre deux mondes et situé quelque part entre le jour et la nuit. Car il continua à écrire, et publia à compte d’auteur : _________________________________________________________________________________ “L’ogre” (1949) Pièce en trois actes Dans un château aux relents shakespeariens sévit un ogre qu’on ne voit jamais. À son service, un chevalier, drôle de diable avide de puissance ; Jasmin, un valet qui empoisonne son maître ; deux gardes rêveurs mais efficaces ; un médecin cuisinier qui périt à son tour. Attirés sur les lieux, une pucelle, un garçon et une amazone. Les deux premiers échappent à la cuisine, tandis que l’amazone remplace l’ogre assassiné. Commentaire La pièce fut créée au Théâtre Club, en 1958. _________________________________________________________________________________ ‘’La mort de monsieur Borduas’’ (1949) Pièce de théâtre en un acte Le peintre Borduas a dicté ses volontés : à sa mort, on doit se costumer et endosser la redingote, le plastron, le chapeau haut-de-forme et les gants. Mousseau, Lefebvre, Gauvreau, Vaillancourt, Ferron-Hamelin et Sullivan préparent la cérémonie en attendant que Murielle ramène le mort. Le mort arrivera... sur ses deux pieds. Commentaire Par l'intermédiaire de sa sœur, Marcelle, Ferron avait connu le groupe des Automatistes de Paul-Émile Borduas, jugeant d’ailleurs « surfaite » la réputation de celui-ci. _________________________________________________________________________________ En 1950, Ferron voulut s'enrôler comme médecin pour la guerre de Corée ; on le refusa parce qu'on découvrit qu'il souffrait de tuberculose. Il fut traité au ‘’Royal Edward Laurentian Hospital’’, à Sainte-Agathe : « On nous soignait alors comme des ballons, en nous gonflant le ventre d'air. Je ne sais pas comment les femmes s'en portaient mais, moi, ça me vexait. [...] Molière n'a pas vieilli en partie parce que ces Messieurs de la Faculté sont restés égaux à eux-mêmes, tels qu'ils les a décrits. Il faudrait en égorger trois ou quatre par année en grande pompe sur la place publique. Ça leur mettrait un peu d’angoisse au ventre. Ils n'ont jamais eu de coeur. Du désarroi des malades ils tirent suffisance. Je le détestais. Les vénérant j'aurais signé mon arrêt de mort. Je tenais à vivre. [...] Je devins communiste. Ce fut la dernière étape de ma maladie. » - « Mon communisme ne portait pas à conséquence ; on pouvait même le considérer comme la réaction mentale d'une guérison organique.» En 1951, il commença une longue collaboration à ‘’L’information médicale et paramédicale’’ qui allait durer jusqu’à la disparition de la revue en 1980. Il continuait à écrire : _________________________________________________________________________________ “La barbe de François Hertel“ (1951) Pièce en un acte Commentaire Jacques Ferron l’appela une « sotie », type d’oeuvre médiévale remis à la mode et adapté par Gide. Cette pochade inventorie à peu près tous les moyens dont il allait se servir par la suite. Elle pourrait être insérée dans ‘’Le ciel de Québec’’, à côté des chapitres mettant en scène Borduas ou Saint-Denys Garneau et La Relève. Mais, avec ses décors, ses déguisements, ses portraits, son dialogue loufoque, cette satire, comme la sotie traditionnelle, ressortit autant au genre dramatique qu'au genre narratif. _________________________________________________________________________________ ‘’ |
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