24 janvier 2002 – 21avril 2002







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Les Frottages de Michaux

24 janvier 2002 – 21avril 2002



Apparitions

Instantanés de l'esprit par Carole Guignard et Claire Stoullig

Rencontre avec Claire Stoullig, commissaire de l'exposition

Henri Michaux à l'école de l'écriture-frottage imaginaire

La magie des frottages : un monde entre trace et apparition fabuleuse

Bernard Comment, le multiple

Entretien avec Bernard Comment, écrivain

Couché, poème d'Henri Michaux

Ecrire et dessiner. Entretien avec Michel Butor, écrivain

Des frottages aux frontières du réel par Agnès Angliviel de la Beaumelle

Henri Michaux, le peintre

Entretien avec Henri Michaux

Liste des oeuvres exposées

Informations pratiques

APPARITIONS

Henri Michaux commence à expérimenter le frottage en 1942, comme pour fuir la guerre, « cette abominable réalité », dans un exil forcé au sud de la France. Allongé sur son lit, dans une passivité libératrice, il fait apparaître, en frottant une mine de plomb sur un papier à portée de main, posé sur une surface rugueuse (écorce, tissu, végétal, ficelle), des yeux, des figures, des créatures animales ou humaines. Ecriture guidée par un hasard partiel, le frottage, fait de décalages, de déplacements, de fragmentations, de dislocations, est un acte graphique très précis et fait émerger des figures de l'inconscient ouvertes et flottantes.

Le côté « ardoise magique » des frottages annonce les apparitions-disparitions « mouillées » de la série des aquarelles de 1946-1949. Les frottages d'après-guerre imposent une force plastique davantage soutenue et contrastée que ceux réalisés pendant la guerre.

Michaux abandonne définitivement le frottage en 1947. Véritable phase initiatique, le frottage, et sa dichotomie entre la fragilité du donné à voir et l'assurance du geste s'appuyant sur un support dur, lui permet de dresser le dispositif de ses peintures et gravures à venir.

En 1977, il réalise cependant des frottages « sans frotter ». Alors que le crayon est juste appliqué à plat, des rehauts hachurés d'encre font allusion au geste de va-et-vient du frottage.


INSTANTANÉS DE L'ESPRIT

La technique enfantine du frottage acquiert une véritable place dans l'histoire de l'art en 1925 grâce à Max Ernst, qui l'utilise conjointement à d'autres méthodes « automatiques » dans le cadre du mouvement surréaliste et de ses inventions. Ce procédé consiste à frotter une mine de plomb sur une feuille de papier posée contre une surface rugueuse (écorce, tissu, végétal, ficelle, etc.) ; les motifs qui apparaissent alors peuvent être intégrés dans une composition plus élaborée, ou laissés en l'état. Bien que connue et pratiquée (qui n'a pas joué, petit, à fabriquer de la « fausse monnaie »?), cette technique a été peu étudiée de manière spécifique, et le frottage est resté confidentiel en ce qui concerne Henri Michaux (1899-1984).

Certes, son oeuvre complexe et intrigante a été abondamment analysée et exposée depuis deux décennies, mais ses frottages n'ont jamais été envisagés pour eux-mêmes. C'est pourquoi le Cabinet des dessins a décidé de faire découvrir au public des inédits effectués dans les années 1942 à 1947 sur des carnets dont la piètre qualité reflète les rigueurs de la guerre. À cela s'ajoutent les « frottages sans frotter » des années 1976 et 1977 (à l'image des Dessins de réagrégation de 1966, « mescaliniens sans mescaline »), résultant du simple passage d'un crayon Conté de section carrée sur le papier, sans relief particulier.

Privilégiant les techniques du peu, Michaux utilise le frottage afin de révéler son espace du dedans. Étranger au dogmatisme d'André Breton, il garde un inaltérable besoin de liberté, et convoque un singulier univers formel : son exploration du Lobe des monstres (selon le titre du recueil de poèmes qu'il publie en 1944) est toute personnelle, et n'est destinée qu'à exorciser ses angoisses. De plus, si Ernst associe parfois le frottage au collage et à la peinture, Michaux ne retouche que rarement le résultat du frottis, privilégiant la spontanéité du geste. Ainsi, ses oeuvres sont comme autant « d'instantanés » de son esprit, peuplé de fantômes familiers, orvets, batraciens, mantes religieuses ou pieuvres végétales. Cette exposition dévoile donc non seulement une technique méconnue, mais aussi une partie des monstres qui hantèrent Henri Michaux à une époque où l'horreur devint le quotidien.

Soulignant, une fois de plus, son engagement dans des expériences inattendues et souvent hors normes, que démultiplient une curiosité insatiable associée à un imaginaire sans limites, la présentation de ces soixante-quatre frottages permet de comprendre que ces expérimentations, répétées à chaque nouvelle période et pour chaque nouvelle technique, sont un véritable laboratoire qui initie et fonde systématiquement toute procédure de création.

Caroline Guignard et Claire Stoullig.
in Journal des MAH, 2002


RENCONTRE AVEC CLAIRE STOULLIG, COMMISSAIRE DE L'EXPOSITION

Henri Michaux occupe une place singulière dans la culture moderne. Autant écrivain que peintre, Michaux rêve d'une « langue universelle » qui réunirait peinture, écriture et sciences de l'homme, sans les confondre.

A suivre les frottages présentés, on se souvient que l'histoire naturelle chez Michaux va de pair avec une histoire surnaturelle, hantée d'animaux fantastiques, telle la darelette, « bête agile, corsetée et chitinée comme un insecte » (Mes propriétés). Le projet essentiel de Michaux était de se connaître dans la perception du monde mis en ordre par les sciences. A travers la zoologie et la botanique, le poète-peintre s'attache à un bestiaire dont ses frottages laissent deviner les contours grands ouverts sur l'imaginaire du regardeur. Commissaire d'exposition, Claire Stoullig a la passion Michaux chevillée au corps, comme en témoigne en 1994 déjà une exposition réunissant nombre de ses oeuvres peintes et dessinées.

Qu'est-ce qui relie la rétrospective consacrée à Henri Michaux au Musée Rath en 1994 et l'actuelle exposition de ses frottages ?

Claire Stoullig: C'est une sorte de zoom sur une période malheureusement négligée de l'activité créatrice de Michaux. Ainsi a-t-on considéré ses frottages à l'aune d'une technique enfantine. Technique associée à tout ce qui est de l'ordre du facile, du moins repérable ou pointé au fil d'un parcours artistique.

Parmi la grande diversité des techniques et démarches traversées par Michaux dans son activité picturale, la découverte de carnets inédits m'ont incitée à focaliser cette période qui est aussi moment pictural. Je n'aurais d'ailleurs pas mis sur pied cette exposition, sans la rétrospective préalablement consacrée à l'auteur de L'Espace du dedans. Le public de notre région étant déjà sans doute sensibilisé à l'art de Michaux, j'ai fait le pari de cette « petite folie ».

Quelle place occupe les frottages dans l'oeuvre de Michaux ?

J'ai la prétention de penser que, dans ce moment de parenthèse dans la vie de Michaux, où il est exclu de tout, plongé dans le plus grand dénuement, il met au point une sorte de « générique » de ce qui est sa manière de faire surgir signes et oeuvres, comme peintre autant qu'écrivain et poète. A mon sens, cette activité liée au frottage – très exactement balisée dans le temps de 1942 à 1947 – a été essentielle pour préciser un axe central de son travail: comment faire émerger son monde imaginaire au plan visuel ?

En 1942, Henri Michaux est un écrivain considéré comme un pan important de la littérature française du XXe siècle. Par contre, tout ce qui ressort de ses signes, ses oeuvres peintes, dessinées et a fortiori frottées, demeure négligé, si ce n'est méconnu pendant la guerre. Il fait l'objet d'une première exposition parisienne en 1942, à laquelle il ne peut participer, contraint par un exil intérieur. Aussi est-ce un cercle très restreint qui connaît ses dessins.

La période des frottages recouvre à peu près celle de l'Occupation. Les titres de ses livres d'abord reflètent d'eux-mêmes l'état d'esprit de Michaux pendant les années d'Occupation: Epreuves, exorcismes et Le Lobe des monstres. L'Espace du dedans en 1944 relaye les visions hallucinées de Michaux (les têtes). Qu'en est-il des frottages ?

S'il est important d'insister sur le contexte historique (la guerre et l'Occupation) et biographique (l'exil, l'isolement, le repli et la conscience suraiguë de soi et du dehors) d'où émergent les frottages, il est surprenant de constater que Michaux parvient grâce à de moyens très minimaux (un crayon et du simple papier de mauvaise qualité) à faire sortir figures, fantômes et monstres. Des apparitions fantomatiques finalement peu effrayantes.

La soixantaine de frottages présentés ne reflète pas la situation assez désespérante de ces premières années au Lavandou. On pense naturellement ici au peintre, dessinateur, sculpteur et graveur français Jean Fautrier, car les frottages se situent à la même époque que la série des Otages (1943). Il y a avec Fautrier un redoublement de l'imaginaire pictural sur le tragique de la réalité de l'Occupation allemande. Etonnant, ce Michaux capable de faire affleurer de cette pratique presque dérisoire du frottage, des figures qui sont, à mes yeux, de l'ordre d'une poésie emprunte de légèreté qui va toujours vers plus d'insaisissable. A chacun d'ajuster son imagination àla métamorphose toujours changeante des formes surgies de ses frottages. J'y vois, pour ma part, de petits poissons, fantômes ou chimères hybrides finalement assez bon enfant. Levains d'un imaginaire proche du conte de fées, les frottages font écho à un univers assez peu éclaboussé de cruauté, plutôt bienveillant.

Michaux, c'est aussi une oeuvre sans fin, perpétuellement en mouvement...

Loin d'être sclérosé dans un parti pris, Michaux demeure attentif à tout. Il y a toujours ce va-et-vient entre des mondes, qui sont in fine très proches. Monde naturel des fonds marins, surnaturel: tous ces univers se mélangent suscitant une magnifique osmose poétique.


Propos recueillis par Bertrand Tappolet

On est pas seul dans sa peau.
Ma famille est immense.
Henri Michaux


HENRI MICHAUX A L'ÉCOLE DE L'ÉCRITURE-FROTTAGE IMAGINAIRE

Peintre-poète, Henri Michaux entreprend, à partir de 1937, d'exprimer son univers par les moyens picturaux. Le passage du mot au signe illustre sa reconnaissance d'une différence de l'art pictural par rapport à l'écriture-expérience qui lui permet d'établir une relation plus immédiate en continuité avec son monde intérieur et la nature même de l'imaginaire. En explorant les voies de l'automatisme, l'artiste se dégage de l'emprise de la conscience sur la figuration. Ses figures montrent que le geste permet de saisir une pensée dans sa trajectoire et qu'il est aussi un acte de recomposition du monde dicté par l'imaginaire.

Entre 1944 et 1947, il réalise une série de « frottages » ainsi obtenus par le frottement d'une mine de plomb sur le papier, laissant apparaître des figures, des yeux, des créatures animales ou humaines à peine émergées de la surface dans une grande force hallucinatoire.

Mouvement perpétuel

Je peins comme j'écris. Pour trouver, pour me retrouver, pour trouver mon propre bien que je possédais dans le savoir. Pour en avoir la surprise et en même temps le plaisir de la reconnaître. Pour faire ou voir apparaître un certain vague, une certaine aura où d'autres veulent ou voient du plein.

Extrait du catalogue « Moments of Vision »,
Rome – New York Art Foundation, Rome 1959


Faut-il vraiment une déclaration ? Ne voit-on pas que je peins pour laisser là les mots, pour arrêter la démangeaison du comment et du pourquoi ? Ce serait parce que je verrais clairement ceci ou cela que je dessinerais ? Nullement. Au contraire. C'est pour pouvoir être embarrassé à nouveau. Et très bien s'il se trouve des pièges. Je cherche des surprises. Ca m'ennuierait de savoir. Ca me gênerait. Dois-je au moins savoir ce qui s'est fait ? Même pas. D'autres le verront autrement, seront mieux placés peut-être. Mais j'ai bien des intentions ? Il n'importe. Ce n'est pas ce que je veux qui doit m'arriver, mais ce qui tente d'arriver malgré moi... et arrive incomplètement, ce qui n'est pas grave. L'oeuvre achevée, j'aurais peur qu'elle ne m'achève aussi et ne m'ensevelisse. S'en méfier. Je secoue ce qui n'est pas définitivement stable en moi et qui ainsi va pouvoir – qui sait ? – partir d'un mouvement soudain, soudain neuf et vivant.

Variante de l'allocution
prononcée par Henri Michaux
à la galerie Daniel Cordier de Francfort en 1959 (extrait)


LA MAGIE DES FROTTAGES :
UN MONDE ENTRE TRACE ET APPARITION FABULEUSE


Un canevas fragmenté

Hostile aux doctrines en général, et donc peu attiré par les théories surréalistes, Michaux utilise une technique du hasard partiel où l'écriture automatique est conduite consciemment avec des corrections et des interprétations, et développe une polyvalence d'images qui « traverse » toute son oeuvre. Méthode de fragmentation, de dislocation d'éléments plus ou moins lacunaires, le frottage se constitue d'une succession de déplacements d'un objet en relief recouvert d'une feuille de carnet sur lequel le peintre appuie son crayon. Ces dessous semblent être de simples morceaux de papier épars - dans une photo célèbre de Brassaï, à des quantités de bouts de papier, d'imprimés, de pages de journaux éparpillés autour de lui -, dont les formes se répètent avec un léger décalage qui accentue l'idée de mobilité, de passage d'êtres furtifs et insaisissables qui disparaissent aussi vite qu'ils ont surgi. Adapté à ses modes de création habituels, cet acte graphique, qui suit donc un dispositif très précis et parfaitement conventionnel, conforte sa manière de peindre qui est de faire émerger les figures de l'inconscient : « Découverte de ce qui permet à l'artiste d'amener au jour un trait important de sa conscience (...) Quand je commence à étendre de la peinture sur la toile, il apparaît d'habitude une tête monstrueuse. » Avec le frottage, la « tête » est déjà là dans un corps étranger, support de l'oeuvre, élément extérieur qui se manifeste par le toucher transmis par l'outil. Les apparitions fabuleuses auraient leur existence propre ; il s'agirait de les révéler, de les « surexposer », et de les faire passer de l'anonymat à une forme mouvementée, figure vivante, aléatoire. Dans l'aquarelle, inversement, les images sont noyées dans le papier et tentent de faire retour à leur milieu d'origine. Les deux techniques participent au mouvement de fond dans lequel est puisée ou s'épuise l'image...

Fugitives figures

...Le frottage permet de détourner le matériau perceptible en relief, placé sous le support qui est gratté ou frotté. Ce dispositif est choisi pour ce qu'il a de modeste, de banal et d'arbitraire. Il se lie à une thématique nouvelle : le sujet du tableau n'a rien à voir avec la structure qui lui sert de fondement. Les contours des dessous non identifiés, substituts du coup de pinceau ou du trait de plume, glissent sur le papier de manière à démultiplier les rythmes et à développer des lignes parfois inconséquentes au point de produire un étrange état de flottement dans la page même du dessin. Comme des figures fugitives, ces formes dont l'existence n'est aucunement menaçante parce qu'improbable, en perpétuel mouvement, participent de l'ouvert, du non-accompli, de l'inachevé. Au contraire, leur beauté évanescente dépend des altérations étranges de la nature de leur corps sous l'influence d'une technique automatique qui fait que la copie du relief n'a que très modestement une lointaine ressemblance...
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