Mme Pouzet / Lettres modernes cpge2







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Mme Pouzet / Lettres modernes - CPGE2 / Petit topo sur l’autobiographie



1° J’ai exploité pour ce topo un site intéressant à visiter (à défaut, vous trouvez ci-dessous des extraits): le site de Philippe Lejeune lui-même, universitaire et spécialiste reconnu depuis déjà plusieurs décennies (deux ouvrages à connaître au moins sommairement, classiques pour les khâgneux, L’Autobiographie en France, 1971, et Le Pacte autobiographique, 1975) :

http://www.autopacte.org/

Lectures recommandées parmi les textes qui s’y trouvent :

Quelques textes de Lejeune, par exemple :

- Stendhal et les problèmes de l’autobiographie : (assez long et roboratif mais contient au passage des réflexions sur des aspects fondamentaux de l’autobiographie)

http://www.autopacte.org/Stendhal_problemes.html

- Qu’est-ce que le pacte autobiographique ?

http://www.autopacte.org/pacte_autobiographique.html

(reproduit ci-dessous)

- Le pacte autobiographique, 25 ans après (bilan par Ph. Lejeune) :

http://www.autopacte.org/Pacte_25_ans_apr%E8s.html (le lien est dans la page précédemment citée)

L’anthologie - constituée par Lejeune - de textes autobiographiques centrés sur l’explication, la justification, la critique du projet d’écrire sur soi : intéressez-vous aussi aux pages de Journaux (Amiel, Constant, Bashkirtseff, Rictus), le « Journal intime » (ou « personnel ») est rarement connu des candidats au concours, donc en parler dans une dissertation peut faire montre de culture et d’originalité (ne pas perdre de vue toutefois l’appartenance problématique de cette écriture à la littérature)

http://www.autopacte.org/Anthologie.html


2° Doc. 1 : « Qu'est-ce que le pacte autobiographique ? » (© Ph. Lejeune, 2002)

« C'est l'engagement que prend un auteur de raconter directement sa vie (ou une partie, ou un aspect de sa vie) dans un esprit de vérité.

    Le pacte autobiographique s'oppose au pacte de fiction. Quelqu'un qui vous propose un roman (même s'il est inspiré de sa vie) ne vous demande pas de croire pour de bon à ce qu'il raconte : mais simplement de jouer à y croire.

L'autobiographe, lui, vous promet que ce que qu'il va vous dire est vrai, ou du moins est ce qu'il croit vrai. Il se comporte comme un historien ou un journaliste, avec la différence que le sujet sur lequel il promet de donner une information vraie, c'est lui-même.

    Si vous, lecteur, vous jugez que l'autobiographe cache ou altère une partie de la vérité, vous pourrez penser qu'il ment. En revanche il est impossible de dire qu'un romancier ment : cela n'a aucun sens, puisqu'il ne s'est pas engagé à vous dire la vérité. Vous pouvez juger ce qu'il raconte vraisemblable ou invraisemblable, cohérent ou incohérent, bon ou mauvais, etc., mais cela échappe à la distinction du vrai et du faux.

    Conséquence : un texte autobiographique peut être légitimement vérifié (même si c'est dans la pratique très difficile !) par une enquête. Un texte autobiographique engage la responsabilité juridique de son auteur, qui peut être poursuivi par exemple pour diffamation, ou pour atteinte à la vie privée d'autrui. Il est comme un acte de la vie réelle, même si par ailleurs il peut avoir les charmes d'une oeuvre d'art parce qu'il est bien écrit et bien composé.

    Comment se prend cet engagement de dire la vérité sur soi ? A quoi le lecteur le reconnaît-il ?

   Parfois au titre : Mémoires, Souvenirs, Histoire de ma vie... Parfois au sous-titre ("autobiographie", "récit", "souvenirs", "journal"), et parfois simplement à l'absence de sous-titre "roman".

    Parfois il y a une préface de l'auteur, ou une déclaration en page 4 de couverture.
   Enfin très souvent le pacte autobiographique entraîne l'identité de nom entre l'auteur dont le nom est sur la couverture, et le personnage dont l'histoire est racontée dans le texte.

   Autre conséquence : on ne lit pas de la même manière une autobiographie et un roman. Dans l'autobiographie, la relation avec l'auteur est embrayée (il vous demande de le croire, il voudrait obtenir votre estime, peut-être votre admiration ou même votre amour, votre réaction à sa personne est sollicitée, comme par une personne réelle dans la vie courante), tandis que dans le roman elle est débrayée (vous réagissez librement au texte, à l'histoire, vous n'êtes plus une personne que l'auteur sollicite).
  Si vous voulez des exemples de pacte autobiographique, vous trouverez sur ce site les préambules de Jean-Jacques Rousseau et de Marie Bashkirtseff .

   Je vous renvoie aussi à mon livre L'autobiographie en France (Armand Colin, collection "Cursus", 1998), à la fin duquel vous trouverez une série de "pactes autobiographiques" de Rousseau à nos jours.

    Si vous voulez plus d'explications, vous les trouverez dans mon livre Le Pacte autobiographique, publié pour la première fois aux éditions du Seuil en 1975, et actuellement disponible en collection de poche "Points". D'autre part, sur ce site, vous pouvez lire un texte où j'évalue, avec le recul du temps, "vingt-cinq ans après" , on travail de réflexion sur ce pacte : et ce texte, dans lequel j'explique et évalue une partie de mon passé, est évidemment lui-même un texte autobiographique. »

3° Doc. 2 Extraits du Journal de Marie Bashkirtseff

A quoi bon mentir et poser ? Oui, il est évident que j'ai le désir, sinon l'espoir, de rester sur cette terre, par quelque moyen que ce soit. Si je ne meurs pas jeune, j'espère rester comme une grande artiste ; mais si je meurs jeune, je veux laisser publier mon journal qui ne peut pas être autre chose qu'intéressant. - Mais puisque je parle de publicité, cette idée qu'on me lira a peut-être gâté, c'est-à-dire anéanti, le seul mérite d'un tel livre ? Eh bien ! non. - D'abord j'ai écrit très longtemps sans songer à être lue, et ensuite c'est justement parce que j'espère être lue que je suis absolument sincère. Si ce livre n'est pas l'exacte, l'absolue, la stricte vérité, il n'a pas raison d'être. Non seulement je dis tout le temps ce que je pense, mais je n'ai jamais songé un seul instant à dissimuler ce qui pourrait me paraître ridicule ou désavantageux pour moi.  - Du reste, je me crois trop admirable pour me censurer. - Vous pouvez donc être certains, charitables lecteurs, que je m'étale dans ces pages  tout entière. Moi comme intérêt, c'est peut-être mince pour vous, mais ne pensez pas que c'est moi, pensez que c'est un être humain qui vous raconte toutes ses impressions depuis l'enfance. C'est très intéressant comme document humain. Demandez à M. Zola et même à M. de Goncourt, et même à Maupassant ! Mon journal commence à douze ans et ne signifie quelque chose qu'à quinze ou seize ans. Donc il y a une lacune à remplir et je vais faire une espèce de préface qui permettra de comprendre ce monument littéraire et humain. (…) Si j'allais mourir comme cela, subitement, prise d'une maladie !... Je ne saurai peut-être pas si je suis en danger ; on me le cachera et, après ma mort, on fouillera dans mes tiroirs ; on trouvera mon journal, ma famille le détruira après l'avoir lu et il ne restera bientôt plus rien de moi, rien... rien... rien !... C'est ce qui m'a toujours épouvantée. Vivre, avoir tant d'ambition, souffrir, pleurer, combattre et, au bout, l'oubli !... l'oubli... comme si je n'avais jamais existé. Si je ne vis pas assez pour être illustre, ce journal intéressera les naturalistes ; c'est toujours curieux, la vie d'une femme, jour par jour, sans pose, comme si personne au monde ne devait jamais la lire et en même temps avec l'intention d'être lue ; car je suis bien sûre qu'on me trouvera sympathique... et je dis tout, tout, tout. Sans cela, à quoi bon ? Du reste, cela se verra bien que je dis tout... (Préface, Paris, 1er mai 1884)

    mardi 16 avril 1876

    Quoi que je devienne, je lègue mon journal au public.

    Tous les livres qu’on lit sont des inventions, les situations y sont forcées, les caractères faux, tandis que ceci, c’est la photographie de toute une vie. Ah ! direz-vous, cette photographie est ennuyeuse, tandis que les inventions sont amusantes. Si vous dites cela, vous me donnez une bien petite idée de votre intelligence.

    Je vous offre ici ce qu’on n’a encore jamais vu. Tous les mémoires, tous les journaux, toutes les lettres qu’on publie ne sont que des inventions fardées et destinées à tromper le monde.

    Je n’ai aucun intérêt à tromper. Je n’ai ni acte politique à voiler, ni relation criminelle à dissimuler. Personne ne s’inquiète si j’aime ou je n’aime pas, si je pleure ou si je ris. Mon plus grand soin est de m’exprimer aussi exactement que possible. Je ne me fais pas illusion sur mon style et mon orthographe. J’écris des lettres sans fautes, mais au milieu de cet océan de mots, j’en laisse échapper sans doute beaucoup. Je fais en outre des fautes de français. Je suis étrangère. Mais demandez-moi de m’expliquer dans ma langue, je le ferais peut-être plus mal encore.

    Mais ce n’est pas pour dire tout cela que j’ai ouvert le cahier. C’est pour dire qu’il n’est pas midi, que je suis livrée plus que jamais à mes tourmentantes pensées, que ma poitrine est oppressée et que je hurlerais volontiers. D’ailleurs, c’est mon état naturel.

(…)
      mercredi 16 mai 1877

    L’idée que mon journal ne sera pas intéressant, l’impossibilité de lui donner de l’intérêt en ménageant des surprises, me tourmentent. Si je n’écrivais que par intervalles, je pourrais peut-être... mais ces notes de chaque jour ne trouveront patience que chez quelque penseur, quelque grand observateur de la nature humaine... Celui qui n’aura pas la patience de tout lire ne pourra rien lire et surtout rien comprendre.

        vendredi 30 mai 1877

La femme qui écrit et celle que je décris font deux. Que me font à moi toutes ses tribulations ? J’enregistre, j’analyse, je copie la vie quotidienne de ma personne, mais à moi, à moi-même tout cela est bien indifférent. C’est mon orgueil, mon amour-propre, mes intérêts, ma peau, mes yeux qui souffrent, qui pleurent, qui jouissent ; mais moi je ne suis là que pour veiller, pour écrire, raconter et raisonner froidement sur toutes les grandes misères, comme Gulliver dut regarder ses Lilliputiens.

Réfléchir au but de l’écrit autobiographique. Pourquoi écrit-on sur soi ?
Doc. 3 Rousseau, Confessions, Préambule du manuscrit de Neuchâtel (extrait)

  « J'ai remarqué souvent que, même parmi ceux qui se piquent le plus de connaître les hommes, chacun ne connaît guère que soi, s'il est vrai même que quelqu'un se connaisse ; car comment bien déterminer un être par les seuls rapports qui sont en lui-même, et sans le comparer avec rien? Cependant cette connaissance imparfaite qu'on a de soi est le seul moyen qu'on emploie à connaître les autres. On se fait la règle de tout, et voilà précisément où nous attend la double illusion de l'amour-propre ; soit en prêtant faussement à ceux que nous jugeons les motifs qui nous auraient fait agir comme eux à leur place ; soit dans cette supposition même, en nous abusant sur nos propres motifs, faute de savoir nous transporter assez dans une autre situation que celle où nous sommes.

    J'ai fait ces observations surtout par rapport à moi, non dans les jugements que j'ai portés des autres, m'étant senti bientôt une espèce d'être à part, mais dans ceux que les autres ont portés de moi ; jugements presque toujours faux dans les raisons qu'ils rendaient de ma conduite, et d'autant plus faux pour l'ordinaire, que ceux qui les portaient avaient plus d'esprit. Plus leur règle était étendue, plus la fausse application qu'ils en faisaient les écartait de l'objet.

    Sur ces remarques j'ai résolu de faire faire à mes lecteurs un pas de plus dans la connaissance des hommes, en les tirant s'il est possible de cette règle unique et fautive de toujours juger du cœur d'autrui par le sien ; tandis qu'au contraire il faudrait souvent pour connaître le sien même, commencer par lire dans celui d'autrui. Je veux tâcher que pour apprendre à s'apprécier, on puisse avoir du moins une pièce de comparaison ; que chacun puisse connaître soi et un autre, et cet autre ce sera moi.

    Oui, moi, moi seul, car je ne connais jusqu'ici nul autre homme qui ait osé faire ce que je me propose. Des histoires, des vies, des portraits, des caractères ! Qu'est-ce que tout cela ? Des romans ingénieux bâtis sur quelques actes extérieurs, sur quelques discours qui s'y rapportent, sur de subtiles conjectures où l'Auteur cherche bien plus à briller lui-même qu'à trouver la vérité. On saisit les traits saillants d'un caractère, on les lie par des traits d'invention, et pourvu que le tout fasse une physionomie, qu'importe qu'elle ressemble ? Nul ne peut juger de cela.

    Pour bien connaître un caractère il y faudrait distinguer l'acquis d'avec la nature, voir comment il s'est formé, quelles occasions l'ont développé, quel enchaînement d'affections secrètes l'a rendu tel, et comment il se modifie, pour produire quelquefois les effets les plus contradictoires et les plus inattendus. Ce qui se voit n'est que la moindre partie de ce qui est ; c'est l'effet apparent dont la cause interne est cachée et souvent très compliquée. Chacun devine à sa manière et peint à sa fantaisie ; il n'a pas peur qu'on confronte l'image au modèle, et comment nous ferait-on connaître ce modèle intérieur, que celui qui le peint dans un autre ne saurait voir, et que celui qui le voit en lui-même ne veut pas montrer ?

     Nul ne peut écrire la vie d'un homme que lui-même. Sa manière d'être intérieure, sa véritable vie n'est connue que de lui ; mais en l'écrivant il la déguise ; sous le nom de sa vie, il fait son apologie ; il se montre comme il veut être vu, mais point du tout comme il est. Les plus sincères sont vrais tout au plus dans ce qu'ils disent, mais ils mentent par leurs réticences, et ce qu'ils taisent change tellement ce qu'ils feignent d'avouer, qu'en ne disant qu'une partie de la vérité ils ne disent rien. Je mets Montaigne à la tête de ces faux sincères qui veulent tromper en disant vrai. Il se montre avec des défauts, mais il ne s'en donne que d'aimables ; il n'y a point d'hommes qui n'en aient d'odieux. Montaigne se peint ressemblant mais de profil. Qui sait si quelque balafre à la joue ou un œil crevé du côté qu'il nous a caché, n'eût pas totalement changé sa physionomie. Un homme plus vain que Montaigne mais plus sincère est Cardan. Malheureusement ce même Cardan est si fou qu'on peut tirer aucune instruction de ses rêveries. D'ailleurs qui voudrait aller pêcher de si rares instructions dans dix tomes in-folio d'extravagances ?

     Il est donc sûr que si je remplis bien mes engagements j'aurai fait une chose unique et utile. (…) 

    Que si mon entreprise est singulière la position qui me la fait faire ne l'est pas moins. Parmi mes contemporains il est peu d'hommes dont le nom soit plus connu dans l'Europe et dont l'individu soit plus ignoré. Mes livres couraient les villes tandis que leur Auteur ne courait que les forêts. Tout me lisait, tout me critiquait, tout parlait de moi, mais dans mon absence ; j'étais aussi loin des discours que des hommes ; je ne savais rien de ce qu'on disait. Chacun me figurait à sa fantaisie, sans craindre que l'original vint le démentir. Il y avait un Rousseau dans le grand monde, et un autre dans la retraite qui ne lui ressemblait en rien.

     Ce n'est pas qu'à tout prendre j'aie à me plaindre des discours publics sur mon compte  ; s'ils m'ont quelquefois déchiré sans ménagement, souvent ils m'ont honoré de même. Cela dépendait des diverses dispositions où le public était sur mon compte, et selon ses préventions favorables ou contraires, il ne gardait pas plus de mesure dans le bien que dans le mal. Tant qu'on ne m'a jugé que par mes livres, selon l'intérêt et le goût des lecteurs, on n'a fait de moi qu'un être imaginaire et fantastique, qui changeait de face à chaque écrit que je publiais. Mais quand une fois j'ai eu des ennemis personnels, ils se sont formés des systèmes selon leurs vues, sur lesquels ils ont de concert établi ma réputation qu'ils ne pouvaient tout à fait détruire. Pour ne point paraître faire un rôle odieux, ils ne m'accusaient pas de mauvaises actions vraies ou fausses, ou s'ils m'en accusaient, c'était en les imputant à ma mauvaise tête, de façon toutefois qu'on crût qu'à force de bonhomie ils prenaient le change, et qu'on fît honneur à leur cœur aux dépens du mien. Mais en feignant d'excuser mes fautes ils chargaient sur mes sentiments, et paraissant me voir dans un jour favorable, ils savaient m'exposer dans un jour bien différent.

     Un ton si adroit devint commode à prendre. De l'air le plus débonnaire on me noircissait avec bonté ; par effusion d'amitié l'on me rendait haïssable, en me plaignant on me déchirait. C'est ainsi qu'épargné dans les faits je fus cruellement traité dans le caractère, et qu'on parvint à me rendre odieux en me louant. Rien n'était plus différent de moi que cette peinture : je n'étais pas meilleur si l'on veut, mais j'étais autre. On ne me rendait justice ni dans le bien ni dans le mal : en m'accordant des vertus que je n'avais pas on me faisait un méchant, et au contraire avec des vices qui n'étaient connus de personne je me sentais bon. A être mieux jugé j'aurais pu perdre parmi le vulgaire, mais j'aurais gagné parmi les sages, et je n'aspirai jamais qu'aux suffrages de ces derniers.

     Voilà non seulement les motifs qui m'ont fait faire cette entreprise, mais les garants de ma fidélité à l'exécuter. Puisque mon nom doit durer parmi les hommes, je ne veux point qu'il y porte une réputation mensongère ; je ne veux point qu'on me donne des vertus ou des vices que je n'avais pas, ni qu'on me peigne sous des traits qui ne furent pas les miens. Si j'ai quelque plaisir à penser que je vivrai dans la postérité, c'est par des choses qui me tiennent de plus près que les lettres de mon nom ; j'aime mieux qu'on me connaisse avec tous mes défauts et que ce soit moi-même, qu'avec des qualités controuvées, sous un personnage qui m'est étranger.

     Peu d'hommes ont fait pis que je n'ai fait, et jamais homme n'a dit de lui-même ce que j'ai à dire de moi. Il n'y a point de vice de caractère dont l'aveu ne soit plus facile à faire que celui d'une action noire ou basse, et l'on peut être assuré que celui qui ose avouer de telles actions avouera tout. Voilà la dure mais sûre preuve de ma sincérité. Je serai vrai ; je le serai sans réserve ; je dirai tout ; le bien, le mal, tout enfin. Je remplirai rigoureusement mon titre, et jamais la dévote la plus craintive ne fit un meilleur examen de conscience que celui auquel je me prépare ; jamais elle ne déploya plus scrupuleusement à son confesseur tous les replis de son âme que je vais déployer tous ceux de la mienne au public. Qu'on commence seulement à me lire sur ma parole ; on n'ira pas loin sans voir que je veux la tenir.

     Il faudrait pour ce que j'ai à dire inventer un langage aussi nouveau que mon projet : car quel ton, quel style prendre pour débrouiller ce chaos immense de sentiments si divers, si contradictoires, souvent si vils et quelquefois si sublimes dont je fus sans cesse agité ? Que de riens, que de misères ne faut-il pas que j'expose, dans quels détails révoltants, indécents, puérils et souvent ridicules ne dois-je pas entrer pour suivre le fil de mes dispositions secrètes, pour montrer comment chaque impression qui a fait trace en mon âme y entra pour la première fois ? Tandis que je rougis seulement à penser aux choses qu'il faut que je dise, je sais que des hommes durs traiteront encore d'impudence l'humiliation des plus pénibles aveux ; mais il faut faire ces aveux ou me déguiser ; car si je tais quelque chose on ne me connaîtra sur rien, tant tout se tient, tant tout est un dans mon caractère, et tant ce bizarre et singulier assemblage a besoin de toutes les circonstances de ma vie pour être bien dévoilé.

     Si je veux faire un ouvrage écrit avec soin comme les autres, je ne me peindrai pas, je me farderai. C'est ici de mon portrait qu'il s'agit et non pas d'un livre. Je vais travailler pour ainsi dire dans la chambre obscure ; il n'y faut point d'autre art que de suivre exactement les traits que je vois marqués. Je prends donc mon parti sur le style comme sur les choses. Je ne m'attacherai point à le rendre uniforme ; j'aurai toujours celui qui me viendra, j'en changerai selon mon humeur sans scrupule, je dirai chaque chose comme je la sens, comme je la vois, sans recherche, sans gêne, sans m'embarrasser de la bigarrure. En me livrant à la fois au souvenir de l'impression reçue et au sentiment présent je peindrai doublement l'état de mon âme, savoir au moment où l'événement m'est arrivé et au moment où je l'ai décrit ; mon style inégal et naturel, tantôt rapide et tantôt diffus, tantôt sage et tantôt fou, tantôt grave et tantôt gai fera lui-même partie de mon histoire. Enfin quoi qu'il en soit de la manière dont cet ouvrage peut être écrit, ce sera toujours par son objet un livre précieux pour les philosophes : c'est je le répète, une pièce de comparaison pour l'étude du cœur humain, et c'est la seule qui existe. »
Doc 4 Rousseau, Confessions, fin du livre IV (le projet de dire la vérité et le rôle du lecteur), extrait.

    « Ces longs détails de ma première jeunesse auront paru bien puérils et j'en suis fâché : quoique né homme à certains égards, j'ai été longtemps enfant et je le suis encore à beaucoup d'autres. Je n'ai pas promis d'offrir au public un grand personnage ; j'ai promis de me peindre tel que je suis et pour me connaître dans mon âge avancé, il faut m'avoir bien connu dans ma jeunesse. Comme en général les objets font moins d'impression sur moi que leurs souvenirs et que toutes mes idées sont en images, les premier traits qui se sont gravés dans ma tête y sont demeurés, et ceux qui s'y sont empreints dans la suite se sont plutôt combinés avec eux qu'ils ne les ont effacés. Il y a une certaine succession d'affections et d'idées qui modifient celles qui les suivent et qu'il faut connaître pour en bien juger. Je m'applique à bien développer partout les premières causes pour faire sentir l'enchaînement des effets. Je voudrais pouvoir en quelque façon rendre mon âme transparente aux yeux du lecteur, et pour cela je cherche à la lui montrer sous tous les points de vue, à l'éclairer par tous les jours, à faire en sorte qu'il ne s'y passe pas un mouvement qu'il n'apercoive, afin qu'il puisse juger par lui-même du principe qui les produit.

    Si je me chargeais du résultat et que je lui disse : tel est mon caractère, il pourrait croire, sinon que je le trompe, au moins que je me trompe. Mais en lui détaillant avec simplicité tout ce qui m'est arrivé, tout ce que j'ai fait, tout ce que j'ai pensé, je ne puis l'induire en erreur à moins que je ne le veuille, encore même en le voulant n'y parviendrais-je pas aisément de cette façon. C'est à lui d'assembler ces éléments et de déterminer l'être qu'ils composent ; le résultat doit être son ouvrage, et s'il se trompe alors, toute l'erreur sera de son fait. Or il ne suffit pas pour cette fin que mes récits soient fidèles il faut aussi qu'ils soient exacts. Ce n'est pas à moi de juger de l'importance des faits, je les dois tous dire, et lui laisser le soin de choisir. C'est à quoi je me suis appliqué jusqu'ici de tout mon courage, et je ne me relâcherai pas dans la suite. Mais les souvenirs de l'âge moyen sont toujours moins vifs que ceux de la première jeunesse. J'ai commencé par tirer de ceux-ci le meilleur parti qu'il m'était possible. Si les autres me reviennent avec la même force, des lecteurs impatients s'ennuyeront peut-être, mais moi je ne serai pas mécontent de mon travail. Je n'ai qu'une chose à craindre dans cette entreprise ; ce n'est pas de trop dire ou de dire des mensonges ; mais c'est de ne pas tout dire, et de taire des vérités. »
Doc. 5 Rousseau, préambule du texte définitif

« Intus, et in Cute

1. Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple, et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi. 

2. Moi seul. Je sens mon cœur et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus ; j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m'a jeté, c'est ce dont on ne peut juger qu'après m'avoir lu.

3. Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra ; je viendrai ce livre à la main me présenter devant le souverain juge. Je dirai hautement : voilà ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus. J'ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n'ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon, et s'il m'est arrivé d'employer quelque ornement indifférent, ce n'a jamais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire ; j'ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l'être, jamais ce que je savais être faux. Je me suis montré tel que je fus, méprisable et vil quand je l'ai été, bon, généreux, sublime, quand je l'ai été ; j'ai dévoilé mon intérieur tel que tu l'as vu toi-même. Etre éternel, rassemble autour de moi l'innombrable foule de mes semblables : qu'ils écoutent mes confessions, qu'ils gémissent de mes indignités, qu'ils rougissent de mes misères. Que chacun d'eux découvre à son tour son cœur aux pieds de ton trône avec la même sincérité ; et puis qu'un seul te dise, s'il l'ose : je fus meilleur que cet homme-là. »
Revoir les textes déjà étudiés en classe :

Doc. 6 Montaigne, Essais, « Au lecteur »

    « C'est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t'avertit dès l'entrée que je ne m'y suis proposé aucune fin, que domestique et privée. Je n'y ai eu nulle considération de ton service, ni de ma gloire. Mes forces ne sont pas capables d'un tel dessein. Je l'ai voué à la commodité particulière de mes parents et amis : à ce que m'ayant perdu (ce qu'ils ont à faire bientôt) ils y puissent retrouver aucuns traits de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent plus entière et plus vive la connaissance qu'ils ont eue de moi. Si c'eût été pour rechercher la faveur du monde, je me fusse mieux paré et me présenterais en une marche étudiée. Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention ni artifice : car c'est moi que je peins. Mes défauts s'y liront au vif, et ma forme naïve, autant que la révérence publique me l'a permis. Que si j'eusse été entre ces nations qu'on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois de nature, je t'assure que je m'y fusse très volontiers peint tout entier, et tout nu. Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre : ce n'est pas raison que tu emploies ton loisir en un sujet si frivole et si vain. Adieu donc : de Montaigne, ce premier de mars mille cinq cent quatre-vingt. »
Doc. 7 Montaigne, Essais, Livre III ch. 2 « Du repentir » :

    « Les autres forment l’homme ; je le récite et en représente un particulier bien mal formé, et lequel, si j’avais à façonner de nouveau, je ferais vraiment bien autre qu’il n’est. Méshui, c’est fait. Or les traits de ma peinture ne fourvoient point, quoiqu’ils se changent et diversifient. Le monde n’est qu’une branloire pérenne. Toutes choses y branlent sans cesse : la terre, les rochers du Caucase, les pyramides d’Egypte, et du branle public et du leur. La constance même n’est autre chose qu’un branle plus languissant. Je ne puis assurer mon objet. Il va trouble et chancelant, d’une ivresse naturelle. Je le prends en ce point, comme il est, en l’instant que je m’amuse à lui. Je ne peins pas l’être. Je peins le passage : non un passage d’âge en autre, ou, comme dit le peuple, de sept en sept ans, mais de jour en jour, de minute en minute. Il faut accommoder mon histoire à l’heure. Je pourrai tantôt changer, non de fortune seulement, mais aussi d’intention. C’est un contrôle de divers et muables accidents et d’imaginations irrésolues et, quand il y échoit, contraires ; soit que je sois autre moi-même, soit que je saisisse les sujets par autres circonstances et considérations. Tant y a que je me contredis bien à l’aventure, mais la vérité, comme disait Demade, je ne la contredis point. Si mon âme pouvait prendre pied, je ne m’essaierais pas, je me résoudrais ; elle est toujours en apprentissage et en épreuve.

    Je propose une vie basse et sans lustre, c’est tout un. On attache aussi bien toute la philosophie morale à une vie populaire et privée qu’à une vie de plus riche étoffe; chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition. (…) »
Doc. 8, Montaigne, Essais, II, 18 (« Du Desmentir » extrait) : l’écriture aide à se connaître :

« Et quand personne ne me lira, ay-je perdu mon temps, de m'estre entretenu tant d'heures oisives, à pensements si utiles et aggreables ? Moulant sur moy cette figure, il m'a fallu si souvent me testonner et composer, pour m'extraire, que le patron s'en est fermy, et aucunement formé soy-mesme. Me peignant pour autruy, je me suis peint en moy, de couleurs plus nettes, que n'estoyent les miennes premieres. Je n'ay pas plus faict mon livre, que mon livre m'a faict. Livre consubstantiel à son autheur, d'une occupation propre, membre de ma vie, non d'une occupation et fin tierce et estrangere, comme tous autres livres. » (je souligne)
Diversifier les références :

Auteurs contemporains :

Michel Leiris, dans L’Age d’homme (1939), Sartre dans Les Mots (1964), Nathalie Sarraute dans Enfance (1983), s’efforcent de comprendre des traumatismes ou des souffrances/expériences décisives qui ont influencé la formation d’une personnalité.

-Leiris : à 5 ans, s’est senti trahi par les siens : on l’emmène sans explication chez un chirurgien pour l’ablation des végétations (l’enfant s’imaginait même qu’ils allaient au cirque !). « Cela se déroula, point pour point, ainsi qu’un coup monté et j’eus le sentiment qu’on m’avait attiré dans un abominable guet-apens ».

-Sartre : scène des cheveux coupés, la « merveille » transformée en « crapaud ».

-Sarraute : s’interroge sur les raisons pour lesquelles sa mère et elle se sont éloignées l’une de l’autre. (Gallimard, Folio, p. 75)
Penser à l’autobiographie fictionnelle :

Personnages d’autobiographies imaginaires : Roquentin dans La Nausée de Sartre, Hadrien dans les Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar, comprennent aussi qu’il faut s’écrire pour arriver à se définir. « Le paysage de mes jours semble se composer comme les régions de montagne de matériaux divers. Ça et là affleurent les grains de l’inévitable  ; partout les éboulements du hasard. » (Mémoires d’Hadrien, Gallimard, Folio p. 35.)

Cas particulier de l’autobiographie d’écrivain :

Chercher la source, les prémices d’une vocation littéraire ?

Sartre intitule ainsi de façon significative les deux parties de son récit d’enfance, « Lire » et « Ecrire ».

Les problèmes de l’écriture autobiographique :

Montaigne décrit une contradiction de l’écriture autobiographique : préserver dans le figé de l’écrit la mouvance du vécu (extrait ci-dessus, III,2)
Doc. 9 Stendhal (Henri Beyle dit Stendhal), extrait de la Vie de Henry Brulard. Les remords anticipés d’un « égotiste »…

« Le soir en rentrant assez ennuyé de la soirée de l’ambassadeur je me suis dit : je devrais écrire ma vie, je saurai peut-être enfin, quand cela sera fini dans deux ou trois ans, ce que j’ai été, gai ou triste, homme d’esprit ou sot, homme de courage ou peureux, et enfin au total heureux ou malheureux, je pourrai faire lire ce manuscrit à di Fiori.

Cette idée me sourit. Oui, mais cette effroyable quantité de Je et de Moi ! Il y a de quoi donner de l’humeur au lecteur le plus bénévole. Je et Moi, ce serait, au talent près, comme M. de Chateaubriand, ce roi des égotistes.

De je mis avec moi tu fais la récidive...

Je me dis ce vers à chaque fois que je lis une de ses pages.

On pourrait écrire, il est vrai, en se servant de la troisième personne, il fit, il dit. Oui, mais comment rendre compte des mouvements intérieurs de l’âme ? c’est là-dessus surtout que j’aimerais consulter di Fiori.

[…]

Voici le raisonnement qui m’a rassuré à l’égard de ces Mémoires. Supposons que je continue ce manuscrit et qu’une fois écrit je ne le brûle pas ; je le léguerai non à un ami qui pourrait devenir dévot ou vendu à un parti comme ce jean-sucre de Thomas Moore, je le léguerai à un libraire, par exemple à M. Levavasseur (place Vendôme, Paris).

Voilà donc un libraire qui après moi reçoit un gros volume relié de cette détestable écriture. Il en fera copier quelque peu, et lira : si la chose lui semble ennuyeuse, si personne ne parle plus de M. de Stendhal, il laissera là le fatras qui sera peut-être retrouvé deux cents ans plus tard comme les Mémoires de Benvenuto Cellini.

S’il imprime et que la chose semble ennuyeuse, on en parlera au bout de trente ans comme aujourd’hui l’on parle du poème de la Navigation de cet espion d’Esménard dont il était si souvent question aux déjeuners de M. Daru en 1802. Et encore cet espion était, ce me semble, censeur ou directeur de tous les journaux qui le poffaient (de to puff) à outrance toutes les semaines. C’était le Salvandy de ce temps-là, encore plus impudent, s’il se peut, mais avec bien plus d’idées.

Mes Confessions n’existeront donc plus trente ans après avoir été imprimées, si les Je et les Moi assomment trop les lecteurs ; et toutefois j’aurai eu le plaisir de les écrire, et de faire à fond mon examen de conscience. De plus, s'il y a succès, je cours la chance d'être lu en 1900 par les âmes que j'aime, les Madame Roland, les Mélanie Guilbert, les... »
Nathalie Sarraute, dans l’ouverture d’Enfance, cerne, en un dialogue humoristique avec elle-même, les deux impasses de l’écriture autobiographique : comment retrouver aujourd’hui les vrais sentiments d’autrefois ? comment ne pas figer la vie dans l’écriture ? Il y a là un refus du projet autobiographique traditionnel : le narrateur principal est « tenté » par l'évocation des souvenirs d'enfance et se défend d'abandonner l'esthétique qu'il a adoptée dans ses précédentes œuvres. Son interlocuteur, le "double", permet au narrateur principal de se justifier sur son projet littéraire, de s'interroger sur ses motivations. En relançant incessamment le dialogue, il contribue à faire naître la vérité sur l'entreprise littéraire et sur les intentions de son interlocuteur. Dans cet incipit, on n'apprend rien sur l'auteur, contrairement à d'autres préambules d’autobiographies (par exemple les Confessions de Rousseau).
Doc. 10 Nathalie Sarraute (1900-1999), Enfance (1983), incipit (Nathalie Sarraute, Enfance, 1983, © Gallimard)

«  — Alors, tu vas vraiment faire ça ? « Évoquer tes souvenirs d’enfance »... Comme ces mots te gênent, tu ne les aimes pas. Mais reconnais que ce sont les seuls mots qui conviennent. Tu veux « évoquer tes souvenirs »... il n’y a pas à tortiller, c’est bien ça.

— Oui, je n’y peux rien, ça me tente, je ne sais pas pourquoi...

— C’est peut-être... est-ce que ce ne serait pas... on ne s’en rend parfois pas compte... c’est peut-être que tes forces déclinent...

— Non, je ne crois pas... du moins je ne le sens pas...

— Et pourtant ce que tu veux faire... « évoquer tes souvenirs »... est-ce que ce ne serait pas...

— Oh, je t’en prie...

— Si, il faut se le demander : est-ce que ce ne serait pas prendre ta retraite ? te ranger ? quitter ton élément, où jusqu’ici, tant bien que mal...

— Oui, comme tu dis, tant bien que mal.

— Peut-être, mais c’est le seul où tu aies jamais pu vivre... celui...

— Oh, à quoi bon ? je le connais.

— Est-ce vrai ? Tu n’as vraiment pas oublié comment c’était là-bas ? comme là-bas tout fluctue, se transforme, s’échappe... tu avances à tâtons, toujours cherchant, te tendant... vers quoi ? qu’est-ce que c’est ? ça ne ressemble à rien... personne n’en parle... ça se dérobe, tu l’agrippes comme tu peux, tu le pousses... où ? n’importe où, pourvu que ça trouve un milieu propice où ça se développe, où ça parvienne peut-être à vivre... Tiens, rien que d’y penser...

— Oui, ça te rend grandiloquent. Je dirai même outrecuidant. Je me demande si ce n’est pas toujours cette même crainte... Souviens-toi comme elle revient chaque fois que quelque chose d’encore informe se propose... Ce qui nous est resté des anciennes tentatives nous paraît toujours avoir l’avantage sur ce qui tremblote quelque part dans les limbes...

— Mais justement, ce que je crains, cette fois, c’est que ça ne tremble pas... pas assez... que ce soit fixé une fois pour toutes, du « tout cuit », donné d’avance...

— Rassure-toi pour ce qui est d’être donné... c’est encore tout vacillant, aucun mot écrit, aucune parole ne l’ont encore touché, il me semble que ça palpite faiblement... hors des mots... comme toujours... des petits bouts de quelque chose d’encore vivant... je voudrais, avant qu’ils disparaissent... laisse-moi...

— Bon. Je me tais... d’ailleurs nous savons bien que lorsque quelque chose se met à te hanter...

— Oui, et cette fois, on ne le croirait pas, mais c’est de toi que me vient l’impulsion, depuis un moment déjà tu me pousses...

— Moi ?

— Oui, toi par tes objurgations, tes mises en garde... tu le fais surgir... tu m’y plonges... »




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