télécharger 389.31 Kb.
|
2) Une action pluridisciplinaire Chaban-Delmas annonce la naissance d’une « Nouvelle Société », libérale, modernisée et ouverte au progrès social. Duhamel approuve ce Plan et l’adapte à sa politique culturelle : il veut amener la culture dans le quotidien des gens, au cœur de la société. C’est une action générale, d’ensemble. Il veut donc intéresser les enfants aux arts, profiter de la disposition d’initiation des adultes. Duhamel veut que ces nouveaux concepts soient dirigés et appliqués localement. Il veut une déconcentration des pouvoirs et non un dictat de l’Etat. Le pouvoir doit être géré par les directions, les ministères, les associations et les communautés, dans une concertation organisée. Tous les arts doivent être pris en compte et surtout les actions expérimentales plutôt que normatives. Il privilégie les partenariats aux subventions. 3) Une méthode sous contrat Duhamel préfère les contrats que les actions administratives. Il met alors en place des chartes culturelles avec la télévision, la radio, le théâtre. Ainsi pour couvrir le déficit des films de cinéma face aux films télévisés, la télévision reverse une somme annuelle (cinq millions de francs) au Fonds de soutien du cinéma, et accepte un contrôle du contenu de ses programmes. On soulage France Culture (non rentable) de ses démons budgétaires. On pousse les théâtres nationaux à aller vers le public. Le financement du FIC (Fonds d’intervention culturelle) est partagé entre le Premier Ministre, les ministères et les collectivités locales, pour renforcer son soutien aux innovations et expérimentations27. 4) Un mouvement d’ouverture Duhamel crée pour les jeunes créateurs d’arts plastiques l’aide à la première exposition. Il applique le système de prescription28 à tous les bâtiments publics (et pas seulement les écoles), allant même à l’étendre jusqu’au cinéma, à la musique et aux musées. Dans le domaine des monuments historiques, Duhamel est en rupture totale avec les théories de son prédécesseur : il préfère sauver beaucoup de monuments publics et privés pour quelques temps, que quelques grands monuments à vie. Il veut les ouvrir au public plutôt que d’en faire des vestiges inertes de l’histoire de l’art. Il crée les Etablissements culturels intégrés (ECI) regroupant divers équipements collectifs (culturel, scolaire, sportif, social, et socio-éducatif). Il crée les Centres culturels communaux pour favoriser la constitution d’un réseau culturel. Duhamel compte sur les hommes plus que sur les institutions. Il intègre les professionnels et les artistes aux décisions, aux directions à suivre. Cette modestie de l’Etat est une nouvelle méthode qui n’a, jusque là, jamais marché nulle part dans le monde. Duhamel préfère les explications, les discussions plutôt que la surenchère, le caractère médiatique, le spectaculaire. Il lance ici une politique démocratique et libérale qui va perdurer. IV. Le Ministère de Michel Guy Quasiment tous les ministres qui succéderont à Malraux et Duhamel vont continuer la politique culturelle qu’ils avaient mise en œuvre. Les budgets vont eux aussi suivre durant les gouvernements successifs. Malgré une « force » artistique de gauche et des gouvernements de droite, l’essor de la culture va perdurer. Six ministres vont se suivre à la tête du Ministère de la Culture : Maurice Druon (1973-1974), Alain Peyrefitte (1974-1974), Michel Guy (1974-1976), Françoise Giroud (1976-1977), Michel d’Ornano (1977-1978) et Jean-Philippe Lecat (1978-1981). Michel Guy se démarque des autres par ses actions. Il crée les chartes culturelles avec les régions et les villes. Ces unions, ces accords entre Etat et territoires, sous forme de contrat de développement, sont une véritable innovation (Jack Lang les reprendra, les développera et les renommera Conventions de développement culturel). M. Guy crée le Musée du cinéma et double les « avances sur recettes ». Il décide de promouvoir la photographie dans les arts visuels. Malgré un budget bloqué (par Giscard d’Estaing), Michel Guy a marqué son temps. L’administration culturelle se renforce au fil des années. V. Le Ministère de Jack Lang Jack Lang va devenir une référence internationale en politique culturelle. Il dirige le Ministère de la Culture de 1981 à 1993, avec une « pause » de 1986 à 1988. 1) Nouveau budget Chose exceptionnelle, dès 1982, sous le gouvernement du président François Mitterrand, il va obtenir le doublement du budget de son ministère. Ce dernier ne constituait jusque là moins de 0,5% du budget national, soit trois milliards de francs des 700 milliards de francs du budget national. Il va pouvoir modernisé efficacement la culture, en comblant les retards les plus importants, mais surtout en continuant les concepts et idées de Malraux et Duhamel. Les crédits pour les monuments historiques doublent (passant de un à deux milliards). Les dépenses effectuées pour l’archéologie sont multipliées par cinq et on titularise les archéologues. Jack Lang quintuple les centres d’art contemporain (passant de trois à quatorze). Il double le budget et le personnel pour des théâtres nationaux et de la recherche scientifique en rapport avec la culture. Il donne les moyens aux compagnies chorégraphiques de danse d’exister en permanence (au nombre de 13). Il subventionne trois fois plus de compagnies théâtrales (passant de 200 à 700). Les crédits distribués aux troupes de théâtres sont multipliés par sept (allant même jusqu’à aider des troupes lycéennes). Il multiplie toutes les actions mises en œuvre par ces prédécesseurs. Lang continue de moderniser les musées en quadruplant les aides (passant de 300 à 1200 musées rénovés). Il crée vingt-deux Fonds régionaux d’acquisition des musées (FRAM) et vingt-deux Fonds régionaux d’arts contemporains (FRAC)29. L’offre culturel devient presque « suffisante » tellement les développements sont importants. Même certains milieux peuvent investir pour l’avenir car les budgets le permettent (exemple pour les troupes de théâtre). Lang en rattrapant les retards, atteint quasiment une limite artistique. 2) Augmentation de la déconcentration La déconcentration fait aussi partie de cette modernisation accélérée. Les aides financières sont versées aux administrations et établissements publics en plus des institutions. On incite l’administration du ministère à se déconcentrer en province, plutôt que de rester à Paris comme c’est le cas depuis toujours. Ainsi la décentralisation pourrait être enfin appliquée. Les lois Defferre de 198230 et 1983 appuient cette volonté : « Des lois détermineront la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, ainsi que la répartition des ressources publiques résultant des nouvelles règles de la fiscalité locale et des transferts de crédits de l'Etat aux collectivités territoriales, l'organisation des régions, les garanties statutaires accordées aux personnels des collectivités territoriales, le mode d'élection et le statut des élus, ainsi que les modalités de la coopération entre communes, départements et régions, et le développement de la participation des citoyens à la vie locale. En ce qui concerne les départements d'outre-mer, la présente loi s'applique jusqu'à promulgation de lois adaptant certaines de ses dispositions à la spécificité de chacune des collectivités concernées. »31 Elles ont créé un point de non-retour dans cette quête volontariste de diffusion de la culture à tous les échelons de l’organisation sociale (capitale, régions, cantons, villes quartiers). Car la création d’équipements culturels (musées, centres culturels, médiathèques…) reste aujourd’hui la réponse politique de la nation à l’impératif culturel, si local soit-il.32 En dix ans, Lang multiplie par dix l’effectif des vingt-deux Directions régionales des affaires culturelles (DRAC). Il crée les « conventions de développement culturel ». Il en naît cent par an avec cinq cents collectivités. 3) Formation des professionnels Pour pérenniser sa politique et ses actions, Lang pense aux spécialistes qui les animent. Il crée l’Ecole nationale du patrimoine, pour les monuments historiques et les musées. Il fait réhabiliter l’Institut des hautes études du cinéma. Il installe les Conservatoires nationaux supérieurs de musique de Lyon et Paris dans de nouveaux locaux très modernes. Il réinstalle aussi l’Ecole du Louvre en agrandissant sa superficie et ses effectifs. Grâce aux Agences pour la gestion des équipements culturels (AGEC) ou aux formations universitaires (DESS), il fait former les futurs gestionnaires des établissements culturels. Il crée en douze ans plus de huit mille postes d’acteurs, de techniciens, d’administrateurs, d’ingénieurs de projet, d’archéologues, d’ethnologues et de danseurs. 4) L’école et l’art L’éducation en milieu scolaire est enfin modernisée. Son budget passe de 500.000 francs à 500.000.000 francs : un bon énorme mais qui ne sera pas encore assez important. Jack Lang propose dans les lycées un bac à option artistique avec la création d’une centaine de « sections de spécialité ». Il crée en plus à tous les échelons plus de sept cents classes culturelles. Il crée l’opération « collège au cinéma »33 Il espère ainsi attirer l’attention et « provoquer » l’intérêt des jeunes dès le collège pour qu’ils se dirigent ensuite au lycée puis à l’université dans des classes d’option cinéma. Jack Lang fait participer les collectivités locales à ses évolutions, encore trop limitées et insuffisantes. Mais elles existent, un pas en avant a été franchi dans ces domaines. . L’éducation artistique existe réellement dans les textes qu’avec la création de la DDF en 1986 (Délégation au développement et aux formations) qui se voit confier la mission de « faciliter l’éducation artistique et le rapprochement des professionnels de la culture avec leur public, en particulier le public scolaire »34. 5) Une fenêtre vers l’étranger Jack Lang veut moderniser la culture en créant une ouverture vers l’international. Il ne veut pas simplement faire briller à l’étranger la culture nationale, mais il souhaite accueillir intelligemment toutes les cultures du monde. Il fait accueillir à Paris de grands artistes étrangers. Ils dirigent même quelques grands monuments de la capitale : Odéon, Opéra de Paris, Orchestre de Paris. Jack Lang multiplie par cent les budgets alloués à l’action internationale. Il crée un Fonds audiovisuel international (pour des projets allant jusqu’à la Russie). Il crée une Maison des cultures du monde. Il fait professionnaliser et internationaliser la musique et le cinéma africains. Ce nouveau concept de l’action internationale va continuer et augmenter. Cette « exception française », d’augmenter le budget de la culture alors que la politique budgétaire générale est de diminuer les charges de l’Etat est enviée partout dans le monde. Cette modernisation est un cas unique. Alors que Malraux jouait plus le jeu de la qualité, Lang joue le jeu de la quantité. Les ministres de droite (Léotard en 1986, Toubon en 1993) ne changeront rien à cette évolution budgétaire. 6) Extension du champ d’action Jack Lang a voulu élargir le champ culturel de l’Etat à des arts moins « nobles » et ainsi, différencier et augmenter le public de la culture, populariser la culture. Les pratiques culturelles dites mineures, pourtant déjà « plébiscitées » et largement adoptées par la jeunesse, ont été pris en charge par l’action de l’Etat : la chanson, le jazz, les musiques populaires, le design, la mode, la publicité. Jack Lang a financé des lieux de répétition pour les groupes de rock. Il a crée un Centre national de la chanson. Avec l’aide financière des villes, il crée des grandes salles de concerts35, les Zéniths dans quelques grandes villes. Il subventionne un Orchestre national de jazz. Il fait entrer définitivement la photographie dans les musées. Il donne des endroits d’expression à la mode et ses créateurs, près du Louvre. Dans les musées spécifiques, la bande dessinée, et les affiches publicitaires triomphent. Jack Lang subventionne et officialise l’art culinaire et la création industrielle. Beaucoup d’intellectuels vont alors monter au créneau, critiquant cet excès d’élargissement et de légitimation culturels. Ils pensaient alors que tout cela n’était qu’un prétexte (plutôt qu’une véritable envie) servant à mettre en valeur Jack Lang, à le rendre populaire. Pourtant, cette extension du champ d’action de la politique culturelle a été assez marginale et n’a représenté que 2% du budget global de la culture. Toutes ces ambitions n’ont pas perduré (dix ans après, le Centre national de la chanson a quasiment disparu, la création industrielle n’a pas toujours perduré, seul le Musée de la bande dessinée à Angoulême est devenu une véritable institution) mais un élan a été donné, un mouvement est né. 7) L’intégration à la vie économique Jusqu’à maintenant, l’action culturelle se tournait vers la conservation. Le fait de l’insérer dans un développement économique contemporain est une véritable avancée, un bouleversement. L’Etat, sous la houlette de Jack Lang, se préoccupe des industries culturelles comme le cinéma, le disque, le livre et les médias audiovisuels. C’est par souci d’organisation plus qu’une simple aide financière qu’il s’y intéresse. Ainsi, pour faciliter le financement du cinéma, Lang propose un Institut du financement du cinéma et des industries culturels (IFCIC), des Sociétés de financement du cinéma et de l’audiovisuel (SOFICA). Lang a même sauvé beaucoup d’entreprises privées qui servaient en fait l’intérêt public : les salles de cinéma privé ont été sauvées. Pour aider les associations et les entreprises culturelles à se moderniser, on a même créé des Associations pour la gestion des entreprises culturelles (AGEC). Le fait de considérer le marché privé de la culture donne Lang à la possibilité de le soutenir. Mais il ne va pas se servir du budget de l’Etat. Il fait voter des lois qui vont l’aider économiquement : une loi sur le prix du livre36, une loi pour le soutien des éditions par le Centre national des lettres37, une loi sur les droits d’auteurs et les droits voisins38. Lang a ainsi généré, sans toucher au budget de l’Etat, deux milliards de francs par an, pour les professionnels privé de la culture. Ce rapprochement de la culture et de l’économie change la donne. L’intervention de l’Etat en matière de finances se diversifie. Certaines institutions se transforment, à l’image de la Réunion des musées qui se met à vendre des produits dérivés et réalise des bénéfices. Le Centre national de la cinématographie assure sa cogestion en taxant les billets d’entrée, pour ses professionnels privés. Il faut donc augmenter la vérification de toutes ces gestions financières. C’est pour cela que naissent de nouveaux fonctionnaires, les administrateurs culturels. Lang incite aussi les grandes entreprises au mécénat. Pour faire valoir leur image, elles aident l’action culturelle. Certes ce n’est pas une politique culturelle, mais cela décentralise certaine décision culturelle et cela amène de nouveau une économie nouvelle. C’est aussi une preuve que le soutien de la vie culturelle appartient à tout le monde, et pas seulement aux pouvoirs publics. La communication est enfin reconnue comme utile au niveau de l’Etat. L’information doit circuler, une image doit être créée. Elle doit motiver les personnels, dynamiser les gestionnaires. Enfin les politiques de communication ne sont plus une mode, mais un besoin, une utilité majeure. Ce rapprochement entre culture et économie forme une cassure avec le passé conservateur. Il permet surtout une amélioration de la condition des acteurs de la culture. Ils ne sont plus mis en marge. 8) Le point négatif : la médiatisation audiovisuelle Outre les nombreuses avancées dues au ministère de Jack Lang, il faut noter que c’est à cette époque que l’audiovisuel s’est éloigné de sa mission purement culturelle. Son rôle de médiateur, d’échanges, a laissé place à la médiatisation, avec ses logiques commerciales et technologiques. L’anti-culture audiovisuelle est née. Jack Lang était pourtant contre. Mais les pouvoirs publics vont vouloir opérer quelques actions en désaccord avec la politique du Ministre de la Culture, en voulant faire de certaines chaînes de la télévision, des chaînes commerçantes : confier la quatrième à Canal+, confier la cinquième chaîne à Berlusconi et aux groupes Lagardère et Hersant, confier la sixième à RTL. On autorise les radios libres à se fédérer en réseaux commerciaux sur tout le territoire, alors qu’elles devaient avoir une image de proximité. En voulant libérer la radio et la télévision, les pouvoirs publics ont en fait attiré les esprits mercantiles. Le besoin éducatif et artistique a été pris de court par la démarche commerciale des annonceurs, pour mettre en avant leurs produits. Cela n’a d’ailleurs pas changé, encore aujourd’hui. Après Malraux le prophète, Duhamel le politique, Lang le populaire a de nouveau suivi et continué la politique culturelle mise en place. Il a modernisé les administrations. Il a renouvelé et diversifié les services publics. La déconcentration et la décentralisation ont encore progressé : les DRAC gèrent la majeure partie des budgets d’intervention de l’Etat, de nombreuses commissions ont été créées en province. Toutes les décisions ne sont plus prises par le ministre ou ses directeurs. Ce nouveau concept de gestion évite les retards. Les collectivités locales et leurs budgets se sont immiscés dans la politique culturelle : les communes et départements ont quadruplé leurs budgets, les régions l’ont triplé. C’est maintenant quatre partenaires qui gèrent la culture en France : l’Etat et ses ministères, les collectivités territoriales, le mécénat et le marché des consommateurs. L’action culturelle s’est réellement renforcée. VI. De 1993 à aujourd’hui : refondation des politiques culturelles 1) La fracture sociale Après les législatives de 1993, gagnées par la droite, Jack Toubon39 devient le nouveau ministre de La Culture et de la Communication sous le nouveau gouvernement d’Edouard Balladur. Il veut continuer le travail et suivre les concepts de ses prédécesseurs. Toubon détermine trois axes à sa politique : l’aménagement du territoire40, la formation et la sensibilisation de tous les publics à la culture, l’accroissement de l’action nationale à l’étranger. Le peuple et les politiciens se rendent bien compte que la culture est une exception, qu’elle ne peut être traitée comme un produit, comme une marchandise. Mais la culture n’est plus une priorité du gouvernement. Pire, le président (de gauche, François Mitterrand), ne soutient pas son ministre de la Culture, ce qui complique ses actions financières. On comprend alors que les progrès des années quatre-vingt en terme de culture, tenait d’un accroissement du budget mais surtout d’un soutien du président. En 1995, le pouvoir passe à droite avec l’élection de Jacques Chirac. La culture n’a pas fait partie des débats. Le nouveau ministre de la culture du gouvernement d’Alain Juppé est Philippe Douste-Blazy. Il souhaite faire une refondation des politiques culturelles. De ce souhait naît un rapport, le rapport Rigaud, livré en octobre 1996. Il appuie et confirme la position existante des services publics de la culture. Il montre que le modèle français est légitime, ce, avec l’appui de l’Etat. Il incite donc à redonner toutes les forces financières au ministère de la Culture, en se méfiant des exigences et demandes, vis-à-vis des dépenses, du ministère des Finances. On essaye donc de changer l’organisation de l’administration centrale du ministère. Cependant, l’éducation artistique et culturelle est toujours une priorité majeure (une cause nationale), tout comme la politique des industries culturelles. Mais toutes ces procédures de refondation de la politique du ministère de culture, sont violemment stoppées par la dissolution de l’Assemblée Nationale en 1997. 2) Restaurer le pacte La gauche remporte les législatives (anticipées) de 1997. Catherine Trautmann devient ministre de la Culture du gouvernement de Lionel Jospin. Elle aussi veut moderniser l’administration et continuer la réforme mise en marche (déconcentration et contrats avec les collectivités territoriales). En 1998, un budget de 15,1 milliards est alloué au Ministère (contre trois milliards en 1982) pour mettre en œuvre ses reconstructions. Un premier changement de cap vis-à-vis du passé va vite intervenir avec la création de la Charte des missions de service public du spectacle vivant : elle incite et pousse les concours publics et les institutions culturelles à se contractualiser. En juin 1999, on crée une charte avec les plus importantes fédérations d’éducation populaire. Elle vise à fortifier l’éducation artistique et culturelle et à développer les pratiques culturelles amateurs. La réapparition du populisme dans la société va alors influencer la politique. Catherine Trautmann affirme que l’Etat doit assurer la diversité culturelle, et non des groupes de pressions (lobbies). En Mars 2000, le gouvernement est remanié et c’est Catherine Tasca qui succède à Catherine Trautmann. Elle annonce alors les trois grandes lignes de sa politique : promouvoir le pluralisme culturel, favoriser l’accès à la culture et accentuer la décentralisation culturelle. Pour ce dernier point, des protocoles sont mis en œuvre pour clarifier le partage des tâches entre Etat et collectivités dans la décentralisation. Cela aboutit à des lois41 si attendues en matière de décentralisation. Le Ministère de la culture et celui de l’éducation nationale se rapprochent pour soutenir efficacement l’éducation artistique. Le ministère souhaite aider tous les projets « solitaires », hors institutions, qui participent pleinement à la vie culturelle et qui ne cessent de se développer. Les logiques économiques dirigent de plus en plus les actions culturelles : preuve en est avec le débat sur le prêt payant en bibliothèque qui divise les acteurs du livre. 3) Lutter contre l’uniformisation culturelle Les « normes culturelles » françaises ont toujours dues résister à celles européennes, voire mondiales. Pour le commerce, lorsqu’il faut négocier des accords internationaux, la France influence l’Union Européenne. Lors des pourparlers avec l’Organisation de coopération et développement économique en 1998, la France défend son « exception culturelle » pour négocier l’Accord multinational sur l’investissement. Elle refuse (sous la direction du gouvernement de Lionel Jospin) d’introduire un point culturel dans l’accord et se retire même des négociations. En 1999, la France définit ses positions à ses compagnons européens avant d’aller à Seattle, au sommet de l’Organisation mondiale du commerce. Elle défend de nouveau son exception culturelle et la fait « accepter » aux autres membres par un mandat stipulant : « L’Union veillera, pendant les prochaines négociations de l’OMC, à garantir, comme dans le cycle de l’Uruguay, la possibilité pour la Communauté et ses Etats membres de préserver et de développer leur capacité à définir et mettre en œuvre leurs politiques culturelles et audiovisuelles pour la préservation de leur diversité culturelle. »42 La globalité du gouvernement est favorable à la diversité culturelle, et est prête à la défendre. Jacques Chirac le rappelle en octobre 2001, dans son discours lors de la 31e conférence d’ l’Unesco. Il affirme que la diversité culturelle française est fondée sur la conviction que tous les peuples ont un message singulier à délivrer au monde, que tous les peuples peuvent enrichir l’humanité en apportant leur part de beauté et leur part de vérité. La culture n’a malheureusement pas une place importante dans les débats de la campagne présidentielle de 2002, ce jusqu’à la présence du candidat d’extrême droite Jean-Marie Le Pen. Là, les acteurs de la culture et de l’art vont se réveiller, par un élan anti-fasciste. Il est alors question de limites à la démocratisation culturelle. Mais cet élan n’amène finalement rien de nouveau. C’est la droite de Jacques Chirac qui remporte les élections. Jean-Jacques Aillagon est nommé ministre de la Culture et de la Communication dans le gouvernement Raffarin. Ses objectifs suivent ceux de ces prédécesseurs et perdurent la continuité de l’action culturelle. Il privilégie le patrimoine et la décentralisation, la violence à la télévision et les conditions de l’offre culturelle à la télévision. Il est respecté par les professionnels car il vient du monde de la culture, étant l’ancien directeur de Georges-Pompidou. Cependant ils vont vite s’inquiéter. En effet, le budget du ministère baisse, pour la première fois, de plus de 4% (soit un budget global de moins de 2,5 Milliards d’euros). Jean-Jacques Aillagon encourage le mécénat privé et pousse les grands établissements culturels à être indépendants. L’Etat s’inquiète du régime spécial attribué aux intermittents du spectacle pour leur assurance chômage, en y voyant un inégalité profitant à certains. Mais à l’arrière plan, c’est toute l’activité culturelle qui est en jeu. Les festivals de l’année 2003 sont alors énormément touchés (économiquement et temporairement) par ce conflit social qui se traîne. La politique du ministre a alors perdu toute la confiance des professionnels de la culture. C’est un retour de la critique de la politique culturelle. Malgré les observations de nombres de professionnels sur le manque de perspectives, la perte de sens et les impasses de la politique culturelle du ministre, rien n’avance. C’est le désappointement, la désespérance et la déception qui prennent place. Cette impression de désenchantement est renforcée par l’accélération de la déconcentration. C’est au niveau de la région que se gère la gestion de la culture, et non au niveau national. Or les DRAC n’ont pas demandé autant de responsabilités. Elles coordonnent et animent les politiques publiques. Certes les DRAC bénéficient de plus ou moins d’aides budgétaires et humaines. Mais elles sont maintenant l’interlocuteur et le relais financier de tous les services publics et des élus locaux. Les politiques nationales de la culture sont comme délaissées, atténuées, par cette déconcentration et décentralisation massives qui ne s’inquiètent guère des compétences requises par le cumul de toutes ces tâches et de tous ces rôles. Alors, l’exception culturelle française défendue à l’échelon internationale n’est plus en phase avec les directions de son Ministère de la Culture (dont les stratégies et les finances s’amenuisent). Mais ce combat pour la diversité culturelle est toujours le fondement majeur de l’action gouvernementale. En février 2003, Jacques Chirac appuie ce propos lors des 2e rencontres internationales de la Culture, à Paris, au siège de l’Unesco. Il déclare que la culture ne doit pas plier devant le commerce. Il la considère comme l’arme majeure pouvant faire face à la mondialisation, comme la signification du respect de l’autre et du dialogue entre les hommes. De nouveau, et ce malgré les conflits, la culture (ainsi que la lutte contre l’uniformisation et le diversité culturelle) demeure la conviction numéro un de la France. Suite au camouflet d’Aillagon avec la crise des intermittents (annulation des prestigieux festivals d’Avignon, Aix ou La Rochelle), c’est Renaud Donnedieu de Vabres qui prend sa place le 31 mars 2004, sous le gouvernement de Jean Pierre Raffarin (poste auquel il sera reconduit en juin 2005, sous le gouvernement Dominique De Villepin). Il se positionne lui aussi contre l’uniformisation culturelle, dans un discours en octobre 2005, lors des rencontres de Beaune : « Le constat est simple mais éloquent. Dans le domaine culturel en général, et dans le cinéma en particulier, l’uniformisation des œuvres et la concentration de l’offre ne font que progresser.[…] La conviction politique, c’est que le combat pour la diversité culturelle est mené au nom de valeurs universelles et humanistes. Pour lutter contre la standardisation culturelle, il faut défendre sans réfléchir la liberté de création et d’expression. Il faut se battre pour donner aux artistes la possibilité de fabriquer leurs œuvres écrites et leurs images, et permettre aux peuples de les lire et de les voir. Notre bataille n’a rien à voir avec le protectionnisme dont nous sommes parfois taxés. Je considère pour ma part que le repli des identités sur elles-mêmes ne mène au contraire qu’à la violence et à la négation des droits de l’homme. Je veux dire aussi que si le combat contre l’uniformisation doit être mené, je veux mener le combat plus positif de la promotion de la diversité culturelle. »43 Malgré ses bonnes pensées, il ne fait pas avancer le sulfureux dossier d’assurance chômage des intermittents du spectacle. Malgré son accord avec les syndicats prioritaires, il refuse d’intervenir directement dans le débat en conseillant les négociations entre les partenaires sociaux. Il crée un Fonds permanent de professionnalisation pour les exclus du statut, et appuie la signature par les syndicats d’un nouveau protocole en décembre 2006 (mais le problème n’est toujours pas réglé). Il défend et présente le projet de loi dit DADVSI (Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information) en 2005 et 2006 devant le parlement. Il est fortement critiqué par nombres d’associations, de députés, de professionnels du milieu, de magazines, de radios, d’artistes qui dénoncent la forte pénalisation du piratage, l’abandon de la copie privée On lui reproche aussi férocement son allégeance aux maisons de disques. Après une polémique intense et de longs débats, il finit par faire adopter la quasi-totalité de ses propositions. Il participe à la ratification de la France de la Convention sur la diversité culturelle (ratifiée par la communauté européenne). Il déclare justement peu de temps après : « La diversité culturelle est une exigence politique essentielle. Les artistes, tous autant qu’ils sont, dans leur diversité, doivent avoir la capacité de créer librement, et le public doit pouvoir accéder à leurs créations. C’est pourquoi, chaque Etat doit avoir le droit d’aider les créateurs sur son territoire comme il l’entend, et ce droit lui est désormais reconnu par la communauté internationale, grâce à l’adoption de la convention de l’Unesco. »44 Il est l’investigateur de la mise sur pied de la première chaîne française à portée internationale : France 24. Il est responsable du déploiement de la télévision numérique terrestre (TNT). Pour la restauration des monuments historiques il négocie un plan d’urgences avec un budget de 70 millions d’euros.45 En avril 2005, il ouvre aux sociétés extra-européennes le marché des aides au soutien du cinéma (avec certains critères dont le tournage en France). Il crée en mars 2007, l’opération « Vivre les villes » (dans la ligné de la fête de la musique), qui invite sur 3 jours les gens à découvrir l’architecture de leur ville. Le 18 mai 2007, suite à la victoire de Nicolas Sarkozy aux élections présidentielles, c’est Christine Albanel qui prend les commandes du Ministère de la culture et de la communication, sous le gouvernement Fillon II. Elle a annoncé ses priorités : les droits d’auteur et d’internet, la privatisation de France2 et la réforme du CSA. La nouvelle ministre est aussi porte-parole du gouvernement. Alors la culture serait-elle maintenant au service de l’Etat ? Les politiques culturelles ont été chamboulées par nombre de changements : la professionnalisation des acteurs des milieux culturels, la modernisation de la gestion, les contrats entre Etat et collectivités, l’indépendance des établissements culturels… La finalité générale des politiques culturelles est alors remise en cause (crise des intermittents). On remet en cause les formes de l’art et le pacte républicain. Les institutions ont pris en charge les différents organes de la culture. La lutte contre l’uniformisation est visiblement le chantier privilégié des derniers ministres de la Culture. Mais tout est-il mis en place pour favoriser ce combat ? |
![]() | «oubliées de l’interco»…, et pour les associations culturelles de sortir de leur coquille locale pour envisager leur développement... | ![]() | «oubliées de l’interco»…, et pour les associations culturelles de sortir de leur coquille locale pour envisager leur développement... |
![]() | ... | ![]() | «Symphonie d'Objets Abandonnés», «Concerto pour deux vélos», «L'Homme de Spa» ont été largement diffusés à travers le monde, et continuent... |
![]() | «Si je suis frappé par une maladie grave, je peux me dire à mon âge [il a 42 ans] que j’ai déjà vécu une existence entière», relève-t-il,... | ![]() | «Les proverbes ont par eux-mêmes un prix assez grand pour pouvoir se passer de celui que leur prêterait un habile agencement. Ils... |
![]() | «Les Arméniens Américains ne peuvent même pas supporter qu’un Arménien parle, s’il ne soutient pas leur position»… | ![]() | «programme d’un parti», puis comment, de temps en temps, celui-ci est fignolé et léché. On doit surtout regarder à la loupe les mobiles... |
![]() | «On leur donne la possibilité de monter à bord de ce vaisseau et puis IL y a toute une série de choses leur sont proposées en termes... | ![]() | «économie-monde», on peut analyser l’impact de la mondialisation sur les territoires, et les hiérarchiser en fonction de leur dynamisme... |