Cours pour les candidats à l’Agrégation







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Ces premiers exercices ne constituent d'ailleurs qu'un premier stade qu'il ne fau­drait pas tarder à dépasser. De la phrase et de la proposition, il faudrait passer aux paragraphes. Il faudrait mettre l'enfant en face d'un développement et l'inciter à le résoudre en ses éléments. Les leçons qu'on fait devant lui, leçons d'histoire ou autres, devraient être employées dans le même but. Il faudrait qu'elles fussent construites de manière à ce qu'il en vît clairement la composition. On commencerait par la lui mon­trer, au moyen non de résumés compassés, denses et indigestes, mais de plans qui mettraient en évidence les articulations de la pensée; dans d'autres cas, on l'inviterait à les retrouver de lui-même. En un mot, il faudrait que, pendant les premières années, la préoccupation dominante fût tout le temps de multiplier pour lui les occasions de décomposer et de recomposer sa pensée. Et c'est ainsi qu'on arriverait progressive­ment, sans hâte, à l'exercice de style proprement dit. Car l'exercice de style devrait être avant tout entendu, non comme un moyen d'apprendre à écrire élégamment, éloquemment, mais comme un exercice plus complexe d'analyse et de synthèse logique. S'il est nécessaire de lui donner des narrations en sa langue, ce n'est pas seulement pour qu'il sache s'exprimer avec grâce, c'est surtout parce qu'il n'y a pas de meilleure méthode pour apprendre à parler distinctement, en raison même du rôle spécial que joue le langage dans la vie intellectuelle. Et, comme l'étude des sciences suppose déjà l'habitude de penser distinctement, on voit que l'exercice de style n'est pas moins indispensable à la culture scientifique qu'à la culture dite littéraire.
Voilà pourquoi l'étude du langage - c'est-à-dire de la grammaire et de la langue - constitue l'assise commune de tout enseignement.
En commençant cet ouvrage, mon principal objet était de poser le problème de l'enseignement secondaire dans son unité. Nous pouvons voir aujourd'hui ce qui fait cette unité : c'est l'homme. Tout enseignement est nécessairement anthropocentrique, et c'est ce qu'avaient bien compris les humanistes. Seulement, l'homme n'est qu'une partie de l'Univers et n'en peut être détaché. D'où il suit que l'enseignement humain suppose un enseignement de la nature. Et, comme entre la nature et l'homme il n'y a pas seulement rapports de voisinage, mais une étroite parenté, comme l'homme est dans la nature et en sort, non seulement ces deux enseignements se complètent, mais ils se pénètrent mutuellement, ils agissent et réagissent l'un sur l'autre, il y a entre eux échange réciproque de bons offices, l'étude de la nature trouvant dans l'étude du langage, qui est une chose humaine au premier chef, une propédeutique nécessaire, et l'étude de l'homme trouvant dans celle de la nature des idées directrices et des méthodes dont elle doit s'inspirer. Si donc ces deux sortes de disciplines peuvent être inégalement développées, s'il est possible d'insister suivant les cas tantôt sur l'une et tantôt sur l'autre, si, sous ce rapport, il y a lieu d'introduire dans le système scolaire une certaine diversité, cependant il n'est pas d'enseignement qui puisse se passer ni des unes ni des autres.
On peut comprendre ainsi en quel sens l'enseignement doit être encyclopédique. Cette idée de la culture encyclopédique, nous l'avons vue se maintenir et se dévelop­per avec trop de persistance depuis les premières origines de notre évolution scolaire pour qu'il soit possible que ce soit une simple hallucination. Et, en effet, elle répond à cette idée très juste que la partie ne peut être comprise si l'on n'a la notion du tout duquel elle ressortit. Seulement la seule encyclopédie désirable et réalisable n'est pas celle que rêvait Rabelais, par exemple ; rien de plus vain que de chercher à entasser dans de jeunes cerveaux tout le matériel des connaissances humaines ; mais ce qui est possible, c'est de faire connaître aux esprits toutes les diverses attitudes mentales qui sont nécessaires pour qu'ils soient prêts à aborder un jour les diverses catégories de choses. C'est à cette condition que la culture encyclopédique n'impliquera aucun surmenage et aucune surcharge.
Et ainsi nous en venons tout naturellement au mot, à la formule qui résume cet idéal pédagogique, et qui sera notre conclusion. Notre but doit être de faire de chacun de nos élèves non un savant intégral, mais une raison complète. Déjà l'humanisme, sous sa forme la plus élevée, à savoir sous la forme cartésienne, avec Port-Royal et l'Oratoire et leurs imitateurs, proposait de former des raisons, mais des raisons de mathématiciens qui ne voyaient les choses que sous une forme simplifiée et idéale, qui réduisaient l'homme à la pensée claire, le monde à ses formes géométriques. Aujourd'hui encore, nous devons rester des cartésiens en ce sens qu'il nous faut former des rationalistes, c'est-à-dire des hommes qui tiennent à voir clair dans leurs idées, mais des rationalistes d'un genre nouveau, qui sachent que les choses, soit humaines, soit physiques, sont d'une complexité irréductible, et qui pourtant sachent regarder en face et sans défaillance cette complexité. Il faut que nos enfants conti­nuent à être exercés à penser distinctement, c'est là l'attribut essentiel de notre race, c'est là notre qualité nationale, et les qualités de notre langue et de notre style n'en sont que la conséquence. Mais il faut que nous cessions de prendre de simples combi­naisons conceptuelles pour la réalité; il faut que nous sentions davantage la richesse infinie du réel, que nous comprenions que nous ne pouvons arriver à le penser que lentement, progressivement, et toujours imparfaitement. Et c'est à quoi doit servir la triple culture qu'implique un enseignement qui se propose la formation intégrale de l'homme par les moyens les plus efficaces: la culture par les langues, la culture scientifique, la culture historique, telles que nous les avons définies.

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