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à partir de : LA CÉRAMIQUE CHINOISE Porcelaine orientale : date de sa découverte. Explication des sujets de décor. — Les usages divers. Classification. par Ernest GRANDIDIER (1833-1912) Firmin-Didot, Paris, 1894, in-4, II+232 pages+42 planches. Héliogravures par Dujardin, reproduisant cent vingt-quatre pièces de la collection de l'auteur. À côté de l'ouvrage d'Ernest Grandidier, la lecture du site Chefs-d'œuvre de la collection Grandidier de céramiques chinoises est extrêmement enrichissante, tant par l'intérêt des textes que par le nombre et la qualité des reproductions de pièces du catalogue. 2010 pièces sont présentées sur le site, en couleurs bien entendu. Deux douzaines de pièces, en héliogravure dans le présent ouvrage, sont dans la section Chefs-d'œuvres du site (malheureusement il n'y a pas beaucoup d'URL), reproduites sous trois ou quatre angles différents. Pour ces pièces, on a donc expliqué, à la table des planches, comment accéder, depuis la planche héliogravure de l'ouvrage, à la reproduction de la pièce sur le site. Édition en format texte par Pierre Palpant www.chineancienne.fr janvier 2015 TABLE DES MATIÈRES Préface Considérations générales sur la porcelaine. Notions techniques sur la composition de la porcelaine et sur sa fabrication. Origine de la porcelaine. Date de son invention. Erreurs de Stanislas Julien. Étymologie du mot porcelaine. Date de l'introduction de la porcelaine en Europe. Marques dynastiques et autres. Tableau chronologique des empereurs des dynasties Ming et Thsing. Historique de divers fours. Noms de potiers célèbres. Fabrications spéciales et procédés particuliers à la Chine : Porcelaine craquelée ou truitée — Porcelaine flambée — Porcelaine soufflée — Porcelaine peau d'orange — Porcelaine ajourée ou réticulée — Porcelaine à grains de riz — Décor hoang-koua-lu — Décor polychrome à zones variées — Porcelaine à couches superposées — Porcelaine laquée burgautée — Porcelaine imitant d'autres matières ou des objets naturels — Motifs de décor ; leur variété — Anses, goulots et pieds de vases — Reflets métalliques — Boccaros. Nuances diverses des porcelaines chinoises. Détails intéressants. Revue des principales couleurs : Blanc de Chine, porcelaine blanche — Céladons — Rouge de cuivre, de fer, d'or — Jaune — Brun et nuances dérivées ou intermédiaires — Bleu et violet — Vert — Gris. Porcelaines monochrome et polychrome. Supériorité artistique de la porcelaine polychrome. Explication des sujets de décor de la porcelaine. Principales religions de la Chine, vases rituels. Confucius, culte des ancêtres, offrandes — Description des vases rituels — Animaux fantastiques : dragon, fong-hoang, ki-lin, tortue, etc. — La grecque, le taï-ki, les pa-koua. Taoïsme : Lao-tseu, les pa-sien et autres dieux de la religion taoïque — Symboles de longévité — Symboles de bonheur. Bouddhisme : son influence sur l'art chinois — Bouddha — Kouan-inn — Les lohans et autres personnages sacrés bouddhiques — Chien de Fô — Emblèmes bouddhiques. Pièces de cadeau. Sujets de décor : scènes de roman, de théâtre, d'histoire, etc. Décors divers. Usage, en Chine, des vases et autres pièces céramiques selon leur forme. Projet de classification. Époques de fabrication. Description de spécimens des diverses périodes selon l'ordre chronologique. Époque primitive. Song et Youen. Époque des Ming. — Différences des porcelaines Ming, Khang-hi et Kien-long. Époque Khang-hi. Époques Yung-tching et Kien-long. Porcelaines d'exportation exécutées pour l'Europe. Assiettes coquille d'œuf. Tasses et soucoupes coquille d'œuf. Porcelaines à mandarins. Porcelaines diverses. Époque moderne Conclusion Table des planches TABLE DES PLANCHES @ Dans chaque planche, on trouve au-dessous des reproductions, le numéro de la pièce dans cet ouvrage. Puis le numéro et le titre de la planche. Puis la ou les pages dans lesquelles la planche est référencée. Enfin, éventuellement, pour les pièces reproduites sur le site Chefs d'œuvre de la collection Grandidier, un numéro d'inventaire. Pour voir alors la pièce sur le site : cliquer sur le lien hypertexte présent sous le numéro d'inventaire ; sur le site, cliquer sur Rechercher ; introduire le numéro d'inventaire dans le champ correspondant ; presser Entrée. Planches. Pages. I. Vases rituels, nos 1 à 4 : 83, 130, 202 II. Vases rituels, nos 5 à 7 : 83, 84, 144 III. Coupes libatoires et de mariage, nos 8 à 11 : 84, 87, 124, 168 IV. Animaux fantastiques, nos 12 à 14 : 85, 86, 107, 168, 190 V. Animaux fantastiques, nos 15 et 16 : 86, 97, 168 VI. Trinité taoïque, nos 17 et 18 : 69, 90, 175 VII. Divinités taoïques, nos 19 à 22 : 90, 93, 95, 128, 133 VIII. Divinités taoïques, nos 23 à 25 : 94, 95, 192 IX. Bouddha, n° 26. — Kouan-inn, n° 27 : 100, 101, 202 X. Kouan-inn, n° 28 : 103, 186 XI. Poutaï, n° 29 — Attributs bouddhiques, n° 30 — Pa-koua, n° 31 : 87, 88, 107, 108, 123, 191, 197 XII. Lohans, nos 32 et 33 : 103, 202 XIII. Décor Song, nos 34 à 38 : 85, 87, 96, 129, 145, 146, 147 XIV. Décor Ming, nos 39 à 41 : 121, 123, 149, 169 XV. Époque Ming, nos 42 et 43 : 154, 155 XVI. Époque Khang-hi, nos 44 à 46 : 86, 123, 133, 154, 155, 167 XVII. Vase à vin (Khang-hi), n° 47 : 124, 155, 167 XVIII. Époque Khang-hi, nos 48 à 50 : 124, 155, 167, 176 XIX. — nos 51 et 52 : 70, 154, 167, 181 XX. — nos 53 et 54 : 71, 125, 168, 182 XXI. — nos 55 à 57 : 125, 151, 152, 168 XXII. Drageoir Khang-hi, n° 58 : 125, 167 XXIII. Époque Khang-hi, nos 59 à 63 : 121, 122, 129, 169, 176, 179 XXIV. — nos 64 à 68 : 120, 124, 133, 168, 174, 179 XXV. — nos 69 et 70 : 69, 115, 178 XXVI. — nos 71 à 75 : 54, 124, 128, 171, 172, 181 XXVII. — nos 76 et 77 : 90, 170, 186 XXVIII. — nos 78 à 81 : 96, 121, 123, 169, 170, 178, 181 XXIX. Époque Yung-tching, nos 82 et 83 : 97, 185, 192 XXX. — nos 84 et 85 : 198, 203, 208 XXXI. — nos 86 à 88 : 192, 203 XXXII. Époque Kien-long, nos 89 à 91 : 87, 116, 191, 199 XXXIII. — nos 92 à 96 : 128, 131, 132, 192, 193, 208 XXXIV. — nos 97 à 103 : 51, 121, 196, 197, 202, 203 XXXV. Époques Yung-tching et Kien-long, nos 104 à 106 et 108 : 132, 192, 199, 208 XXXVI. Coquillage, n° 107. — Vase Kien-long, n° 109 : 52, 121, 194 XXXVII. Époques diverses, nos 110 à 114 : 61, 121, 128, 202 XXXVIII. Époque Kien-long, n° 115 : 90, 91, 92 XXXIX. — n° 116 : 198 XL. — n° 117 : 199 XLI. — nos 118 et 119 : 95, 214, 215 XLII. — nos 120 à 124 : 208, 215, 216. @ PRÉFACE @ p.I Le travail que je publie aujourd'hui est le fruit d'une longue expérience et le résumé de nombreuses recherches. Je n'ai pas cependant la prétention d'avoir élucidé toutes les questions obscures que j'ai entrepris de traiter ; mon ambition plus modeste s'est bornée à déblayer un peu le terrain et à redresser quelques erreurs commises par mes devanciers. J'ai concentré tous mes efforts vers ce but, ai-je toujours réussi dans ma tâche ? Je n'ose pas l'espérer, il est si facile de s'égarer dans un pays peu connu où la marche est contrariée par d'épais brouillards et entravée par des obstacles sérieux qui surgissent, à chaque pas, en face du voyageur. Une persévérance à toute épreuve est nécessaire pour combattre le découragement de l'explorateur qui doit sans cesse lutter contre les difficultés de la route, les faux renseignements, l'ignorance et la mauvaise foi des guides. Je m'estimerais heureux si j'ai apporté une pierre à l'édifice, si j'ai fait avancer sur un seul point l'histoire de l'art céramique, laissant à mes successeurs un vaste sillon à ensemencer et une abondante moisson à recueillir. Que n'ai-je l'autorité du poète et son génie ! j'élèverais à l'art chinois un monument impérissable et digne de lui. Le céramiste chinois a le tempérament d'un artiste. Si ses procédés de fabrication ont été souvent empiriques, son œuvre atteste avec une éloquence irréfutable qu'il n'est pas indispensable d'être un savant chimiste pour réussir dans la décoration de la porcelaine. p.II Rechercher la composition exacte des émaux chinois et préciser le degré de cuisson des porcelaines orientales, c'est assumer une tâche ingrate sans résultat certain ; j'ai donc renoncé à ce labeur inutile. J'ai préféré envisager la céramique au point de vue de sa décoration et de ses usages et tenter un projet de classification. En suivant cette voie, j'ai pensé répondre à un vœu et combler une lacune ; l'approbation du lecteur sera ma meilleure récompense. Malgré son charme inappréciable et son prestige, l'élégance du style doit, dans une certaine mesure, être sacrifiée à la clarté de la phrase, qualité nécessaire à l'écrivain dont l'intention est de vulgariser une science. Astreindre le lecteur à un effort sérieux pour comprendre ce qui lui est expliqué, c'est vouloir le rebuter, c'est élever une barrière qui lui dissimule le sens vrai de la pensée exprimée, dès lors le but est manqué. Je n'ai rien négligé pour triompher des difficultés sans nombre résultant de l'abondance des matières en céramique et de la variété infinie des décors ; j'ai mis tous mes soins à éviter la confusion, l'obscurité, l'erreur et à écarter rigoureusement tout ce qui aurait pu compromettre le succès de mon œuvre. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA PORCELAINE @ p.001 La civilisation est venue de l'Orient, le pays du soleil et de la lumière. La Chine et l'Inde avaient déjà atteint un haut degré de culture, alors que les peuplades de la Germanie et de la Gaule se débattaient encore péniblement dans nos forêts au sein de la barbarie. La porcelaine est originaire de la Chine. Les potiers du Céleste Empire, après avoir eu la gloire de cette précieuse invention, ont réussi, par leur habileté, à lui conserver tout son prestige pendant plusieurs siècles. Le domaine de l'art a ses frontières naturelles et on ne les franchit jamais impunément ; dès qu'on abandonne les saines traditions, on est entraîné rapidement sur la pente de la décadence, c'est une loi fatale. La mesure, voilà le cercle dans lequel il est difficile de se renfermer rigoureusement. Le céramiste oriental a su éviter les récifs et doubler les caps dangereux ; il a été droit au but, et, avec une palette restreinte, il l'a atteint sans le dépasser ; il a connu tous les secrets de l'art décoratif ; l'émail, docile à ses inspirations, s'est animé entre ses mains, a obéi à sa volonté, a revêtu les formes les plus diverses ; grâce à lui, on voit, sur la porcelaine, les sujets s'enlever en vigueur comme s'ils étaient doués du souffle de la vie. p.002 Les produits de nos manufactures d'Europe pâlissent et s'effacent éclipsés par l'éclat des porcelaines d'Orient. Cette infériorité provient de procédés moins raffinés et du mode d'emploi des matières colorantes. Les décors de nos artistes sont plats et sans saillie ; leurs peintures manquent de sève et de vitalité. La porcelaine chinoise qui est émaillée l'emportera toujours sur la porcelaine d'Europe qui est peinte. La méthode orientale est supérieure à la nôtre. La Chine comprend la décoration céramique mieux que nous, elle traduit ses conceptions dans un langage plus saisissant ; l'art décoratif y parle sa langue naturelle avec éloquence et perfection. Doués de l'esprit le plus délié, les céramistes de ce pays ont à peine connu les bégaiements de l'enfance ; ils ont, pour ainsi dire, évité les tâtonnements ; ils ont de suite entrevu et compris la limite qu'il fallait assigner à la peinture sur porcelaine ; ils ont respecté les lois rationnelles, là est le secret de leur force et la raison de leurs triomphes. La peinture céramique doit se borner à être une décoration ; pousser l'ambition plus loin, c'est s'exposer à un échec certain. Il est un écueil contre lequel je voudrais prémunir le public ; les jugements trop précipités sont, en général, erronés et défectueux. Une nouveauté, qui déplaît au premier abord, attire ensuite quand on s'est pénétré de ses qualités substantielles par la méditation. Ce fait est encore plus vrai, plus indiscutable, quand il s'agit d'un peuple étranger dont la civilisation et les mœurs sont très différentes des nôtres. Veut-on apprécier sainement un pays et son œuvre ? la première condition est de l'étudier à fond, sans parti pris, et d'habituer son œil aux manifestations d'une civilisation entièrement distincte de celle d'Europe. Ce qui paraît étrange, choquant même, au premier aspect, intéresse et finit par charmer dès qu'on s'en est rendu un compte exact. La réflexion, mûrie par l'étude, mène à l'admiration. Je ne nie pas que les décors chinois semblent parfois bizarres, peut-être même grotesques à celui qui n'est pas familiarisé avec l'Extrême-Orient ; en tout une initiation est nécessaire. Lorsque vous voyez pour la première fois, sur les flancs des vases chinois ou sur la surface des bols et des plats de l'Empire du Milieu, des animaux grimaçants ou des personnages aux attitudes insolites, vous êtes surpris, vous êtes tenté de détourner les yeux avec dédain ; mais réprimez ce premier mouvement, attachez-vous au sujet du décor, cherchez l'explication des scènes représentées, l'état civil des personnages qui vous sont inconnus, l'intérêt vous p.003 portera bientôt à poursuivre votre route dans ce domaine nouveau pour vous, et alors vous vous sentirez attiré et retenu par un aimant invincible. Ne doutez pas, d'ailleurs, que les Chinois ne trouvent nos dessins, nos peintures, nos figurations aussi extraordinaires, aussi ridicules que nous trouvons les leurs. Ne croyez-vous pas franchement que l'habitant de la Chine ne soit aussi choqué, aussi interdit en présence des dieux de la mythologie de Rome ou d'Athènes que l'Européen devant les divinités du panthéon chinois et les monstres fantastiques enfantés par la plus capricieuse imagination ? Si nos légendes et nos figurations sont, pour les initiés, simples, naturelles, poétiques même, assurément elles doivent paraître insensées aux peuplades d'Orient. L'esprit de l'homme est enclin à tourner en ridicule les mythes d'une religion qu'il n'a pas assez approfondie et qu'il ne comprend pas. Des figurations qui semblent extravagantes et bizarres recèlent souvent des pensées mystiques et enveloppent des images mystérieuses dont le sens caché est impossible à saisir et à pénétrer sans de sérieuses méditations et de longues études. Nous savons de quelle manière la mythologie de la Grèce a été interprétée, travestie et défigurée par certains écrivains modernes ; cet exemple doit nous ouvrir les yeux et nous empêcher de prendre en pitié, à la légère et sans réflexion, les dieux des religions d'Orient. Du reste, l'esthétique varie selon les climats ; de ce chef, il n'y a pas unité en ce monde, rien n'est absolu. Élevé dans un milieu tout autre et dans des idées bien différentes, le Chinois ne conçoit pas, ne sent pas, ne voit pas les choses de la même manière que nous. Il est nécessaire de s'habituer à la civilisation chinoise pour la comprendre, et il est nécessaire de la comprendre pour l'admirer et pour l'aimer. Les animaux fabuleux à tête menaçante qui décorent la panse des potiches chinoises n'ont rien de gracieux ni d'aimable, et, néanmoins, ces êtres fantastiques, éclos dans le cerveau de l'artiste du Céleste Empire, qui semble avoir assisté aux premières convulsions du globe et avoir connu les monstres des temps préhistoriques, perdent leur air rébarbatif, leur aspect sauvage et terrible aussitôt qu'on s'est accoutumé à les regarder sans prévention ; ils paraissent alors s'apprivoiser. D'ailleurs, dans le décor d'un vase, l'ensemble est le point capital ; aussi notre jugement doit être favorable, puisque l'ensemble est satisfaisant. J'appliquerai le même raisonnement aux personnages religieux, historiques p.004 ou romanesques qui couvrent les parois des pièces céramiques ; il est important de se familiariser avec eux, de les pratiquer, de les comprendre. Bientôt alors on se prend d'une affection véritable pour leur physionomie et leurs allures. Mais l'art décoratif chinois n'est pas tout entier confiné dans ces figurations plus ou moins étranges à nos yeux européens ; la nature a fourni au céramiste les interprétations les plus heureuses, la vie réelle et le rêve lui ont procuré les modèles les plus exquis, la géométrie lui a inspiré les plus délicieux décors, et, d'un seul jet, pour ainsi dire, il a inventé l'ornementation la plus délicate, la plus somptueuse et la plus variée. Le monde animal et végétal, consulté tour à tour, a été libéralement mis à contribution pour féconder les conceptions les plus harmonieuses et enrichir la céramique des trésors les plus purs d'une imagination capricieuse. Ce genre de décor est à la portée de tous, et point n'est besoin de connaissances spéciales pour admirer la Chine quand elle se présente à nous sous ces parures incomparables qui assurent la suprématie et font la gloire incontestée du céramiste oriental. Par leur variété infinie, leurs formes élégantes, l'éclat de leur décor, le lustre métallique de leurs émaux, la perfection de l'ensemble, les produits céramiques chinois sont dignes d'occuper le premier rang. Ce jugement sera ratifié, j'en ai la certitude, quand on connaîtra mieux cet Extrême-Orient qui nous a envoyé tant de merveilles et qui est encore ignoré presque complètement. Malheureusement les beaux échantillons de porcelaine orientale sont dispersés et peu connus. Il n'existe aucun musée public en Europe où la porcelaine de Chine figure en nombre et avec honneur ; il y a là une lacune regrettable. Louis XVI avait conçu le projet de doter la France d'une collection de ce genre ; les pièces que l'expert Julliot avait rassemblées par ordre du roi pour enrichir une de nos galeries nationales ont été vendues en 1809, alors que les Bourbons eurent perdu l'espoir d'une restauration à courte échéance. Tous les musées de céramique orientale sont incomplets et insuffisants. Les collections de Dresde, d'Amsterdam, de Sèvres, de Limoges ont une grande célébrité ; elles ne contiennent, à peu d'exceptions près, que des porcelaines fabriquées pour l'Europe et pendant une période limitée. On aperçoit à peine dans les vitrines de ces musées quelques pièces faites pour p.005 la Chine ; on n'y voit point de ces merveilles soustraites au Palais d'Été pendant le pillage ou vendues par un mandarin en détresse, de ces spécimens de choix sortis des mains d'un artiste éminent. Les collections publiques ou privées présentent les mêmes vides ; il y a de nombreuses solutions de continuité dans les séries de fabrication depuis les Song jusqu'à nos jours. Les cabinets anglais et américains sont plus riches en produits façonnés pour les habitants du Céleste Empire, ils en sont même presque exclusivement composés. Si on réunissait dans un même local les échantillons les plus précieux et les plus beaux des collections de l'Angleterre et des États-Unis, nous aurions un ensemble assez complet ; les éléments de discussion et d'étude seraient ainsi rassemblés à profusion. Le goût de ces deux nations est très distinct. L'amateur anglais préfère les vieilles qualités du temps des Ming et les porcelaines de Khang-hi ; il récolte les représentants des autres périodes à regret, avec parcimonie et sans enthousiasme. L'Américain ne cache pas sa prédilection pour les époques Song et Youen ; il aime la fabrication raffinée du dix-huitième siècle ; sa passion dominante le pousse vers le monochrome qu'il voudrait accaparer et drainer à son profit exclusif. En Europe, nous sommes plus modérés dans notre engouement pour les monochromes et nous réservons nos plus chères affections pour la porcelaine décorée d'émaux multicolores. Quant à moi, je suis éclectique ; pour écrire utilement l'histoire de l'art céramique, il faut être impartial, renoncer à tout parti pris, agir dans la plénitude de sa liberté ; il faut rechercher ce qui est beau ou intéressant sans repousser ni mépriser aucune époque de manière à élargir l'horizon le plus possible. En conséquence, j'ai rassemblé toutes les pièces pouvant concourir directement ou indirectement à mon but, afin de comparer tous les produits entre eux, de juxtaposer toutes les périodes de fabrication et de les étudier avec profit. On ne s'instruit sérieusement que par de judicieux rapprochements. Telle a été la méthode adoptée pour former ma collection. Un musée composé de spécimens de choix en tout genre, de types parfaits de chaque époque, serait une création précieuse ; il ménagerait plus d'une surprise, dissiperait plus d'un préjugé ; il serait favorablement accueilli par le public dont l'éducation sous ce rapport est trop négligée ; il serait une école de goût et fournirait à nos céramistes des modèles nouveaux. Cette p.006 dernière considération est plus importante qu'on ne croit dans un siècle où la concurrence étrangère est si redoutable et où le succès dépend de la supériorité des produits d'une nation sur ceux des contrées rivales. On oublie trop souvent qu'une collection n'est pas uniquement une distraction, mais doit être, avant tout, un enseignement pratique. On rencontre des porcelaines chinoises dans tous les pays du globe. Les ateliers de la Chine ont travaillé pour la Perse sur des modèles persans comme pour les autres nations. L'Iran a produit des faïences inimitables ; mais, malgré l'opinion de Jacquemart, elle n'a pas fabriqué de porcelaine, et il serait injuste de l'enrichir sans raison aux dépens d'un empire voisin. Les potiers chinois ont su se plier, avec une facilité et une adresse incroyables, aux exigences, au goût des acheteurs du monde entier. Vers la fin du dix-septième et pendant le cours du dix-huitième siècle, ils ont exécuté des services de table complets et des vases d'ameublement pour nos grands seigneurs et nos financiers opulents ; leur talent si souple a toujours satisfait leur nombreuse clientèle. Ces porcelaines, assurément, sont intéressantes, charmantes ; mais, en toute franchise, combien sont plus sincères, plus instructives, plus belles les pièces fabriquées pour la Chine elle-même. Il y a là toute une étude inédite de documents précieux pour celui qui aspire à connaître la vie intime ou publique des habitants du Céleste Empire ; ce sont des horizons nouveaux qui vont se découvrir dans un pays encore mal exploré. Déchiffrer ces hiéroglyphes d'une nouvelle espèce, telle est la tâche que j'entreprends aujourd'hui. @ NOTIONS TECHNIQUES sur la composition de la porcelaine et sur sa fabrication @ p.007 L'homme, par son intelligence et son travail, a dompté la nature et transformé le monde ; mais la civilisation, qui est son œuvre, ne lui a pas procuré le bonheur, but suprême de ses efforts. Se créer des besoins, c'est se préparer plus de déboires que de satisfactions, et, au milieu du luxe et des exigences de la vie moderne, on se prend à regretter la simplicité et l'innocence des premiers âges. Quand on réfléchit sérieusement aux manifestations si variées du génie de l'homme depuis la création jusqu'à nos jours, on reste frappé et surpris du chemin parcouru aussi bien dans le domaine de la science et des arts que dans celui des arts décoratifs qui procèdent à la fois de l'art et de la science. Parmi les découvertes de l'esprit humain, une des plus intéressantes et des plus utiles est celle de cette matière si ténue, si délicate qui, mise en œuvre et cuite à point, revêt l'apparence la plus gracieuse et se prête merveilleusement à toutes les formes et à tous les décors ; je veux parler de la porcelaine. La belle porcelaine a toujours exercé sur certains tempéraments une fascination irrésistible ; elle nous attire par la mélodie de ses décors et nous retient captifs et charmés. En présentant aujourd'hui, dans leur ordre logique, les documents relatifs à cette branche de l'art, je m'adresse principalement aux gens du monde qui possèdent un cabinet de céramique chinoise ou qui rêvent l'acquisition de beaux spécimens de cette admirable fabrication, à tous ceux qui s'intéressent aux arts décoratifs de tous les temps et de tous les pays sans distinction p.008 d'origine, aux personnes qui veulent raisonner en connaisseurs sur les objets qu'ils voient ou manipulent chaque jour. Mû par le désir ardent de s'instruire, tout esprit curieux saisira avec empressement cette occasion de parfaire son éducation, de se reconnaître dans ce dédale obscur, de débrouiller l'écheveau compliqué des figurations et des symboles, d'apprendre enfin les notions qui lui permettront de se guider dans le domaine de la céramique. Je serai aussi bref que possible sur la partie technique dans la crainte d'éloigner le lecteur ou de le fatiguer ; mon intention, d'ailleurs, n'est pas de copier ni de rééditer les ouvrages qui ont déjà donné sur ces questions tous les éclaircissements désirables. Je me contenterai de fournir les renseignements indispensables, renvoyant aux traités spéciaux ceux qui souhaiteraient connaître à fond ces notions particulières, d'autant mieux que rien n'a été innové sous ce rapport ; on peut consulter avec fruit Alex. Brongniart, Ebelmen, Salvétat, Stanislas Julien, Jacquemart, du Sartel et Franks. Je reproduirai sommairement les faits connus et incontestés ; je crois préférable de porter mes investigations et ma critique sur les sujets laissés dans l'ombre ou l'indécision faute de documents précis sur la matière. Je tenterai de rectifier les erreurs qui ont surgi et se sont accréditées par suite des difficultés qu'on rencontre pour élucider bien des points relatifs à l'histoire de la céramique orientale. La porcelaine chinoise est à base kaolinique ; elle est translucide et non rayable par l'acier. Le kaolin est une argile provenant de la décomposition spontanée de roches granitiques ; c'est un feldspath décomposé, friable, infusible qui communique à la porcelaine sa fermeté ; il est blanc ou il le devient dès qu'il a été débarrassé, par l'action du feu, des matières étrangères qui altéraient sa pureté ; il se compose de silice, d'alumine et d'eau. L'élément fusible est fourni par une roche pétrosiliceuse d'origine granitique ; il est préparé pour le commerce sous forme de briquettes qui se nomment |
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