Traces pré-utopiques ou pré-anarchistes ou démocratiques en Franche Comté
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| Traces pré-utopiques ou pré-anarchistes ou démocratiques en Franche Comté (du Moyen Âge à nos jours) 1. Une autonomie comtoise reposant parfois sur de vraies assises 3 2. Des pratiques socio-économiques communautaires vivaces : 7 3. Le rôle progressiste des multiples associations culturelles et/ou populaires 14 4. Des pratiques politiques assembléistes et pré-démocratiques surtout rurales 20 5. L'importance des inventeurs sociaux et utopistes comtois 21 6. Entre pacifisme et féminisme : une Comté à redécouvrir 23 7. Un lien précoce avec la pensée internationaliste et libertaire ? 25 8. Autonomie artistique et culturelle et refus des décorations 26 9. Il ne faut pas oublier qu’un grand nombre d’utopistes ou militants sociaux comtois n’ont rien à voir avec la pensée libertaire 27 10. Quelques tentatives récentes de gestion directe, de contrôle ouvrier et d’autogestion 32 11. Quelques autres mouvements solidaires et plus ou moins autogestionnaires 35 La Franche-Comté dispose de nombreuses pratiques et traditions assez anciennes qui sont souvent utilisées par les historiens pour expliquer l’importance relative des « inventeurs sociaux », particulièrement les phalanstériens ou les proudhoniens, dans cette région et la diffusion de leurs théories. Beaucoup insistent également sur l’apport indépendantiste (et libertaire) d’un fort particularisme comtois, ou avec plus de prudence, sur l'importance de «l'esprit du lieu»1. C'est ce que semble écrire également Noël BARBE, en utilisant le concept «d'autochtonie». En évoquant les 3 compères Gustave COURBET, Max BUCHON ou Max CLAUDET2 il refuse l'idée de «l'ethos régional» pour justement mettre en avant «une distribution spatiale de qualités» qui humanisent la nature, ici les rivières jurassiennes3. Mais pour beaucoup, ces « fortes et séculaires traditions » seraient en quelque sorte une marque attachée à « l‘esprit comtois » (formule de Jean DEFRASNE), « au tempérament fier, et épris de tradition »4. Il s’agit « d’une véritable nation, veillant jalousement à garder une sorte d’indépendance »… disposant d’un « amour de la liberté, (…) d’un esprit volontiers frondeur… »5. Si on suit toutes ces remarques, heureusement parfois nuancées, La Comté apparaît ainsi « comme une terre marquée par un sentiment de forte solidarité sociale, affirmé par des comportements communautaires nés dans un lointain passé, illustré par les théories socialisantes du XIX° siècle et dont les survivances n’ont pas été effacées par l’individualisme de la société moderne »6. Michel VERNUS va même jusqu’à écrire que « ce socialisme, chez eux, plonge ses fortes racines dans les profondeurs de la société comtoise »7. On peut citer parmi ces érudits Gabriel GRAVIER et Jean GIRARDOT, Lucien FEBVRE8, Michel MALFROY9, Jean DEFRASNE10 ou Gaston BORDET. Michel MALFROY y rajoute Émile FOURQUET11. Récemment encore (2011) l'ami Joseph PINARD assume tout en se méfiant des critiques : «j'ai toujours été un fervent défenseur de l'histoire locale, non par chauvinisme, même si j'estime que ma province a un riche passé dont elle n'est pas suffisamment fière»12, mais comme beaucoup il mélange deux choses : l'histoire locale et la fierté un peu chauvine. C'est d'autant plus discutable que nombreux sont les historiens centrés sur le local qui n'ont aucune volonté de promouvoir les aspects sociaux ou «progressistes» qui nous tiennent à cœur. PROUDHON lui même a pu donner prise à une telle analyse, de type chauvin ou nationaliste (Lucien FEVBRE parlait de « nationalisme comtois ») ou régional-patriotique ; «patriote bisontin» se moque Bernard VOYENNE13. Dans son Troisième mémoire sur la propriété, s’adressant à son « compatriote » CONSIDERANT, PROUDHON met l’accent sur « la bonne terre comtoise » et sur « cette vieille Séquanie à la race forte et obstinée »14. Très attaché à sa région, il en revendique la tradition associative et le caractère marqué15. Parfois il délire, avec des formules qui frôlent la simpliste généralisation nationaliste : «au milieu du déluge universel, la Franche-Comté peut devenir l'arche du genre humain»16, rien de moins ! FOURIER, par contre, - selon Arrigo COLOMBO - gardait surtout de « cette ville austère de Besançon » le souvenir négatif d’une « rigueur morale et religieuse »17. Mais il n’en a pas moins fait des fruitières une des « illustrations de sa théorie associative »18. Pour s'arrêter sur Lucien FEBVRE (1878-1956), très intelligent et mesuré historien, et socialiste internationaliste pourtant convaincu, je suis profondément consterné par ses remarques de juin 1934 «… le pays est peuplé d'habitants sympathiques, intelligents et raffinés. J'ai horreur du paysan borné et butté des environs de Paris et de l'Ouest, de l'Auvergnat rapace même du Bourguignon des plateaux qui est (contrairement à ce qu'on croit) une brute. Les gens du Jura, par contre, ne me poussez pas trop : vous me feriez dire qu'ils sont le sel de la terre»19. Cette analyse pro-comtoise, si elle est systématique, est fort contestable et se rapproche donc des poncifs sans intérêts, tant d’autres régions pouvant prétendre aux mêmes remarques, et à la même fierté, voire béatitude, régionale. Elle est également fortement contredite en Franche Comté même, car c’est une région très diversifiée, qui comporte d’autres traditions, souvent contradictoires avec l’esquisse associationniste ou libertaire que j’évoque ici : de la « petite Vendée » des contreforts jurassiens, à la tradition de droite bien marquée dans le Doubs (rare département français peu touché par le Front populaire, par exemple) aux tentations xénophobes récentes (forte puissance électorale du Front national)… Il ne faut pas oublier, tristement, qu'en 1941 Henri BACHELIN rédige Les Précurseurs. P.-J. PROUDHON, socialiste national20! Il y montre, dans une optique pétainiste et parfois pro-fascisante, un solide rural, travailleur, vrai aboutissement de «toute une race de comtois»21… la terre, la race et la petite patrie comme seules valeurs fondamentales… Cependant, pour tenter de conclure, en relativisant et nuançant très fortement le propos, on peut évidemment trouver dans notre histoire locale des traits, expériences ou idées qui semblent lier entre eux par delà le passage des siècles, et qui pourraient appuyer les idéaux socialistes, associationnistes et libertaires. |
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