Résumé (la pagination est celle de l’édition dans la collection Point)







télécharger 323.33 Kb.
titreRésumé (la pagination est celle de l’édition dans la collection Point)
page3/4
date de publication20.02.2017
taille323.33 Kb.
typeRésumé
a.21-bal.com > loi > Résumé
1   2   3   4
Autre Juif errant, il est à la recherche du Messie partout dans le monde (pages 121, 123, 128, 129, 155, 196, 245). Il est, en quelque sorte, le juif par excellence, les deux branches du judaïsme étant réunies dans sa famille : «Juifs russes» et «Séphardim de Tanger» (page 130). Les services secrets soviétiques n'ont pu le débusquer (page 179). Il a une grande importance pour Paltiel et pour l'économie du récit : il est le guide, l’ange gardien, la conscience juive de Paltiel, qui le confond à la fin avec son père (page 281).

- la vision de «l’Ange couvert d’yeux» (page 281).
Le livre est habilement structuré car deux actions s’entrelacent : celle qui suit Paltiel Kossover, le poète juif assassiné, et celle qui suit son fils. Le texte présente une complexité dont le résumé a essayé de compte. On peut distinguer quatre écrits différents, dont trois se mêlent, se superposent, s’entrelacent et s'interpénètrent dans un va-et-vient entre les époques. Ce montage alterné entretient une intrigue : le lecteur a hâte de savoir ce qui se passera pour Paltiel autant qu’il veut savoir si Grisha arrivera à voir sa mère, comment il a mis la main sur le testament et comment il est devenu muet. Ces textes sont écrits selon des points de vue de narration différents dont les effets sont intéressants.

On trouve :

- Une introduction par un «je» (page 9) sur lequel on peut s’interroger : désigne-t-il l’auteur ou ce Yoav, écrivain qui apparaît plus tard, venu accueillir Grisha à son arrivée à Lod (page 20) mais qui n'intervient plus dans le texte? Cette courte introduction est datée : «Moscou 1965 - Jérusalem 1979» ; cependant, ces quatorze ans ne peuvent être le temps employé à écrire ces quelques pages ; ils sont plutôt le temps nécessaire à l'écriture ou, si l'on s'en tient à la fiction d'un personnage nommé Yoav, à la reconstitution de toute la matière du livre. Ce qui conduit à une double lecture du point de vue dans les séquences mettant Grisha en scène.

- Le testament de Paltiel Kossover, qui se présente comme des mémoires, est un récit autobiographique coupé de poèmes (évidemment composés par Élie Wiesel), d'une «lettre à son fils» (pages 76-78) et d'adresses au lecteur, en l'occurrence le «citoyen magistrat», le juge d’instruction (pages 186, 189, 190, 201, 206) ; il entretient même avec lui une conversation et, parfois, il se parle à lui-même (page 53). Ce texte est, par le nombre de pages, de loin le plus important. Il est interrompu par intervalles, laissant la place aux deux récits qui suivent. Le point de vue est donc alors subjectif. Mais la notion de point de vue doit être précisée ; en effet, les adresses directes au juge sont là pour le rappeler sans cesse ; il y a reconstruction autobiographique, et il faut distinguer le temps de la narration et le temps de l’action. Ce n'est pas le personnage Paltiel qui raconte et juge les événements au moment où ils surviennent, mais le narrateur-Paltiel qui les raconte et les juge a posteriori. Le point de vue n'est jamais contemporain de l'événement narré, il en est nettement séparé, il est rétrospectif.

- En contrepoint du testament, s’intercalent des scènes qui, au présent, montrent Grisha attendant l'arrivée de sa mère à Jérusalem, ou qui, en rétrospective, narrent son enfance et son adolescence à Krasnograd. Le point de vue est alors obligatoirement objectif puisque Grisha est muet : le procédé littéraire qui le présente comme seul personnage ne s'exprimant pas à la première personne corrobore et renforce sa mutité. Dans une mosaïque de témoignages dont la force tient en grande partie à l'immédiateté de la parole, à une communication qui emploie tous les procédés littéraires tendant justement à gommer la «littérature», les séquences avec Grisha créent une certaine gêne car, par contraste, c’est I'emploi de la troisième personne qui apparaît alors. On se demande qui parle. On peut y voir des reconstitutions dues à Yoav et, dans ce cas, le point de vue est à la fois double et ambigu : comment distinguer le point de vue de Grisha de celui de Yoav qui écrit pour lui? Mais Yoav ne saurait être confondu avec l'auteur : l'ambiguïté du point de vue dans les scènes de Grisha contamine alors le texte en son entier.

- Des séquences (nettement signalées par la typographie en italiques, qui sont justifiés car le récit a alors la liberté, le décousu du style oral) rapportent tels quels les propos de Zupanev lors des visites que Grisha lui rendait. Le point de vue est alors évidemment subjectif, et abondent les marques syntaxiques et stylistiques du texte de type discours : adresse à un interlocuteur, reprises, hésitations, etc, car Zupanev ne dispose pas, comme Paltiel Kossover, de la médiation de l'écriture. L'angle de vue est encore plus immédiatement explicite que dans le testament. Le point de vue est celui d'un témoin qui ne juge pas, exprime très peu d'opinions : il rapporte. Ses deux métiers successifs, greffier et veilleur de nuit, symbolisent le personnage. Il raconte des faits qu'il a enregistrés (voir aussi le nombre d'anecdotes, pages 79-86). Enfin, il permet de connaître les circonstances de l'interrogatoire et celles de l'assassinat, que ni Paltiel, ni aucun autre personnage, ni même des scènes écrites objectivement ne pouvaient rapporter.
À travers cette superposition des récits, ce va-et-vient entre les époques, nous avons donc deux types de points de vue différents :

- Le point de vue subjectif (le texte est à la première personne) qu’on trouve dans l’introduction, le testament et les propos de Zupanev.

- Le point de vue objectif (le texte est à la troisième personne) qu’est le récit des évènements vécus par Grisha.

Mais, en fait, les trois principaux porte-parole du roman, Paltiel, Grisha et Zupanev, et même Yoav expriment tous la même chose : ce sont quatre bouches mais une seule voix. Les points de vue sont convergents, et l’auteur reste présent derrière chacun des personnages. C'est que nous n'avons pas affaire à un témoignage, mais à un roman dont l'auteur veut mener à bien sa démonstration.
Le découpage est, comme on l’a vu, complexe, au début surtout où les séquences sont courtes et variées. Mais, bientôt, le testament de Paltiel Kossover est bien identifié par ce titre, et se présente en tranches de plus en plus longues où l’on trouve aussi des poèmes :

Sont consacrées à Grisha les séquences : pages 9-14, pages 15-16, pages 17-18, pages 18, pages 19-27, pages 41-46, pages 61-66 (page 63, suite de page 23), pages 79-86, pages 100-107 (pages et 107, il y a fusion des temps), pages 126-127, pages 250-256.

Sont consacrées à Zupanev les séquences : page 15, page 18 (très brève), page 46, page 79, pages 168-171, pages 174-179, pages 283-288.

Sont consacrées à Paltiel les séquences où il s’adresse au juge, ou a une conversation avec lui (page 186, page 189, page 190, page 201, page 206), où, parfois, il s’adresse à son fils (page 76), ou se parle à lui-même (pages 53, 120, 121) : pages 16-17, pages 18-19, pages 28-40, pages 47-60, page 67, pages 87-99, pages 108-167 (pages 119, 146, 147, 150, 159 : retours habiles au passé), pages 171-174, pages 180-246 (page 201), pages 257-282 (page 279).
Le livre est marqué par un grand désordre chronologique, ce jeu avec le temps permettant un contrepoint entre la vie de Paltiel et son écho chez Grisha ou Zupanev. De nombreux épisodes de la biographie sont au présent, ressortant ainsi avec plus de relief, et le plus frappant, le plus émouvant, est ce passage où se déroule, dans l’imagination de Paltiel, une autre vie qui contredirait toutes les erreurs et toutes les horreurs de la sienne, de celle de ses parents et de tous les juifs (page 243).

Il faut distinguer le temps de l’action et le temps de la narration :
Le temps de l'action s’étend de 1910 à 1972. La première impression est que c’est un temps chronologiquement linéaire. D’une part, le corps du roman, constitué par le testament, suivant le déroulement de la vie de Paltiel Kossover. D’autre part, les séquences de Grisha à Jérusalem sont contenues dans un temps dont la chronologie est respectée : du moment où il débarque à Lod à celui où il comprend qu'il ne reverra pas sa mère.

Mais, dans le récit de Paltiel, surviennent des incursions du narrateur qui s’adresse au «citoyen magistrat» (pages 121, 151), qui s’interroge sur son passé (page 150), qui fait des réflexions (pages 151-152). On a donc des va-et-vient entre les époques qui font que le roman se compose à partir d'un compromis entre la linéarité chronologique et les anachronies narratives résultant de la discordance entre l'ordre de l'histoire et celui du récit. Ces anachronies narratives sont de deux ordres :

- Les prolepses (pages 76,108, souvent un chapitre commence par une prolepse puis revient en arrière, pages 182, 202) évoquent par anticipation un événement ultérieur au moment de l'histoire où l'on se trouve. Elles sont assez nombreuses dans le testament de Paltiel Kossover, puisqu'il s'agit d'un texte rétrospectif dont le narrateur connaît à l'avance les futurs développements. Elles lui servent souvent à tirer la leçon de l'événement (exemple page 186).

- Les analepses évoquent après coup un événement antérieur au moment de l'histoire où l'on se trouve. Les scènes de Grisha se nourrissent essentiellement d'analepses, par lesquelles sont narrées son enfance et son adolescence. Quant au testament de Paltiel, on peut dire qu'il est presque tout entier une seule et même analepse, par rapport au moment de l'écriture en prison.
Le roman est donc construit comme une mosaïque temporelle : les deux corps de récit principaux (Paltiel et Grisha) se télescopent dans le temps ; ils ne se déroulent ni à la même époque ni sur une durée équivalente.

Finalement, on peut considérer que le temps est circulaire. On trouve le cercle à tous les niveaux du texte :

- boucle de Barassy à Krasnograd ;

- boucle du testament, de la prison à la prison, du présent de l'écriture au présent de l'écriture ;

- boucle des propos de Zupanev, commencés par le rire, achevés sur le rire ;

- boucle du roman lui-même, qui se termine sur Zupanev enjoignant à Grisha de se souvenir et de témoigner, ce qui est précisément l'objet de tout le livre qui vient d'être lu, ce qui, par conséquent, ramène, à l'infini, au début du livre.

Le temps romanesque est extensible ou compressible à volonté. Une durée de plusieurs mois peut se résumer en deux lignes dans le testament, alors qu'une scène de quelques minutes peut s'étendre sur plusieurs pages. C'est que la durée n'est pas réaliste, mais affective : elle est celle de la mémoire.
Il est important de distinguer le temps de la narration, parce que l'auteur rend alors moins le temps de l'action que celui de son époque. Or ‘’Le testament d'un poète juif assassiné’’ est un roman écrit à la fin des années 1970. Cela provoque deux questions :

- la lucidité sur la réalité du régime stalinien n'est-elle pas plus le fait de l'auteur en 1970 (avec toute la connaissance rétrospective qu'il pouvait posséder sur ce sujet), que du Paltiel Kossover de la fin des années 1940?

- la détermination qui est celle de Paltiel à affirmer son identité juive ne serait-elle pas l'expression des préoccupations qu’inspirait à l'auteur le sort d'Israël dans les années 1970 ; autrement dit, ce roman ne peut-il être pris pour une profession de foi sioniste?
Il n’en reste pas moins que ‘’Le testament d’un poète juif assassiné’’ est donc un roman très prenant et très habilement construit..
Intérêt littéraire
Le roman est écrit en français par un écrivain étranger. C’est qu’Élie Wiesel, qui est né en 1928 en Transylvanie (Hongrie) où il parlait yiddish, fut déporté à Buchenwald, puis pris en charge, en 1946, par une œuvre française de secours aux enfants orphelins juifs rescapés des camps. Ainsi, il apprit le français en France où il passa onze ans. Il choisit alors d’écrire en français, et il continue à le faire, même s’il vit maintenant aux États-Unis (ce qui se manifeste par au moins deux anglicismes : Éphraïm tient des «pamphlets» (page 54, le mot ayant en anglais le sens de «brochure») - Paltiel dit qu’Inge est «sa première flamme», page 91).
Aussi faut-il s’intéresser d’abord à la langue.

Le texte recèle évidemment des mots hébreux : «Aggada» (page 67) - «Aliyat-neshama» (page 54) - «bar-mitzvah» (page 32) - «gaon» (page 52) - «hassid» (page 30) - «heder» (page 32) - «Kaddish» (page 72) - «kasher» (page 135) - «kibboutz» (page 66) - «Kippour» (page 20) - «Kislev» (page 182) - «Kol Nidré» (page 255) - «Maariv» (page 71) - «matza» (page 32) - «Misha» (page 33) - «Mohel» (page 276) - «Nissan» (page 182) - «Seder» (page 163) - «Sephardim» (page 130) - «Shabbat» (page 162) - «Shekina» (page 68) - «Shema Israël» (page 37) - «shofar» (page 255) - «Talmud» (page 32) - «Torah» (page 32) - «yeshiva» (page 21) - «Zohar» (page 130) et même des phrases en hébreu : «Tzedaka tatzil mimavet» dont la traduction suit : «La charité vous sauvera de la mort, la charité est plus forte que la mort.» (pages 47, 73).

On n’y trouve pas de yiddish, mais, Judith Stora-Sandor déclara avoir «eu l’impression de lire une bonne traduction du yiddish, ce qui n’est pas si courant. Le yiddish résonnerait ici dans le français comme il résonne déjà dans la littérature américaine».

On trouve quelques bribes :

- d’allemand : «Frau» et «liebe Frau» (page 122) - «Führer» (page 109) - «Herr Rabbiner» (page 90) - «Kaiser» (page 49) - «Panzer» (page 219) - «Pariser Haint» (page 136) - «Weltbühne» (page 114) ;

- de russe : les mots «foumaïka» (page 266) - «khoriaïn» (page 82) - «kolkhoze» (page 18) - «Komintern» (page 162) - «komsomol» (page 41) - «kopeck» (page 47) - «nagan» (page 288) - «Okhrana» (page 55) - «pogrom» (page 34), , et la phrase «za rodinu, za Stalina» (page 230) ;

- d’espagnol : «Arriba Espagña» (page 185) - «Casa del pueblo» (page 184) - «Marranos» (page 192) - «No pasaran» (page 185).
Quant au français, Élie Wiesel en exploita tous les niveaux, le texte ayant cependant, la plupart du temps, le ton de la langue parlée populaire avec sa liberté, ses arrêts, ses reprises, ses digressions :

- chez Zupanev : «Il y croyait, lui, à l’accélération de l’Histoire» (page 82) - «Sois fier de lui, fiston. […] On l’avait bien amoché, cette nuit-là.» (page 169) - «Je manquais de patience pour les scribouillards» (page 169) - «Il faisait partie de mon existence, ton idiot de père.» […] le coup de fil venu de Moscou.» (page 283) - «il avait décidé de les liquider tous.» (page 284) - «ton père : pauvre diable, pas drôle sa vie. Je me demande s’il a eu l’occasion de faire la bringue, de rire aux éclats [...] Idée dégueulasse, pas vrai? […] Eh oui, je l’aime, fiston.» (page 285) - «Troublé, le juge d’instruction» (page 286) - «Et ces imbéciles de juges et de bourreaux qui n’y voient goutte !» (page 289) - «toutes leurs saloperies» (page 289) ;

- chez Paltiel : «Un braillard aperçut la grange» (page 39) - «Ce n’est pas drôle pour un gosse de vivre dans un état constant d’inquiétude, d’arrachement.» (page 42) - «Les rouspéteurs rouspétaient» (page 199) - «J’ai laissé le Boche gisant dans son sang» (page 232) - «Il me narguait, le salaud» (page 237) ; ses adresses au juge sont directes, coupées d’incises : «Je vous parais naïf, pas vrai?» [page 190] - «J’y pense, tenez» [page 201]) - «Si l’envie me prend de partir, je saute dans le premier train et hop, je m’en vais.» (page 203) - «La guerre, la guerre, quelle saloperie. Quelle boucherie.» (page 219) - «Le pays tout entier ne sait plus où donner de la tête. La pagaille totale. […] L’homme? Bon pour tuer, bon pour crever.» (page 219) - «Heureusement, il me rendit service, l’Allemand ; il eut l’amabilité d’expirer de lui-même.» (page 233) - «gosses» (pages 190, 243) - «cafardeux» (page 260) - «Elle est en colère, ma parole.» (page 262).

Mais on ne trouve pas d’argot car il regretta : «J’habite loin de ma langue, je ne l’entends pas au quotidien, je ne connais pas l’argot, raison pour laquelle je ne l’emploie jamais
L’objectif de l’écrivain engagé étant avant tout le témoignage, et celui-ci tenant sa force en grande partie de l'immédiateté de la parole, d’une communication qui emploie tous les procédés littéraires tendant justement à gommer la «littérature», le style d’Élie Wiesel est simple, assez banal.
Cependant, le texte est épicé d’un humour, qui s’inscrit dans la tradition de l’humour juif et dans lequel Élie Wiesel excelle.

Cet humour tient à la narration elle-même : «Tu connais l’histoire du type qui, amoureux d’une jolie fille, lui écrivait tous les jours? Elle finit par épouser... le facteur.» (page 224) - Au citoyen magistrat, il affirme : «La guerre [celle de 1914-1918] éclata peu après, mais je n’y étais pour rien, je vous le jure.» (page 47).

Il tient aussi au climat de la narration :

Paltiel se livre à une autodérision appuyée. Il peut d’ailleurs affirmer : «Voilà ma contribution à l’effort de guerre : je faisais rire. En ce temps-là, pendant l’automne de 1941, le rire était une denrée rare.» (page 224). Il concède au «citoyen magistrat» : «Je vous parais naïf, pas vrai? Je l’étais. Je l’admets sans honte, je le répète avec fierté.» (page 190).

Il est normal qu’à l’âge de quatre ans, il voie la guerre avec innocence : «Ce que je compris, c’est que les Autrichiens aimaient leur roi, et les Anglais le leur, et les Russes le leur, mais les rois se jalousaient et se détestaient entre eux - Mais alors, m’étonnai-je, pourquoi ce n’est pas eux qui se battent? Pourquoi envoient-ils leurs peuples tuer et se faire tuer à leur place?» (page 48). Mais, plus tard, il ne cesse d’être ou de se voir en position d’infériorité :

- «En dépit de mon expérience des hommes, j’ignore le moyen de les sauver, de les réveiller ; je me demande même s’ils ont envie d’être sauvés ou réveillés» (page 77).

- «Comparé à mes nouveaux amis, j’étais Rothschild. Certes, comparé à Rothschild, j’étais…» (page 87).

- «Inge pensait m’avoir converti à l’idéal de la Révolution communiste, donc athée ; elle se trompait. Elle se trompait car je la trompais. […] j’aimais Inge, je l’aimais passionnément, et je la trompais avec Dieu que je n’aimais plus.» (page 98).

- «C’est en retenant mes larmes, en souriant à contrecoeur, comme un crétin, que j’ai quitté le troisième Reich» (page 123).

- «Je ne pus même pas me payer le luxe de rouspéter puisque je ne connaissais pas le français.» (page 134).

- «De métier, je n’en avais pas, et comme combattant je ne valais pas grand-chose» (page 183).

- «Suis-je un romantique ou tout simplement un imbécile?» (page 186).

- «Les Juifs sont lâches, m’avez-vous dit. […] C’est faux en ce qui concerne les Juifs en général ; c’est vrai en ce me concerne, moi en particulier.» (page 218).

- «Moi, je n’étais pas un héros. La guerre […] je l’ai faite, moi, à l’hôpital. […] Je ne revendique aucun exploit, je n’ai gagné aucune bataille, remporté aucune victoire, sauvé aucune unité.» (page 219).

- Brancardier, il s’occupe d’un blessé allemand, qui supplie de l’achever, mais que, «comme un imbécile» (page 232), il traîne jusqu’au poste de secours, essayant alors, «comme un imbécile», de discuter avec le lieutenant qu’est Raïssa, avouant : «et moi, je m’acharnais à vouloir maintenir en vie un ennemi. Heureusement, il me rendit service, l’Allemand ; il eut l’amabilité d’expirer de lui-même.» (page 233).

- «Naturellement, je me trompais.» (page 262).

- «Comme poète, je n’ai pas de chance ; comme séducteur non plus.» (page 263)

- «Je suis le client parfait, on peut me refiler n’importe quoi, jamais je ne proteste, jamais je ne marchande, jamais je ne dis non ou peut-être ; même si le vêtement me va comme un uniforme de gala à un âne égaré.» (pages 265-266).

- «Je ratai ma nuit de noces.» (page 268).
Le romancier peut se permettre le clin d’oeil amusé : un chat, qui vient importuner Paltiel enfermé dans une cave, «dut se dire : ”C’est un fugitif ; je peux tout me permettre”. Il se permit tout ; il devint antisémite.» ; il se demande : «Pourquoi les chats haïssent-ils les juifs et les poètes?» (page 237).

L'humour se concrétise aussi en des formulations habiles, étonnantes, qui jouent sur l’effet de surprise qui dut être celui de Wiesel, étranger apprenant le français (comme l’Irlandais Beckett, comme le Roumain Ionesco), qui exploite donc les hasards de la langue, fait des jeux de mots :

- «La vie était drôle ; on se tordait de rire ou de faim, et le plus souvent les deux à la fois.» (page 87).

- Dès leur rencontre, Sheina Rosemblum dit à Paltiel : «Je vous prends. Je veux dire : comme locataire.» (page 142). Elle lui faisait lire ses poèmes, «n’y comprenait rien, et après? Elle me payait quand même des droits d’auteur.» (page 148).

- Il constate : «Je retombe en religion» (page 278 ; sur le modèle de «je retombe en enfance»).
Plus sérieusement, le romancier se lance dans l’ironie, la raillerie, le persiflage, la satire, la caricature :

- Paltiel se déclare «coupable : dès l’âge de cinq ans (ou de quatre?) mon amour s’est porté sur un peuple, le mien […] ; à cet âge-là, j’étais déjà coupable de menées nationalistes juives et d’agissements contraires à votre loi» (page 40).

- Â Grisha, Katia dit : «Tu es muet. On t’interroge et tu n’as qu’à froncer le sourcil pour dire : Désolé, adressez-vous au guichet d’à côté ; moi, je suis fermé.» (page 65).

- Paltiel constate : «En temps de guerre, il y a des hommes qui deviennent juifs sans le savoir.» (page 48), à quoi fait écho cet aveu de son père : «En vérité, citoyen magistrat, je faisais du communisme sans le savoir.» (page 53).

- La question : «Bolchevisme, menchevisme. Isme, c’est quoi exactement?» reçoit cette réponse ; «C’est comme une femme indécise prête à épouser n’importe quel mot» (page 49).

- Il conclut moqueusement son acceptation des arguments d’Éphraïm : «Je ne pouvais qu’approuver : il plaidait pour la justice des victimes, la dignité des esclaves, amen» (page 57).

- Il a pu voir qu’à «l’asile d’aliénés de Charenton […] ils prétendent tous être le Messie. […] Tous. Le psychiatre aussi.» (page 136) ;

- «De braves gens s’occupaient à exorciser leur cafard, à meubler leur solitude, ou comme on dit ici : à faire l’amour, comme on dit : faire du café, faire la cuisine, faire le ménage.» (page 136) ;

- «Je plaide coupable, citoyen magistrat, d’avoir festoyé dans une cité capitaliste en compagnie d’un ancien ami devenu ennemi du peuple, et d’avoir succombé à l’ivresse devant lui.» (page 165) ;

- Paltiel indiquant : «Cela me rappelle le Livre d’Esther. – Esther? Qui est-ce? s’exclama le juge d’instruction, heureux d’avoir enfin soutiré un nom à ton père. Elle a écrit un livre? Où habite-t-elle?» (page 176) ;

- Paltiel déclare : «Je me portais merveilleusement bien : ‘’comme Dieu en France’’, ainsi qu’on disait à Odessa, ou ‘’comme Dieu à Odessa’’, ainsi qu’on le disait en France.» (page 183).

- Il statue : «Les poètes qui se mêlent de politique, c’est comme les somnambules qui postulent un emploi de guide.» (page 146) - «L’anarchie n’existe pas, ne peut exister en tant que système, car elle nie le futur en l’empêchant de naître. On ne lutte contre un ordre établi qu’en lui opposant un autre ordre établi : le vide n’est pas un outil, le désordre non plus. La notion de chaos porte en elle sa propre contradiction.» (page 190).
Si le style est, en général, simple, Élie Wiesel sait tout de même ménager des effets impressionnistes : «Jérusalem : couleurs changeantes, voix proches et lointaines» (page 23) ; ou expressionnistes : «Je suis l’ombre d’une ombre ; nous attendons l’aube pour prendre feu.» (page 21) - «Le cri de “Mort aux juifs” pénétra les arbres et les pierres, les fleuves et les rochers, l’enfer et le paradis ; anges et bêtes le transmirent, en gémissant ou en ricanant, pour l’offrir au trône céleste en souvenir d’une aventure qui avait mal tourné, d’un échec à l’échelle de la création» (page 38) - «La ville soudain se tend vers le ciel comme pour l’incruster parmi les étoiles qui voient tout et retiennent tout. […] la ville est irréelle, suspendue entre les nuages et les collines, la nostalgie et la prémonition» (page 66, pour rendre le caractère surnaturel de Jérusalem) - «le Carmel incrusté dans un ciel flamboyant, d’un bleu profond traversé de rouge» (page 154) - «Chaque phrase s’amplifiait, pesait sur mon crâne et à l’intérieur de mon cerveau : bientôt la pression devenait intolérable. Le moindre bruit, un battement de paupières, se répercutait en moi comme dans un tambour métallique. Je m’abandonnais, je sombrais dans le néant. J’avais l’impression que chaque objet, dans cet univers, bougeait, dansait dans un vacarme de foire : les lampes vociféraient, les plumes crissaient, les rideaux mugissaient, les sièges avançaient et reculaient comme sur un navire en perdition.» (page 172) - «Les bombes incendiaires offraient au ciel une forteresse de flammes jaunes et rouges» (page 231).
Il construisit des tableaux par accumulations rapides et elliptiques :

- des portraits : celui de Grisha : «Grand, élancé, fin, cheveux foncés, yeux sombres, lèvres serrées, tout en lui suggère l’écorché» (page 11) - celui de David Abloulesia : «Vêtu sobrement, élégamment. Veston et chaîne en or. Front dégagé, nez aquilin. Le regard lointain, habité.» (page 129) – celui d’Ahouva : «Visage rond, nez plat, yeux noirs comme l’ébène. Une Sabra d’origine orientale.» (page 157) ;

- des ambiances : Grisha à Jérusalem «se met à capter les mille bruits qui viennent de la rue et des immeubles voisins. La radio qui braille : nouvelles du jour, commentaires, et commentaires des commentaires. Que les gens sont bavards. Tout le monde veut avoir une opinion sur tous les sujets. Les Russes, les Chinois, la gauche, la droite, I'avortement, la psychanalyse, les hommes, les femmes et ceux qui sont entre. Et les élections qui approchent. Et le jour du Grand Pardon : jeûner ou aller à la plage? Discours de politiciens, exhortations religieuses. Dieu veut, Dieu exige : que Ses porte-parole sont nombreux et sûrs d'eux-mêmes ! Merci pour I'année qui s'est achevée, prions pour I'année qui vient. Pas de guerre, surtout pas de guerre. / Il est dix heures du soir, plus tard peut-être, mais la rue est encore pleine de mouvement. Un Rabbi et ses disciples, dans leurs cafetans d'hiver malgré la canicule, se rendent au Mur pour implorer Dieu de leur donner la force et la sagesse de pouvoir I'implorer encore mieux demain soir. Un employé rentre chez lui, essoufflé. Un touriste se fait déchiffrer une inscription sur le frontispice d'une ‘’Yeshiva’’ : ‘’Cet édifice ne sera ni vendu ni loué avant la venue du Messie’’.» (page 21) - «Un mûletier et sa mule récalcitrante. Un porteur d’eau. Odeurs de boulangerie et de légumes. Un homme longe les murs : un veilleur qui rentre chez lui? un malfaiteur? Cri strident d’une mère : Ahmed, tu viens? Et un enfant qui répond : j’arrive, j’arrive.» (pages 156-157) - «Dernière promenade. Éclatante journée d’avril. Avenues bondées, animées. Uniformes bruns, gris, noirs. Svastikas innombrables. Visages heureux» (page 121) - «Tristesse personnelle et collective […] tristesse infinie, indicible, tumultueuse et ténébreuse […] Triste pour ce monde en furie, triste pour son Créateur. Triste pour les morts, triste pour les survivants qui se souviendraient des morts.» (page 242) ;

- des évènements : «Demain. Heure de vérité. Jour de jugement. Veille de Kippour.» (page 20) - «Hommes massacrés, femmes éventrées, enfants recroquevillés […] une croix gravée sur son front […] crucifié […] égorgée […] battus à mort […] profanées, pillées» (page 40)
Il sut procéder à des raccourcis significatifs : «Les bûchers de l’Inquisition aboutirent à l’explosion, à la destruction de l’Espagne au temps des franquistes.» (page 186) - «Deux chefs d’État [Hitler et Staline] concluent un pacte et c’est moi qu’un inspecteur de police vient tirer du lit pour ‘’vérification d’identité’’.» (page 205), créer un rythme rapide : «Le temps de se ressaisir, et il [David Aboulesia] a déjà disparu. Me précipiter à sa suite? À quoi bon. D’ailleurs, il se fait tard. Vite, à la maison. Vite ‘’Frau’’ Braun, je suis pressé, je vous dois combien?» (page 122) - «Les lieutenants criaient, les sergents hurlaient et les pauvres soldats couraient, rampaient, se redressaient, saluaient, fixaient un point […] on présentait les armes […] on les plaquait […] on recommençait» (page 202) - «L’envahisseur avançait, avançait, apparemment invincible, irrésistible, inexorable, tel le dieu de l’apocalypse» (page 222) - «On étudiait des cartes, on scrutait les nuages, on nettoyait les fusils, on graissait les mitrailleuses, on comptait les heures, les minutes.» (page 230) - «Les événements [au moment du retournement de Staline contre les juifs d’U.R.S.S.] se précipitèrent : dissolution du Comité antifasciste, fermeture du théâtre juif, disparition de telle ou telle signature dans la presse.» (page 273).

Il a le sens des formules saisissantes, des maximes : «En attendant la mort, on n’écrivait que pour la mort» (page 18) - «Les ennemis de leurs ennemis n’étaient nullement leurs amis» (page 42) - «Pour croire au salut, je dansais au bord du gouffre» (page 53) - «Nous étions amis parce que, parce que nous étions amis» (page 59) - «Deux êtres s’embrassent, et le gouffre de leur vie s’illumine. Un homme et une femme s’enlacent, et la misère humaine est vaincue.» (page 96) - «Les grandes amours naissent sans raison, et meurent pour une raison bien définie.» (page 102) - «Si toute guerre est folie, la guerre civile, fratricide, est la pire de toutes» (page 181) - «C’est Stalingrad avant Stalingrad» (page 188) - «Cent bougies peuvent s’éteindre aussi vite qu’une seule» pour indiquer que peu importe le nombre de juifs engagés en Espagne puis déçus (page 196) - «Les rouspéteurs rouspétaient, les politiciens discouraient, les militaires paradaient, la droite menaçait et la gauche ripostait, les femmes riaient. Les apatrides, eux, tremblaient» (page 199) - «Les commentateurs commentent, les poètes font des rimes, les polémistes s’empêtrent.» (page 204).

On remarque des répétitions expressives : «Leur folie allait faire irruption dans notre univers : folie noire et haineuse, folie sauvage, assoiffée de sang et de meurtre.» (pages 37-38). Paltiel est fasciné par «ce milieu proprement fantasmagorique de Berlin où clowns intellectuels et clowns artistiques, militants politiques et anti-politiques tourbillonnaient de divertissement en divertissement» (page 88). Il définit le «prolétariat» comme «la cause sacrée, la cause qui mettait en cause toutes les causes» (page 88). Emporté par la hardiesse d’Inge, il constate : «La voici dans mon pauvre lit grinçant, étroit et inconfortable, avec moi, sur moi, sous moi» (page 97). Pour lui, envisager les nazis au pouvoir, «ce serait sous-estimer l’intelligence du peuple allemand, la culture de l’homme allemand, le rationalisme allemand, le bon sens allemand, la contribution allemande au développement spirituel de l’humanité.» (page 110). Il répète : «Je ne comprenais pas. […] Non, je ne comprenais pas […]» (page 212), mais ce n’est pas un aveu de naïveté ; c’est une accusation au nom de la sincérité. Revient un refrain : «Le reverrai-je?» (pages 165 et 166) - «Nous reverrons-nous?» (page 167) - «La reverrai-je?» (page 182) - «La reverrai-je un jour?» (page 208) - «Les reverrai-je un jour?» (page 218). On trouve aussi des anaphores expressives : «Pourquoi […] Pourquoi […] Pourquoi […] Pourquoi […] Pourquoi […]» (page 119) - «Dernier […] Dernier […] Dernière […] Dernière […]» (page 121) - «J’aimais […] J’aimais […] J’aimais […] » (page 155) - «Il est possible […] Il est possible […] possible… » (page 195).
Les figures de style ne manquent pas :

- des paronomases : «Ce fleuve humain qui coule non vers la mer mais vers la mort» (page 209) - «Ils raffolaient de jupons et de jurons» (page 222) ;

- une prétérition significative : «Je ne vous dirai pas, citoyen magistrat, ce que j’ai éprouvé ; ce serait presque indécent. Je dirai seulement ceci […] Non, je ne vous raconterai pas Majdanek […] Mais je dirai encore ceci.» (page 263) ;

- des paradoxes : «Tuer un tel silence» (page 19) - «Je traquais le silence dans le verbe et le verbe dans le silence» (page 52) - «On se riait du sacré, et, pour rire, on sacralisait le rire» (page 88) - «Les poètes muets crieront notre vérité» (page 86) - «Le hasard, tout de même, quel génie de l’organisation» - «Si c’est vrai, nous sommes fichus ; et si ça ne l’est pas, nous le sommes davantage.» (page 165) ;

- un oxymoron : «soleil de cendre» (page 107), image plus loin développée : «Je vois un soleil que nul ne peut voir ; mon soleil à moi n’est pas rouge, ni argenté, ce n’est pas un disque d’or ou de cuivre, mais une boule de cendre.» (page 254) ;

- des comparaisons : «Ses vers : des étincelles ; sa vie et sa mort sont un brouillon qui traîne sur la table (page 13) - «Pogrom, un petit mot brutal, barbare, qui éclate comme un hurlement de femme ou de foule écartelée, comme un corps éventré, comme un crâne enfoncé.» (page 35) - «La folie […] approchait, lentement, sournoisement, à pas comptés, comme une meute de fauves encerclant une proie vaincue d’avance par l’épouvante.» (page 38) - «Trois bedeaux, véritables épouvantails vivants» (page 47) - «La guerre est une sorte de pogrom, mais en plus grand» (page 48) - «Berlin arbore sa dégénérescence comme une idéologie.» (page 109) - «Les nazis? […] une maladie déplaisante, pas sérieuse et sûrement pas mortelle […] déchets […] jetés dans la poubelle de l’Histoire.» (page 109) - Paltiel, dans les manifestations, portait «le drapeau rouge comme mon père, à Lianov, portait les rouleaux sacrés» (page 113) - «Un poète qui ne regarde pas par-delà la muraille, c’est comme un oiseau muet.» (page 141) - «Les poètes qui se mêlent de politique, c’est comme les somnambules qui postulent un emploi de guide.» (page 146) - «La vieille ville» [de Jérusalem] s’ouvre, et «on eût dit une toile de tente brutalement déchirée» (page 156) - «je souffrais comme mille diables en enfer» (page 194) - «Je rougissais de gêne, comme un talmudiste innocent tombé parmi des soûlards en pleine orgie un jour de foire» (page 222) - «Il m’examina de haut en bas comme si j’étais un arbre insolite tombé du ciel et bizarrement déguisé en soldat.» (page 223) - «Les Allemands fuyaient et nous les poursuivions, tels les anges du châtiment suprême.» (page 239) - «Il me conseillait la prudence : attention aux francs-tireurs, aux balles perdues ; attention aux mines. Faire attention, faire attention, c’est vite dit ; comme si le front était un passage clouté.» (page 257) - «Tout un peuple, le mien, s’était envolé comme un nuage de feu.» (page 263) - la condamnation par le Parti de la culture juive est, pour Paltiel, un «deuxième pogrom» (page 274).

- des métaphores : «Du soleil cuivré ne reste qu’une poignée d’étincelles dispersées sur les carreaux» (page 15) - «Un poing de fer me martèle les tempes […] Inutile de m’accrocher à l’écume des vagues» (page 16) - «La tempête a soufflé et les êtres ne sont plus ce qu’ils étaient. […] J’ai marché dans la forêt, je me suis égaré.» (page 78) - «La [Inge] regarder, c’était la suivre dans la forêt primitive où tout est permis.» (page 92) - «Incapable de lui [Olga] résister davantage, Grisha se soumit. Et aussitôt il se crut transporté sur le sommet d’une montagne.» (page 102) - «Paul dit que pour sauver le monde, il faut l’amputer ; pour sauver le bras, il est nécessaire de couper le petit doigt. La vieille métaphore.» (page 156) - «De mon voyage en Terre sainte, j’avais rapporté une étincelle prise à sa flamme, une étoile de son ciel, une larme de sa mémoire.» (page 159) - «Nous avions abattu la bête» (page 260) qu’était le nazisme (souvenir de la formule de Bertolt Brecht dans ‘’La résistible ascension d’Arturo Ui’’ : «Le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde»?) - «un jour, mon cher poète juif pas encore assassiné, un jour tes étincelles allumeront un incendie.» (page 289) ;

- des symboles comme le rêve : «Une petite fille blonde va se jeter du haut de la tour et la même petite fille blonde va se noyer ; elle crie, je crie, mais les gens dorment, oreilles bouchées, paupières blessées, les gens ne veulent pas s’en mêler.» (page 17), comme la mutité de Grisha.

- des personnifications : «La nuit à Jérusalem est une présence vivante : elle marche dans la rue, accompagne les passants, se tapit dans les portes cochères. À Jérusalem, la nuit est un messager.» (page 20) - «Chez nous, à Barassy, le fleuve lui-même parlait le yiddish.» (page 32) - «La ville se déshabillait, se fardait, s’humiliait sans gêne, arborant sa dégénérescence comme une idéologie.» (page 109) - «Le fusil était braqué sur l’humanité et celle-ci commençait à s’en apercevoir.» (page 192) - «En deux ans, Paris n’avait pas changé. […] Question d’orgueil : à son âge on fait tout pour ne pas changer.» (page 198) - «Recroquevillé, emmitouflé, Moscou se cachait pour respirer et conserver sa chaleur.» (page 210) - «La Mort, et ses bras et ses yeux innombrables, la Mort qui ne perd jamais, qui ne recule jamais. Qui n’est jamais assouvie.» (page 218) - «L’Armée rouge enfonçait en jubilant les défenses ennemies.» (page 239) - «L’aube, comme toujours en ce mois d’août, allume le ciel et glisse sur les toits et les cimes des arbres. En face, la montagne retient la nuit. J’ai envie de la supplier : Libère-la, dieu de la montagne ; renvoie-la-nous ; garde le soleil, garde-le en otage et rends-nous la nuit ; fais qu’elle s’étende à nouveau sur cette ville de ténèbres, fais qu’elle y demeure un jour de plus, une vie de plus.» (page 286).
Le romancier atteint donc, en fait, une poésie plus intense que celle de Paltiel car ses poèmes (pages 25, 26, 104, 105, 124, 125, 126, 140, 181, 247, 248) montrent qu’elle est prosaïque (parce qu’engagée), brève, tendue, nerveuse, allusive.
Ainsi, Élie Wiesel ne se limite pas à la narration simplement efficace du romancier engagé : il fait preuve de qualités de poète et d’humoriste.
Intérêt documentaire
Avant d’être l’histoire d’un juif représentatif du destin de nombreux autres juifs, le roman est un document sur le judaïsme, sur l’Histoire de la première moitié du XXe siècle.

Examinons ces différents domaines :
Le judaïsme : On peut classer en quelques grandes catégories les renseignements que donne le livre sur les juifs.

Il nous fait découvrir la religion juive. Il en mentionne les textes fondateurs : la ‘’Torah’’ (nom hébreu du Pentateuque, ensemble des cinq premiers livres de la Bible ; pour les juifs, c’est le guide essentiel de la vie individuelle et collective) qui constitue «les rouleaux sacrés» gardés dans le coffre qu’est l'Arche. La Kabbale (au sens propre, la tradition) est l’interprétation mystique et allégorique de la ‘’Torah’’ ; le ‘’Zohar’’ est son texte de base. La ‘’Misnah’’ est la compilation des enseignements et des décisions de rabbins interprétant la ‘’Torah’’). Le ‘’Talmud’’ (en hébreu, «enseignement») est un vaste ouvrage se présentant comme un commentaire de la ‘’Misnah’’, visant à fournir un enseignement complet et les règles à suivre sur tous les points de la vie religieuse et civile des juifs. Le traité Sanhédrin est un des soixante-trois traités du ‘’Talmud’’. La ‘’Midrash’’ est un recueil de commentaires rabbiniques, en style simple, direct et poétique. L'’’Aggada’’est un mélange de récits historiques, de légendes, de paraboles, d'adages, d'homélies et de commentaires, qui, malicieusement ou poétiquement, définissent une morale.

Ces textes sont étudiés dans le «héder» (la «salle» en hébreu), école primaire juive, tandis que la «yeshiva» est l’école spécialement consacrée à l'étude des textes talmudiques et rabbiniques.

La religion juive est dominée par un Dieu sévère. Elle est marquée par l’attente d’un Messie (pages 130, 133) qui, ne venant pas, entretient une culpabilité intemporelle : «Le cri de “Mort aux juifs” pénétra les arbres et les pierres, les fleuves et les rochers, l’enfer et le paradis ; anges et bêtes le transmirent, en gémissant ou en ricanant, pour l’offrir au trône céleste en souvenir d’une aventure qui avait mal tourné, d’un échec à l’échelle de la création.» (page 38).

Des rites sont prescrits :

- Le ‘’Shéma Israël’’ («Écoute, Israël : le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est Un») : premiers mots du texte le plus connu du rituel juif, rassemblant trois passages du Pentateuque, véritable profession de foi qu'on récite aux offices du soir et du matin.

- La prière de ‘’Misha’’ qui doit être dite l'après-midi à la synagogue.

- La prière de ‘’Maariv’’ qui est celle du soir.

- En diverses solennités (en particulier à ‘’Rosh Hashana’’), on sonne dans une corne de bélier, le «shofar», pour évoquer la création du monde, et appeler les fidèles au repentir et à la pénitence.

- Le ‘’shabbat’’, septième jour de la semaine, du vendredi au samedi (d'un coucher de soleil à l'autre), doit être consacré au repos et à la vie spirituelle.

- Le ‘’Kaddish’’, prière en l'honneur des morts, est dit par l'officiant à la synagogue et par chaque juif au moment des funérailles.

- Le juif fidèle doit fixer au front et au bras gauche, à l'office du matin, les jours de semaine, les «Téléphines» ou phylactères (page 278), deux petites boîtes cubiques et noires qui contiennent des passages de la ‘’Torah’’.

- Il est interdit aux juifs orthodoxes de toucher leur visage avec une lame ; aussi laissent-ils les mèches de leurs cheveux pousser sur les côtés du visage, et les entourent de morceaux de papier pour les friser, d’où leur nom de papillottes.

- Les juifs mâles et les femmes mariées doivent se couvrir les cheveux, d’où le reproche fait à Paltiel : «Vous ne portez pas le chapeau» (page 132).

- Il faut manger «kasher», respecter les lois diététiques prescrites par la ‘’Torah’’, «ne pas manger de porc», jeûner «le jour du Grand Pardon» (page 74). Le «matza» est un pain azyme, sans levain, qui rappelle la fuite d'Égypte, moment où les Hébreux n'eurent pas le temps de faire du pain.

- L’enfant mâle est circoncis par le «Mohel», rabbin ou laïc habilité à pratiquer la circoncision.

- Différentes fêtes religieuses sont évoquées : le soir de ‘’Simhat-Torah’’, la cérémonie du ‘’Séder’’ (rituel de la soirée pascale rappelant la sortie des Hébreux d'Égypte) ; le ‘’Yom Kippour’’, ou jour du Grand Pardon, dix jours après ‘’Rosh Hashana’’ (qui est le début de l'année juive (page 64), jour de l'expiation et du pardon (septembre-octobre), jour de jeûne total, de privation de tout ce qui peut procurer un confort matériel, de récitation de prières spéciales devant permettre de demander pardon à Dieu pour ses fautes, et d'obtenir l'absolution ; il se termine par l’office de ‘’Kol Nidré’’, annulation solennelle des vœux et des serments prononcée le soir du ‘’Yom Kippour’’ ; la ‘’Bar-Mitzvah’’, cérémonie à la synagogue où, pour marquer sa majorité religieuse (treize ans), le jeune garçon lit la ‘’Torah’’.
Les juifs accordent beaucoup d’importance aux liens qui unissent les générations.
L’Histoire des juifs : Ils ont toujours été victimes de persécutions :

- Les «Égyptiens au temps du Pharaon» poursuivant les Hébreux conduits par Moïse.

- Les «pillards au service de Hamman», obéissant aux ordres du vizir d’Assuérus. Les juifs furent alors sauvés par Esther, une belle Juive vivant à la cour de ce roi de Perse qu'elle épousa, obtenant leur grâce et faisant même monter au pouvoir son cousin Mardochée (‘’Livre d'Esther’’, livre de la Bible).

- Les Romains qui persécutèrent les juifs en 132, et contre lesquels se révolta Bar Kochba (page 265), qui devint prince d'Israël jusqu'en 135, date à laquelle Jérusalem fut rasée. Le Temple étant détruit, Rabbi Yonahan ben Zakkaï, dit «Rabban» («notre Maître)», chef spirituel du judaïsme en Palestine au Ier siècle après Jésus-Christ, fut l'une des personnalités clés dans l'élaboration du ‘’Talmud’’ car il compila toutes les connaissances sur les moindres détails du rituel des sacrifices en vue de sa restauration par le messie.

- Les «Croisés à l’ombre des icônes» (page 36) sévirent au temps du royaume latin de Jérusalem.

Les juifs furent obligés à la «diaspora» («dispersion») dans des pays où ils connurent l’hostilité au nom du christianisme (le «pogrom» qui a lieu «le soir de Noël», page 33) ; où on leur interdit la possession et le travail de la terre ; où on les confina dans le trafic de l’argent, ce qui leur donna une habileté et une puissance financières dont on sut profiter en temps opportun et dont les Rothschild (page 87), famille de banquiers d'origine juive allemande, sont le symbole. Cette diaspora est illustrée quand Paltiel indique la «parenté profonde» qui existe entre «un commerçant du Maroc et un chimiste de Chicago, un chiffonnier de Lòdz [en Pologne] et un industriel de Lyon, un kabaliste de Saled [en Palestine] et un intellectuel de Minsk [en Biélorussie]» (page 50)

La diaspora sépara les juifs en deux branches, ceux qui viennent d'Europe (les ashkénazes) et ceux qui viennent d'Orient ou d'Afrique du Nord : les sépharades), leur civilisation courant à travers les millénaires, en s’étendant de la Lituanie à Tanger, d’où l’accusation d’internationalisme qui leur est faite. David Aboulesia en est le symbole puisqu’il tient des Ashkénazes et des Séphardims (page 130).
La branche ashkénaze : Elle se trouvait en Europe orientale, d’où les noms germaniques : «Les Stern, les Gross, les Fenkel, les Stein, venus des communautés dispersées de Hongrie, de Roumanie ou de Pologne.» (page 185). Elle parlait le yiddish (ou judéo-allemand), différents écrivains en yiddish, russes ou polonais, étant cités et plus particulièrement ceux qui furent victimes de la purge stalinienne de 1952 : Isaac Babel (exécuté en 1941 et réhabilité en 1954, David Bergelson [bien que ses œuvres réalistes étaient pro-communistes], Mikhoels, Peretz Markish, Der Nister, Y.L. Peretz, Sholem Aleikhem [né en Russie en1859, mort aux États-Unis en 1916]). Les hommes portaient le cafetan (ou caftan), ancien vêtement oriental, ample et long. La branche ashkénase a vu naître le hassidisme, le «hassid» étant un juif à la foi fervente, qui agit par amour, avec tendresse, ce courant religieux, né en Pologne au XVIIIe siècle, s'inspirant des croyances et principes de la Kabbale, et privilégiant la prière plutôt que l'étude, le mysticisme, la conversation avec Dieu, réhabilitant la piété spontanée et joyeuse de l'ignare, introduisant la danse et des chants extra-liturgiques ; c’est une tradition qu’Élie Wiesel a lui-même connue.
La branche sépharade : Les séphardim ou sépharades sont les juifs d'Espagne et du Portugal et leurs descendants établis dans les pays méditerranéens (pages 129, 130, 157 : «origine orientale»). Leur culture, fondée sur le ladino, langue judéo-espagnole, est marquée par Maïmonide, théologien, philosophe et médecin juif du XIIe siècle, par les poètes de l'Âge d'Or, période faste du judaïsme en Espagne au Moyen Âge, par Don Itzhak Abrabanel, homme d'État au Portugal puis en Espagne, enfin philosophe et exégète biblique à Venise (1437-1508) (pages 196-197). Il est fait mention de «l’Inquisition» (page 36), tribunal ecclésiastique chargé autrefois de lutter contre les hérétiques (auxquels il imposait la mort par le feu) et qui sévit surtout en Espagne. Les juifs furent souvent convertis de force au catholicisme, mais certains, les «Marranos», observèrent secrètement la loi juive.
Dans la diaspora, les Juifs furent réduits à habiter dans des quartiers réservés, les ghettos (du nom du quartier juif de Venise), et souvent soumis, en Europe orientale, aux «pogroms» (pages 34-36, 102), soulèvements violentas, souvent meurtriers, organisés contre une communauté juive), par exemple de la part de Bohdan Khmelnitzki, chef cosaque du XVIIe siècle qui détruisit sept cent quarante-quatre communautés. Ces pogroms eurent encore eu lieu au XXe siècle, comme on le voit à Barassy, en 1910.

La persécution atteignit son sommet avec l’Holocauste commis par les nazis (l’extermination des juifs de Kharkov, le massacre de ceux de Drobitzky Yar [page 234], le camp de Majdanek [page 263]), instruments de «la Malédiction» dont Paltiel voudrait qu'elle n'ait pas eu lieu (il se dit : «l’humanité n’est pas tombée dans l’abîme, elle n’a pas brûlé son âme.» [page 243]).

Et l'antisémitisme des Russes (pogromistes = nazis [page 110]) a persisté en Union soviétique où les juifs furent persécutés (page 42) sans qu'on le sache toujours à l'extérieur. L'indifférence des Russes à l’égard des Juifs (page 225) est la preuve de l'échec de l’éducation communiste. L'antisémitisme de Staline l'a fait sévir contre les écrivains juifs pour les raisons les plus obscures («pogrom d’un nouveau genre» [page 273]). Élie Wiesel nous rappelle, comme le souligna Jean Lacouture, «un holocauste presque oublié, un génocide subtil, sélectif, progressif, celui que perpétra Staline [...] l’aphasie substituée au massacre». L’antisémitisme ne céderait donc devant rien, pas même devant la communion idéologique : «Vous restez juif aux yeux des communistes avant d’être communiste.» Mais n’est-ce pas au fond cette permanence que revendique Élie Wiesel?

Aussi les Juifs ont-ils cherché à échapper à ce «royaume du silence et de la peur» (page 9) comme le fait Grisha, en gagnant Israël : c’est l’objectif du sionisme, mouvement politique et religieux visant au retour à Sion (montagne de Jérusalem), à l'établissement puis à la consolidation d'un État juif en Palestine («la Nouvelle Sion»). Paltiel, dans son aveuglement (page 114), longtemps lutta contre lui, participant aux dissensions entre communistes et sionistes (page 145).
Les lieux du roman : Paltiel Kossover passe par :

- La Russie tsariste (Barassy qu’Élie Wiesel situe «entre Zhironev et Tosahin» [page 41]), autant de noms fictifs ;

- Israël (Jérusalem où le roman nous conduit avec Paltiel et avec Grisha, qui se montre sensible à la beauté de Jérusalem («Du soleil cuivré ne reste qu’une poignée d’étincelles dispersées sur les carreaux» [page 15] – «couleurs changeantes, voix proches et lointaines» [page 23] – dont un tableau est brossé pages 156-157) et, surtout, à son caractère surnaturel : «La ville soudain se tend vers le ciel comme pour l’incruster parmi les étoiles qui voient tout et retiennent tout […] la ville est irréelle, suspendue entre les nuages et les collines, la nostalgie et la prémonition.» (page 66).

- La Roumanie (Lianov).

- L’Allemagne de la République de Weimar (Hambourg, Berlin).

- La France du Front populaire (Paris [pages143, 198, 199]), les moeurs françaises (pages 135, 136).

- L’Espagne de la guerre civile (Albacete, Barcelone, Cordoue, Teruel, Madrid, Barcelone encore).

- L’U.R.S.S. sous Staline (Odessa, Moscou, Smolensk, Kharkov, Drobitzky Yar (le ghetto juif de Kharkov), Rovidok, Voronej, Oman, Berditchev, Krasnograd).
De l'inventaire des lieux, il ressort nettement, d'une part, que les déplacements de Paltiel sont guidés par un souci d'exemplarité historique (Berlin, Paris, Barcelone Teruel, Moscou : autant d'endroits où l'Histoire est en train de se faire), d'autre part, que le parcours est bouclé : parti de Barassy, il y retourne, Krasnograd étant le nouveau nom de Barassy.

Les lieux ont une fonction primordiale : ils sont chacun une étape concrète de l'évolution de Paltiel. Le parcours dans l'espace est un parcours en soi-même. Le point de départ est la judéité (Barassy), le chemin est l'internationalité du communisme, le point d'arrivée est la judéité (Krasnograd) .

Le lieu où se fait le livre (à travers Grisha) est celui par excellence de la judéité : Jérusalem. L'histoire de Paltiel Kossover, juif errant et juif égaré, s'assemble et prend son sens à Jérusalem, le lieu de la tradition, de la permanence, d'une judéité millénaire. Jérusalem rassemble en elle toute l'identité juive, il faut donc que la quête d'identité de Grisha, et celle, par le texte, de son père aient lieu à Jérusalem.

Malgré leur diversité, les lieux où se situent l'action ne sont jamais dépaysants. Ils n'ont pas d'autre rôles que celui de théâtres successifs où Paltiel rencontre l'Histoire. Chaque ville est un lieu de passage, au sens initiatique du terme.

Le voyage, le déplacement, I'errance sont presque toujours escamotés par le récit. Alors que Paltiel, si l'on y songe, parcourt des milliers de kilomètres, on le voit très peu voyager : il est dans une ville, puis dans une autre, puis dans une autre, etc. Quand, par exception, le voyage fait l'objet d'une séquence, il se déroule en espace clos où l'on ne perçoit pas le déplacement (le train Berlin-Paris), ou bien il est réduit à sa structure minimale de passage (le franchissement de la frontière espagnole). Paradoxe du récit : le «juif errant» est constamment prisonnier d'espaces oppressants. Il ne quitte l'un de ces espaces que pour passer, quasi instantanément, dans un autre : comme si chaque ville était à la fois un abri et un danger. En fait, les villes se présentent chacune comme un ghetto où Paltiel cherche la fraternité et l'appartenance, et d'où l'Histoire et la violence le rejettent toujours. Il est un errant malgré lui : ce qui lui importe, ce n'est pas de se déplacer mais de trouver sa place. C'est pourquoi, suprême avatar du paradoxe, il ne trouve sa place, et ne se trouve lui-même (en s'affirmant comme juif) que dans l'espace le plus oppressant de tous : la prison.
Les problèmes politiques du XXe siècle :
1   2   3   4

similaire:

Résumé (la pagination est celle de l’édition dans la collection Point) iconA problématique
«Il n’est point de serpent, ni de monstres odieux,/ Qui par l’art imité, ne puisse plaire aux yeux»(Boileau, Art poétique, 3). A...

Résumé (la pagination est celle de l’édition dans la collection Point) iconRésumé Chapitre I : “
«la société la plus brillante». Mais l’envieux Arimaze le fait injustement emprisonner. Sur le point d’être supplicié, IL est sauvé...

Résumé (la pagination est celle de l’édition dans la collection Point) iconVoici le programme détaillé de notre voyage dans la métropole
«Burggarten» ou, s´il n´est pas tiré du sac, dans un point de restauration à l´initiative des élèves

Résumé (la pagination est celle de l’édition dans la collection Point) icon«folie humaine» du 8 au 30 novembre 2008
Ce qui m’intéresse, c’est l’énergie du corps, celle qui vient de l’intérieur, celle qui

Résumé (la pagination est celle de l’édition dans la collection Point) iconLa critique
«La "mauvaise" littérature, c'est celle qui pratique une bonne conscience des sens pleins, et la "bonne" littérature, c'est au contraire...

Résumé (la pagination est celle de l’édition dans la collection Point) iconRésumé du cours «L’internationalisation et la mondialisation de l’art contemporain»
«Pourquoi a-t-on tant commenté la globalisation d’un point de vue sociologique, politique, économique, et quasiment jamais selon...

Résumé (la pagination est celle de l’édition dans la collection Point) iconVente de cartes postales – affiches – photographies
«CÉLÉbrités contemporaines» 3 albums oblongs incomplets (environ 800 images sur 1500 au total, certaines non collées) 1ère collection...

Résumé (la pagination est celle de l’édition dans la collection Point) iconLe Bmw z4 Coupé par Joshua Davis : un projet graphique aux limites du possible !
«Avec jusqu’à 120 000 calques et 50 000 vecteurs, mon travail est un cauchemar d’imprimeur,» confirme l’artiste dont l’œuvre ne peut...

Résumé (la pagination est celle de l’édition dans la collection Point) iconRésumé : La crise financière a révélé au grand jour les limites de...

Résumé (la pagination est celle de l’édition dans la collection Point) iconEst un mot utilisé dans les religions et certaines sectes pour désigner...
«passions» fut Évagre le Pontique1, moine gnostique mort dans le désert égyptien en 399 : Évagre identifia huit passions et estimait...







Tous droits réservés. Copyright © 2016
contacts
a.21-bal.com