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vit la parole de Notre Seigneur : "Allez, ne craignez point, je serai avec vous". Toutes ces œuvres si florissantes de Zao-ka-dou furent momentanément arrêtées en Août 1927 par la guerre sino-japonaise et reprirent doucement au début de1938. CHAPITRE 15 ŒUVRE DE LA PRISON DE ZAO-OU-KIENG – 1919 =========== Après la révolution de 1912-1913, une des décisions des "Pacificateurs" du gouvernement de Shanghai, fut de réformer les prisons, de les organiser selon ce qui se pratique sur les Concessions : propreté, discipline, essais de moralisation par les travaux fixés et rétribués, etc. A cet effet la ville acheta au nord de Zao-ou-kieng un vaste terrain. Le mur d'enceinte fut rapidement construit et l'on vit bientôt s'élever les bâtiments, dominés au centre par une petite tonnelle vitrée, entourée d'une plate-forme où le soldat de garde peut s'abriter tout en faisant le guet. C'était la prison provinciale pour les deux sexes. Les Auxiliatrices comprirent bien vite que le Bon Dieu leur réservait là une mission, que ce petit coin d'enfer devait devenir, par leurs prières, sacrifices et actions, un petit coin du Purgatoire. Elles cherchaient l'occasion de se mettre en rapport avec le surveillant des immeubles qui devait être, par la suite le sous-directeur du côté des femmes. La maladie du bébé, puis de la jeune femme, qu'elles apprirent au dispensaire, leur donnèrent entrée dans la maison, et peu après il fut facile de placer, dans la conversation, l'offre de service pour les prisonnières malades lorsqu'elles seraient arrivées. Quelques mois se passèrent, et au printemps 1919 les prisonniers furent amenés : en Juin, c'était le tour des prisonnières. Fortes de l'appui de la Providence qui conduit si visiblement les œuvres des dispensaires et écoles du dehors, en particulier à Zao-ou-kieng, les Auxiliatrices, munies d'une petite boîte de médicaments se présentèrent à la prison. A la première porte grillée, la sentinelle les arrêta. Un grand garçon du nord qui ne savait trop comment procéder avec ces étranges visiteuses :
L'agent laisse passer, mais quelques pas plus loin on se trouve devant une porte de fer et une seconde sentinelle :
Monsieur Zi arrive, le sourire sur les lèvres et conduit les Mères chez le directeur qui offre du thé. Le but de la visite est expliqué : aider la direction de prisons en venant deux fois par semaine visiter les femmes, les soigner, etc... Le directeur accepte, et après les cérémonies et pourparlers de circonstance, accompagne lui-même les visiteuses avec Zi Sié-sang, jusqu'au bâtiment réservé aux femmes. La directrice, la sous-directrice et une geôlière se partagent la surveillance. Au fond d'un couloir est une petite chambre qu'on nous propose pour les consultations. A la suite de cette chambre, un autre couloir donnant sur les cellules dont chacune peut contenir de six ou sept prisonnières. Sur toute la largeur de la cellule est une très large banquette où les prisonnières étendent leur couverture pour la nuit. Le jour elles s'y asseyent à la manière des tailleurs. Au moment de la visite elles sont occupées à coudre des bas faits à la machine et peuvent ainsi gagner 5 sous par jour, ce qui leur permet d'acheter quelques légumes pour augmenter leur maigre ration. Après la visite, la surveillante en chef invite les Mères à entrer dans sa chambre et fait apporter du thé et... des cigarettes ! Bientôt tout est réglé : chaque lundi et vendredi, lorsque les Mères viennent pour le dispensaire, on comptera sur leur visite à la prison pour les consultations. Quoiqu'il y ait de la discipline en cette prison, elle est relative, et toutes les belles théories du"Pacificateur" (Maire de Shanghai) sont, dans la pratique, de faibles essais, de petits commencements où chacun se débrouille comme il peut. Et du reste, comment des païens pourraient moraliser ?... Aussi, tout en donnant consultations et remède, les Auxiliatrices rêvent de donner davantage. Pourquoi n'arriverait-on pas à des conférences sur la morale, lesquelles seraient, en réalité, un catéchisme ?... En attendant, on cause, on laisse raconter les causes de l'emprisonnement, et peu à peu, quelques principes d'honnêteté sont inculqués. Le champ d'apostolat s'ouvrant de plus en plus, la place était gagnée... C'était beaucoup, mais de quels moyens le Bon Dieu voulait-il se servir pour étendre son règne ?... On pria, on s'abandonna avec confiance à la Providence conduits par le Coeur de Jésus. Six semaines passèrent... les Auxiliatrices donnant régulièrement les consultations. Plusieurs plaies, maux d'yeux, avaient été guéris. Un bébé étant né à la prison, les Mères avaient apporté quelques langes, ce qui avait touché, non seulement le coeur de la maman, mais aussi ceux des autres prisonnières. Un jour arrive une chrétienne. Hélas ! Elle eut voulu cacher ce titre, mais ses compagnes la dénoncèrent, et sous prétexte d'éclairer cette malheureuse, d'ailleurs fort ignorante, on put parler davantage de religion. Le lendemain, un surveillant de la prison arrivait à la porterie du Sen-mou-yeu, demandant les Mères au plus vite, car le choléra sévissait dans le quartier des femmes, Mère Louis et Mère Saint Firmin partirent immédiatement. En arrivant, elles constatèrent que plusieurs prisonnières étaient en grand danger de mort. Les deux, atteintes pendant la nuit, étaient mourantes, ainsi que le bébé de l'une d'elles qui fut bien vite baptisé. Puis, pendant que Mère Louise donnait les soins urgents, Mère Saint Firmin parlait du ciel et du Bon Dieu qui avait lui-même préparé les voies par l'instruction donnée l'avant-veille. Une médaille miraculeuse fut posée au cou des deux malades, et après les avoir exhortées à la contrition et à la foi, les Mères les baptisèrent en pleine connaissance. La matinée s'acheva en soignant les autres, les exhortant, et bientôt à l'exception de deux, les plus malades demandèrent et reçurent le baptême : elles étaient cinq. Le lendemain dimanche, les Auxiliatrices apprirent à leur arrivée que trois des baptisés étaient parties au ciel et deux autres mourantes. Le désordre, la panique étaient au comble, et les Mères furent reçues par tous : directeur, surveillants, prisonnières, etc, en anges libérateurs. On sentait en ces pauvres femmes une confiance, un respect qu'on n'aurait jamais pu supposer en un tel milieu. Des baptêmes furent donnés, mais la situation devenait critique, car l'épidémie avait un champ tout préparé dans ces 180 prisonnières installées dans des cellules étroites, humides, ou toutes précautions, même élémentaires, étaient, non seulement pas prises, mais impossibles à prendre. Les Auxiliatrices proposèrent au directeur de faire partir à l'Hospice Saint Joseph (Pou-yeu-dang) toutes celles qui présentaient quelques indices de choléra, et d'isoler les bien portantes. Il ne demandait pas mieux, mais il fallait une autorisation de la direction générale de Shanghai. Voyant l'attente se prolonger et les cas se multiplier, Mère Louise, avec la bénédiction de l'obéissance partit pour Shanghai. Monsieur Loh-pa-hong, conseillé municipal et ayant une certaine autorité sur les prisons, était absent, mais Monsieur Tseu-ming-tseu, collaborateur actif de Monsieur Loh-pa-hong, fit les démarches nécessaires, et aussitôt un administrateur se rendit à Zao-ou-kieng, 31 prisonnières furent transportées au Pou-yao-dang. Le lendemain matin, les Mères ne trouvèrent donc plus que deux ou trois malades qu'on avait jugé trop gravement atteintes pour quitter la cellule, et quelque autres femmes qui, devant soigner les malades, se tenaient accroupies dans le terrain vague, le visage atterré et n'osant entrer. Le fait est que le spectacle était terrifiant ; quelques cellules presque vides, les portes entrebaillées laissant voir, ou des cadavres restés là depuis deux jours, ou des malheureuses qui se roulaient sur le lit de camp ou par terre, au milieu de la chaux que les Mères avaient fait jeter en abondance, car c'était l'unique moyen de nettoyage des conséquences du choléra. Une pauvre femme venait de tomber du lit de camp et ne pouvait se relever. Les Mères arrivèrent à point pour la remettre sur le lit, la soulager un peu, lui parler de Dieu. A la proposition d'être baptisée, le "oui" qui devait lui ouvrir le ciel n'arrivait pas... "Attendez", balbutiait la mourante, "plus tard..."Mais la mort n'attendait pas, elle était là tout près. Heureusement, Mère Louise avait un scapulaire vert ; tout en frictionnant la malade elle le lui posa sur le dos, et quelque minutes ne s'étaient pas écoulées que celle-ci s'écriait : "Oui, oui, je veux, baptisez-moi !"... Ô Marie vous êtes vraiment la porte du ciel ! Les prisonnières transportées la veille au Pou-yao-dang, l'avaient été sur des brouettes chinoises, et les trois plus malades dans une voiture à cheval, heureusement qu'elles avaient été baptisés avant le départ, car l'une d'elles mourut en route, et...on la déposa sur le bord d'un champ, en attendant de venir avec un cercueil. La rapidité, la violence, la durée des épidémies en Chine, ne peuvent étonner quand on voit ces procédés en la ville d'Extrême Orient réputée la plus civilisée.... Tout, cependant était maintenant organisé pour les femmes, et aussi pour les hommes chez qui l'épidémie commençait. Un service régulier était installé, et les malades étaient envoyés au Pou-yao-dang, ou confiés aux filles de la Charité, le corps et l'âme étaient en sûreté. Le fléau de Dieu avait passé... divin fléau qui avait vraiment transformé pour plusieurs la prison en purgatoire ! La Vierge Marie et ses anges étaient venus chercher ces coupables, ces méprisés de la terre, pour les faire jouir à jamais de la gloire éternelle. Les Mères continuèrent quelques temps les visites quotidienne, puis les cas devinrent rares et l'ancienne coutume reprit son cours, en même temps que l'on désinfectait la prison. Dans cette première année, toutes les prisonnières qui moururent furent baptisées. En 1920, un autre événement tragique fit encore pénétrer plus avant les Auxiliatrices dans la prison. Un jour du mois de Mai, en arrivant à Zao-ou-kieng, les Auxiliatrices virent le village dans une agitation inaccoutumée. La veille au soir, au moment de l'appel, les prisonniers, à un signe convenu, s'étaient révoltés, enlevant les armes aux gardiens et prenant pour se défendre tout ce qui leur tombait sous la main. Le sous-directeur ainsi que plusieurs soldats étaient tués. Les prisonniers s'étaient enfuis dans le village et les environs, entrant chez les habitants, criant de les cacher, de briser leurs chaînes. Les soldats couraient après... C'était la chasse à l'homme...plusieurs furent tués, d'autres repris. Un malheureux tombé, baigné dans son sang, sur le bord du canal, fut baptisé quelques heures après par un chrétien qui passait par là avec sa femme. Miséricorde infinie de Dieu. Impossible d'entrer dans la prison. Dans la cour, les corps des prisonniers et des soldats tués sont alignés à mesure qu'on les apporte. Les fugitifs repris sont dirigés vers l'arsenal de Long-Foh. Le surlendemain, les Mères peuvent entrer dans la prison des femmes, qui, atterrées par le carnage, étaient rentrées toutes, ainsi que les surveillantes, malgré les cris des révoltés :"Sauvez-vous, sauvez-vous". – Le spectacle est lamentable...aucune discipline... Comme les prisonniers se sont servi des bols à riz brisés en morceaux comme armes, on a tout bisé en morceaux ! Bols, cuvettes, etc... Les pauvres femmes reçoivent leur portion de riz non décortiqué dans un pan de leur poussais, ainsi que quelques feuilles de choux cuites à l'eau. Avec l'assentiment des surveillants, on fit faire quelque boites de bois pour servir de bols. Les Petites Soeurs des Pauvres ayant envoyé plusieurs croûtes de pain séchées au four, on put en faire distribuer deux fois par semaine...Distribution non facile, car, excitées par la faim, la peur, la misère, les pauvres prisonnières se ruaient littéralement vers les Mères comme des sauvages, craignant qu'il n'y en eût pas suffisamment pour toutes. Mais leur reconnaissance était sincère. Vers la fin de Juin un nouveau directeur fut nommé, et comme les Mères quittaient la prison, un officier les pria de passer chez lui. Les Mères entrent dans le cabinet et se trouvent en face de trois officiers. L'un d'eux s'avance et explique aux deux visiteuses que le directeur arrivant dans quelques jours, leur a annoncé des surveillantes du Tié-tsu-dang (Eglise Catholique). "Est-ce vous, Mesdames qui devez rester à la prison des femmes ?" Les Auxiliatrices cachent leur surprise et répondent que la Supérieure principale étant à Shanghai, elles vont s'informe et en parleront ensuite. – "Le plus tôt possible, s'il vous plait, car nous avons ordre de renvoyer les surveillantes actuelles." Les Mères se hâtent de passer à l'école et au dispensaire du bourg et rentrent au Sen-Mou-Yeu. En y arrivant, elles voient le parloir encombré de petites caisses et pou-kai (paquets de literie). Madame Joseph Tsu présente alors 7 vieilles filles ou veuves de Tong-ka-dou à qui on a proposé de devenir surveillantes de la prison. Les Mères comprirent alors ce qui s'était passé, le nouveau directeur, fort connu de Monsieur Tseu-ming-tsu, avait été facilement persuadé par lui qu'il ne pouvait avoir un peu de discipline qu'avec de bonnes chrétiennes : et Madame J. Tsu s'était chargée de les recruter. Elles sont 7, mais non entièrement décidées et désirent voir avant. Les Auxiliatrices, en les remerciant de leur zèle, tâchent de leur faire comprendre l'importance de la mission que le Bon Dieu leur confie, puis les emmènent recevoir la bénédiction du Révérend Père Recteur qui est ainsi mis au courant. A 2 heures, nouveau départ pour la prison. La vue de l'intérieur des bâtiments, la lecture des règlements calme les ardeurs de leur zèle, et trois seulement restèrent. Le nouveau directeur arriva le lendemain et se mit en devoir de remettre le règlement en vigueur. Les surveillantes étaient pleines de bonne volonté, mais non formées à l'abnégation, et bientôt des 7 il n'en resta pas une seule. On trouva enfin une vierge d'une cinquantaine d'années, ancienne élève du Sen-mou-yeu, sachant écrire et ayant aidé pendant plusieurs années les Missionnaires dans les districts : de plus, intelligente et pieuse. Quel repos pour les Auxiliatrices de savoir cette surveillante toujours là, et toujours prête à baptiser un bébé, à exhorter une mourante. – Elle instruisit deux prisonnières ondoyées au Pou-yao-dang pendant le choléra et d'autres venaient écouter. Le Vendredi Saint, plusieurs prisonnières jeûnèrent et écoutèrent, les larmes aux yeux, la lecture de la Passion. Quelques retours parmi les chrétiennes consolèrent les apôtres. Mais elles avaient de grands désirs apostoliques. Si du côté des femmes il y avait une dizaine de chrétiennes, le nombre était triple du côté des hommes. Tous ces malheureux ont la foi : les souffrances, les bonnes conversations, les ramenaient peu à peu à de vrais sentiments de contrition et de ferme propos... Puis il y avait des catéchumènes, des malades... Quelle question préoccupait Monsieur Tsu-ming-tseu qui désirait aussi faire un pas en avant. Le Révérend Père Recteur, mis au courant conseilla d'écrire un exposé de la situation, montra la lettre à Monseigneur Paris qui permit, non seulement la visite d'un Père pour l'administration des sacrements, mais la célébration de la messe aux grandes fêtes, à condition que cela se passe dans le plus grand respect. Monsieur Tsu se chargea des démarches à faire auprès des autorités. Sur ces entrefaites, nouveau changement de directeur... et il fallait voir les dispositions du remplaçant. Enfin toutes les difficultés s'aplanirent et le 16 Mai 1921, Mère Louise et Mère Saint Firmin, ce lundi, partent le plus tôt possible, emportant une caisse de messe avec Croix, chandeliers, un confessionnal, un paquet de tentures. On organise toutes choses dans la salle de réception qui sert aussi de salle de classe pour les jeunes soldats. La chaire du professeur sert d'autel, et la petite estrade fait la marche. Une tenture rouge est au fond... Comme tapis, la couverture de la voiture ...! Tout était prêt lorsque le Révérend Mère Lapparent arriva, accompagné de Monsieur Tseu et Nicolas Tsu. Le directeur les reçoit à la porte et des soldats rendent les honneurs militaires. Les prisonniers arrivent : chrétiens et catéchumènes : d'abord les femmes, puis les hommes, les fers aux pieds : quelques surveillants, quelques soldats, en tout 30 personnes. Après que le Père a entendu quelques confessions, la messe commence dans un vrai recueillement. Les Chrétiens chantent les prières, aidés par Messieurs Tseu et Tsu. Quelques mots du Père à l'Evangile, puis vint le "Sanctus"... Enfin pour la première fois, Notre Seigneur descend en ce petit coin de terre si païen de Zao-ou-kieng, en ce milieu si méprisé du monde ! Messieurs Tseu et Tsu communient, puis soutiennent la nappe pendant que, péniblement, au bruit cadencé des chaînes, les prisonniers s'approchent pour recevoir le Dieu de miséricorde et de paix... Les Chrétiennes suivent... toute l'assistance est visiblement émue. Le Révérend Père dit ensuite un mot à chacun pendant que les Mères dégarnissent l'autel et préparent le déjeuner de l'officiant. Les prisonniers remercient encore le Père, et tous, même les nombreux absents, reçoivent, chacun, grâce à la charité de Monsieur Tsu deux petits pains. Combien les chères apôtres de la prison louaient Dieu ! En Juin, grosse déception, la brave chrétienne qui, en qualité de surveillante aidait tant à l'apostolat, manque de prudence en faisant de petits achats pour les prisonnières, et le directeur la renvoie. Une païenne la remplace. De plus le directeur qui ne connaît rien des chrétiens, fait étroitement surveiller les Mères, elles sont sans cesse suivies par deux officiers... Le 16 Août, seconde messe, et de nouveau l'on distribue à tous les prisonniers de petits pains et des œufs. En Novembre, les Mères vaccinent à la prison et s'aperçoivent que le directeur commence à avoir confiance en ces religieuses qui se dévouent sans compter, il retire les gardiens et accepte volontiers d'aller faire une visite au Sen-mou-yeu. En Février 1922, les Mères apprennent qu'on fête à la prison le premier anniversaire de son arrivée, lui envoient, avec un billet de félicitations, des gâteaux chinois pour qu'il puisse les distribuer à tous les prisonniers. Pendant les années suivantes il y eut plusieurs baptêmes, des enfants données par les prisonnières en adoption, sur le conseil du directeur. Une prisonnière âgée, libérée à cause de sa bonne conduite, est reçue chez les Petites Soeurs des Pauvres. Les messes continuent régulièrement environ tous les trois mois, toujours avec le concours de Messieurs Tseu et Tsu, ainsi que de Monsieur Loh. Parfois, l'un d'eux prépare à la confession, l'autre à la communion, et Loh-pa-dong se réserve l'action de grâces toute de foi et de reconnaissance. En Janvier 1925, la route étant occupée par les soldats, les visites à Zao-ou-kieng sont ininterrompues. Du reste, les prisonniers sont en majorité libérée, à cause de la guerre. Pendant tous ces mois, les prisonniers étant peu nombreux, on en profite pour avoir une réunion, et sous prétexte de morale, Mère sainte Julienne explique les péchés capitaux, les Commandements de Dieu, quelques traits de l'Histoire Sainte, etc... Surveillantes et prisonnières étaient contentes, et le nombre des catéchumènes s'accrut. La distribution de petits pains, d'œufs, de viande même, quand il y avait messe, fut très appréciée... Les bienfaiteurs, Monsieur Loh, Monsieur Tseu, et Monsieur Tsu, sont désormais vénérés à la prison. En Août 1926, il y eut 1 600 petits pains distribués, pour une somme de 18 dollars. Pendant les troubles de Mars 1927, les visites cessent, jusqu'en Juin. Quand les Mères essayent de les reprendre, le personnel de la porterie s'étonne, mais bientôt le directeur; qui n'a pas été changé, les reçoit fort bien, et à la visite suivante, les gardiens de la porte demandent des consultations. Il y eut encore des troubles, des invasions de soldats sur la route, à l'école, mais les baptêmes de bébés et surtout d'adultes continuent quand même. En 1929, la première messe est célébrée dans la plus grande salle de la prison. Sur une table, occupée quelques semaines auparavant par de nombreux poussahs. La divine Providence a fait faire cette exécution et disparition par un jeune homme ayant une certaine situation près du gouvernement de Nanking, et qui avait été forcé de faire le "ko-deu" (prostration) durant son séjour à la prison, devant les idoles. De retour à Nanking il déclara le fait et demanda la mission d'aller briser les statues, pour montrer qu'on avait agi envers lui contre la liberté de conscience proclamée par les nouvelles lois. Le 19 Décembre 1930, la Très Révérende Mère Générale, faisant la visite de la mission, vient à la prison, visite avec intérêt la salle de travail et les cellules des prisonnières, avec Mère Sainte Julienne, et s'arrête un instant au dispensaire où Mère Louise donne les consultations. Les visites à la prison, depuis le début de l'œuvre, avaient toujours été faites par les Auxiliatrices qui en avaient eu l'initiative. Les messes avaient été accordées, mais l'apostolat s'exerçait surtout, et presque uniquement, auprès des femmes. En Novembre 1931, le directeur demanda que les visiteuses se rendent du côté des hommes, où une épidémie de scorbut a éclaté, et il y a 7 ou 8 morts par jour. Le Révérend Père Recteur approuve et envoie aussi Monsieur Seng de l'Action Catholique pour aider. Une démarche est faite près de Loh-pah-hong pour organiser au Pou-yao-dong un local où l'on pourrait recevoir les malades plus gravement atteints. L'épidémie commença à diminuer en Janvier. Ces messieurs de l'Action Catholique continuent leurs visites qui sont très consolantes, car il y a beaucoup de conversions. Pendant la messe de Janvier 1932, naît un petit garçon que le Père baptise et dont Monsieur Seng est parrain. Le papa est mort et la jeune mère, maîtresse d'école à Yang-au-pou, a connu Mère Sainte Lutgarde, et a été quelques mois catéchumène à Seng-Zasé-yeu. Condamnée comme communiste à trois ans de prison, elle donne son bébé aux Mères et continue à s'instruire. Pendant un mois, visites ininterrompues par la guerre sino-japonaise ; mais en Mars, le directeur fait prévenir les Mères que la route est libre. L'épidémie de scorbut est finie, mais une autre de béribéri a commencé. Monsieur Tong, durant ce mois, a fait 68 baptêmes d'adultes. En Avril l'épidémie diminue, et en Mai on compte, depuis la visite à la prison des hommes, environ 229 baptêmes. Monsieur Tong étant tombé malade, Monsieur Wang, de l'Action Catholique, accompagne Monsieur Seng, ce qui est d'un grand secours pour les Mères, car non seulement ils exhortent, mais ils aident à soigner, car avec la chaleur de Juillet, les consultations se multiplient. Aussi, fait-on un arrangement pour arriver à mener de front le dispensaire, l'école et les visites à la prison. Mère Saint André, après la visite chez les femmes, va à l'école, Mère Louise et Mère Sainte Julienne vont à l'infirmerie des hommes où Messieurs Wang et L. Seng vont les rejoindre pour les consultations, et pendant qu'on prépare les remèdes, il y a la visite des cellules pour voir, soigner et encourager les prisonniers trop malades pour se lever. Depuis le début de cette œuvre de la prison, même matériellement, la bonne Providence n'a jamais fait défaut, mais que dire de l'action divine dans les âmes ! Un bien moral et apostolique se fait, très caché mais réel. C'est une semence qui tombe sur une terre labourée par la souffrance et qui produira des fruits, car il y a là de véritables miracles de grâce. Voyant le nombre des malades, les membres de l'Action Catholique viennent plus nombreux et sont fort édifiants, aidant beaucoup les Mères, avec une abnégation tout apostolique... Ils sont arrivés à entrer tous les dimanches matins pour faire un catéchisme dans la grande salle de la prison. L'un prend les chrétiens à part, tandis que l'autre s'adresse aux païens. Des images des grandes vérités ont pu être mises sur les murs. Les lundis et jeudis il y a des catéchismes particuliers ou conversations religieuses qui opèrent un bien réel, non seulement pour préparer au baptême, mais pour faire tomber bien des préjugés contre l'Eglise Catholique, sa morale, ses œuvres. A la suite de ces entretiens, les prisonniers chrétiens instruisent volontiers leurs compagnons dans les cellules. En Mai 1936, plusieurs membres de l'Action Catholique conduisent le nouveau directeur de la prison, avec les médecins et plusieurs autres chefs, visiter le Sen-mou-yeu. Mère Louise, Mère Sainte Julienne et Mère Sainte Odette les font visiter. Dîner avec le Révérend Père Recteur où le directeur fait un très beau discours, puis on a visité le Collège Saint Ignace, l'église, etc... Tous les visiteurs ont l'air très bien impressionnés de ce qu'ils ont vu. L'apostolat s'étend, et le dimanche, après le catéchisme à la prison, ces Messieurs de l'Action Catholique vont passer quelques instants à la "Maison de thé" (cabaret) pour se mettre en contact avec la population du bourg et parler religion. En Avril 1977, ces Messieurs offrent un dîner aux principaux chefs de la prison. Le Révérend Père Recteur préside, Monseigneur vient à la fin du repas. Le représentant du directeur empêché, fait un discours très élogieux pour le travail fait par l'Eglise à la prison. Après le dîner, visite du Collège du Sen-mou-yeu. Le 13 Août 1937, le conflit sino-japonais éclate... Le 16, deux Mères font une visite rapide à la prison. Les chefs s'en montrent très reconnaissants, car elles calment les esprits. Puis, les Mères ne peuvent plus y aller. Deux membres de l'Action Catholique y vont les 19 et 23 Août. Bientôt environ 1 400 prisonniers sont libéré "pour aider les soldats" au transport des bagages. Quelques jours après, la prison se vide entièrement. Des bombes éclatent sur les locaux... L'œuvre semble détruite. On y a fait 366 baptêmes d'adultes et 37 d'enfants, sans compter les bébés donnés au Sen-mou-yeu, les baptêmes faits par Monsieur Loh au moment des exécutions, et ceux faits au Pou-yao-dang ou à l'hôpital Saint Antoine. "En terminant ce diarium, écrit Mère Louise, ajoutons encore un mot. Lequel ? Deo Gratias !... Oui, Deo Gratias ! Pour le bien que Dieu, dans sa grande miséricorde, a permis de faire à ces pauvres malheureux... Deo Gratias ! Aussi pour le bien fait aux instruments de cette miséricorde, car ils n'ont pu entrer en contact si intime avec l'action divine, sans éprouver et mieux réaliser l'amour de Dieu pour les âmes, et sa Providence dirigeant toutes choses pour les sanctifier et les sauver... Mieux aussi ont-ils appris que seule, l'influence de Dieu présent dans l'âme peut toucher les cœurs !" ============ CHAPITRE 16 ECOLE EXTERNE DU SEN MOU YEU =========== Lorsque les Auxiliatrices arrivèrent en Chine en 1867, elles s'occupèrent immédiatement de la formation des Présentandines et du pensionnat. Mais à Wang-ka-dang, la maison était petite, et pour avoir les enfants plus jeunes, on attendit que les bâtiments du Sen-mou-yeu de Zi-ka-wei fussent terminés, et même plus longtemps, car l'instruction commençait très tard à cette époque Peu à peu, lorsque les œuvres se développèrent, on invita les enfants chrétiens à venir étudier les prières si longues, si nombreuses, qu'il faut savoir par coeur : prières du matin et du soir, prières de la messe, du chemin de Croix, du Rosaire... sans oublier l'Office des Morts, etc... Et puis les Auxiliatrices constatèrent aussi la nécessité d'une étude expliquée, pratique, du catéchisme, tant désirée par les missionnaires, et qui serait bien plus profitable si les maîtresses s'en occupaient au lieu des professeurs hommes. La Révérende Mère du Sacré-Coeur vit là une mine féconde d'apostolat pour les Présentandines. Lorsque les ouvroirs, d'abord modestes, furent construits, les divers travaux de broderie, dentelle, etc... attirant les ouvrières, l'école du village prit aussitôt une large extension, attirant les filles et soeurs des ouvrières, et une véritable école à deux étages fut construite. Une fois les prières apprises, la première communion renouvelée, les fillettes avaient deux heures de travail pour s'initier à la broderie et à la dentelle, et lorsqu'elles quittaient l'école, elles pouvaient entrer aux ouvroirs et gagner ainsi leur vie, ou du moins apporter leur part au gain de la famille. Plus tard, cet apprentissage ne se fit plus à l'école mais aux ouvroirs mêmes. Mais avant d'être admis à l'école, les enfants des ouvrières passent par la crèche externe. Il faut voir l'arrivée des jeunes filles, les femmes mûres et d'autres se rendent immédiatement aux ouvroirs, les mamans avec les bébés sur les bras, et souvent un ou deux plus âgés accroché à leurs jupes, elles se dirigent vers l'escalier qui donne entrée à la crèche. Dans la chambre cédée aux bébés, des femmes mûres et dévouées viennent de faire le ménage, de préparer les berceaux, et, en ce temps des débuts, il fallait voir Mère Madeleine, cousine du Père Le Chauf, sous les armes, croyant faire la sévère, et passant aux mamans et aux bébés presque tous leurs caprices, désirs et arrangements. On dépose vite ces chers petits en leurs berceaux ou sur de petites chaises, on dit en passant sa dernière peine ou difficulté à Mère Madeleine ; On montre un bobo ou une vraie plaie à la Mère du dispensaire ou à la Présentandine qui soigne les malades, puis bien vite, on rejoint les autres ouvrières, car si la porte est fermée, c'en est fait pour toute la matinée. Voilà donc nos 70 ou 80 bébés criant, pleurant et surtout dormant dans la crèche. Une salle en bas contient les plus grands qui peuvent marcher et commencent à étudier le Pater, l'Ave, l'acte de contrition et autres prières. A 9 heures et demie, la cloche retentit du côté des ouvroirs ; les jeunes femmes se lèvent et se dirigent du côté de la crèche où elles ont vingt minutes pour allaiter les bébés... Au milieu de l'après-midi, même visite maternelle, de sorte que les enfants n'ont rien à désirer, d'autant plus que, pour les grands bébés, Mère Madeleine a toujours quelques friandises ou vêtements à distribuer. Dans la salle des grands et grandes... 3 à 5 ans, outre les répétitions de prières, il y a divers exercices de marches, chants, etc. comme dans les asiles. La sieste est obligatoire. Par ces petits enfants, par l'école externe, les ouvroirs, les réunions du dimanche, le village entier est sous l'influence des Auxiliatrices. Le bien commencé au Seng-mou-yeu se poursuit par les unions chrétiennes procurées à l'orphelinat, par la visite des malades et par les dispensaires, car chaque matin, vers 9 heures, toutes les misères du village et des environs se donnent rendez-vous à une porte d'entrée spéciale. Pour les fièvres, les maladies demandant une petite opération chirurgicale, un coup de lancette, on frappe du côté de la "Si-yang" Moumou (Mère européenne). Pour d'autres malaises pour lesquels nos braves gens n'ont confiance qu'aux infusions, décoctions, etc... aux larges emplâtres et mouches de tous genres, on s'adresse à la "Tsong-ki" Moumou (Mère chinoise), et on s'en retourne toujours, sinon soulagé, du moins satisfaite d'avoir conté ses misères, et réconfortée par quelque bonne parole. Un mot sur les récompenses de l'école externe. – La distribution des prix a son caractère original. Ces enfants dont la plupart sont assez pauvres, on ne leur donne pas seulement quelque objet pieux, mais depuis 1904, grâce à des échantillons de belle taille donnée par certains magasins, et à des balles de coton avarié, on y ajoute des vêtements chauds, des couvertures aux mille couleurs qui sont adjugés à certaines fillettes. Il faut voir le bon Père Curé présidant à cette cérémonie et prenant à pleins bras les dites couvertures qui dérobent à la vue des spectateurs les heureuses privilégiées qui les reçoivent et disparaissent dessous avec bonheur. Cuvettes et savons sont aussi des prix très désirés par les méritantes. Citons en passant, la représentation faite à la crèche externe pour offrir à la Mère Supérieure les vœux du premier de l'An chinois qui avait force de loi, ou plutôt de tradition jusque vers 1930. La bonne Mère Madeleine, inépuisable d'imagination et de dévouement, n'a rien trouvé de mieux qu'un passage d'"Athalie" à faire jouer par les bébés chinois de 4, 5, et 6 ans !... Il fallait voir la reine, superbe en sa furie... et sa suivante remettant soigneusement sur le sofa les petits pieds de sa souveraine chaque fois qu'un accès de colère les en avait fait sortir... et petit Eliacin, très courageux à côté du grand Prêtre. Le jeune roi fut amené en chaise à porteur, et les quatre porteurs, en jaquette de velours, rien moins qu'israélites, causèrent une grande dilatation à l'assistance ? Le révérend Père Ducoux, alors Recteur, désira assister à une séance, et l'on compta trois représentations en un après-midi sans que les actrices paraissent fatiguées, ni même enorgueillies de leur succès, lequel continua du reste comme nous le verrons. Le nombre des enfants croissant avec celui des ouvrières des ouvroirs, les 3 chambres destinées aux bébés devinrent insuffisantes. Les mamans étaient à l'aise pour leur travail, mais leurs enfants étaient bien à l'étroit. Le Révérend Père Baumert, recteur, y songeait, faisait prier, et nos petits faisaient neuvaines sur neuvaines au Petit-Grand, répétant chaque jour : "Petit Jésus, donne-nous une maison". Mais l'horizon était sombre et le Vicaire Apostolique disait, moitié sérieux, moitié plaisant, que les trois grandes bâtisses suffisaient pour les œuvres passées, présentes, futures ! Durant l'été 1908, vingt à vingt-cinq enfants de la crèche externe vinrent à mourir, et Mère Madeleine dit bien haut que l'exiguïté du local avait sans doute contribué à ces décès. Une ancienne élève de Saint Joseph, qui la visitait, fut frappée de cette idée, proposa une souscription, d'abord parmi les anciennes, puis suggéra à la Mère de quêter, et affirma qu'on arriverait à réunir 2 000 dollars nécessaires. La proposition fut examinée longuement, soigneusement, et enfin approuvée. Mère Madeleine, dès le lendemain, commença son nouveau métier, comme elle disait. Ne citons que la première démarche... Madame Mc B... la plus riche personne de Shanghai, était une ancienne élève de la Providence, et avait gardé peu de relations avec les Mères. "C'est par elle que je commencerai", se dit la quêteuse... Et par un temps épouvantable, Mère Madeleine se rend au véritable palais de Mrs Mc B... qu'elle s'est fait construire dans un des plus beaux quartiers de la ville. Elle arrive avec une robe et des souliers de fort piteuse apparence, si bien que les domestiques, peu habitués aux visites de piétons par un semblable temps, firent attendre la chère Mère dans le corridor. Après une demi-heure d'attente, offerte pour le Purgatoire, l'idée vint à la quêteuse de demander la fille aînée de la maison, et le personnel voyant que ce n'était pas une inconnue, l'introduisit dans une antichambre où arrivèrent bientôt Mi-zé et sa gouvernante. La scène changea vite, grâce à la cordialité gracieuse de la jeune fille, et du reste, Mrs Mc B... elle-même, entra peu après, avec un air si empressé que les braves domestiques ne savaient plus que faire pour entourer d'attentions cette visiteuse à l'air si minable et pourtant si chaleureusement reçue. Après avoir visité les salons et soixante chambres de ce palais, Mère Madeleine, seule avec la maîtresse de maison, exposa la situation de ses bébés et lui proposa de se charger d'une liste. Mrs Mc B... refusa de devenir intermédiaire mais remit 500 dollars à la Mère en ajoutant : "Si vos listes ne se couvrent pas complètement, ne vous inquiétez pas, je ne vous laisserai pas en dettes. " Au départ, Mère Madeleine fut reconduite en voiture et les courses de l'après-midi furent pleines de succès. Commissaire de la douane, avocats, petits ou grands commerçants, tous rivalisèrent de générosité ; mais le purgatoire ne perdit pas ses droits, car d'autres jours, la chère quêteuse fut parfois éconduite plus moins poliment, et, elle remerciait chaque fois, par un sourire et un grand salut. L'idée lui vint d'aller au bureau du chef de police anglaise qu'on disait très serviable. Elle fut fort bien reçue et Monsieur X... garda une liste pour la faire circuler dans les bureaux. Quelques jours après la visite, la liste revenait complètement couverte... Et que d'autres faits touchants... Comme cet inconnu qui, un soir, demande Mère Madeleine au parloir : "On me dit que vous faites une quête pour bâtir une maison pour vos petits enfants chinois : voici 100 dollars." – Il y eut même deux anciens de l'asile de la maison Saint Joseph, aujourd'hui grands jeunes gens, mais pas riches, qui voulurent donner chacun une dizaine de piastres pour les protégés actuels de leur vieille Mère. Un mois avait suffi pour réunir presque toute la somme suffisante, et en Mai l'autorisation fut donnée de commencer les travaux. En Octobre, tout était terminé. Le bon Père Supérieur vint donner une bénédiction "provisoire" et l'on s'installa. Mais par respect et soumission, on désirait que notre évêque qui n'avait pas approuvé spontanément cette bâtisse, en fût le consécrateur. Maints essais d'invitation furent infructueux ; enfin, le 3 Janvier suivant, Monseigneur Paris qui n'avait jamais vu les ouvroirs non plus, annonça qu'il amènerait le lendemain le Vicaire Apostolique du Yunnan. Après la tournée dans les salles de travail, Mère Madeleine surgit tout à coup et précéda les Vicaires Apostoliques dans les salles des bébés, puis au retour, sur un étroit balcon, la chère Mère barra le passage le plus respectueusement du monde et insista pour que notre évêque vint bénir la maison et assister à une saynète de remerciements. Celui-ci prétextait les affaires, les confirmations, sa jambe malade, mais Mère Madeleine avait réponse à tout, et enfin, bien que breton, Monseigneur dut céder à la Mère bretonne, et la défaite fut acceptée avec bonne grâce, devant les sourires amusés de l'assistance. Le lendemain, Monseigneur en parlant de sa visite aux scholastiques s'était écrié : "Il n'y a qu'un Sen-mou-yeu en Chine". Le 2 Février eut lieu la réception désirée, et ce ne fut plus "Athalie" qui intéressa les spectateurs, mais "Esther" dans le palais d'Assuérus. Monseigneur Paris rit de bon coeur plusieurs fois, et vraiment son coeur fut gagné par la simplicité de ces petits enfants. Depuis cette époque, la crèche, confortablement installée, est très appréciée par les jeunes mamans, et nos bébés deviennent, à 7 ans, les élèves de l'école Saint Louis de Zi-ka-wei pour les garçons et de l'école des mères pour les filles. Les modifications qui furent nécessaires pour les études au pensionnat chrétiens, furent adoptées en l'école externe, non poussées aussi complètement, mais assez pour que la science des élèves ne se borne plus à quelques livres de piété. Les caractères sont expliqués, on joint au chinois proprement dit l'arithmétique très simple, quelques leçons de choses et un peu de géographie, ce qui est prescrit pour les classes primaires par le Bureau d'Education. Les Mères sont chargées de la discipline, des catéchismes, de l'assistance aux offices de la Paroisse. De jeunes maîtresses, sortant en général du pensionnat, font les classes. Aux Congrégations de l'Enfant Jésus et des Saints Anges ont succédé les réunions des Croisés et des Cadettes du Christ, selon les méthodes de l'Action Catholique. L'idéal pour christianiser le village, serait de garder nos fillettes jusqu'à un âge un peu plus avancé, mais travailler dans les ouvroirs, mais gagner jour par jour, semaine par semaine, est leur rêve, leur nécessité plutôt... Cependant par les réunions, patronages, etc, les Auxiliatrices gardent dans les ouvroirs une certaine influence, surtout par la Congrégation des Enfants de Marie. De plus l'externat étant permis aux élèves chrétiennes, plusieurs des petites élèves externes de l'école, si la situation de la famille le permet, continuent leurs études au pensionnat chrétien. =========== CHAPITRE 17 L'ETOILE DU MATIN – 1904 ========== Œuvre d'enseignement pour les jeunes païennes Dans les trente et quelques premières années de la mission des Auxiliatrices à Zi-ka-wei, l'instruction était donnée aux jeunes filles dans le pensionnat chrétien, et quelques rares païennes y étaient admises, mais un peu perdues dans ce milieu si différent du leur. |