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surveillé et fixé à certaines heures. Les classes inférieures d'anglais ont 1 heure ½ d'enseignement, les classes supérieures n'ont qu'une heure. Il y a aussi des modifications pour les cours de gymnastique ou "Education physique" et pour le solfège qui est maintenant obligatoire. Le travail pour les pauvres a lieu à des heures prévues pour les classes supérieures. Le Révérend Père Joseph Zi fera le cours de morale chrétienne deux fois par mois. La Mère Directrice fait ce cours pour les premières classes d'anglais deux autres fois et la Mère sous-directrice pour les cours moyens et primaires. Durant les vacances, le 24 Août, Mère Saint Basile quitte l'Etoile où elle a si longtemps travaillé pour Saint Joseph. Mère Marie de la Croix (Wang-hang-zen), une des trois premières converties de l'Etoile, devenue Auxiliatrice, quitte la Sainte Famille t devient sous-directrice de l'Etoile. ======================== Quelques conversions, entre beaucoup, obtenues à l'Etoile Zao-Zeng-Tsing - Mère Sainte Cécilia Arrivée à l'Etoile en 1910, très froide et réservée d'abord, puis peu à peu pleine d'ardeur pour être catholique. Refus réitéré de son père. Une proposition de mariage est faite par une famille très catholique, et, malgré sa grande répugnance, la jeune fille, laisse aller les choses, pour devenir chrétienne, baptême très émouvant, car c'est le premier solennel : 13 Novembre 1913. Bientôt Zeng-Tsing sent l'appel à une vie parfaite, de plus en plus accentué, souffre amèrement durant quelques mois, est conduite jusqu'à l'autel pour le mariage, et... refuse son consentement devant les familles réunies. – Quel coup de foudre ! Souffrances nouvelles... Mais la jeune fille supporte tout, même les menaces de mort etc, et enfin la famille chrétienne comprend qu'il faut laisser à Dieu cette âme. Zeng-tsing reste au Pensionnat chrétien jusqu'au 30 Mars 1917, date de son entrée au noviciat des Auxiliatrices. Le 2 Juillet 1919, elle prononce ses premiers vœux, et le 6 Novembre 1925, ses vœux perpétuels. Wang-hang-zen – Mère Marie de la Croix A la même époque, 1910, une future compagne de la vie religieuse de Mère Sainte Cecilia arrivait aussi à l'Etoile. Esprit primesautier, nature espiègle, mais très droite. Wang-hang-zen qui avait subi l'influence protestante, se soumit avec quelque difficulté au règlement de l'Etoile d'abord, puis du Pensionnat chrétien, mais elle vainquit toutes ses répugnances et une certaine opposition de sa famille et reçu le baptême et fit sa première communion les 7 et 8 Décembre 1913, sous le nom de Louise. En Octobre 1919, Hang-zen entrait au noviciat, faisait ses premiers vœux le 24 Septembre 1922 et ses vœux perpétuels le 24 Septembre 1928. Une compagne de ces deux premières conquêtes de la grâce avait les mêmes désirs mais tout se termina par un mariage très chrétien, et Yao-koei-ghium est devenue une vraie mère de famille. L'exemple de sa paroisse, d'après le témoignage du Père Curé de Tong-Ka-Dou qui parle dans les mêmes termes de Kou-pao-ze qui, arrivée à l'Etoile en 1908, reçut en 1914 les diplômes de français et de peinture, et durant près de quatre ans, dut lutter contre son père et sa grand'mère pour obtenir l'autorisation de devenir chrétienne. Une demande de fiançailles d'une famille catholique fit enfin cesser une vraie persécution. Baptême et première communion ainsi que mariage se suivirent en 1918. Lieu-long-seng, épouse d'un Aurorien, Monsieur Kou-chéou-i, devenu professeur à l'Aurore et Président de l'Action Catholique de son quartier, est une mère de famille modèle, ainsi que Seng-ko-yeng, épouse aussi d'un Aurorien. Les familles de ces deux jeunes femmes furent gagnées à la foi. Zeng-sin-fang Mentionnons la troisième Auxiliatrices qui, de haute lutte, obtint de son père la permission d'être catholique, fut baptisée en Novembre 1921, et entra au noviciat en Décembre 1923. Elle y reçut le nom de Mère Marie-Agnès. Après ses vœux perpétuels, elle fit partie de la fondation de Yangchow où elle se dévoua sans compter. Nommons encore Tsang-bin-sieu, d'une fermeté rare dans ses convictions religieuses. Baptisée en Mai 1922, elle fut une apôtre dans sa famille et autour d'elle jusqu'à sa mort arrivée en Décembre 1924. Sa sœur aînée continua son apostolat et aida les Mères de l'Etoile. En 1917, mourait à l'âge de 14 ans, à l'hôpital Sainte Marie, notre petite Yang-dong-kong, âme privilégiée, résolue à acquérir la science pour devenir indépendante et chrétienne. Le Bon Dieu n'attendit pas, et en sa seconde année d'école, elle était baptisée la veille de sa mort. Sa mère, arrivée de Péking, approuva tout. Il y eut grand service funèbre au Sen-mou-yeu, et inhumation dans le cimetière catholique de Zi-ka-wei. Sa sœur aînée, longtemps récalcitrante, fut baptisée en Juin 1924, malgré l'opposition de son père, aida quelques années à l'Etoile, puis au couvent du Sacré Coeur. Bien d'autres seraient à nommer, mais il faut nous borner. En 1939, nous comptions à l'Etoile 102 baptêmes d'élèves, et 66 baptêmes in articulo mortis procurés par les élèves ou le personnel de l'Etoile. ============== CHAPITRE 18 OEUVRE DES ANNAMITES ============== Le Bon Maître appelle les Auxiliatrices pour toutes nations, pour toutes tribus. Nous en avons une preuve de plus. En 1900, lors de la guerre internationale, des campements avaient été installés près de Shanghai pour nos soldats français, et l'on construisit peu à peu de longs bâtiments sans étages. Lorsque les français furent rapatriés, ces bâtiments servirent à la Municipalité, et grâce à quelques sous-officiers de la police ils furent agrandis et firent bientôt partie de la Concession sans rien perdre des charmes de la campagne et du bon air. Deux lignes de tramways facilitaient les communications. Après le retrait des soldats alliés, une cinquantaine d'annamites restèrent ou vinrent apporter du renfort à la police française et furent installés dans une section des bâtiments Quatre d'entre eux étaient en ménage, mais c'est à peine si dans la grande ville, on connaissait l'existence de ces petites familles, et nous-mêmes l'ignorions jusqu'à présent. Du reste, que pouvions-nous faire pour eux sans connaître leur langue ? Mais la Providence avait son plan. Au commencement de Juillet 1908, la Mère Provincial des Soeurs de Saint Paul de Chartres résidant à Hanoïe, nous amenait une jeune fille dont le père était français et la mère annamite, et qui parlait parfaitement quatre dialectes de son pays. D'abord, Madeleine L., voyant parfois des annamites dans les promenades, ne songeait guère à les connaître. Mais les Mères se demandaient s'il n'y aurait pas une œuvre à faire, comptant sur le Bon Dieu pour amener une occasion. Elle vint bientôt. Vers le 11 Août, une jeune femme avait été transportée à l'hôpital Sainte Marie, mais ne pouvant s'habituer aux soins européens, voulait revenir au camp et refusait du reste une opération qui, seule, aurait pu la sauver. Comme il était impossible de se comprendre, les Soeurs se rappelèrent la présence de Madeleine au Sen-mou-yeu, et chargèrent une personne qui était à la messe à l'hôpital, de nous prévenir. Celle-ci s'adressa à la maison de Shanghai ; le téléphone n'étant pas encore en usage, nous ne sûmes la chose qu'après trois jours, et quand nous allâmes un soir à l'hôpital, la malade était partie, et la Sœur qui l'avait soignée ne lui donnait plus que quelques jours de vie. C'était bien l'occasion de tenter une démarche, et le lendemain, Madeleine, accompagnée d'une Mère, se rendit au camp. A la porte, un français d'un certain âge causait avec deux annamites, la Mère s'informa de la malade, fut reçue avec politesse, conduite vers la maisonnette, mais gardée à vue, quoiqu'avec bienveillance. Nous comprîmes plus tard que Monsieur B. agissait ainsi plus par prudence que par hostilité. A la suite des deux visiteuses, tout le monde vint sur les portes ; une douzaine d'enfants aux beaux yeux de velours les entouraient, les mamans présentaient leurs bébés en criant :"Ma Seu....ma Seu..." et des exclamations de joie étonnée retentissaient lorsqu'on entendit la jeune fille s'exprimer en annamite. La Mère s'informa auprès des chefs s'il y avait des annamites chrétiens. Le pauvre sergent n'y a guère songé. Cependant en nous voyant, un brave homme ébauche un signe de croix : interrogé, il nous dit qu'il y a quatre célibataires chrétiens et une famille. Nous pensons qu'il y aura davantage, car ces soldats et leurs familles ne pouvant être compris du clergé là où ils sont envoyés, finissent par tout laisser. Cependant la malade fixe Madeleine avec ardeur ; elle lui saisit la main, et entendant la douce petite voix l'encourager dans son dialecte, se sent toute consolée. L'état était grave, mais le danger ne semblait pas immédiat. Quoiqu'il en soit, il fallait essayer de sauver cette âme. Sur un signe, le mari fit sortir tous les visiteurs, et pendant qu'au dehors la Mère tâchait de les occuper, Madeleine fit à la malade quelques questions sur la religion, mais celle-ci refusa d'abord d'être chrétienne, puisque ses ancêtres ne l'étaient pas. La jeune fille lui parla de l'enfer, du ciel, et la pensée d'être là-haut avec des personnes vertueuses, provoqua un premier désir, et puis "les religieuses sont si bonnes". Le mari, à ce moment, faillit tout faire manquer en parlant d'hôpital, et l'on n'eut plus que des larmes et un mutisme absolu. Mais une médaille fut passée au cou de la malade, et la Sainte Vierge la calma aussitôt. A une nouvelle question de la jeune apôtre : "Pour aller au ciel voulez-vous être chrétienne ?", la jeune femme répondit : "Je verrai". "La visite d'un prêtre vous ferait-il plaisir ?" – "Oui, la vôtre surtout." On ne prolongea pas davantage ce soir-là et on quitta la case. Nous nous arrêtâmes devant la porte du ménage chrétien. Là une belle grande annamite baignait un bébé d'un mois dans un baquet. Voyant les Soeurs, elle prit le bébé dans l'eau et l'apporta tout ruisselant sur ses deux mains. A nos questions elle répondit qu'elle était chrétienne depuis son enfance, mais qu'à Shanghai elle ne savait où aller, ne connaissant personne. "Mais votre mari connaît la ville, il peut vous conduire à l'Eglise." En rougissant, la jeune femme avoue que son mari est païen !... Une nouvelle œuvre s'entrevoit. Le mari, à l'hôpital pour quelques semaines, est très bon et accepterait de devenir chrétien, dit sa femme. "Et bébé, est-il baptisé ? " – "Non, je ne sais où aller, mais si un prêtre vient voir la mourante, il faut lui dire de baptiser mon enfant." On convient de faire ainsi et le bébé étant bien portant, nous partons sans inquiétude, après lui avoir mis au cou une médaille, ainsi qu'à sa maman. Quittant alors la série des maisonnettes assez propres, se composant d'une chambre, d'une minuscule cuisine et d'un réduit et bordée d'un jardinet où s'ébattent de petits poulets, on passe près du bâtiment des célibataires ; ils sont en chambrée assez large et plus ou moins propre. Au passage des visiteuses, un homme s'avance ;"Moi catholique, ma Seu, moi désire médaille." On la lui donne bien volontiers, lui demandant s'il va à la messe le dimanche : "Oui, oui, à Zi-ka-wei"... nous en sommes peu sûres, mais nous reviendrons. Le Révérend Père Recteur averti, envoya ses encouragements, conseillant de baptiser la malade, mais ajoutant que si la présence d'un prêtre était nécessaire ou désirée, il fallait s'adresser à l'église Saint Joseph, le camp étant sous la juridiction de cette paroisse. Le samedi matin, après avoir tout recommandé à la Sainte Vierge, les deux Mères retournaient au camp. Elles trouvèrent la malade beaucoup plus faible, étendue par terre, mais essayant de sourire à ses visiteuses. Une Mère lui prépara alors la tisane qu'elle désirait, pendant que Madeleine s'occupe de sa toilette. Toutes les voisines arrivent peu à peu, et la malade en est si mécontente que son mari ferme la porte... il fait bien chaud, mais tout est offert pour cette âme. Après un moment, Madeleine entreprend la question religieuse, et la malade consent à voir un prêtre. Le mari, de son côté, accepte tout ce qui peut faire plaisir à sa femme envers qui il est d'une bonté touchante. Aussi Mère S... quitte le camp, prévient en passant le surveillant, et se rend à la paroisse où elle doit attendre une demi-heure. Le Révérend Père Arnaud arrive, écoute et conseille, comme l'avait déjà fait la Mère Supérieure de Saint Joseph, de s'adresser à Monsieur le Chef principal de la Police, très bien disposé d'ailleurs, et qui ôtera toute défiance à ses subordonnés. Du reste, ajoute-t-il à quoi bon envoyer un Père, puisque aucun ne parle annamite. Donc, ma Mère, baptisez-la sans crainte, ainsi que l'enfant malade. Plus tard nous verrons avec les Pères des Missions Etrangères, plusieurs ayant séjourné au Tonkin. Quant au bébé chrétien, il fut convenu qu'on exhorterait la maman à le porter à l'hôpital Sainte Marie, un matin, afin que le Père puisse le baptiser. Quand Mère Sainte S... revint au camp à 10 heures 3/4, elle trouva Mère Sainte Justine très anxieuse, car la malade avait eu plusieurs syncopes et crises d'agitation, de découragement, auxquelles le démon n'était pas étranger. Le mari avait eu pitié de nous et, accroupi près de la natte, il exhortait sa femme à laisser faire les soeurs et à aller au ciel où sont tous les chrétiens. Au moment le plus critique, la Mère, craignant de voir arriver le prêtre après le baptême fait et du reste ne pouvant le faire donner sans le consentement de la malade, dit à Madeleine : "Faites-la prier, il le faut." – Toutes deux s'agenouillèrent, récitant le "Memorare", puis la jeune fille fait répéter en annamite "O Marie conçue sans péché..." Le calme revient, et, peu après, à une nouvelle question la malade répond : "Je crois... je veux le baptême puisqu'il ouvre le ciel." On l'exhorte à se repentir de ses péchés et elle répète tout ce qu'on lui suggère. Les autorisations arrivant à ce moment, on n'hésite plus, et avec grande émotion, le baptême fut donné par Mère Sainte Justine à celle que nous appelâmes Marie-Madeleine, pour remercier la Sainte Vierge et réjouir ma petite apôtre. Le calme le plus complet revint alors. La néophyte baisait le crucifix, souriait et disait : "Je suis contente, en paix ; l'eau qu'on m'a mise sur le front est si bonne, elle me fait du bien." Nous partîmes enfin le coeur rassuré et reconnaissant, après avoir été beaucoup remerciées par Monsieur A... qui était entré au moment où le baptême se terminait. On promit de revenir le soir. Dans la soirée, en effet, la promenade des jeunes Maîtresses fut dirigée de ce côté, et pendant qu'un groupe attendait sur la route, Mère Sainte Justine et Madeleine allaient visiter la mourante. Elle était de plus en plus faible, mais paisible et heureuse ; parlant pourtant encore de guérir pour aller rejoindre ses trois enfants restés à Hanoi. Les visiteuses avaient apporté un peu de linge, et les maîtresses s'étaient privées de fruits au goûter pour les donner aux enfants, aussi l'accueil des voisins était très aimable. Une image de la Sainte Vierge avec l'Enfant Jésus fut posé sur le lit : "Qui est cette Dame dit la mourante. Elle a l'ai si bon !" - "C'est la Mère de ce petit Enfant, répondit Madeleine, c'est cet Enfant très beau, plein de lumière et de bonté, qui vous ouvrira la porte du ciel !" - "Vraiment, c'est lui ! Oh ! je l'aime" dit la jeune femme, et elle ne cessait de regarder l'Enfant qui ouvre le ciel. En la quittant, on fit un nouvel arrêt chez la maman chrétienne lui faisant promettre d'aller le lendemain de bonne heure à l'hôpital, qu'on allait prévenir les soeurs et son mari justement en traitement là-bas. Elle promit, mais faiblement. Au passage à l'hôpital, Sœur Antoinette, la bonne Supérieure, conduisit la Mère et Madeleine auprès de l'annamite assis sur une véranda. Quand on lui dit qu'il fallait baptiser son enfant : "Oh ! mais il est bien trop petit, s'exclama-t-il, il est petit comme ça"... Et le brave homme mettait entre ses deux mains la distance de 25 à 30 centimètres. – "Oh mais c'est très grand, répondit gravement Sœur Antoinette ; en France on les baptise petits comme ça"... et elle diminuait la distance d'au moins 15 centimètres. Le papa ébahi regarda les mains de la Sœur : "Ah vraiment français si petits baptisés... Alors bébé aussi." Le lendemain, nous n'allâmes pas au camp le matin, puisque l'âme de notre malade ne nous inquiétait plus. Dans la soirée, au moment où nous entrions au camp, une femme accourut nous dire que la malade venait de mourir quelques instants auparavant. Le chef français était là entouré d'annamites, et le salut militaire fut solennel. Le brave Monsieur S... était un peu perplexe, ne sachant s'il fallait enterrer la défunte comme une païenne ou comme une chrétienne."Ma Sœur, ne pensez-vous pas qu'il faudrait une petite cérémonie ? qu'il y ait au moins une religieuse pour présider ? " La pensée de conduire les funérailles et de pontifier au milieu du camp faillit faire sourire l'Auxiliatrice... mais le brave homme proposait tout cela de bonne foi, et dans son désir de savoir ce qui serait le mieux. La Mère lui fit observer que le baptême n'était pas connu et qu'il serait plus prudent de laisser les annamites suivre leurs usages. Monsieur S... n'attendait que cela et parut soulagé d'un grand poids. Il paraît que, contrairement aux habitudes chinoises, les annamites désirent que le corps du défunt disparaisse au plus vite et l'enterrement doit avoir lieu une ou deux heures après le décès. Ici tout aurait été bien triste si déjà "l'Enfant qui ouvre le ciel" n'avait accueilli la chère âme là-haut. Aucune femme n'avait voulu s'occuper des derniers soins, car la défunte qui avait laissé ses enfants au loin, aurait peut-être jeté un sort sur ceux du camp. Ce furent donc les amis du mari qui firent l'ensevelissement, et pas une femme ne pénétra dans la case où nous restâmes seules, au milieu des braves petits policiers. La Mère ayant dit le De Profundis et terminé par un large signe de croix ainsi que Madeleine, la jeune fille entendit des mots comme ceux-ci : Silence... elles prient... c'est pour donner la félicité à la défunte... Elles sont bonnes, elles n'ont pas peur... Le mari, tout éploré, nous raconta ensuite que la nuit avait été bien douloureuse, et que plusieurs fois la mourante avait demandé les Soeurs. Elle regardait souvent l'image de la Sainte Vierge et se calmait alors. Tout à coup, Madeleine vit la médaille qu'on avait enlevée pour l'ensevelissement et la tendit à la Mère. Celle-ci s'approcha et avec l'approbation du mari la passa dans une des bandelettes, sar la façon dont les corps sont emmaillotés rappelle fort les images de Lazare ou les momies d'Egypte. En quittant la chambre mortuaire, nous vîmes devant chaque porte des cases un petit fagot de paille entouré d'une bande d'étoffe ou d'un morceau de tapis. On y avait mis le feu et cela devait empêcher les mauvais sorts. Une seule porte n'avait pas son fagot, et cela nous fit plaisir : c'était celle de la jeune femme chrétienne. Assise devant la porte, elle tenait son bébé, et le papa, en congé d'hôpital pour un jour, était là aussi. A notre entrée, la maman, toute rougissante, dut avouer qu'elle n'avait pas encore fait baptiser l'enfant : "...il fait si chaud... le soleil est ardent... elle n'a pas d'ombrelle..." – "Qu'à cela ne tienne, s'écria Madeleine ; je vous prête la mienne, je reviendrai la reprendre et savoir si vous avez tenu parole" – "Soyez tranquille, répliqua le mari, elle ira avec moi. Je retourne ce soir à l'hôpital, je reviendrai et viendrai demain la chercher," puis s'adressant en français à la Mère : "Moi demain tenir bébé... Moi aussi vouloir bébé catholique" – "Et vous ne désirez-vous pas ?" – "Oui, mais pas moi ça moyen". Madeleine lui expliqua qu'on pourrait peut-être l'instruire. Il acceptait tout et promit de raconter son histoire afin qu'on jugeât s'il pouvait vraiment devenir chrétien. Sa simplicité était touchante. Le lendemain soir, des Mères ayant fait une course à l'hôpital eurent la joie d'apprendre que bébé était venu, abrité sous l'ombrelle de Madeleine ; que la maman, tenant la fillette dans ses bras, avait assisté à la messe, et que papa était venu ensuite pour le baptême de la petite Marie-Dominique. (Rapport de 1908) Pendant une quinzaine d'années l'œuvre des annamites continua modestement. Les chrétiens arrivaient plus nombreux du Tonking ; il y eut chaque dimanche une messe célébrée pour eux à la Maison Centrale des Filles de la Charité, et après le Saint Sacrifice, on causait avec la jeune fille qui avait fait le premier baptême en 1908 et qui, chaque semaine, allait à cette messe. Fréquemment, Sœur Madeleine devenue agrégée, était appelée à l'hôpital Sainte Marie pour exhorter, baptiser, etc... des femmes ou des enfants. Dans une des courses au camp l'on fit connaissance, en 1911, d'un brave garde très opposé d'abord à toute idée chrétienne et gagné peu à peu, disait-il, par la bonté de ses chefs français. Sa femme vivait aussi à Shanghai, et trois enfants vinrent donner de la joie au ménage... Joie passagère, car tous trois moururent en bas âge. Mais tous trois furent baptisés et allèrent au ciel demander la même grâce pour leurs parents. La maman désolée, accusa le climat et partit pour l'Annam lorsqu'un 4ème enfant fut espéré. Le mari l'approuva et, sans en rien dire, il eut la pensée de se faire chrétien si l'enfant leur était conservé. Une fillette naquit, et comme elle ne demandait qu'à vivre, au bout de quelques mois, le papa écrivit qu'on pensât à se faire chrétiens, et envoya même des livres pour qu'on instruisit sa femme ? De son côté, il venait chaque dimanche pour le catéchisme, la femme revint, deux autres enfants remplacèrent les petits anges, et l'on oublia un peu les beaux projets. Après la guerre arriva en Chine le Révérend Père Chalain qui avait fréquenté les annamites en France comme aumônier militaire et leur parlait volontiers. Un jour, causant avec le N° 133, le brave garde en question, celui- ci lui confia ses désirs en un français si pittoresque que le Père comprit qu'il |