Synthèse des ateliers







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Congrès AFEA 2013

Religion et spiritualité

Angers, 22-25 mai
Synthèse des ateliers
Fictions du religieux : le travail du sentiment dans la littérature américaine / Religious Fictions : The Political Work of Sentiment in American Literature : Bruno Monfort (Université Charles-de-Gaulle – Lille 3) et Cécile Roudeau (UniversitéSorbonne Nouvelle – Paris 3)

L’atelier « Fictions du religieux » a voulu se placer à l’intersection du politique, de l’esthétique et des sens – notamment de la culture de la sensibilité – en faisant l’hypothèse que la religion participe des trois. Depuis le XVIIe jusqu’à la fin du XIXe siècle, le Christianisme en Amérique – telle était notre proposition – fait de la politique en enrôlant les sens – et ce, à l’instar de la fiction, qui indexe elle aussi sa performativité politique sur la sensibilité. La fiction redoublerait ainsi le religieux, pratique et forme. En le re-présentant, toutefois, elle s’octroie la liberté de s’en démarquer, d’en utiliser les ressorts parfois à contre-sens. Le texte littéraire devient dès lors le lieu de l’articulation problématique entre sensibilité, politique et religion.

Le parcours proposé conduisait de Harriet Beecher Stowe à Henry James en passant par Nathaniel Hawthorne, trois auteurs tout à la fois marqués au fer rouge du puritanisme dans sa version Nouvelle-Angleterre et rebelles à ses lois, ses formes et ses présupposés, tous trois hérétiques à leurs heures, prêts à chercher dans l’ailleurs catholique ou crypto-catholique notamment, une esthétique, une sensibilité, sinon une politique autres. En guise d’introduction, Cécile Roudeau a retracé à grands traits la généalogie de l’articulation entre construction nationale, ou proto-nationale, et religion du sentiment depuis John Winthrop jusqu’à la période précédant la guerre civile, en soulignant le contexte transatlantique de ce travail du sentiment dont les Lumières écossaises, lues abondamment en Amérique, ont fait la clé de voûte de leur édifice philosophique. Comme le suggère Pete Coviello, les « liens d’affections » que Winthrop plaçait au cœur de son utopie théologico-politique en les rapportant à l’amour divin, sont convoqués derechef dans la construction révolutionnaire de la nation qui, cette fois, justifie la rupture avec l’Angleterre par la fin du contrat sentimental, dénoncé des frères insensibles (« unfeeling brethren »), selon les termes de Jefferson dans son brouillon de la déclaration d’indépendance). Au corps du Christ qui fondait le commun du temps de Winthrop se substitue donc le corps de la nation, corps sensitif devenu bastion imprenable de droits garantis par la loi naturelle. Pour le dire schématiquement, l’abstraction qui autorise la pensée du commun est non plus l’Église, mais l’humain, défini comme un ensemble de droits ; sa fabrique, elle, repose toujours sur l’utopie du « fellow-feeling » qui anime la religion civile de la jeune nation. Cette tension entre une abstraction nécessaire et une pratique de l’affect reliant des singularités est le fil directeur de la lecture d’Uncle Tom’s Cabin proposée par C. Roudeau, un texte imprégné de rhétorique religieuse et dont l’efficace politique est indexée sur le travail du sentiment. Stowe gage ici que la fiction peut être le lieu de la conversion d’un affect singulier – provoqué par l’exposition d’un lecteur au corps souffrant d’un personnage – en une action politique visant à rétablir l’universalité de la loi. Grâce au travail du « sentiment », lui-même à la croisée du sensible et de l’intelligible, de l’affect et du concept, le roman, dans sa facture et son écriture, propose aux lecteurs de faire l’expérience de cette articulation de la singularité et de l’universel – expérience, au sens aussi, d’expérimentation, puisque sont mises à l’épreuve de la fiction – avec ses personnages, ses événements singuliers – les deux abstractions au fondement de l’universalisme occidental : « l’humain », la nature humaine issue des Lumières dont se réclamait Jefferson au moment de définir la nation, et le corps glorieux du Christ, cette Église sur laquelle Winthrop, en son temps, avait fondé la communauté. Stowe expose ses lecteurs à la passion de l’abstraction, sa mise à l’épreuve du corps, de la matérialité du texte et de la contingence de la fiction. Le défi est de taille : vu que l’abstraction pure, au fondement de l’universel, ne peut « toucher » les cœurs – là où gitent les émotions, mais aussi les ressorts de l’action –, il faut « éveiller » les sens, « faire montre » du réel, sans pour autant privatiser le sentiment. Le paradigme est religieux : en incarnant le verbe pour qu’il se fasse chair, Stowe veut frapper le lecteur, et, de ce signifiant habité d’une « présence réelle », des ces mots devenus corps, souffrant, jouissant, entend le convertir en le sensibilisant à l’impératif d’une action universelle. Texte empirique et expérimental, Uncle Tom’s Cabin met ainsi en œuvre l’utopie d’un « universel concret » forgé à l’épreuve du réel et au bord du politique.

Cette politique du sentiment, utopie que Stowe reprend des Pères, Hawthorne l’interroge dans un texte assez peu étudié en France, publié la même année que le grand œuvre de Stowe : The Blithedale Romance, roman de la sympathie dévoyée. Dans sa communication, The Blithedale Romance ou les penchants pervers de la sympathie américaine, Agnès Derail souligne que la romance—ou faudrait-il dire l’anti-romance de Hawthorne – prend à rebours l’utopie américaine, ce modèle de charité chrétienne qu’avait imaginé Winthrop et que la communauté réformiste de Blithedale, double à peine voilé de Brook Farm, échoue à réaliser. La « sympathie » moderne qui, au mitan du XIXe siècle, devait rejouer la mission sacrée des origines, la capacité de « sentir avec » censée donner au phalanstère une assise plus ferme que la loi fondamentale de la nation et l’acheminer vers le « millenium de l’amour », s’avère un des multiples voiles dont la romance fait ses délices. Le narrateur, lui-même piètre doublure de l’illustre Miles Coverdale, premier traducteur de la Bible en anglais, débusque, sous l’Arcadie de pacotille qui prétend mettre fin à l’Histoire, la poursuite d’intérêts individuels pervers dont il s’efforce, par « sympathie », de reconstruire le récit. La narration, d’emblée, pervertit le projet de dire l’aventure collective, et ne peut prendre en charge, dans la confession désabusée de ce célibataire naguère romantique, qu’une communauté circonscrite aux fantasmes inavouables d’un simple quadrilatère érotique. Pourtant, ce qui pourrait être lu comme un simple dévoiement est peut-être – ainsi que le suggère le texte de Hawthorne – inhérent au projet de sympathie, à la poursuite de ce « système de bonheur » fondé sur l’amour. L’envers du décor pastoral, les dessous de la virginité postulée du monde, sont à la fois la condition de l’utopie et la promesse de sa faillite, tout comme le capital de faussaire, la véritable encaisse de Blithedale, s’avère le fétiche qui occulte les nombreuses transactions menées en sous-main et ne permet rien moins que l’oubli de l’histoire. Imposture, donc, que la sympathie. A ceci près, souligne Agnès Derail, que la romance de Hawthorne ne se défait pas si vite de l’utopie. Le texte, dans un dernier tour d’écrou, réactive la fascination propre au fétiche et prolonge – jusque dans la dénonciation – la puissance de la sympathie, l’efficace du sentiment.

C’est cette efficace du sentiment qu’un texte un peu plus tardif de Harriet Beecher Stowe, The Minister’s Wooing (1858), étudié par Audrey Fogels, à la fois illustre et interroge. Combinant la perspective féministe et la lecture deleuzienne, A. Fogels, dans sa communication intitulée « The Pedagogy and Performance of Sentiment in Harriet Beecher Stowe’s The Minister’s Wooing », montre comment le roman de Stowe noue des alliances improbables entre personnages issus de milieux, voire de races, a priori peu compatibles. Si le travail du sentiment, allié à l’efficace de la foi et porté par une piété religieuse capable de faire le lien entre des incommensurables, trouve ses limites dans un roman qui laisse voir là encore les défauts dans la trame de cette communauté utopique, il met néanmoins au jour ce que Glenn Hendler appelle une puissante « structure d’identification », qui permet l’émergence d’un autre « partage du sensible ».. Le texte, à l’image d’un patchwork, fait place à des voix dissonantes, ou simplement autres, voix féminines à qui un espace est donné, hors-cadre. La forme romanesque exposerait dès lors l’instabilité fondamentale de toute « union ». Dans l’auditoire, Géraldine Chouard ajoute que si le roman de Stowe fait du « patchwork » une forme-sens, il est important de savoir si le patchwork en question suit le modèle connu, codifié, du friendship quilt ou wedding quilt par exemple, ou s’il s’agit d’un crazy quilt, sans patron préconçu, le seul que Deleuze et Guattari prennent en compte. L’ouverture à des imaginaires et des voix autres dépendrait ainsi du type de quilt dont il fait son modèle – l’essentiel étant, dans la lecture proposée par Audrey Fogels, que l’utopie communautaire, portée par la force du sentiment, notamment religieux, vient paradoxalement défaire la forme convenue pour mieux intégrer le murmure mineur, la voix excentrique, à une intrigue sentimentale chevillée à l’histoire nationale.

L’enjeu politique et national de la rhétorique du sentiment et du discours de la foi revient en force à la fin du XIXe siècle, dans un conte de Henry James, étudié par Bruno Monfort dans sa communication intitulée « Sentiment esthétique et plaisir religieux, ou le retour retors d’eros et d’agapé dans “The Last of the Valerii” de Henry James (1885) ». Dans ce texte de James où l’Amérique vient se frotter à la vieille Europe, un Américain finit par accepter que sa filleule épouse un natif d’Italie, dérogeant à sa méfiance initiale vis-à-vis d’un étranger au nom d’un respect des sentiments. Pourtant, une fois la Guerre civile terminée, la question de l’amour et du sentiment ne sert plus à définir le lien avec une communauté susceptible de faire nation. La généreuse et séculière faiblesse dont fait preuve l’Américain va se retourner contre lui : le comte italien, d’abord épris de sa « fille en dieu » ou sa « fille-dieu » (god-daughter), va bientôt lui préférer une fort païenne statue de Junon déterrée dans le jardin de son palais, délaissant sa femme de chair pour révérer la statue de pierre. Apostasie, résurgence du paganisme en pleine (capitale de la) chrétienté… Le catholicisme forme un barrage bien fragile contre un paganisme sous-jacent. Dans ce conte de James, nous dit B. Monfort, si la réception d’un objet comme œuvre d’art dépend du double refoulement de la dévotion et du sentiment, y compris religieux, la narration, pourtant, ne peut, pour décrire le rapport du spectateur à l’œuvre, qu’avoir recours au vocabulaire, aux métaphores et aux figures qui légitiment la dévotion et le sentiment, produits d’une religiosité que le récit aura vidée de sa substance. Il n’est donc pas certain, une fois la lecture achevée, que l’œuvre d’art, même si elle se fait récit, ne soit pas frappée d’une irrémédiable futilité qui la laisse apparaître dans son dénuement, alors même que récits et contes peuvent proliférer à son propos.

Ce parcours de la fiction américaine du XIXe siècle semble nous inviter à conclure, provisoirement, que si les textes convoqués dans cet atelier interrogent le paradigme religieux, notamment l’utopie communautaire qu’il promeut à travers le travail du sentiment, ils ne cessent pourtant de le ranimer à leur manière, tirant parti de son efficace politique ou esthétique, et révélant sa puissance poétique à rebours, parfois, des préceptes ecclésiaux.
L’expérience de la crise spirituelle et la question des croyances (1897-1907) / The Experience of Spiritual Crisis and the Question of Belief (1897-1907) : Michel Imbert (Université Paris Diderot – Paris 7)

L’atelier a permis de confronter le point de vue d’un philosophe, d’un historien, d’une ethnologue et d’un sociologue sur le fait religieux dans le contexte des années 1900.

Thomas Constantinesco a analysé « les vertus de la croyance » selon Emerson et William James comparés méthodiquement. Tandis qu’Emerson prend très tôt ses distances avec le dogme unitarien et ne croit désormais qu’en lui-même et en son infinie puissance d’affirmation, William James met l’accent moins sur la volonté de puissance que sur la volonté de croire et sur l’efficace de la foi, tant la croyance est affaire de créance et de crédit. Contrairement à Emerson dont le transcendantalisme repose sur une croyance solipsiste en la divinité d’un moi qui ne fait confiance qu’à lui-même, James fait fond sur le crédit mutuel qu’implique tout crédo collectif. Tandis que le sujet émersonien s’avoue peu fiable parce qu’il est emporté par le flux de ses états mentaux, au contraire selon James, l’élan mystique, apparaît in fine comme une manière de surmonter cette crise diagnostiquée par Emerson : il permet de remembrer, au moins temporairement, un sujet déchiré et, par là-même, de faire barrage à la folie qui le guette. Cette communication a donné lieu à un dialogue fructueux avec Jean-Michel Yvard au sujet des positions respectives de William James et de Charles S. Peirce.

Diana Maloyan est revenue sur la question obsédante de la croyance tout au long de l’œuvre d’Henry Adams. Dans Mont-Saint-Michel and Chartres, Adams essaie d'expliquer à ses jeunes nièces le type de foi qui animait les bâtisseurs de cathédrales, en assimilant paradoxalement le culte marial à une sorte de jeu d’enfant : les cathédrales étaient une sorte de maison de poupée où trônait la Vierge Marie, baby doll ou idole du Moyen-Âge. Dans The Education of Henry Adams, la question de la confiance et de la foi en la parole donnée se sécularise et se déplace sur le terrain de la politique étrangère, dans le contexte de négociations entre diplomates. Et la question se repose sur le plan esthétique cette fois, lorsque l’amateur d’art qu’est Henry Adams se demande lors d’une vente aux enchères s’il a affaire à un authentique Rafaël ou un faux. Si Adams, en clerc des temps modernes, s’est fait l’interprète de St Thomas d’Aquin et d’Abélard, c’est parce qu’il s’est interrogé sur ce besoin universel de croire qui, mystérieusement, s’enlève sur fond de doute. Faute de savoir absolument, la foi reste l’enfance du savoir ; balbutiante, elle n’en finit pas de vaciller. A l’adresse du lecteur, l’historien du religieux, suivant la double étymologie de religio (relegere-religare) relit et relie ces phénomènes récurrents qui révèlent la force de conviction de ce qui pourrait n’être qu’une fiction.

Camille Joseph a ensuite abordé l’œuvre de l’ethnologue Franz Boas pour qui la religion appartenait au passé des peuples dits « primitifs » et qui s’est intéressé tout particulièrement à la mythologie et aux sociétés secrètes des Indiens Kwakiutl. Au tournant du siècle, Boas a recueilli leurs textes rituels et sacrés, tout en mettant en lumière le rôle social des rites qu’il a pu observer sur le terrain. A une époque marquée par le triomphe de la classification linéaire des organisations sociales, des techniques, des arts et des rituels, Boas a rejeté la perspective ethnocentriste de l’anthropologie évolutionniste qui jugeait les réalisations humaines à l’aune de la civilisation occidentale et il s’est interrogé sur la logique interne des pratiques religieuses des Kwakiutl. Dans le droit fil du pluralisme d’un William James, Boas a mis l’accent sur la diversité et la complexité du phénomène religieux et ce n’est pas par hasard que ses travaux ont une influence marquante sur Georges Bataille comme sur Claude Levi-Strauss.

Pour finir, Michel Imbert s’est interrogé sur l’expérience de la crise spirituelle évoquée dans Varieties of Religious Experience (1902). Selon William James, la révélation religieuse avait la vertu salutaire de redonner un sens au déchirement intérieur. Le chapitre VIII ,« The Divided Mind »,qui évoque la conversion de ces grands mystiques comme un rite de passage a inspiré Du Bois, son étudiant à Harvard, à plus d’un titre dans The Souls of Black Folk paru l’année suivante(1903). Du Bois y décrit la conscience divisée de l’homme noir («double-consciousness ») comme une sorte de cas-limite de dédoublement de personnalité. Mais l’essai a également des accents messianiques : le prisme déformant des préjugés qui dissimule le vrai visage des noirs peut se retourner en signe d’élection. Du Bois, tel Moïse transmettant les tables de la loi, le visage drapé d’un voile, prophétise la libération du peuple noir. Tout en critiquant l’archaïsme et la tartufferie des églises noires, il se fait l’apôtre de l’héritage immémorial des negro spirituals. De même que la musique de Wagner est une religion de substitution, de même cette variété de musique sacrée est l’expression ineffable des âmes discordantes d’un peuple sans mémoire et aux avant-postes de l’anéantissement qui s’annonce.
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