Docteur ès lettres, docteur en droit







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« ils regardent avec jalousie toute mesure de justice à l'égard de leurs adversaires » 5. Les cinq ou six partis politiques, à couteaux tirés entre eux, ne forment qu'un bloc en regard des Canadiens. Quand lord Sydenham leur fait des ouvertures en vue de donner suite au projet d'union des deux provinces conçu par Durham, ils demandent que les Canadiens soient complètement exclus de tous les privilèges politiques, en d'autres termes « la prééminence légale des citoyens britanniques et la sujétion des étrangers » 6 ; les Canadiens, les fils du sol, étaient des étrangers. Dans le même but, ces Anglo-Canadiens voulaient refuser le suffrage à tous ceux qui ne possédaient pas leur ferme en « franc-aileu », cela visait encore les Canadiens. Ils proposaient de donner au Nouveau-Brunswick une partie du Bas-Canada et pareillement d'ajouter à leur territoire une grande étendue de la province française, y compris Montréal. Ils insistaient pour avoir la capitale dans leur pays. Dans le parlement en perspective, des deux provinces unies, ils exigeaient d'avoir soixante-deux membres, alors que les Canadiens, avec une population plus considérable de 200 000 âmes, n'en auraient que 50. Le principe de représentation proportionnelle était détestable alors, mais, en bons opportunistes, dès que leur population augmenta ils ne cessèrent de le revendiquer.
Les finances de la province étaient dans un déplorable état déficitaire. L'administration ne pouvait pas même emprunter $ 315 000 à moins de 8 ou 10 pour 100 1. Les banques du Haut-Canada étaient réellement sur le seuil de la banqueroute et devaient des sommes énormes aux Baring 2. Cela ne fut pas sans influencer le règlement définitif dont 1'un des associés était alors ministre des Finances 3. La seule alternative était l'union des deux provinces ou l'insolvabilité du Haut-Canada, tournée en banqueroute. Sydenham proposait d'imposer une partie de cette dette aux Canadiens qui, lors du soulèvement, avaient un excédent dans leurs finances 4. Forcés par la situation et pressés par le gouverneur, les Haut-Canadiens acceptèrent un accord sur la base d'un nombre égal de représentants. Leur population étant inférieure de 200 000 habitants, ils avaient réellement les deux tiers de la représentation, et leur dette forçait les familles canadiennes, riches ou pauvres, à payer trente dollars 5, somme importante pour l'époque.
D'autre part, ces Canadiens ne fuirent pas consultés par le gouverneur, alors qu'on traitait les Haut-Canadiens avec la plus haute considération. « L'Union, » dit lord Metcalfe, « fut effectuée sans le consentement du Bas-Canada, Mais avec, l'assentiment acheté du Haut-Canada 6. » Les pauvres Canadiens furent donc forcés de se mettre à dos « le fardeau de l'homme blanc » anglais, sa dette, et se virent, contre les meilleures traditions britanniques, imposer un gouvernement dont ils ne voulaient pas, tandis que les politiques anglo-saxons étaient plutôt sympathiques au « mariage forcé » des deux provinces, que vingt ans après ils voulaient dissoudre par le divorce. Pris à leur propre piège, Macdonald, George Brown et beaucoup d'autres voulaient libérer l'Ontario de ce qu'ils appelaient « la domination de Québec ». Le professeur George M. Wrong 7 en parle comme « d'un système politique impossible », tandis que M. Walter S. Johnston de Montréal, le caractérise comme « le résultat à peu près miraculeux du rapport Durham 8. L'Union des Canadas, la conception avortée du célèbre lord, fut un recul politique, parce que c'était un recul moral que la fédération devait réparer.
Le fameux « document de lord Durham » a perdu son prestige et, de jour en jour, ses erreurs et insuffisances sont de plus en plus reconnues. Impossible de ne pas voir que ses généralisations et ses conclusions sont celles d'un. politicien rhéteur, beau parleur, qui ne purent être réalisées. En vérité, que reste-t-il « des résultats à peu près miraculeux » de son œuvre, si ce n'est qu'il a fait faire fausse route à la vie canadienne ? Un Anglais à l'âme haute eût demandé justice pour les victimes, mais lui, au contraire, préconise leur sujétion a un régime autocratique, « constitué sur une base despotique » et la dénationalisation de ce peuple si tragiquement éprouvé. Les principes qui avaient triomphé à Westminster, en 1774, furent abandonnés ; toutefois, grâce à l'action de la justice immanente qui gouverne le monde, les mesures imaginées pour amener leur extinction devinrent « les vrais moyens e soutenir leur nationalité, leur influence » 1, et furent le tournant décisif de leur histoire.
Lord Sydenham, grand politicien, rendit par son arbitraire l'Union encore plus inacceptable, par son remaniement des districts électoraux, qui faussait l'expression de la volonté du peuple. Il agissait en vrai dictateur sans scrupule, employant toutes les formes de l'intimidation pour arriver à ses fins. Il « enjôla, flatta et même menaça ceux qui résistaient », dit Bradshaw 2. Il avoue d'ailleurs franchement avoir éprouvé plus de difficultés avec « la misérable petite oligarchie » et les « quelques démagogues factieux » du Haut-Canada qu'avec les Canadiens qu'il dédaignait 3. Il demanda à La Fontaine de faire partie de son cabinet, offre illusoire que celui-ci refusa, vu que le gouverneur était hostile au principe « du gouvernement responsable » 4. Avec une ardeur infatigable, Sydenham organisa l'Union de manière à donner aux siens le contrôle de la vie politique, et fit tout pour y diminuer l'influence des Canadiens. Il convint que « rien de moins que le despotisme n'aurait pu faire aboutir ses mesures » 5.
Quoi qu'en dise Adam Shortt 6, quand sir Charles Bagot, successeur de Sydenham, arriva en 1812, il trouva une situation assez déplorable, qu'il décrivit dans une lettre à lord Stanley. Un grand nombre d'Anglo-Canadiens étaient « de cœur séparatistes ». Les événements devaient bientôt montrer qu'il ne se trompait pas. Le régime parlementaire dominé par l'ancienne oligarchie anglo-canadienne était devenu impossible. Il pria donc La Fontaine de se mettre à la tête de son cabinet, mais celui-ci posa à son acceptation les conditions suivantes : « Égalité des ministres et des deux peuples, ainsi que de tous les sujets britanniques sous le drapeau national 7. » Il exige surtout que Robert Baldwin fasse partie de son gouvernement 8. Dès que ces stipulations furent acceptées, on inaugura « le grand ministère » 9. Baldwin avait fait partie du cabinet Sydenham, I, EACOCK, p. 57.qu'il quitta pour les mêmes raisons qui portèrent La Fontaine à refuser d'y entrer. Ce dernier joua un rôle de tout premier plan, bien que théoriquement les deux fussent égaux. Sir Charles fut le premier gouverneur à ne voir au Canada que des Canadiens, dans le sens le plus large du mot. S'il encourut le déplaisir de lord Stanley, il se rendit cher à l'élément français.
Ces duumvires avaient des idées dont ils ne dévièrent jamais sérieusement. Leur programme reposait sur des principes bien définis : la sanction de la volonté du peuple pour l'adoption des lois, pour les impôts et les objets auxquels on les destinait, sa participation au gouvernement et son véritable contrôle des services civils 1. Plus spécialement, le nouveau programme impliquait la réorganisation des tribunaux, l'amélioration de l'éducation, l'abrogation d'anciennes lois telles que la prison pour dettes, la transformation et l'abolition des seigneuries et plusieurs autres réformes 2. Le sénateur L. O. David résume philosophiquement leurs principes dans cette formule heureuse : « Égalité sociale, liberté politique, le bienfait du gouvernement responsable et le droit pour les électeurs de gérer leurs propres affaires 3. Quel contraste avec « la base despotique » de Durham ! »
La scission politique dans la province française était loin d'être une question d'origine nationale de part et d'autre. Bon nombre d'Anglais étaient du parti des Canadiens et votaient avec ces derniers dans la Chambre. Pareillement les libéraux du Haut-Canada et la plupart des citoyens de Québec s'unissaient dans le plus pur esprit politique, dégagé de toute considération d'hérédité nationale. Ces derniers ne demandaient ni faveur, ni égard, mais seulement la plus élémentaire justice. En général, ils étaient stables dans leur loyauté envers l'Angleterre. Malgré la violence des vainqueurs, ils ne perdirent pas leur temps en récriminations inutiles, bien que l'Union leur fût odieuse. « Aucun article de la Constitution en 1840, » dit Bourinot, « ne blessa plus profondément la population canadienne que la clause proscrivant l'usage de la langue française » 4. Les deux partis sentaient bien qu'il y avait là une entorse donnée au droit. Les libéraux devaient proposer la liberté d'employer la langue française dans le Parlement, mais ils furent devancés en cela par D. B. Papineau, un conservateur qui, avec l'appui de John A. Macdonald, fit adopter une motion dans ce sens 5.
En 1843, sir Charles Metcalfe, successeur de Bagot, tenta un mouvement réactionnaire, mais il n'osa pas renverser la vapeur. Il avait été envoyé comme « l'homme d'État le plus capable de faire échec au gouvernement responsable » 6. Il n'y a aucun doute qu'en cela il ne faisait que suivre les désirs de lord Russell, le ministre des colonies. En général, comme il était porté à la bienveillance envers les Canadiens, il leur rendit des services importants et obtint de Londres la place légitime du français dans le Parlement. L'Office colonial devint plus informé et plus conciliant, mais ce ne fut qu'en 1846 que lord Russell reconnut, réellement, le gouvernement responsable 7. Quand lord Elgin, fils du diplomate auquel nous devons la conservation des marbres du Parthénon, arriva en 1847, il tenta avec courage de diriger le pays dans la voie nouvelle. Il s'y livra sans réserve.
Un projet de loi fut présenté pendant la session de 1849, à Montréal, pour accorder des compensations aux Canadiens qui avaient subi des pertes pendant le soulèvement. Le Haut-Canada avait déjà reçu $ 200 000 pour le même objet. Les projets de loi pour les deux provinces étaient rédigés à peu près dans les mêmes termes 1. Le principe de la loi avait été approuvé par lord Metcalfe 2. Il ne s'agissait que de réaliser les projets de l'administration précédente 3. Les torys interprétèrent de la façon la plus fantaisiste le bill qui, selon lord Elgin, avait d'une part reçu l'appui de plus de la moitié des votes anglais 4. Les torys ne pouvaient pas souffrir que des « rebelles » - un « rebelle » était un homme n'appartenant pas à leur coterie - fussent arrivés au pouvoir 5. Leur indignation ne connut plus de bornes lorsque le gouverneur, se conformant à la décision prise relativement à la langue française, prononça son discours dans les deux langues. Alors ils s'attaquèrent avec fureur au bill et au gouverneur, ce qui provoqua de nombreux incidents.
Leur cheval de bataille était que l'on voulait récompenser des « rebelles ». Non contents d'exciter les foules un peu partout, -à Toronto, lord Elgin fut brûlé en effigie - à Montréal ils provoquèrent des émeutes dans les rues et firent appel aux pires passions de races. Les fauteurs de désordre étaient des Anglais, non pas la tourbe anglo-saxonne, mais des hommes de la haute classe. Ils en voulaient surtout à l'homme sage, et courageux dont le seul crime était d'avoir défendu une justice égale pour tous. Il fut publiquement et grossièrement insulté. Parmi ses assaillants les plus implacables, se firent remarquer des membres de la Société Saint-Andrew 6, dont l'attitude allait de pair avec celle des torys violents d'Ontario. Son historien dit que le Family Compact mit beaucoup de temps à lui pardonner « d'avoir osé se montrer impartial » 7. Calme, patient et d'une grande dignité, cet homme d'État courageux était loin, ainsi que l'a dit W. L. Grant, de « vouloir donner suite aux vues exprimées par son beau-père », Durham 8. Dès qu'il fut au Canada, il se sentit moralement forcé d'agir autrement que lui 9.
Il ouvrit l'accès du ministère aux Canadiens 10, demanda courtoisement à La Fontaine d'être son chef de cabinet, conseilla une politique de conciliation 11, et s'opposa absolument à ce que les anciens habitants du pays fussent « dénationalisés » 12. Il observa une bienveillante neutralité 1, faisant naître chez le peuple la conviction que le gouverneur était un homme juste 2. Quel contraste avec l'attitude autoritaire et despotique de lord Durham envers les Canadiens ! « Qu'ils soient bien persuadés, » dit lord Elgin, « que leur religion, leurs coutumes, leurs préventions, même leurs préjugés, si vous voulez, sont plus considérés et respectés en ce pays que dans aucune autre partie de ce vaste continent. Qui oserait dire que la dernière main qui fera flotter le drapeau britannique sur le sol de l'Amérique ne sera pas celle d'un Canadien 3 ? » John A. Macdonald essayant d'excuser les violences de ses amis, lors des événements récents de Montréal, accusa les hommes au pouvoir d'hostilité ouverte au lien britannique 4. Calomnie monumentale !
Ce célèbre premier ministre de la Confédération canadienne, avec son grand talent politique, sa prodigieuse souplesse dans l'emploi de moyens bons ou équivoques, essaie de disculper les émeutiers de Montréal, ces hommes déloyaux ayant signé un document demandant l'union avec les États-Unis. Il faut reconnaitre qu'à la suite du rappel des lois anglaises sur les céréales, la mévente des récoltes et autres difficultés, la situation était devenue navrante, ce qui intensifiait leur hostilité, mais leur conduite reste un stigmate ineffaçable pour leur réputation. Parmi les renégats, se trouvaient les familles représentées par sir John Rose, sir John Caldwell Abbot, sir Francis Johnson, sir David Macpherson, les Redpaths, les Molsons, etc... 5. Le Herald de Montréal se montrait favorable à l'annexion ainsi que le Mirror de Toronto 6. Des fonctionnaires publics, des magistrats, des conseillers de la reine, des officiers de la milice entraient dans le même mouvement 7, ainsi que la classe commerçante 8 - les affaires passant pour eux avant le patriotisme.
On a essayé d'atténuer le crime des émeutiers de Montréal, mais en réalité, dans le règlement des compensations sur 2 244 réclamations présentées par les Canadiens, 429 furent rejetées 9, ce qui n'indique pas une tendance à récompenser les « rebelles ». Sir Joseph Pope dit que « la Commission instituée par le gouvernement selon la loi sur les pertes subies pendant la révolte, était composée d'hommes modérés qui eurent la sagesse de refuser toute compensation à bien des pétitionnaires parce qu'ils avaient pris part à la révolte » 10. Les torys étaient injustes, attribuant à leurs adversaires l'intention de recourir à des mesures extrêmes. Leurs actes, alors, comme leurs velléités d'annexion, étaient de grandes fautes. Joseph Howe adressa à l'Hon. George Moffat, président de la Ligue britannique américaine, une lettre d'une ironie cinglante, dans laquelle il dénonçait les actes des renégats 11. Parlant de ses amis, comme s'ils avaient été saisis de vertige, John A. Macdonald dit : « Nos camarades ont perdu la tête 1. » Par ces faits regrettables, Montréal dut abandonner toute espérance de devenir la capitale du pays. Selon George R. Parkin, c'était « une ville déchue de ce privilège » 2.
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