Docteur ès lettres, docteur en droit







télécharger 1.97 Mb.
titreDocteur ès lettres, docteur en droit
page5/51
date de publication21.02.2017
taille1.97 Mb.
typeDocumentos
a.21-bal.com > loi > Documentos
1   2   3   4   5   6   7   8   9   ...   51
grippeurs de terres (landgrabbers) 1, obtint 48 500 arpents. Benedict Arnold, le traître américain de sinistre mémoire, demanda 21 milles carrés ou 13 440 arpents. Le lieutenant-gouverneur Simcoe ne vit « aucun inconvénient à les lui donner » 2. De prétendus loyalistes, dont plusieurs avaient pris les armes contre l'Angleterre, reçurent d'immenses territoires 3. « Presque toute l'île du Prince-Édouard, écrit encore Durham, c'est-à-dire environ 1400 000 arpents, fut, en un jour, aliénée à des conditions qui ne furent, jamais observées 4. Dans les parties arpentées du Haut-Canada, plus de 15 millions d'arpents furent donnés à des individus qui en tirèrent de grandes fortunes 5. Les membres du Conseil s'en attribuèrent une forte partie « à eux-mêmes ou à leurs amis » 6. Charles Lindsay nous dit que ces concessions étaient souvent faites aux serviteurs de fonctionnaires, puis transférées à ces fonctionnaires eux-mêmes ou à leurs enfants. On cite le cas du fils nouveau-né, n'ayant que trois jours, d'un membre du Conseil exécutif, auquel fut accordée une concession de ce genre 7. Ordinairement, ici comme partout, on esquivait les conditions rattachées à ces titres de propriété 8. C'est de cette façon cavalière qu'avant 1840 les richards de Toronto établirent leur opulence 9.
On attribua 12 000 arpents au pieux et regretté évêque anglican, Mountain, « ce qui représentait environ, avec les terres réservées au clergé, la moitié du territoire arpenté » du Haut-Canada 10. Les anglicans avaient droit à un septième des propriétés, mais, en pratique, - c'est encore Durham qui parle, -« par une infraction évidente des dispositions de l'Acte, ils obtinrent un sixième des terres concédées ». Quelle que fût la façon finale de régler la propriété ecclésiastique, les Anglo-Canadiens en profitèrent. Avant 1837, rares étaient les propriétés qui, selon les exigences positives de la loi, avaient été défrichées 11. Il résulta de cet état de choses des spéculations insensées et des escroqueries colossales. La Canada Company, dirigée par John Galt, en 1836, acheta 3 500 000 arpents de terre, dont elle retira un profit de plusieurs millions. D'autres associations l'imitèrent. Des agences d'immigration entrèrent dans le mouvement. Lord Durham, avec courage, dévoila leurs agissements, entre autres « l'encombrement excessif et illégal des vaisseaux » 12, « un vaste système d'extorsion 13 et de transport des voyageurs dans des bateaux incapables de tenir la mer » 1. Adam Hodgson 2, un citoyen d'Édimbourg 3, Joseph Pickering et d'autres Anglais lancèrent d'ardentes protestations contre cette exploitation criminelle de malheureux immigrants 4.
Les alcools furent une des sources notables de la richesse anglo-canadienne. Au lendemain de la Cession, Masères écrivait que l'importation des spiritueux se montait à 250 000 gallons 5. Plus tard, on construisit une grande distillerie 6, où probablement on ne fabriquait que du rhum 7. Les petites brasseries françaises furent remplacées par d'importants établissements anglais qui, avec d'autres sources d'approvisionnement, pouvaient à peine satisfaire aux besoins de la population. En 1824, 100 000 gallons de vins divers, 70 000 gallons de rhum, 80 000 gallons de brandevins anglais, 23 000 gallons importés de Ténériffe et 100 000 gallons de rhum des Indes Occidentales 8 entrèrent dans le port de Québec. W.-L. Baby, relatant une visite chez le colonel Talbot, fait allusion au « whisky à vingt sous le gallon » 9. On en faisait un emploi insensé. Joseph Pickering raconte qu'à une vente publique, chaque fois qu'un individu faisait une enchère, on lui présentait la bouteille de whisky à laquelle il buvait. Cette liqueur était aussi servie à tous gratuitement et sans arrêt 10.
Le grand concert des volontés anglo-canadiennes était dirigé vers l'acquisition de la richesse, et cette richesse les mettait en relations constantes avec l'Angleterre, les États-Unis et les autres nations entrées dans la voie du progrès. De cette façon, les Anglo-Canadiens furent amenés au grand problème du moment dans l'Amérique du Nord : la question des transports. John Molson, doué d'un remarquable esprit d'initiative, fut le premier à établir un service de paquebots sur le Saint-Laurent. La charte ne lui accordait pas de monopole, mais elle était rédigée de façon à ce que l'entreprise fût pour lui des plus profitables. Après que les canaux furent creusés, de nombreux vapeurs remontèrent aux grands lacs, et naturellement furent mis au service du commerce anglais. Avant cela, les Canadiens s'étaient livrés au service, aussi périlleux qu'essentiel, de leurs bateaux ; mais, lorsque à leur tour ils organisèrent modestement l'exploitation des vapeurs, lord Durham fut ulcéré parce qu'il considérait cela comme un empiétement sur le monopole de ses compatriotes 11. Est-ce qu'en 1860 les Canadiens auraient pu obtenir le subside annuel de 520 000 dollars accordé à la ligne Allan 12, ou les 225 000 dollars annuels que sir Charles Tupper procura au gouvernement britannique pour les vapeurs océaniques du Pacifique 13 ? Si ces lignes maritimes ont leurs magnifiques vaisseaux sur les océans, ce n'est pas à cause des traits ethnographiques des Anglo-Canadiens ; ils le doivent aux capitaux britanniques, à l'esprit d'entreprise de leur mère patrie et au commerce de la Grande-Bretagne.
Cette concentration d'énergie et de but, nous la retrouvons dans l'établissement des chemins de fer. C'est encore l'Angleterre qui, au début, fournit les fonds et les ingénieurs. Il y a trente ans, les capitaux britanniques placés dans le « Grand-Tronc » 1 dépassaient 60 millions de dollars, sommes que les actionnaires ont, en grande partie, perdues 2. Quand les questions de politique furent introduites dans ce domaine, les lignes de peu d'étendue, construites par des municipalités ou des capitalistes relativement pauvres, furent absorbées par des « fusions » d'intérêts plus importants et devinrent la proie d'Anglo-Canadiens. Ceux-ci s'opposèrent surtout à la participation américaine dans la finance de ces entreprises et, notamment, dans celle du Pacifique. La presse fut saisie d'une violente indignation lorsqu’elle apprit que sir Hugh Allan, qui désirait construire ce chemin de fer, était appuyé par des capitalistes new-yorkais. On lisait aux manchettes quotidiennes des journaux : « Le Canada pour les Canadiens !... Aux capitalistes canadiens les entreprises canadiennes 3 ! » Dans cet enjeu formidable les membres du syndicat qui devait construire cette voie exigèrent du gouvernement des privilèges illimités, qui devaient leur rapporter des revenus extraordinaires. Les richesses déjà accumulées de tant de sources leur permirent de bénéficier d'une entreprise qui, à presque tous les égards, reste remarquable, et dont le succès fut phénoménal.
Dominant le commerce général, on vit surgir un peu partout d'innombrables trusts et « fusions » (mergers). Il serait difficile de nommer un article d'utilité publique, au Canada, qui n'ait pas subi l'étreinte de ces organisations. Protections tarifaires, gratifications, favoritisme, exemptions d'impôts de toutes sortes, ont contribué à édifier de vastes fortunes. Il n'est pas aujourd'hui de gouvernement sérieux qui les tolérerait. Un savant anglais, auteur de travaux importants sur la situation économique dans l'Amérique anglo-saxonne, M. Edward Porritt, a fait une histoire de ces combinaisons qui semble incroyable 4. Des concessions faites à des compagnies, ou à des particuliers, furent fécondes en grandes richesses soudaines. Les Dunsmuir, par exemple, obtinrent la permission de construire quelques milles de voies ferrées, qui les rendaient propriétaires de riches terrains houillers 5, d'une valeur de 100 millions à 200 millions de dollars.
Il faut encore mentionner la Compagnie de la baie d'Hudson dont les droits furent mis en doute, et même niés 6, par les plus savants juristes canadiens et anglais. Le roi d'Angleterre donna à cette compagnie des privilèges qu'il ne pouvait pas accorder, vu qu'ils appartenaient à la France. Cette association se développa, sans interruption, et obtint du gouvernement des faveurs fréquemment renouvelées ou élargies et, jusqu'à une époque récente, c'est elle qui avait les attributions du gouvernement anglais dans le territoire qui est maintenant la Colombie britannique. Pendant longtemps, la célèbre compagnie aurait pu dire : « L'Angleterre, c'est moi 1. » Même lorsque ce pays, en 1838, racheta les droits de cette organisation autocratique, son règne se continua, non pas comme institution politique, mais comme puissance financière. Une adroite transaction entre le gouvernement canadien et les habiles directeurs de la compagnie, amena l'échange de ces droits pour 1500 000 dollars en espèces, 50 000 arpents de terres et un vingtième de tout le territoire dans la zone sud du bras nord de la Saskatchewan. « Une vraie rançon de roi » ! s'écrie à ce sujet l'Anglo-Canadien W. L. Griffith 2. En 1874, la compagnie vendit aux enchères des terrains à bâtir sur ses propriétés de Fort-Garry, à Winnipeg, et les treize arpents ainsi concédés rapportèrent chacun 7 000 dollars 3. En dix-neuf ans, ses ventes de biens-fonds lui donnèrent 15 millions, et il lui restait 4 032 860 arpents d'une grande valeur. Elle versa, chaque année, 2 millions de dollars à ses actionnaires 4. Là encore fut une source importante de l'opulence anglo-canadienne, car à l'époque, grâce à une adroite manœuvre, les actions, artificiellement dépréciées, passèrent en grande partie dans le Canada anglais.
La métropole s'est saignée pour ses colons. Du 1er juin 1776 au 24 octobre 1782, le Canada lui coûta 6 477 595 dollars 5. Elle régla les réclamations des loyalistes jusqu'à concurrence de 18 912 294 dollars 6 et appliqua 16 millions de dollars à leur établissement 7. Les six vaisseaux construits sur le lac Ontario coûtèrent 24 000 guinées. On entretint à grands frais, sur le Saint-Laurent, de vingt à trente bateaux destinés au transport du matériel de l'armée 8. L'expédition, par sections, de Québec à Kingston, de la frégate Psyché, qui avait été construite en Angleterre, représentait un déboursé de 60 000 dollars 9. Tout cela enrichissait l'élément anglais. La correspondance de la famille Ridout montre jusqu'à quel point l'argent, de cette même source, fut répandu dans le Haut-Canada, pendant la guerre de 1812, avec une prodigalité « fort utile aux commerçants » 10. Selon Howison, « les établissements militaires avaient apporté tant de numéraire dans le pays, que chacun oublia sa propre détresse et s'imagina être sur le chemin de la fortune » 11. Les Anglo-Canadiens reçurent 1 million à 1 500 000 dollars pour leurs pertes pendant cette guerre 12. Sous l'administration de lord Sydenham, l'industrie du bois, au Canada, reçut d'abondantes primes anglaises. Non seulement elle demeura entre les mains des maîtres du pays, mais le bois fut transporté par des sociétés britanniques. Le Saint-Laurent étant fermé aux navires étrangers, les vaisseaux de l'Angleterre déterminaient le tarif des transports, tarif toujours plus élevé que celui de NewYork à Liverpool.
Les frais énormes pour l'entretien des régiments anglais et de leurs officiers, payés par l'Angleterre, profitaient à la finance anglo-canadienne. Selon le colonel William Wood, elle dépensa 35 millions de dollars pour la citadelle de Québec 1, mais ces travaux n'apportèrent pas un seul contrat aux maisons canadiennes. On paya de vastes subsides pour le creusement du canal de Lachine et 5 millions de dollars pour ceux du canal Rideau. Pendant le dix-neuvième siècle, les troupes et les fortifications représentèrent, pour la Grande-Bretagne, une charge de 500 millions de dollars 2. D'après John Castell Hopkins, le Canada, pendant cette période, coûta un milliard et demi de dollars à la métropole 3, qui, non seulement lui donna une sécurité nationale, mais encore garantit plusieurs emprunts très avantageux pour ses finances. En 1914, les fonds anglais transfusaient dans la vie économique anglo-canadienne 200 millions de dollars par an, et les placements britanniques, jusqu'à 1918, se totalisaient à 2 800 000 000 de dollars 4. Tout cela contribua d'une façon prodigieuse au développement économique. « Pensez, s'écrie M. Beckles-Willson, pensez que de ces 2 400 000 000 de dollars prodigués par l'Angleterre aux industries anglo-canadiennes, c'est à peine si un dollar a été attribué aux industries canadiennes 5 ! » Nous ne pouvons pas faire état des vastes sommes que le gouvernement colonial a versées, depuis la cession jusqu'à l'union des deux Canadas, à ses parasites officiels.
L'expansion anglo-canadienne fut encore favorisée par l'initiative d'individus et du gouvernement. Après l'échec de lord Selkirk, dont les desseins magnanimes furent entravés par la cruauté de la Compagnie du Nord-Ouest, une partie importante de ses fonds resta et un bon nombre de ses immigrés s'établirent dans le Haut-Canada 6. Huit cents de ces Écossais fondèrent leur foyer dans l'île du Prince-Édouard, en une région d'où les Acadiens avaient été expulsés 7. Les fonctionnaires du gouvernement colonial, toujours aux aguets, attendaient le moment favorable pour obtenir des terres ou des places avantageuses pour les leurs. Haldimand donna à ses neveux des situations administratives enviées. Talbot attira nombre d'Anglais et pourvut à leur établissement. Les Irlandais furent importés en grand nombre. La petite colonie de Peterboro coûta 215 000 dollars au gouvernement de la Grande-Bretagne. Les frais de fondation des colonies loyalistes, à New-Carlisle et à Douglastown, se chiffrèrent à plus de 400 000 dollars, ce qui fit dire humoristiquement au magistrat Thompson, parlant à l'évêque de Québec : « Cette somme a dû être consacrée à des fouilles souterraines vu qu'il n'y a rien à la surface qui justifie ces frais 8. » Parmi beaucoup d'entreprises dont les résultats furent heureux, on consacra 200 000 dollars pour faire conduire en Acadie 3 760 soldats, marins et autres personnes, sans parler des diverses libéralités à la Nouvelle-Écosse qui, en six ans, lors de son organisation provinciale, ne reçut pas moins de 2 077 520 dollars 1.
Indépendamment des loyalistes, des pseudo-loyalistes et commerçants américains qui allèrent en grand nombre des États-Unis au Canada, il se produisit un véritable exode qui, en dix-sept ans, donna à la colonie anglaise un million de colons arrivés d'outre-frontière 2. D'un autre côté, l'Angleterre encourageait l'émigration du surplus de sa population au Canada, et les sociétés religieuses poursuivaient le même but. Les Anglo-Canadiens, par l'intermédiaire du gouvernement fédéral, poussaient à activer l'immigration de leurs compatriotes et d'autres peuples, forcés, par la nature des choses, à ne parler que l'anglais ; mais on ne s'adressa ni à Belgique, ni à la Suisse, ni à la France pour ne pas grossir les rangs de la population de langue française 3, qui ainsi demeura dans un isolement défavorable.
La Grande-Bretagne, toujours généreuse, fut vraiment prodigue. Dès les premières années du régime, elle pourvut libéralement à l'entretien des pasteurs anglicans et presbytériens 4 ; elle avança des fonds aux écoles religieuses 5 et accorda 16 000 dollars par année, pendant vingt ans, à la
1   2   3   4   5   6   7   8   9   ...   51

similaire:

Docteur ès lettres, docteur en droit iconSous la direction du Docteur Kouao Biot Bernardine, Mention bien
«Sauvegarde du patrimoine culturel immobilier du département de Sassandra», sous la direction du Docteur Kouao Biot Bernardine, Mention...

Docteur ès lettres, docteur en droit iconSurtout ‘’La machine à remonter le temps’’, ‘’L’île du docteur Moreau’’

Docteur ès lettres, docteur en droit iconLes signes de la mort Docteur Jean-Pierre tourrou generalites

Docteur ès lettres, docteur en droit iconIl aurait employé ce terme lors de son premier voyage en
«fous», mais aussi l'étude que le Docteur Morgenthaler consacra en 1921 à un interné psychiatrique qui deviendra un célèbre représentant...

Docteur ès lettres, docteur en droit iconLa Russie, celle du Docteur Jivago, n'est plus, mais l'actuelle n'est...

Docteur ès lettres, docteur en droit iconBibliothèque universitaire Droit-Lettres

Docteur ès lettres, docteur en droit iconThèse pour obtenir le grade de docteur de l’Université Paris I panthéon-Sorbonne
«L’Université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce document. Ces opinions doivent être considérées...

Docteur ès lettres, docteur en droit iconNé à Rouen, le 21 décembre 1821, IL était le fils du médecin-chef...
«Il est vrai que les sangsues du docteur Broussais, la vaccine, la pâte Regnault, le remède infaillible pour les maladies secrètes,...

Docteur ès lettres, docteur en droit iconLe droit pénal est un droit atypique. Entre autres, seule cette branche...

Docteur ès lettres, docteur en droit iconEtat civil
«Droit de l’homme, droit culturel et droit des artistes». Programme Artwatch Africa, Institut Goethe-Abidjan, Côte d’Ivoire







Tous droits réservés. Copyright © 2016
contacts
a.21-bal.com