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Le Ministère de l’Enfance, de la Santé et de l’Aide à la jeunesse en Communauté française Le Nid a.s.b.l. ![]() Projet pilote Jeunes prostitués et réponses socialesProstitution des mineurs en Communauté française : Etat des lieux et recommandations Myriam Dieleman, chargée d’étude Octobre 2005 – septembre 2006 Remerciements Tout au long de cette recherche, je suis largement reconnaissante envers plusieurs acteurs. Le Cabinet de l’Aide à la jeunesse pour ses conseils et son suivi, L’équipe du Nid asbl à Bruxelles pour son support quotidien, ses apports théoriques et pratiques, Les équipes du Nid asbl, d’ICAR asbl et d’Espace P asbl à Liège et Charleroi pour leur encadrement, Ainsi que tous les autres intervenants qui se sont prêtés à mes questions et ont voulu réfléchir avec moi sur leurs pratiques professionnelles. Un soutien m’a également été apporté par Pascale JAMOULLE et par la formation « Santé mentale en contexte social » qu’elle supervise ; Ainsi que par Cécile CHERONT d’Espace P Charleroi pour sa relecture critique et attentive, Enfin, je remercie les personnes qui se sont prostituées ou qui se prostituent encore et qui ont accepté de me raconter une partie de leur vie et ainsi m’aider à mieux comprendre leurs parcours.
Au cours de l’année 2004-2005, plusieurs Roumaines se prostituent la nuit à Bruxelles sur les trottoirs de l’Avenue Louise. Interceptées par la police locale de la zone Bruxelles Capitale - Ixelles, certaines se déclarent ou apparaissent être mineures. Elles semblent faire partie d’un réseau d’exploitation sexuelle impliquant une dizaine de femmes. Les mineures entrent alors dans une procédure judiciaire de protection de la jeunesse. Les juges ordonnent des mesures de placement, et orientent les jeunes filles vers des centres fermés1 où l’on voudrait les protéger d’elles-mêmes et des proxénètes, ainsi que les enjoindre à faire des déclarations contre leurs exploitants. Cependant, les filles fuguent systématiquement des lieux d’internement ; et à l’issue de leurs échappées, les policiers les retrouvent aux mêmes endroits de ladite Avenue et les rembarquent à chaque fois. Elles ne collaborent pas à leur protection, et les juges les voient ainsi défiler dans leurs cabinets sans plus savoir que faire. Sur interpellation d’une juge concernée, le Délégué général aux droits de l’enfant s’implique et prend connaissance de l’affaire. La juge lui explique que : « Trois mineures officient au début de l’Avenue Louise à Bruxelles et racontent toutes la même histoire mélodramatique. Elles ont toutes perdu leurs papiers, ont laissé des enfants malades en Roumanie et n’ont pas de souteneur. De plus, elles habitent à trois dans le même appartement (adresse connue des services de police et de la justice). Elles savent qu’elles ne risquent rien en Belgique tant qu’elles sont mineures. » 2. Le Délégué interpelle alors plusieurs intervenants des sphères judiciaires et de l’Aide à la jeunesse. Par la suite, avec l’arrivée de la Ministre de l’Enfance, de l’Aide à la jeunesse et de la Santé, C. FONCK, et du responsable de la Cellule Aide à la jeunesse, M. COUPEZ, un projet pilote est initié en octobre 2005 afin de cerner la problématique des mineurs et de la prostitution, et d’y apporter des mesures plus adéquates. Le projet est pris en charge par Le Nid asbl. Le comité de pilotage3 réuni autour de ce projet a défini plusieurs objectifs. Dans un premier temps, il s’agit de procéder à un état des lieux de la prostitution des mineurs et de sa prise en charge en Communauté française, en lien avec les diverses problématiques qu’elle soulève aux divers niveaux d’intervention concernés. Dans un deuxième temps, le projet s’attachera à la mise en place de propositions d’action visant à l’amélioration de l’intervention sur base des difficultés rencontrées. Le présent rapport rend compte de la première phase du projet, à savoir les constats de la « réalité de terrain » des professionnels et des jeunes concernés par la prostitution. Cette étude proposera plusieurs recommandations, résultats d’une réflexion menée avec les intervenants de terrain et les personnes prostituées. Partant d’une posture de recherche qui veut que ce sont les acteurs sociaux impliqués dans les situations vécues qui sont le plus à mêmes de s’exprimer sur cette réalité, l’étude repose essentiellement sur une méthodologie qualitative, soit sur la rencontre, l’échange et la production de savoirs1. Un premier cercle d’acteurs est constitué d’intervenants issus des divers secteurs2 occupés au suivi et à la prise en charge des mineurs prostitués ou victimes de la traite des êtres humains à caractère sexuel. En pratique, ce réseau a été identifié, et les professionnels ont été rencontrés au sujet de leurs expériences et difficultés. Un second cercle d’acteurs est formé par les prostitué-es3. En effet, l’expérience des intervenants ne permet pas d’accéder pleinement au vécu des jeunes puisqu’elle est toujours une traduction selon des grilles d’interprétation propres à chacun. Il s’agissait de retourner à l’expérience sensible, pour mieux en saisir la teneur et le sens. Par l’entremise des associations de terrain, des récits de vie centrés sur l’épisode prostitutionnel ont été menés avec de jeunes majeurs4, ayant commencé la prostitution lors de leur minorité, et ayant ou non continué l’activité. A la fois par manque de temps et par souci de sécurité, les acteurs que sont les clients et les éventuels proxénètes ou trafiquants n’ont pas été rencontrés. Par ailleurs, il a été possible d’accéder aux dossiers des Parquets et Tribunaux de la jeunesse des mineurs pour lesquels des faits de prostitution étaient avérés. Enfin, avec les travailleuses du Nid asbl, porteur du projet, et des asbl ICAR et Espace P, partenaires privilégiés, il a été possible de se rendre sur les lieux d’exercice de la prostitution, principalement en rue, en bar et en salon / vitrine, de jour comme de nuit et d’accéder un peu plus à cet univers de vie et de travail, aux fins de mieux connaître les situations de l’intérieur. Dans cette étude, choix a été fait de ne pas exclure a priori des situations en fonction de l’âge, de la forme ou du lieu d’exercice de la prostitution. Néanmoins, le dispositif mis en place correspondait à certaines exigences et contraintes. Au vu de l’ampleur géographique du projet – la Communauté française Wallonie Bruxelles – trois villes ont été investiguées : Bruxelles, Liège et Charleroi5. Le matériau de cette recherche touche donc essentiellement la prostitution urbaine, détectée et prise en charge par les services d’aide, dans ses formes classiques et périphériques6, pour des adolescents proches de la majorité et des mineurs étrangers pris dans l’exploitation sexuelle. Par ailleurs, la situation des enfants de prostituées est également abordée. En terme de temporalité, l’enquête remonte jusqu’en 2000 et se concentre sur les trois dernières années. Le dispositif d’enquête montre ainsi ses limites. La prostitution intra familiale et la pédo-pornographie (notamment sur le Web) n’ont pas pu être investigués parce que ces phénomènes se déroulent dans des lieux différents, avec des acteurs différents, ce qui nécessite donc la mise en place d’une autre stratégie de collecte des données. Il s’avère nécessaire de pouvoir mesurer les dimensions du phénomène social que l’on observe et les données quantitatives seront présentées tout au long des chapitres, là où leur éclairage a semblé pertinent, ainsi que dans un dernier chapitre intitulé « Mineurs détectés dans le paysage de la prostitution ». La prostitution des mineurs en Belgique et en Communauté française n’est pas clairement cernée7 et le peu d’études rigoureuses, allié à la supposée invisibilité du phénomène, laisse champ libre à la surabondance d’écrits alarmistes, voire spéculatifs. Le contexte belge est à cet égard plus délicat, puisque les dix dernières années ont vu éclater diverses affaires de pédophilie et de pornographie enfantine plus ou moins élucidées. Le manque de clarté, notamment policière et judiciaire, permet dès lors que les fantasmes les plus incroyables se développent, tandis que l’on perd toujours plus de vue sur la réalité. L’inflation du phénomène s’illustre assez bien dans les chiffres avancés pour appuyer les discours. A titre d’exemple, il y a quinze ans, la Fondation Roi Baudouin commandait un rapport8 sur la prostitution des mineurs et organisait deux ans plus tard un séminaire9 sur la question. Un paragraphe du rapport illustre bien la poussée à l’œuvre. « Il y a quelques années, le chiffre de 1.500 (voire 3.000) adolescents a été avancé pour la seule capitale. Il semble que ce nombre doit être considérablement revu à la baisse. Les associations, travaillant désormais sur le terrain, ou les éducateurs aujourd’hui sensibilisés à la question, estiment que le chiffre de 600 adolescents et adolescentes serait plus proche de la réalité. Dans le cas de Liège et d’Anvers, le nombre de 150 et 200 ont été parfois cités. Mais il s’agit nécessairement là d’estimations minimales compte tenu du caractère très occasionnel de la prostitution de certains jeunes, du fait que seules les grandes villes s’attachent actuellement à cerner le phénomène. Et que ces chiffres recouvrent uniquement la prostitution « visible » et ne comprennent donc pas les enfants impliqués dans les mini-réseaux d’exploitation. » 4 En quête de données fiables, l’étude n’a jusqu’à présent pas du tout mené à de tels chiffres. Ni trois mille, ni même deux cents jeunes ne sont signalés par les intervenants en la matière. Les mineurs prostitués sont principalement détectés en rue et dans les bars, et quelquefois leur activité se découvre au fil d’un dossier ouvert pour d’autres faits. Grosso modo, le nombre de mineurs prostitués captés par les services bruxellois, liégeois et carolorégiens s’élève à une quinzaine chaque année. Quant au profil des mineurs repérés, on peut dire qu’il s’agit majoritairement de filles (90%) et principalement de mineurs étrangers (60%, dont une grande partie se trouve à Bruxelles) victimes ou présumés victimes de TEH, issus des pays de l’Est. Par ailleurs, il est interpellant de constater, même si ce n’est plus du ressort de l’Aide à la jeunesse, le grand nombre de très jeunes majeurs (50 à 60% des personnes contrôlées ont 18-25 ans), ce qui pose question quant à leur âge d’entée en prostitution. Les données chiffrées afférentes à la prostitution peuvent être interprétées soit en sous-estimation – le phénomène serait négligeable, soit inversement en surestimation – le phénomène réel surpasserait de loin sa détection. Etant donné que globalement peu de mineurs prostitués sont repérés, les chiffres dégagés signifient-ils que cette activité est le fait de quelques cas épars ou qu’elle est très clandestine5 ? Au vu de ses diverses formes et lieux d’exercice, il est évident qu’une partie de la prostitution échappe aux dispositifs de détection, par exemple la prostitution privée en appartement, ou la traite à caractère sexuel dans des cas de séquestration. Quelques situations de prostitution invisible se manifestent ça et là auprès des services d’aide ou de police, mais ces émergences restent relativement rares. D’autre part, est-ce à dire que les intervenants ne les verraient pas, parce que mal équipés, ou même ne voudraient pas les voir, en raison par exemple de leur incompétence ? Auquel cas il serait temps que les autorités policières et judiciaires y accordent plus d’attention, et qu’à tout le moins on s’abstienne de prononcer un quelconque chiffre en la matière. Enfin, serait-il tellement improbable que le phénomène ne recouvre pas les dimensions avancées par certains ? Il faudrait dès lors mettre à jour les motifs et intérêts de ceux qui s’avancent à le surévaluer6. Il n’est pas possible, par essence puisque le phénomène est en partie clandestin, de se prononcer sur l’état des choses et à ce jour, aucun dispositif ne capte efficacement ce volet de l’activité. Vu le dispositif d’enquête, les soupçons quant à une prostitution clandestine ont pesé tout au long des entretiens, sans qu’il fût possible de les quantifier. Il s’est agi dans ce travail d’investigation non seulement d’éviter tout regard moralisateur ou stigmatisant autour de la prostitution, mais encore de ne pas verser dans une vision alarmiste du phénomène. Les choix opérés ont donc été dans le sens de la mise à jour de ce qui est connu, vérifiable et donc aussi ce sur quoi il est réaliste d’intervenir. Avant d’aborder le corps de la matière, le lecteur est invité à parcourir un « Intermède » visant à préciser et discuter quelques définitions. Au départ de l’intitulé du projet, il a fallu délimiter un champ d’investigation. Que recouvrent les termes « prostitution », « mineur », « traite des êtres humains » ? Quelles formes de prostitution pouvaient être investiguées avec les moyens à disposition, et a contrario que fallait-il laisser de côté ? Ce chapitre propose également une approche juridique de l’encadrement de la prostitution, de la minorité, de la traite des êtres humains et du droit de séjour des mineurs étrangers. Le chapitre intitulé « Histoires en mode mineur » concerne les trajectoires de mineurs et fera le point sur les conditions d’entrée en prostitution, les situations vécues par des jeunes en prostitution, ainsi que leur éventuelle sortie de la de celle-ci. La prostitution contemporaine, en ce qu’elle s’exerce sous des formes multiples et en ce qu’elle touche à une sexualité taboue, est mal connue, parfois inconnue, et surtout sujette à de nombreux clichés, tandis que ceux qui l’exercent se voient attribuer un stigmate pour le moins ambivalent, oscillant entre utilité sociale et mal nécessaire1. Dans cette étude, il ne s’agit nullement de faire le point sur les controverses qui l’entourent. Cette économie de la réflexion dans la démarche méthodologique est rendue possible par son objet, et n’est pas le fait d’un point de vue éthique ou moral, mais plutôt en raison à la fois de la source de la commande2 et d’un constat sociologique. En effet, un large consensus semble régner parmi les acteurs de toutes orientations et scènes socio-politiques – et parmi ceux-ci les prostitué-es – quant au fait que les mineurs n’ont pas lieu d’exercer la prostitution, qu’il faut les en prévenir ou les en sortir, tant que faire se peut. Dès lors, il sera pris pour point de départ implicite que les mineurs n’ont pas leur place dans la prostitution. Par ailleurs, ce qui est en jeu n’est pas tant le bien ou le mal fondé de l’activité pour des jeunes, que ce qui dans leurs trajectoires singulières résulte et reflète des logiques sociales globales à l’œuvre ; ici la précarisation constante du marché du travail post industriel et la déstructuration des cellules familiales, là-bas un monde en difficulté socio-économique et un désir d’avenir meilleur projeté sur un Occident salvateur. L’orientation socio-anthropologique de cette étude se manifeste tant par les outils méthodologiques et conceptuels qu’elle mobilise, que par le regard qu’elle développe. A la fois une plongée dans le réel sensible, celui des vécus singuliers, mais aussi un questionnement sur l’ensemble des trajectoires individuelles en ce qu’elles sont globales et doivent nous amener, non pas à questionner la prostitution uniquement en tant que telle, mais à ouvrir sur ce qui la rend possible : comment et pour-quoi des mineurs sont-ils amenés à se prostituer ? Le terme « épisode » permet de faire un premier pas dans la problématique. De prime abord, il se rapporte au constat que la prostitution chez un jeune peut être tout à fait événementielle, ou avoir une courte durée à l’échelle d’une vie. Plus avant, il apparaît que l’entrée en prostitution et l’activité prostitutionnelle surviennent dans un parcours où diverses dimensions s’entremêlent. « La prostitution est-elle la problématique ? Je n’en suis pas convaincue. Je crois plutôt que ce qui est problématique, c’est le parcours du jeune. La prostitution est une réaction à quelque chose. » 3 Dans cette recherche, il ne s’agissait pas d’identifier une cause, mais de considérer que la prostitution d’un jeune apparaît au croisement des sphères familiale, socioéconomique et psychoaffective. Partant de l’hypothèse générale que la prostitution est une stratégie d’adaptation au réel, il s’est agi d’investiguer ce que des jeunes étaient occupés à négocier. Leur prostitution se donne en surimpression à une problématique plus globale ; et d’ailleurs, de nombreux intervenants s’accordent à considérer la prostitution comme un symptôme, au même titre que la consommation de drogue par exemple. En conséquence, ils n’adressent donc pas toujours directement la prostitution, mais la situation du jeune. Il reste alors à investiguer plus à fond les situations auxquelles la prostitution répond. Des distinguos importants dans les trajectoires de vie peuvent être identifiés, en fonction notamment du sexe / de l’orientation sexuelle, ainsi que de l’origine nationale / du statut de séjour. « Chloé venait d’un milieu quart-monde catastrophique, de précarité grande, abandonnée, battue, je ne sais même pas si elle est allée à l’école. Amin depuis tout petit est repéré par les juges d’enfants, est allé en enseignement spécial, avec une mère qui l’élevait toute seule et qui avait des gros problèmes de dépression. Il n’a même pas son diplôme de primaire. Feyzan, quand je l’ai croisé, faisait un graduat, il avait fait la filière professionnelle. Maintenant il travaille et il va bien. Ilian finissait des études secondaires, il a lâché un moment puis a refait une petite formation via le CPAS, dans le même domaine, et il n’a jamais vraiment travaillé. Feyzan et Ilian venaient d’un milieu ouvrier populaire turc. Ce n’étaient pas des fils d’ambassadeurs ! » 1 Pour les mineurs belges ou dits assimilés, il semble que la prostitution se rattache à des considérations de désinsertion socioéconomique globale, accompagnant des difficultés psychoaffectives, associées aux problématiques adolescentaires connues : sexualité, corps, rébellion. En matière de prostitution - réaction, la prostitution chez un jeune peut être assimilée à une forme de conduite à risque2, notion qui mêle une part d’expérimentation et de mise en danger pour s’affirmer. Dans le cas des mineurs étrangers, victimes ou non de la traite des êtres humains, la problématique semble inclure les mêmes considérations, doublées du rapport Est-Ouest / Nord-Sud, sur fond éventuel de criminalité organisée. Le parcours de ces jeunes est nettement plus difficile à mettre à jour étant donné le manque d’informations concernant leur situation dans le pays de départ. La prostitution apparaît dans ces diverses trajectoires à mesure de ruptures ou en conséquence de la recherche d’un avenir meilleur. La présence d’un proxénète n’est pas toujours confirmée, néanmoins l’entrée en prostitution pour les filles semble régulièrement s’opérer au départ d’une relation amoureuse. Enfin, la responsabilité éventuelle des familles reste à démontrer, ce qui est fort compliqué en ce qui concerne les migrants. Les mineurs prostitués font face à diverses difficultés d’ordre médical, psychique, administratif, économique et socio-relationnel. Ils ne s’adressent pas facilement aux services d’aide et n’abordent pas spontanément leur prostitution. Divers facteurs peuvent expliquer cela : la crainte du contrôle, de la sanction ou du rapatriement ; la honte et la culpabilité ; le déni ou la non perception de l’activité comme telle, surtout lorsqu’elle est ponctuelle. Ce regard porté sur la prostitution des mineurs n’est pas sans importance au niveau de l’intervention possible. Elle amène sans doute à la conclusion qu’aucune solution évidente et systématique ne peut être apportée et qu’il s’agit toujours de situations singulières. Mais elle amène aussi à considérer que la prise en charge d’un mineur prostitué doit se faire en référence à un contexte individuel et sociétal plus large dans lequel la prostitution s’inscrit. La prévention générale est donc tout aussi importante que le soin apporté aux jeunes confrontés à cette situation. Le chapitre suivant, « La toile des intervenants », tentera d’éclairer la prise en charge actuelle du problème : les outils mais aussi les difficultés des intervenants. Un enjeu majeur pour le secteur de l’Aide et de la Protection de la jeunesse est celui de la dé-judiciarisation de la prise en charge, soit de la confusion symbolique et matérielle entre la mesure sanctionnelle et la volonté protectionnelle. Confrontés à un manque de place dans les structures résidentielles pour « mineurs en danger », ainsi qu’à l’impossibilité d’opérer des placements contraignants, les SAJ renvoient la balle aux magistrats et aux juges de la jeunesse, qui face à l’engorgement du secteur et à certains refus de prises en charge, se retrouvent à envoyer les jeunes dans des institutions prioritairement destinés aux « délinquants », institutions perçues comme sanctionnelles et enfermantes. Alors que tous s’accordent à considérer les mineurs prostitués comme des mineurs en danger, la prise en charge actuelle de ces situations laisse voir une inadéquation entre les mesures adoptées et les volontés avancées. Dans le contexte sécuritaire que connaît la société occidentale contemporaine, ce mode de réponse n’est pas étonnant, mais vient questionner l’importance d’agir en amont des situations problématiques, qu’il s’agisse de prévention générale – les conditions d’une société plus égalitaire – ou plus spécifique – adéquation initiale des mesures d’aide, éducation à la sexualité et au genre, prévention des risques. Enfin, l’inadéquation des mesures vient également questionner le paradigme avec lequel travaillent les intervenants, soit aider / protéger versus réprimer / sanctionner. Quelle pourrait être l’opportunité d’envisager une transformation des outils de la prise en charge pour aller vers un modèle d’accompagnement, d’information et de prévention ? Un autre enjeu est celui des collaborations (im-)possibles entre secteurs. A chacun des niveaux d’intervention correspond une forme de prise en charge. Les univers de sens des intervenants peuvent converger ou diverger. Chaque acteur a une connaissance partielle de la situation des mineurs qu’il rencontre, mais aussi des autres intervenants impliqués. Cette fragmentation s’explique notamment par la division du travail, chacun ayant une mission particulière. La question de l’amélioration des collaborations entre niveaux d’intervention soulève plusieurs limites. Tous s’accordent à prévenir la prostitution des mineurs et à favoriser une sortie de la prostitution. Ce consensus a minima est-il suffisant pour résorber et résoudre les divergences en termes de missions contradictoires entre le social et le judiciaire ? Par ailleurs, une collaboration maximaliste entre les services est-elle souhaitable du point de vue du jeune ? En effet, la division du travail permet aussi à chaque jeune de déposer une partie de son histoire entre les mains de chacun, et de ne pas voir se resserrer autour de lui l’étau d’un contrôle total sur sa trajectoire. Par contre, une collaboration plus efficace entre services permettrait d’éviter les redites, les superpositions et finalement le flou autour et pour le jeune. Au terme de cette étude, un dernier enjeu émerge en filigrane, et mérite une attention particulière. La sexualité des jeunes, et sa représentation, qu’elle soit jugée « normale » ou « déviante », est problématique chez les intervenants. Ceux-ci semblent mal à l’aise avec cette dimension, en conséquence de quoi ils ne parviennent pas facilement à l’aborder, ni d’ailleurs à détecter des situations plus lourdes. Dans un dernier chapitre, des recommandations seront proposées. Aux prises avec une réalité complexe pour laquelle il n’existe pas de « solution miracle », qui mieux que les acteurs peut savoir ce qu’il conviendrait de développer ? Choix a donc été posé de s’adresser aux intervenants et aux jeunes pour mieux cibler les aménagements et innovations possibles ou nécessaires sur le terrain. Chaque intervenant selon son secteur professionnel y va de sa problématique, et le travail effectué dans cette étude a été de globaliser les points de vue afin de dégager des pistes tenables pour tous, mineurs y compris. Enfin, l’écrit même du rapport d’enquête se voudrait apporter aux lecteurs de meilleurs outils de compréhension de la réalité vécue par les jeunes, ainsi qu’éclairer chacun sur les pratiques de travail des autres.
Au départ de l’intitulé du projet, il a fallu préciser des définitions et délimiter un champ d’investigation. Que recouvrent les termes « prostitution », « mineur », « traite des êtres humains » ? Quelles formes de prostitution pouvaient être investiguées avec les moyens à disposition, et a contrario que fallait-il laisser de côté ? Définir la prostitutionDes évidences … |
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