Jeunes prostitués et réponses sociales Prostitution des mineurs en Communauté française : Etat des lieux et recommandations







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« Qu’est-ce que c’est la prostitution ? Et bien, soit la prostituée travaille pour son compte ou avec son jules ; soit la prostituée est exploitée contre son gré jusqu’aux cas d’exploitation les plus violents, extrêmes (un client toutes les 12 minutes).»1



« Se prostituer, c’est faire plaisir sexuellement à l’autre sans éprouver de plaisir et pour un avantage autre. Et puis il y a la dimension de partenaires multiples. »2
Dans sa forme classique, la prostitution intègre plusieurs dimensions typiques.

Il s’agit d’une prestation sexuelle dont la nature des actes varie ; visant à satisfaire les « passions » 3 d’un client dont les motivations et demandes sont diverses ; contre rémunération dont les modalités sont négociées entre le client et le prostitué-e, en argent (selon un tarif) ou en avantage (vêtements, nourriture, hébergement, drogue, etc.). La prostitution est un échange sexuel marchand et contractuel, exercée tant par des femmes que par des hommes.

Par ailleurs, l’activité peut s’exercer soit occasionnellement (elle complète ponctuellement d’autres sources de revenus), soit régulièrement (l’activité produit a minima les revenus de subsistance de la personne) ; soit librement dans le cas où la personne organise son activité et bénéficie des revenus, soit sous la contrainte (violences physique et / ou psychique, menaces directe et / ou indirecte) d’une personne qui organise l’activité et en retire des bénéfices substantiels, soit le proxénète4.
Prostitution libre ?
Contrairement aux analyses abolitionnistes reposant sur l’idée figée de système prostitutionnel qui articule trois acteurs, le prostitué-e, le client et le proxénète ; l’exercice de cette activité n’implique pas systématiquement la présence d’un proxénète jugé maltraitant. En pratique, nombre de prostitué-es exercent pour leur propre compte.

La prostitution ne doit pas être confondue avec la traite des êtres humains à caractère sexuel dont la définition correspond à des critères précis fixés par la loi. En outre, le prostitué-e n’incarne pas la figure de la victime totale, position dans laquelle certains le perçoivent, voulant pour lui sa sortie du milieu, prétendant paradoxalement lui faire retrouver sa dignité.

Enfin, le choix libre n’est pas un absolu, mais est toujours opéré au sein d’un ensemble de possibles, et la question qui se pose alors est d’ordre sociologique : dans quel contexte la prostitution devient-elle une opportunité ? Sous cet angle, il devient plus clair que les prostitué-es opèrent un choix dans les conditions de vie qui sont les leurs, notamment au moment de leur entrée en prostitution. Comme l’exprime la philosophe Judith BUTLER : 

« La question est : quels choix puis-je faire, étant données ma construction et ma position ? Etant donné ce contexte, comment puis-je accroître ma part d’autodétermination ? » 1.

Et s’il faut aborder la notion de dignité, il serait peut-être judicieux d’inclure la parole des prostitué-es dans la discussion, et ce faisant leur rendre ce qui leur appartient, soit les moyens qu’ils ont trouvés pour répondre à leurs besoins.

et des doutes
De nombreuses questions peuvent surgir au départ de la définition de la prostitution et parasitent la possibilité d’une définition claire. Par exemple, la prostitution concernerait ceux et celles qui offrent leurs services à plusieurs personnes (entretenir des rapports sexuels monnayés et négociés avec une seule personne, est-ce de la prostitution ?); la prostitution serait une activité sexuelle sans implication affective (existe-t-il un travail qui n’entraîne aucun investissement émotionnel ?) ; enfin, jusqu’où s’étend le champ des actes acte sexuels et donc prostitutionnels2 (y inclut-on les photographies érotiques, les danses dénudées, la pornographie, etc.)?

Au fil de l’enquête, la définition classique de la prostitution ne permettait pas toujours ni de récolter, ni de lire les données de terrain. En effet, la prostitution se donne à voir dans quantité de contextes, de lieux, auprès de personnes aux vécus différents, etc.3 Selon ce qu’on y inclut, la prostitution ne recouvre pas le même contenu pour tous. A mesure que s’avérait le peu de cas de mineurs prostitués rencontrés par les intervenants lorsqu’ils étaient questionnés, émergeait l’existence de phénomènes périphériques jugés bien plus inquiétants ou problématiques.

D’une part, les situations de mineurs en fugue dont on ignore pour beaucoup ce qui se déroule lors de leurs escapades, mais pour lesquels il semble qu’afin de subvenir à leurs besoins (par exemple : logement, alimentation, vêtements, drogue), ils acceptent des rapports sexuels avec des majeurs. Ces échanges intéressés constituent alors une forme de marchandage sexuel. D’autre part, les intervenants semblaient largement interpellés par ce que l’on pourrait qualifier de « sexualité inquiétante » pour des jeunes entretenant un rapport instrumental avec leur corps, élément semble-t-il manifeste dans leur expérience d’une sexualité marchande et consumériste.

Dans les deux cas, il ne s’agit pas à proprement parler de prostitution, mais plutôt de prolongements de la définition. Néanmoins, puisque ces situations ont été abordées par les intervenants, elles ont été considérées dans cette étude.
Que dit la loi ?
Le dernier et non le moindre est de considérer l’encadrement légal et pénal de la prostitution. En effet, sonder la réalité pratique de cette activité ne peut faire l’économie de son traitement social. Les dispositions encadrant la prostitution sont ambivalentes, à commencer par sa définition dans le Code Pénal4.
« Le terme « prostitution » doit s’entendre dans son sens usuel : il n’implique pas nécessairement l’existence de relations sexuelles et s’applique à la débauche d’une personne qui, moyennant rémunération, se livre à des attouchement impudiques avec quiconque ».
Il reste encore à interpréter et à s’entendre sur les notions de débauche et d’attouchements impudiques, somme toute relatives à une époque, un contexte, un point de vue ou une morale. Par ailleurs, il est curieux de constater que contrairement au sens commun, la prostitution ne semble pas avoir exclusivement pour objet l’acte sexuel.
L’exploitation de la prostitution, soit le proxénétisme, est clairement pénalisée. La prostitution en elle-même ne constitue pas un délit dans le chef du prostitué-e, ni du client-e, tant que son exercice se déroule entre majeurs consentants dans un cadre privé ; et c’est en ce sens qu’elle n’est pas interdite. A contrario, tout ce qui ferait la publicité pour cette activité est punissable (le fait d’annoncer, même par des moyens dissimulés, qu’on se livre à la prostitution, par exemple : le racolage, les annonces vénales). Ce qui apparaît comme une contradiction : comment exercer sans se visibiliser ?
En ce qui concerne les prostitué-es majeurs, diverses mesures pénales1 sont possibles à l’encontre :


  • de la personne prostituée :


C.P. Art. 380 bis « Sera puni … quiconque, dans un lieu public aura par paroles, gestes ou signes provoqué une personne à la débauche » ;

C.P. Art. 380 ter §3 « Sera puni quiconque aura, par un moyen quelconque de publicité même en dissimulant la nature de son offre ou de sa demande sous des artifices de langage, fait connaître qu’il se livre à la prostitution, … ou qu’il désire entrer en relation avec une personne se livrant à la débauche » ;


  • du proxénète « direct »2 :


C.P. Art. 380 §1er« Sera puni quiconque, pour satisfaire les passions d’autrui, aura embauché, entraîné, détourné ou retenu, en vue de la débauche ou de la prostitution, même de son consentement, une personne majeure » et 4° « quiconque aura, de quelque manière que ce soit, exploité la débauche ou la prostitution d’autrui » ;

C.P. Art 380 ter §3 « Sera puni quiconque aura, par un moyen quelconque de publicité même en dissimulant la nature de son offre ou de sa demande sous des artifices de langage, fait connaître …, qu’il facilite la prostitution d’autrui …. » ;


  • du proxénète « immobilier » :


C.P. Art 380 § 1er« Sera puni quiconque aura tenu une maison de débauche ou de prostitution » et 3° « quiconque aura vendu, loué ou mis à disposition aux fins de la prostitution des chambres ou tout autre local dans le but de réaliser un profit anormal3 ».

Les mineurs prostitués ne sont pas poursuivis pénalement et tombent sont sous la juridiction du Tribunal de la jeunesse qui ordonne des mesures protectionnelles à leur égard. Un PV de police peut être établi sur base d’une infraction (racolage, détention de stupéfiants). Il s’agit là souvent d’un délit prétexte à la protection judiciaire. D’autre part, le Code Pénal applique et aggrave les peines prévues pour les majeurs4, et adopte des mentions spécifiques à l’encontre :


  • du proxénète :


C.P. Art. 379  « sera puni quiconque aura attenté aux mœurs en excitant, favorisant ou facilitant, pour satisfaire les passions d’autrui, la débauche, la corruption ou la prostitution d’un mineur de l’un ou de l’autre sexe » ;


  • du client :


C.P. Art. 380 §4 « Sera puni quiconque aura obtenu par la remise, l’offre ou la promesse d’un avantage matériel ou financer, la débauche ou la prostitution d’un mineur » ;

et §6 « quiconque aura assisté à la prostitution d’un mineur » ;

C.P. Art 380 ter §1er « Sera puni quiconque, quel qu’en soit le moyen, fait ou fait faire, publie, distribue ou diffuse de la publicité, de façon directe ou indirecte, même en dissimulant la nature sous des artifices de langage, pour une offre de services à caractère sexuel, lorsque cette publicité s’adresse spécifiquement à des mineurs ou lorsqu’elle fait état de services proposés soit par des mineurs, soit par des personnes prétendues telles. ».




La Belgique, un régime abolitionniste hybride



De par le monde, la prostitution est encadrée de diverses manières. Trois grands modèles de gestion de la prostitution coexistent à ce jour. Le prohibitionnisme, en vigueur notamment dans certains états des U.S.A., interdit et sanctionne toute activité prostitutionnelle, sa production et sa consommation ; le réglementarisme, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Espagne par exemple, reconnaît, organise et contrôle l’activité ; enfin l’abolitionnisme1 est d’application dans bon nombre de pays d’Europe de l’Ouest.

La Belgique est un pays abolitionniste, en vertu de la Loi du 21 août 1948 abrogeant la réglementation officielle de la prostitution, et de la ratification de la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui (New York, 1949)2.

Ce texte, unifiant les conventions précédentes (1912, 1933), sanctionne l’exploitation de la prostitution et interdit toute pratique administrative organisant la prostitution (fichage, encartage, contrôle médical spécifique, etc.) en raison de leur portée stigmatisante, soit en vertu d’un principe de non discrimination des personnes prostituées. Dans un système abolitionniste, la prostitution ne peut pas faire l’objet de règlements publics spécifiques quant à son organisation. Elle n’est pas interdite dans la sphère privée, entre individus majeurs et consentants mais son exploitation ainsi que tout ce qui en ferait la publicité (par exemple le racolage ou les petites annonces) sont pénalisés.

La Belgique, bien qu’abolitionniste, et en raison de l’ambivalence de tout régime de ce type (par exemple : permettre la prostitution mais en sanctionner les moyens), ainsi que du caractère non contraignant de la Convention de New York, applique un modèle hybride. La prostitution est ainsi sujette à des réglementations locales diverses et fluctuantes, qui contournent ou contreviennent en partie à la Convention de 1949.
La « réglementation » de la prostitution à Liège
En même temps qu’éclataient des affaires de traite des êtres humains dans la ville de Liège, reposant essentiellement sur des systèmes de pas-de-porte (intermédiation proxénète entre les prostitué-es et les propriétaires), et que s’opéraient les fusions des anciennes gendarmeries et polices dans le nouveau modèle de police structurée à deux niveaux (2001), la ville de Liège procédait à l’élaboration d’un mode de gestion de la prostitution (2003), inspiré des modèles en vigueur à Seraing et Anvers, eux-mêmes en droite ligne du modèle néerlandais.

Pour les policiers, il s’agissait de lutter contre le proxénétisme hôtelier et de ramener une certaine sécurité dans les quartiers, tout en maintenant une zone de tolérance de la prostitution afin de pouvoir contrôler les filières d’exploitation sexuelle. Pour la commune, la formalisation de l’activité devait permettre d’en supprimer les aspects visibles et nuisibles et de présenter une image de « ville propre ». Comme la réglementation de la prostitution contrevient aux dispositions légales, des règlement techniques ont été pris sur des critères permettant de les contourner. La prostitution de rue est désormais interdite et les prostitué-es travaillant en salon doivent s’identifier à la Brigade des Mœurs. Une copie du bail ainsi que les horaires de travail doivent être signalés (et respectés). La sous-location (intermédiation) est strictement sanctionnée, les loyers doivent être raisonnables et indiqués sur les baux, enfin les lieux doivent être salubres.
Le  « nettoyage » de la prostitution à Charleroi
En mai 2002, l’Autorité administrative a pris un Arrêté communal afin de limiter les bars (il y en avait 45) sur l’entité de Charleroi, suite au constat que la prostitution débordait du Triangle sur le Boulevard Tirou (avec les travaux à la Gare de Liège, des femmes sont arrivées à Charleroi, il y a également eu l’arrivée de femmes venues de Bruxelles et d’Anvers) et que des commerçants se soient plaints.  En 2004, tous les bars qui n’étaient pas en ordre ont été fermés, et aucun nouveau bar n’a pu ouvrir. Il en reste 15. Le principe est de contrôler l’exploitation sexuelle en limitant la prostitution.

Le flou législatif en matière de prostitution1 laisse place à l’exercice de l’arbitraire des administrations communales, au service desquelles les polices administratives s’appliquent à réprimer l’activité, en fonction des conjonctures politiques. D’un côté, les Brigades Judiciaires sections Mœurs (police locale) ainsi que les sections Traite des êtres humains des Services Judiciaires d’Arrondissement (police fédérale) enquêtent sur les éventuels proxénètes aux fins de les arrêter, et dans ce cadre laissent travailler les prostitué-es ; tandis que d’un autre côté, les polices communales tantôt font preuve de laxisme, tantôt pourchassent les prostitué-es à coups de rafles, faisant usage de la loi sur le racolage. Les conséquences de cette ambivalence ne sont pas des moindres pour les prostitué-es. La pression policière sur la prostitution de rue semble accroître la clandestinisation de l’activité, ce qui précarise d’autant la situation des prostitué-es.
La Traite des Etres Humains
La prostitution ne doit pas être confondue avec le trafic et la traite des êtres humains (TEH). Même si la distinction entre le trafic et la traite n’est pas toujours évidente dans la pratique, et conséquemment dans les textes, le trafic d’êtres humains consiste à organiser le transport illégal de personnes d’un pays à un autre dans le but de réaliser un profit ; tandis que la traite touche à l’exploitation des personnes dans le pays d’arrivée, sous différentes formes : exploitation économique, exploitation sexuelle, prélèvement d’organes, exploitation de la mendicité, contrainte à commettre un crime ou un délit. En somme, la TEH peut contenir un aspect prostitutionnel, l’exploitation sexuelle, mais elle ne doit pas être confondue avec les autres situations dans lesquelles la prostitution prend place.

Des dispositions légales et pénales ont été prises aux niveaux national, européen et international pour prévenir et sanctionner le trafic et la traite des êtres humains. La Belgique est d’ailleurs un pays pionnier en la matière avec la procédure de reconnaissance des victimes de la TEH mise en place en 19942, et la loi du 13 avril 1995 contenant des dispositions en matière de répression de la TEH. Une nouvelle loi sur la TEH a été introduite en août 2005.

Loi du 13 avril 1995 contenant des dispositions en vue de la répression de la traite des êtres humains et de la pornographie enfantine



Cette loi sanctionne la TEH par divers biais législatifs. D’une part, dans le premier article, la TEH constitue une infraction en vertu du nouvel Article 77 bis introduit dans la Loi du 15 décembre 1980 concernant l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et éloignement des étrangers.
Art. 77 bis §1 «  Sera puni … quiconque contribue directement ou par un intermédiaire à permettre l’entrée et le séjour d’un étranger dans le Royaume et ce faisant :

1° fait usage à l’égard de l’étranger directement ou indirectement de manœuvres frauduleuses, de violence, de menaces ou de la contrainte ;

2° ou abuse de la situation particulièrement vulnérable de l’étranger en raison de sa situation administrative illégale ou précaire, … »
D’autre part, dans les articles 2 et 3, le caractère proprement sexuel de la TEH est défini de manière supplétive en référence aux infractions aux articles 379 et 380 bis §1er 1°, §§2 et 3 du Code Pénal, modifiés (voir encadré sur la prostitution).

Loi du 10 août 2005 modifiant diverses dispositions en vue de renforcer la lutte contre la traite et le trafic des êtres humains et contre les pratiques des marchands de sommeil
Cette nouvelle loi sur la TEH transpose dans le cadre belge diverses décisions-cadres et directives du Conseil de l’U.E. de 2002 relatives à la lutte contre la TEH, à l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irrégulier et visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers.

Le Code Pénal belge a été modifié en conséquence (nouveaux articles 433 quinquies à novies), et la TEH constitue désormais une infraction à part entière, définie à l’article 433 quinquies §1er :
« Constitue l’infraction de traite des êtres humains le fait de recruter, de transporter, de transférer, d’héberger, d’accueillir une personne, de passer ou de transférer le contrôle exercé sur elle afin :

1° de permettre la commission contre cette personne des infractions prévues aux articles 379, 380 §1er et § 4, et 383 bis § 1er concernant la prostitution et la pornographie enfantine, TEH à caractère sexuel ;

2° de permettre la commission contre cette personne de l’ infraction prévue à l’article 433 ter ; 3° de mettre au travail ou permettre la mise au travail de cette personne dans des conditions contraires à la dignité humaine TEH à caractère économique ;

de prélever sur cette personne ou de permettre le prélèvement sur celle-ci d’organes ou de tissus … ;

5° ou de faire commettre à cette personne un crime ou un délit, contre son gré. Sauf dans le cas visé au 5, le contentement de la personne … est indifférent. »
La peine est plus lourde si l’exploitant a fait usage d’une autorité conférée par ses fonctions, lorsque l’infraction a été commise envers un mineur, ou en abusant de la situation vulnérable d’une personne, ou lorsqu’il a été fait emploi de violence, fraude, menace, contrainte.  Enfin, la nouvelle loi a étendu le champ de la TEH aux nationaux.
Age et consentement des mineurs, pédophilie et pornographie enfantine


L’article 388 du Code Civil définit le mineur par son âge :
« Le mineur est l'individu de l'un et de l'autre sexe qui n'a pas encore atteint l'âge de dix-huit ans accomplis.»
Placé sous l’autorité parentale ou son substitut, sa qualité juridique principale est d’être « incapable de discernement concernant ce qui est bien pour lui », soit de ne pas être en mesure de décider pour lui-même. Autrement dit, il n’est pas en mesure de consentir à sa prostitution.
La notion de consentement donne lieu à des discussions diverses. Consentir est perçu comme un acte que peut poser l’adulte. Dès lors, il faudrait peut-être cesser de poser la question du consentement du mineur en matière de prostitution, et se tourner vers d’autres considérations.

En premier lieu, il s’agit de déterminer et d’incriminer mieux la responsabilité de l’adulte. Nombre de mineurs consentent, par besoin matériel ou par désir, ou pour les deux en même temps, à entretenir des relations sexuelles intéressées avec des majeurs, que ce soit dans la prostitution classique ou, plus souvent, dans les phénomènes de prostitution périphérique. Plutôt que de prostitution en chef du mineur, il s’agit peut-être de parler d’abus dans le chef du majeur

D’autre part, le constat est celui de la difficulté des adultes à admettre la sexualité des enfants et des adolescents. Certes, celle-ci n’est pas la même que celle des adultes, mais il faut bien reconnaître qu’il y a du désir, de la curiosité et que donc des mineurs peuvent en quelque sorte consentir ou être amenés à consentir à des actes que les adultes jugent néfastes.

La question du consentement mène rapidement à une distinction importante tenant à l’âge. En effet, la prostitution d’un enfant n’est pas perçue de la même manière que celle d’un adolescent. Reste à déterminer l’âge à partir duquel on tranche la limite entre l’enfant et l’adolescent. Un premier indice serait celui de la majorité sexuelle. En effet, tandis que la majorité civile s’élève à 18 ans, la majorité sexuelle a deux âges différents. A 16 ans, un jeune peut entretenir des rapports sexuels avec un majeur ; et deux mineurs âgés de 14 à 16 ans peuvent consentir à des relations sexuelles.

Cette distinction a tout son poids dans la pratique des intervenants, qui bien entendu suivent les cadres fixés par la loi. Néanmoins les réalités vécues sont toujours moins tranchées que les textes : un mineur de 15 ans est-il véritablement plus ou moins mineur qu’un autre de 16 ans, et un majeur de 18 ans est-il plus majeur qu’un mineur de 17 ans, etc. ? Ces débats sur l’âge ne sont pas évidents, d’autant plus qu’il s’agit toujours de cas singuliers, laissés à l’appréciation subjective des participants et intervenants En matière de limite entre l’enfance et l’adolescence sous l’angle de la sexualité, il apparaîtrait clairement qu’en deçà de 14 ans, on parle d’enfant, et qu’au-delà de 16 ans on parle d’adolescent, mais entre les deux ?

La distinction au départ du consentement et de l’âge mène à un autre distinguo important entre prostitution et pédophilie. Celle-ci concerne les relations sexuelles entre un adulte et un enfant. Il faut distinguer les actes posés par un individu isolé jugé « pervers » et la pédophilie organisée au sein de laquelle des enfants sont mis à disposition d’adultes, éventuellement contre paiement, ce qui ramène à la prostitution.

Dans le cas des enfants (moins de 14 ans ou moins de 12 ans), le consensus social est fort. La question du consentement à l’acte sexuel avec un adulte ne se pose pas. Il n’y a pas lieu de parler de désir ou de volonté de se prostituer, on est donc bien dans un cas où l’adulte est abuseur.

Ensuite, quid de la pornographie enfantine ? Peut-on l’inclure dans la problématique prostitutionnelle ?


Loi du 13 avril 1995 contenant des dispositions en vue de la répression de la traite des êtres humains et de la pornographie enfantine.


A l’article 7, la pornographie enfantine est définie par un nouvel article 383 bis du Code Pénal qui punit :



§ 1er « quiconque aura exposé, vendu, loué, distribué ou remis des emblèmes, objets, films, photos, diapositives ou autres supports visuels qui représentent des positions ou des actes sexuels à caractère pornographique, impliquant ou présentant des mineurs ou les aura, en vue du commerce ou de la distribution, fabriqués ou détenus, importés ou fait importer, remis à un agent de transport ou de distribution » ; et § 2 « quiconque aura sciemment possédé les emblèmes, objets, films, photos, diapositives ou autres supports visuels visés sous le § 1. »
L’inclusion de la pornographie enfantine dans la loi sur la TEH est tout à fait significative du fait de considérer l’enfant comme une victime.
Le rapprochement avec la problématique prostitutionnelle peut éventuellement être fait dans les cas où il s’agit un usage du sexe monnayé lorsque les supports sont achetés, loués, etc. La production de matériel pornographique peut également comporter une dimension prostitutionnelle puisque les enfants mis en scène ont pu faire l’objet de transactions.

La pédophilie organisée et la pornographie enfantine à des fins marchandes, même si elles sont théoriquement proches de la prostitution (« sexe contre argent »), ne se donnent pas à voir en pratique dans les mêmes espaces que la prostitution des mineurs adolescents, qu’elle soit classique ou périphérique. Ce ne sont pas les mêmes acteurs qui s’y retrouvent dans les mêmes lieux. Il faut donc élaborer des dispositifs d’enquête spécifiques pour capter ces phénomènes différents.

Séjour des mineurs étrangers non accompagnés



La Circulaire du 15 septembre 2005 relative au séjour des mineurs étrangers non accompagnés (MENA), définit comme suit :
« Par « Mineur Etranger Non Accompagné » (M.E.N.A.), on entend : toute personne qui paraît être âgée ou qui déclare être âgée de moins de 18 ans et qui n’est pas accompagnée par une personne exerçant l’autorité parentale ou la tutelle …, est ressortissante d’un pays non membre de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) et qui se trouve dans une des situations suivantes :


  • soit, a demandé la reconnaissance de la qualité de réfugié ;

  • soit, ne satisfait pas aux conditions d’accès au territoire et de séjour déterminés par la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers. »


Les MENA ont récemment fait l’objet de plusieurs dispositions légales visant à régler leur séjour. La Loi-programme du 24 décembre 2002 a créé un Service des tutelles, attaché au SPF Justice et dont les missions sont les suivantes :


  • coordination et organisation matérielle des tuteurs (agrément, listing, formation) ;

  • désignation d’un tuteur pour chaque MENA ;

  • identification des MENA, et au besoin vérification de leur âge ;

  • coordination des contacts entre autorités compétentes pour le territoire et l’hébergement ;

  • recherche d’une solution durable (retrouver les membres de la famille, retour au pays, séjour illimité en Belgique).


Cette même Loi-programme définit les missions du tuteur. Celui-ci a pour rôle de représenter le MENA dans ses démarches administratives et est seul compétent pour introduire des demandes administratives (séjour ou autres). Le tuteur assiste le MENA dans les procédures, prend soin du MENA et prend des mesures utiles afin de rechercher les membres de la famille. Il fait des propositions qu’il juge opportunes en concertation avec le mineur et les autorités compétentes. Le tuteur a des contacts avec le MENA et en fait rapport deux fois par an au juge de paix. Enfin, le tuteur perçoit une allocation annuelle pour cette prise en charge.
La circulaire du 23 avril 2004 relative à la fiche « mineur étranger non accompagné » indique que toute autorité qui intercepte un MENA sur le territoire doit contacter la Tutelle et remplir la fiche MENA visant à l’identification du mineur. Elle doit être renvoyée aux autorités compétentes en matière d’asile, d’accès au territoire, de séjour et d’éloignement des étrangers, soit l’Office des étrangers. Cette fiche reprend diverses données signalétiques (photographie, identité, informations sur la famille, personnes de contact, motif d’immigration, éléments spécifiques, etc.).

Un encart de cette fiche est consacré à la TEH :
« Y a-t-il des indices qui laissent supposer que la personne pourrait être une victime de la traite des êtres humains ? »
Enfin, la Circulaire du 15 septembre 2005 relative au séjour des mineurs étrangers non accompagnés détermine les compétences du Service Mineurs – TEH de l’Office des Etrangers en rapport avec une nouvelle procédure.

Désormais, un MENA peut prétendre à ce qu’on appelle la « procédure MENA» s’il n’a pas revendiqué la qualité de réfugié et se trouve illégalement sur le territoire. La circulaire ne s’applique donc pas aux mineurs en cours de procédure d’adoption ou de tutelle, d’asile ou de reconnaissance du statut de victime de la TEH puisqu’il n’est possible d’introduire qu’une demande à la fois. Si ces procédures aboutissent à un avis négatif, alors le tuteur peut introduire une demande de « séjour MENA ».

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