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Julien, Jean, Marie et SabrinaPour donner corps au propos et faire sens à la lecture, plusieurs extraits des entretiens menés avec des personnes s’étant prostituées mineures seront cités au cours du texte. Ces témoignages viennent non seulement ponctuer l’écriture, mais aussi pointer des éléments essentiels à la compréhension des vécus singuliers. Julien est aujourd’hui âgé d’une bonne trentaine d’années. Il est belge et homosexuel. Il s’est prostitué dès ses 14 ans et jusqu’à 26-27 ans. Sa mère décède quand il a 9 ans et son père l’accuse de la mort de celle-ci. C’est le « début de la chute ». Suite aux disputes avec son père, il fugue et est placé dans un home. Il sèche les cours et entretient une première relation prostitutionnelle avec un homme beaucoup plus âgé qu’il rencontre dans un parc. A ce moment, il ne se rend pas compte qu’il s’agit de prostitution. Il fugue encore et encore, devient « colérique » et, à 15 ans, atterrit à l’hôpital psychiatrique. II s’échappe toutes les semaines de cette « prison », et se prostitue alors de manière plus systématique. A 17 ans, il est émancipé et touche le CPAS. Il se prostituera encore pendant dix ans, « pour l’argent », car il ne voit pas d’autre opportunité. Son vécu de la prostitution est « dur », ça a été son « calvaire ». L’année dernière, il a trouvé un travail comme balayeur de rue. Son contrat se termine et il ne souhaite pas le renouveler, mais peut-être reprendre une formation, et en tout cas chercher un autre emploi. Jean approche la trentaine. Il est belge et hétérosexuel. Il s’ est prostitué dès ses 15 ans. Son père est décédé lorsqu’il avait 6 ans, alors qu’il était déjà placé en internat (à 4 ans) lors de la séparation de ses parents. Sa scolarité est chaotique et s’arrête à la fin des primaires. Il est refoulé de homes en homes, fugue régulièrement, et dans cette errance, il commence à se prostituer « un peu comme ça », puis de plus en plus systématiquement. Parallèlement il fera un séjour à l’hôpital psychiatrique, puis à l’IPPJ pour quelques vols. A 17 ans, il passe en autonomie. Il s’est prostitué pour l’argent, et ce passage par la prostitution lui est assez indifférent, même s’il aurait préféré faire autre chose. Il a cessé de se prostituer il y a deux ans et émarge au CPAS. En même temps, il a un petit boulot clandestin et sur exploité dans un bar et ne voit pas véritablement d’avenir professionnel. Marie a la trentaine bien entamée, elle est belge et hétérosexuelle. Elle se prostitue encore, est divorcée et mère de trois enfants. Très tôt ses parents ont divorcé et son père s’est retrouvé en prison. Sa mère était malade d’alcool et tenait un restaurant où Marie travaillait de temps à autre, pour aider. Lorsque sa grand-mère a repris les rennes de la famille, elle a été prostituée par celle-ci dès l’âge de 10 ans. La grand-mère a organisé une prostitution très discrète, au sein du restaurant, et ça a duré presque deux ans. Un premier été, elle a été prostituée auprès d’un seul client, qui a abusé d’elle progressivement. L’année suivante, tous les clients du restaurant étaient au fait de la chose et commandaient des services sexuels avec elle. Son histoire est un peu floue, elle ne se souvient pas de tout. Il semble que le père d’une amie soit intervenu, mais que sa réaction ait été vouée à l’échec, sans conséquence. Finalement, Marie se rebellera suffisamment pour que sa mère remballe la grand-mère ; et Marie commencera à oublier ce qui s’est passé. A peine la majorité, Marie commencera à se prostituer de manière plus systématique et jusqu’à aujourd’hui. Elle est assez indifférente à sa prostitution actuelle, mais conserve une rancœur forte à l’égard de sa famille. Son témoignage révèle un cas de prostitution intrafamiliale, et nourrit également des réflexions sur la maternité des femmes prostituées. Sabrina est la plus jeune, elle approche à peine la trentaine. Elle aussi est belge et hétérosexuelle. Elle se prostitue encore, mais plus occasionnellement, car elle gère une maison de prostitution. Elle a eu un fils dont elle n’a pas la garde Ses parents ont divorcé lors de son enfance, et une « grosse mésentente » avec son beau-père l’amène a adopter des comportements à risque pour elle. Alors qu’elle est enceinte à 15 ans, et qu’elle « déconne », sa mère fait appel au SAJ. A partir de ce moment, Sabrina perd les pédales et ne comprend plus ce qui lui arrive. Elle est placée dans une maison maternelle, avec des femmes plus âgées. Progressivement, son dossier sera judiciarisé et sa mère gardera l’enfant, sans plus vouloir d’elle à la maison. En rupture, elle s’installe chez son petit-copain et cherche du travail. Mineure, elle ne trouve rien et finalement appelle pour une offre d’hôtesse trouvée dans les petites annonces. Elle sera prise en charge par un homme proxénète pendant deux années, se prostituant dans des hôtels et gagnant beaucoup d’argent. Cette exploitation prendra fin avec l’intervention d’un ami. Elle est alors majeure et entame une carrière de prostitution. L’épisode de prostitution à l’adolescence lui laisse des traces et elle pleure encore de ce qui lui est arrivé. Parcours et situations d’entrée en prostitution« Si tu réfléchis à ta propre vie, en général, comment est-ce que tu expliques que tu aies fait la prostitution ? Comment tu t’expliques à toi-même ? Ou peut-être tu te l’expliques pas … » Jean « J’ai rien fait pour y changer. J’ai laissé venir. Et bon à 17 ans, chercher du travail, si j’en avais trouvé, c’est clair que je serais pas passé par là, c’est même certain. » Julien « Pourquoi je l’ai fait ? Parce qu’il n’y a eu personne pour m’aider. Quand j’allais à la porte de tout le monde pour demander de l’argent, personne ne m’a aidé. J’ai préféré faire ça que d’agresser des personnes. Je n’ai pas eu le choix. Sinon, je n’y mets pas obligatoirement un sens. » Débuter la prostitution en étant très jeune1 n’est pas anodin et advient dans des trajectoires complexes qui mêlent divers facteurs, sans qu’aucun d’eux pris isolément ne suffise à l’expliquer. « De manière générale, ce sont des problématiques lourdes, très anciennes. C’est rarement un passage à l’acte adolescentaire isolé où tout va bien jusque 14 ans, ça c’est exceptionnel. C’est beaucoup plus des parcours chaotiques, faits de ruptures, de placements multiples, d’abandons, de maltraitance diverses, d’échec scolaire, de renvoi, bref de désinsertion sociale chronique depuis l’enfance.»2 Par ailleurs, il faut rester prudent en matière de généralisation et éviter les écueils du misérabilisme. De nombreux jeunes connaissent des situations comparables à ceux qui se prostituent, sans pour autant faire de même, et seule une petite minorité s’y retrouve au départ d’un parcours jugé lourd ou problématique. Enfin, certains jeunes ont une trajectoire plus classique, et pourtant se prostituent. Entrée en prostitution, données déclaratives Source : ICAR Liège, 2003-2006
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![]() | ![]() | «Verlan 2000», in Les mots des jeunes, Langue Française nº 114. Larousse, pp. 17-34 | |
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