Dont certaines (surtout ''Les fleurs du mal'' et ''Petits poèmes en prose'') sont ici résumées et commentées







titreDont certaines (surtout ''Les fleurs du mal'' et ''Petits poèmes en prose'') sont ici résumées et commentées
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Les fleurs du mal’’

(1861)
Le recueil comportait cent vingt-six poèmes, pas ceux qui avaient été interdits, mais trente-cinq nouveaux.

Il était organisé en six parties :
Première partie, ‘’Spleen et idéal’’ : I. ‘’Bénédiction’’ – II. ‘’L’albatros’’ (voir, dans le site, BAUDELAIRE – ‘’L’albatros’’) - III. ‘’Élévation’’ - IV. ‘’Correspondances’’ - V. ‘’J’aime le souvenir de ces époques nues…’’ - VI. ‘’Les phares’’ - VII. ‘’La muse malade’’ - VIII. ‘’La muse vénale’’ - IX. ‘’Le mauvais moine’’ - X. ‘’L’ennemi’’ - XI. ‘’Le guignon’’ - XII. ‘’La vie antérieure’’ - XIII. ‘’Bohémiens en voyage’’ - XIV. ‘’L’homme et la mer’’ - XV. ‘’Don Juan aux enfers’’ - XVI. ‘’Châtiment de l’orgueil’’ - XVII. ‘’La beauté’’ - XVIII. ‘’L’idéal’’ - XIX. ‘’La géante’’ - XX. ‘’Le masque’’ - XXI. ‘’Hymne à la beauté’’ (voir, dans le site, BAUDELAIRE – ‘’Hymne à la beauté’’) – XXII. ‘’Parfum exotique’’ - XXIII. ‘’La chevelure’’ (voir, dans le site, BAUDELAIRE - ‘’La chevelure’’) – XXIV. ‘’Je t’adore à l’égal de la voûte nocturne…’’ - XXV. ‘’Tu mettrais l’univers dans ta ruelle…’’ - XXVI. ‘’Sed non satiata’’ – XXVII. ‘’Avec ses vêtements ondoyants et nacrés…’’ – XXVIII. ‘’Le serpent qui danse’’ – XXIX. ‘’Une charogne’’ – XXX. ‘’De profundis clamavi’’ – XXXI. ‘’Le vampire’’ – XXXII. ‘’Une nuit que j’étais près d’une affreuse Juive…’’ – XXXIII. ‘’Remords posthume’’ – XXXIV. ‘’Le chat’’ – XXXV. ‘’Duellum’’ – XXXVI. ‘’Le balcon’’ – XXXVII. ‘’Le possédé’’ - XXXVIII. ‘’Un fantôme’’ – XXXIX. ‘’Je te donne ces vers afin que si mon nom…’’ – XL ‘’Semper eadem’’ – XLI. ‘’Tout entière’’ – XLII. ‘’Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire…’’ – XLIII. ‘’Le flambeau vivant’’ – XLIV. ‘’Réversibilité’’ – XLV. ‘’Confession’’ – XLVI. ‘’L’aube spirituelle’’ – XLVII. ‘’Harmonie du soir’’ – XLVIII. ‘’Le flacon’’ – XLIX. ‘’Le poison’’ – L. ‘’Ciel brouillé’’ – LI. ‘’Le chat’’ – LII. ‘’Le beau navire’’ – LIII. ‘’L’invitation au voyage’ – LIV. ‘’L’irréparable’’ – LV. ‘’Causerie’’ – LVI. ‘’Chant d’automne’’ – LVII. ‘’À une madone’’ (voir, dans le site, BAUDELAIRE – ‘’À une madone’’) – LVIIII. ‘’Chanson d’après-midi’’ – LIX. ‘’Sisina’’ – LX. ‘’Franciscae meae laudes’’ – LXI. ‘’À une dame créole’’ – LXII. ‘’Moesta et errabunda’’ – LXIII. ‘’Le revenant’’ – LVIV. ‘’Sonnet d’automne’’ – LXV. ‘’Tristesse de la lune’’ - LXVI. ‘’Les chats’’ – LXVII. ‘’Les hiboux’’ – LXVIII. ‘’La pipe’’ - LXIX. ‘’La musique’’ - LXX. ‘’Sépulture’’ – LXXI. ‘’Une gravure fantastique’’ – LXXII. ‘’Le mort joyeux’’ – LXXIII. ’Le tonneau de la haine’’ - LXXIV. ‘’La cloche fêlée’’ – LXXV. ‘’Spleen : Pluviôse, irrité contre la ville entière’’ – LXXVI. ‘’Spleen : J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans’’ – LXXVII. ‘’Spleen : Je suis comme le roi d’un pays pluvieux’’ – LXXVIII. ‘’Spleen : Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle’’ – LXXIX. ‘’Obsession’’ – LXXX. ‘’Le goût du néant’’ – LXXXI. ‘’Alchimie de la douleur’’ – LXXXII. ‘’Horreur sympathique’’ - LXXXIII. ’L’héautontimorouménos’’– LXXXIV. ‘’L’irrémédiable’’ – LXXXV. ‘’L’horloge’’ (voir, dans le site, BAUDELAIRE – ‘’L’horloge’’).
Deuxième partie, ‘’Tableaux parisiens’’ : LXXXVI. ‘’Paysage’’ – LXXXVII. ‘’Le soleil’’ – LXXXVIII. ‘’À une mendiante rousse’’ – LXXXIX. ‘’Le cygne’’ – LXC. ‘’Les sept vieillards’’ – LXCI. ‘’Les petites vieilles’’ - LXCII. ‘’Les aveugles’’ – LXCIII. ‘’À une passante’’ (voir, dans le site, BAUDELAIRE – ‘’À une passante’’) – LXCIV. ‘’Le squelette laboureur’’ - LXCV. ‘’Le crépuscule du soir’’ – LXCVI. ‘’Le jeu’’ – LXCVII. ‘’Danse macabre’’ – LXCVIII. ‘’L’amour du mensonge’’ – IC. ‘’Je n’ai pas oublié, voisine de la ville…’’ – C. ‘’La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse…’’ – CI. ‘’Brumes et pluies’’ – CII. ‘’Rêve parisien’’ - CIII. ‘’Le crépuscule du matin’’.
Troisième partie, ‘’Le vin’’ : CIV. ‘’L’âme du vin’’ – CV. ‘’Le vin des chiffonniers’’ – CVI. ‘’Le vin de l’assassin’’ – CVII. ‘’Le vin du solitaire’’ – CVIII. ‘’Le vin des amants’’.
Quatrième partie, ‘’Fleurs du mal’’ : CIX. ‘’La destruction’’ - CX. ‘’Une martyre’’ – CXI. ‘’Femmes damnées’’ – LXXXII. ‘’Femmes damnées’’ – CXII. ‘’Les deux bonnes sœurs’’ – CXIII. ‘’La fontaine de sang’’ – CXIV. ‘’Allégorie’’ – CXV. ‘’La Béatrice’’ – CXVI. ‘’Un voyage à Cythère’’ – CXVII. ‘’L’amour et le crâne’’.
Cinquième partie, ‘’Révolte’’ : CXVIII. ‘’Le reniement de saint Pierre’’ – CXIX. ‘’Abel et Caïn’’ – CXX. ‘’Les litanies de Satan’’.
Sixième partie, ’La mort’’ : CXXI. ‘’La mort des amants’’ – CXXI. ‘’La mort des pauvres’’ – CXXIII. ‘’La mort des artistes’’ – CXXIV. ‘’La fin de la journée’’ – CXXV. ‘’Le rêve d’un curieux’’ – CXXVI. ‘’Le voyage’’ (voir, dans le site, BAUDELAIRE – ‘’Le voyage’’).
Commentaire
Spleen et idéal’’ groupait quatre-vingt-cinq poèmes, dont, parmi les nouveaux ‘’L’albatros’’ “Hymne à la Beauté”, ‘’La chevelure’’, ‘’Le possédé’’ (qui décrivait la réconciliation avec Jeanne Duval, la vie commune reprise avec une femme devenue muette et sombre), ‘’Un fantôme’’ (hommage suprême à une femme prématurément vieillie et infirme, mais qui demeurait à jamais pour lui «Celle qui fut mon plaisir et ma gloire», qui expliquait le sens secret de cette liaison encore une fois renouée, la beauté de Jeanne, ses baisers savants, ses caresses, tout ce passé détruit, mais qui, dans le souvenir du poète, demeurait à tout jamais vivant), ‘’À une madone’’, “L’horloge”.

Tableaux parisiens’’ était une nouvelle partie, formée de huit poèmes qui, en 1857, se trouvaient dans ‘’Spleen et idéal’’, et de dix poèmes parus dans des revues entre 1857 et 1861. Le poète s’y plonge dans le spectacle de la ville ; montre ou se souvient d’hôpitaux, de palais, de tableaux, de vieux livres, de maisons de jeu, de faubourgs, de mendiantes, de vieillards, de petites vieilles, d’aveugles ; tente de se noyer dans la foule anonyme pour y dénicher une forme de beauté.

Le vin’’ groupait quatorze poèmes, qui, dans la première édition, marquaient entre ‘’Spleen et idéal’’ et le groupe des ‘’Fleurs du mal’’, une sorte d’intermède ; qui, suivant désormais ‘’Tableaux parisiens’’, relevaient davantage du pittoresque de cette section, n’apparaissaient plus comme une possibilité véritable de libération.

Fleurs du mal’’ ne groupait plus que neuf poèmes.

‘’Révolte’’ groupait toujours trois poèmes, et cette partie prenait un accent plus redoutable parce que rapprochée de la suivante.

La partie ‘’La mort’’ se vit enrichie de trois poèmes beaucoup plus sombres. Après ces chants d'espérance que sont ‘’La mort des amants’’, ‘’La mort des pauvres’’ et ‘’La mort des artistes’’, I'inquiétude fait surgir un doute avec ‘’Le rêve d'un curieux’’ : si la vie aboutissait au néant, si le rideau se levait sur une scène vide? Enfin, le dernier poème, ‘’Le voyage’’, qui est celui d'une vie humaine, est la conclusion générale du recueil dont il récapitule tous les thèmes principaux, est le dernier cri de l’esprit en proie au spleen, le constat d’une condition humaine désespérée, désespérante, même si la mort n’est plus dernière mais douce consolation. Cependant, Baudelaire n'ayant pas voulu fermer le livre sur un échec, à la fin du poème, quand toutes les possibilités terrestres ont été épuisées, il se tourne vers le dernier remède, le grand «Voyage» vers un autre monde ; il invite à aller, avec toute la force du dernier élan, à la rencontre de la mort, l’inconnu suprême, et donc, aussi, la promesse d’un «ailleurs» que nous ne pouvons nous figurer. Il nous propose de :

«Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe?

Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau !»
Ainsi les nouveaux poèmes compensèrent largement l’abandon des «pièces condamnées» en 1857, dans la mesure où il s’agissait de certaines des plus grandes réussites de Baudelaire. La perte de ses illusions et de ses espoirs avait fait que l’axe du recueil s’était déplacé, que son organisation avait été sensiblement modifiée. À l’intérieur de chaque partie, quelques poèmes déplacés ou ajoutés accentuaient l’impression de désespérance. Ainsi, le cycle des poèmes adressés à Mme Sabatier s’ouvrait désormais par des vers qui révélaient la signification de l’ensemble : le grand espoir n’était qu’illusion, et le cœur du poète s’était enivré d’un mensonge. De même, les poèmes par lesquels en 1857 s’achevait la série de ‘’Spleen et idéal’’ et qui n’étaient pas sans laisser une impression d’apaisement, étaient désormais dispersés et comme noyés dans un ensemble d’une tonalité plus sombre. Baudelaire avait voulu imposer l’idée que ce sont les perversions de ‘’Fleurs du mal’’, la ‘’Révolte’’ et ‘’La mort’’ qui indiquent le vrai sens du livre.

Quant à la nouvelle partie, il faut constater que le terme de «tableaux» est trompeur, car le poète évoque principalement la vie et la peine des êtres humains, et, comme dans le reste de son oeuvre, la présence du péché. Toutefois, tandis que ‘’Spleen et idéal’’ ne concernait guère que lui (tout au moins directement), cette section a une portée beaucoup plus générale. L’ouvrant par un ironique ‘’Paysage’’, le poète, pour sortir du cercle vicieux de l’aspiration à l’idéal et de la retombée dans le «spleen», se livre à la foule et à «Ia fourmillante cité pleine de rêves», cette grande ville où plus qu’ailleurs fleurit le mal, qui lui impose à la fois le miroir multiplié de sa laideur, et le mirage d'un lieu magique, fantasmatique, où se perdre, c'est aussi se retrouver. Ces poèmes, dont certains étaient inspirés sans doute par les gravures de Meryon, et d’autres par Goya, inaugurèrent ce courant de la poésie urbaine qui allait connaître dans la suite, sous des formes diverses, un considérable développement. Le fantastique insolite de la Ville, à la faveur de ses correspondances avec la vie intérieure, engendra des poèmes dont l’ampleur est assez exceptionnelle chez Baudelaire. On ne peut pas ne pas remarquer que la sévérité impitoyable qu'il exerçait à I'encontre de lui-même fit place à une sympathie et à une compassion profonde à l’égard des autres, vieillards, malades, prostituées ou voleurs. Deux des poèmes, qui rapportent des souvenirs d'enfance, et eux aussi privés de titre, montrent combien il était resté attaché à cet innocent paradis.

Il conçut une ébauche d’épilogue où il s’adressait à la ville de Paris, et lui disait finalement : «Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or.»
Cette édition, tirée à mille cinq cents exemplaires, assura la consécration du poète qui avait été auparavant condamné. Il connut alors la renommée. Avec ce «beau volume complet» (Hugo), il s'imposa, sinon au grand public, du moins aux nouveaux poètes, dont il devint l'un des chefs de file. Dès 1861, Villiers de L'Isle-Adam célébra «l'humanité et la grandeur» de cette poésie écrite sur un ton musical à la fois «berceur» et «morbide». Sensible lui aussi à «l'aspect étrange et puissant» de l'oeuvre, Leconte de Lisle en souligna la «conception neuve, une dans sa riche et sombre diversité».

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Le 13 mars 1861, la première représentation complète de ‘’Tannhäuser’’ en France, donnée à l’Opéra, fut sifflée. Ce fut la grande déception de la vie de Baudelaire qui fit paraître, le 1er avril, dans ‘’La revue européenne’’, un article «improvisé en trois jours dans une imprimerie» mais «œuvre de circonstance très méditée», qui fut publié en plaquette le 4 mai :

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‘’Richard Wagner et ‘’Tannhäuser’’ à Paris’’

(1861)
Essai
C’est un examen aigu et pénétrant de la psychologie du public, une rapide esquisse du caractère de Wagner et de sa formation intellectuelle, une lumineuse illustration de son esthétique, de la puissance de suggestion de sa musique et de l’éclat envoûtant de ses images, du retentissement de ses drames lyriques, des éléments révolutionnaires apportés par les thèmes de l’inspiration et par l’architecture de ses œuvres, et d'attentives études sur la nature de I'art musical en général.
Commentaire
Quoique ne possédant aucune compétence technique en matière de musique, Baudelaire, qui en entendait souvent chez ses amis, y était très sensible. Il était à peu près le seul en France, où il tenta de l’acclimater, à comprendre le génie musical de Wagner. Face à la cabale déchaînée contre lui, il le défendit à travers son esprit et sa sensibilité. C’était l’émouvant salut d’un génie raillé à un autre génie méconnu.

Il cita les deux quatrains de ‘’Correspondances’’, et en donna le commentaire le plus autorisé : «Ce qui serait vraiment surprenant, c’est que le son ne pût pas suggérer la couleur, que les couleurs ne pussent pas donner l’idée d’une mélodie, et que le son et la couleur fussent impropres à traduire des idées, les choses s’étant toujours exprimées par une analogie réciproque, depuis le jour où Dieu a proféré le monde comme une complexe et indivisible totalité.»

On note aussi cette réfexion : «Tous les grands poètes deviennent naturellement, fatalement critiques […] Une crise se fait infailliblement où ils veulent raisonner leur art, découvrir les lois obscures en vertu desquelles ils ont produit, et tirer de cette étude une série de préceptes dont le but divin est I'infaillibilité de la production poétique».

Richard Wagner le remercia de cet article par une lettre chaleureuse.

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Le 6 mai 1861, Baudelaire écrivit une longue lettre à sa mère, une des plus belles et des plus émouvantes, où, malgré ses déboires, il exprima encore sa confiance en son génie, mais se plaignit : «Je suis seul, sans amis, sans maîtresses, sans chien et sans chat, à qui me plaindre.» Il ajouta : «Je désire de tout mon coeur […] croire qu’un être extérieur et invisible s’intéresse à ma destinée. Mais comment faire pour le croire.» Il lui confia son désir de se suicider. C’est alors qu’il composa ‘Recueillement’’ (voir, dans le site, BAUDELAIRE – ‘’Recueillement’’).

Le 24 mai, il céda à Poulet-Malassis et de Broise le droit de reproduction exclusif de ses œuvres littéraires parues ou à paraître, ainsi que de ses traductions d’Edgar Allan Poe.

Du 15 juin au 15 août, il publia dans ‘’La revue fantaisiste’’ :

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‘’Réflexions sur quelques-uns de mes contemporains’’

(1861)
Recueil d’essais
Ils portaient sur :

- Victor Hugo dont il dit qu’il était «l’homme le mieux doué, le plus visiblement élu pour exprimer par la poésie ce que j’appellerai le mystère de la vie», ce qui n’empêchait pas qu’entre eux subsista une opposition totale de caractères ; au passage, Baudelaire s'étendit longuement sur la théorie de I'analogie, rappela qu'aux yeux de Swedenborg «Tout, forme, mouvement, nombre, couleur, parfum, dans le naturel comme dans le spirituel, est significatif, réciproque, converse, correspondant», et appliqua ces grandes vues à la poésie, puisque le vrai poète est «un traducteur, un déchiffreur».

- Marceline Desbordes-Valmore, qui lui fit déclarer : «Je me suis toujours plu à chercher dans la nature extérieure et visible des exemples et des métaphores qui me serviront à caractériser les jouissances et les impressions d’un ordre spirituel» ; dont les poèmes se prêtèrent admirablement à la mise en lumière de I'importance du «sentiment» ;

- Auguste Barbier, dont les ‘’lambes’’ lui donnèrent I'occasion de montrer les rapports entre l'art et la morale ;

- Théophile Gautier ;

- Pétrus Borel, étude où Baudelaire disait se proposer de «violer les habitudes morales du lecteur», déclarait : «Sans Pétrus Borel il y aurait une lacune dans le romantisme» ;

- Gustave Le Vavasseur ;

- Théodore de Banville ;

- Pierre Dupont, dont il analysait avec lucidité la poésie à caractère social, et reconnaissait aisément les qualités de style d'écrivains comme Leroux et Proudhon ;

- Leconte de Lisle, à propos duquel il fit un prompt rappel à Renan ;

- Hégésippe Moreau.

On y remarque ces réflexions :

- «La puérile utopie de l’art pour l’art, en excluant la morale, et souvent même la passion, était nécessairement stérile. Elle se mettait en flagrante contradiction avec le génie de l’humanité

- «Chaque écrivain est plus ou moins marqué par sa faculté principale. Chateaubriand a chanté la gloire douloureuse de la mélancolie et de I'ennui. Victor Hugo, grand, terrible, immense comme une création mythique, cyclopéen pour ainsi dire, représente les forces de la nature et leur lutte harmonieuse. Balzac, grand, terrible, complexe aussi, figure le monstre d'une civilisation, et toutes ses luttes, ses ambitions et ses fureurs. Gautier, c'est l'amour exclusif du Beau, avec toutes ses subdivisions, exprimé dans le langage le mieux approprié

- «Il y a dans le mot, dans le verbe, quelque chose de sacré qui nous défend d'en faire un jeu de hasard. Manier savamment une langue, c'est pratiquer une espèce de sorcellerie évocatoire. C'est alors que la couleur parle, comme une voix profonde et vibrante, que les monuments se dressent et font saillie sur l'espace profond ; que les animaux et les plantes, représentants du laid et du mal, articulent leur grimace non équivoque, que le parfum provoque la pensée et le souvenir correspondants ; que la passion murmure ou rugit son langage éternellement semblable.», ce qui était une façon de caractériser son propre art.

- «Il en est des vers comme de quelques belles femmes en qui se sont fondues l'originalité et la correction ; on ne les définit pas, on les aime

- «Le cri du sentiment est toujours absurde ; mais il est sublime, parce qu'il est absurde

- «C'est de la force même et de la certitude qu'elle donne à celui qui la possède que dérive l'esprit de justice et de charité

- «En décrivant ce qui est, le poète se dégrade et descend au rang de professeur ; en racontant le possible, il reste fidèle à sa fonction ; il est une âme collective qui interroge, qui pleure, qui espère et qui devine quelquefois

- «Toute phrase doit être en soi un monument bien coordonné, l'ensemble de tous ces monuments formant la ville qui est le Livre

- «Les symboles ne sont obscurs que d'une manière relative, c'est-à-dire selon la pureté, la bonne volonté ou la clairvoyance native des âmes.».

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Au mois de juillet 1861, Baudelaire songeait déjà à une «édition définitive» des ‘’Fleurs du mal’’ qui aurait compris sept poèmes non encore parus en volume.

Le 25 juillet 1861, lui qui haïssait la société, qui considérait que «consentir à être décoré, c’est reconnaître à l’État, au prince, le droit de vous juger», qui avait exprimé son mépris pour la littérature classique, écrivit à sa mère, à laquelle il voulait prouver qu’il était un écrivain considéré, qu'entrer à l'Académie française était le seul honneur qu'un «vrai homme de lettres puisse solliciter sans rougir». Il n'était pas à un paradoxe près. À quarante ans, oubliant les procès que lui avaient valu ''Les fleurs du mal'', il estimait qu'il avait déjà une belle production derrière lui, valant bien celle de certains académiciens. N'était-il pas déjà l'auteur de six ouvrages de poésie et de critique, et le traducteur des oeuvres d'Edgar Allan Poe? Il avait également publié de nombreux poèmes, articles et critiques dans plusieurs revues. Il bénéficiait de l'estime de plusieurs grands écrivains comme Victor Hugo et Théophile Gautier, qui étaient sensibles à sa poésie.

Pour le remercier d’avoir dans ‘’Le salon de 1859’’ fait l’éloge de son tableau, ‘’L’Angélus’’, Alphonse Legros dédia à «[s]on ami Baudelaire» sa suite d’esquisses à l’eau-forte dont faisait partie une ‘’Procession’’ (où des femmes du peuple, modestes et graves, portant des cierges, étaient dessinées sans indulgence, mais avec une accueillante émotion), oeuvre qui lui appartint.

Le 15 septembre, il fit paraître, dans ‘’La revue fantaisiste’’, un article sur ‘’Les peintures murales d'Eugène Delacroix à Saint-Sulpice’’.

Le 15 octobre, il fit paraître, dans ‘’La revue fantaisiste’’, une notice sur le jeune écrivain Léon Cladel, notice qui allait servir de préface à son roman qu’il aurait revu, corrigé et peut-être même remanié.

En novembre 1861, parurent neuf ‘’Poèmes en prose’’, dans ‘’La revue fantaisiste’’ qui, cependant, allait cesser d’exister.

Quand il fit part à ses amis de son désir d'entrer à l'Académie française, ils demeurèrent perplexes. Était-ce une ultime provocation de sa part ou une revendication sérieuse? Avec lui, le doute était permis. Au gré de son humeur, il pouvait affirmer tout et son contraire, cracher sur la société ou se faire le défenseur des valeurs les plus conservatrices (à bien y réfléchir, il s'était toujours affiché comme un dandy ; or, qu'est-ce qu'un dandy, sinon un conservateur?).

Cependant, le 11 décembre 1861, il prit sa plus belle plume pour adresser une lettre de candidature au secrétaire perpétuel de l'Académie française, l'historien et professeur Abel Villemain : «J'ai l'honneur de vous instruire que je désire être inscrit parmi les candidats qui se présentent pour l'un des deux fauteuils vacants à l'Académie française [ceux d'Eugène Scribe et d'Henri Lacordaire, décédés le premier en février, le second en novembre 1861], et je vous prie de vouloir faire part à vos collègues de mes intentions à cet égard.» Il expliqua sa démarche : «Pour dire toute la vérité, la principale considération qui me pousse à solliciter déjà vos suffrages est que, si je me déterminais à ne les solliciter que quand je m'en sentirais digne, je ne les solliciterais jamais. Je me suis dit qu'après tout il valait peut-être mieux commencer tout de suite ; si mon nom est connu de quelques-uns parmi vous, peut-être mon audace sera-t-elle prise en bonne part, et quelques voix, miraculeusement obtenues, seront considérées par moi comme un généreux encouragement et un ordre de mieux faire

Il fut soutenu mollement par Sainte-Beuve qui, dans un article du ‘’Constitutionnel’’ intitulé ‘’Des prochaines élections à l’Académie’’, ne consacra à son œuvre que quelques lignes : «M. Baudelaire a trouvé moyen de se bâtir, à l’extrémité d’une langue de terre réputée inhabitable, et par-delà les confins du romantisme connu, un kiosque bizarre, fort orné, fort tourmenté, mais coquet et mystérieux […] Ce singulier kiosque, fait en marqueterie, d’une originalité concertée et composite, qui depuis quelque temps attire les regards, à la pointe extrême du Kamtchatka romantique, j’appelle cela la Folie Baudelaire. L’auteur est content d’avoir fait quelque chose d’impossible.» ; et, mi-figue mi-raisin, il le présenta comme «un candidat poli, respectueux, exemplaire […] un gentil garçon, fin de langage et tout à fait classique dans les formes». Mais Abel Villemain, que d'aucuns traitaient de «momie», reçut avec hauteur et dédain la curieuse candidature de ce «repris de justice». Il n'en entama pas moins sa tournée des Immortels, comme le veut la tradition. Il s'obligea à rendre visite à d'obscurs plumitifs dont il méprisait le talent. Beaucoup de membres se dérobèrent. Mais l'Académie comptait également quelques vraies gloires qu'il alla voir avec émotion. Tel Alfred de Vigny, qui, âgé de soixante-quatre ans, vieux maître solitaire et ombrageux, le reçut malgré des souffrances qui l'obligeaient à garder la chambre, lui fit bon accueil, le traita d’égal à égal, allait lui écrire : «Ce que vous ne saurez pas, c'est avec quel plaisir je lis à d'autres, à des poètes, les véritables beautés de vos vers, encore trop peu appréciés et trop légèrement jugés.» Jules Sandeau se montra gentil. En revanche, Lamartine lui conseilla de renoncer à sa candidature. Il ne reçut certainement pas beaucoup d'encouragements de Prosper Mérimée, qui avait écrit au propos de l'auteur des ''Fleurs du mal'' : «Je ne le connais pas, mais je parierais qu'il est niais et honnête. Dans son livre très médiocre, nullement dangereux, il y a quelques étincelles de poésie, comme il peut y en avoir dans un pauvre garçon qui ne connaît pas la vie et qui en est las parce qu'une grisette I'a trompé.»

Il pouvait compter sur Gustave Flaubert et sur son futur biographe, Charles Asselineau, pour qu'ils mènent campagne en sa faveur dans les salons littéraires. Mais des salves moqueuses furent envoyées par la majorité des journaux : ''La chronique parisienne'' insinua qu'il faudrait placer Baudelaire dans la section des cadavres de l'Académie ; ''Le tintamarre'' fit de l'esprit en suggérant que le poète avait tiré le gros lot de sa loterie «humoristique» : un bon d'accès à l'Académie française.

Constatant qu'il ne pouvait même pas espérer une ou deux voix, Baudelaire suivit le conseil de Sainte-Beuve qui l'incita à ne pas poursuivre plus avant. Le 10 février 1862, il informa Abel Villemain de son retrait. Le même jour, il annonça sa décision à sa mère, en faisant preuve d'un merveilleux optimisme : «Je sais maintenant que je serai nommé, mais quand? Je ne sais pas.».
À la fin de décembre, dans une lettre à Arsène Houssaye, Baudelaire avait proposé comme titre collectif de ses poèmes en prose : ‘’La lueur et la fumée’’.
Dans la seconde quinzaine de janvier 1862, dans ‘’La revue anecdotique’’, il publia anonymement un article intitulé ‘’Une réforme à l’Académie’’ où il remerciait Sainte-Beuve des propos bienveillants (quoique très peu compréhensifs et appropriés) qu’il avait tenus à son égard dans son article.

Le 23 janvier 1862, il nota : «Aujourd’hui 23 janvier 1862, j’ai subi un singulier avertissement, j’ai senti passer le vent de l’aile de l’imbécillité» (‘’Mon cœur mis à nu’’). En effet, il avait subi une grave crise cérébrale, caractéristique de la syphilis de stade III, première manifestation de l’atteinte neurologique qui allait entraîner en 1866 l’ictus hémiplégique, puis en 1867 sa mort.

Le 10 février, Sainte-Beuve, complètement affolé mais heureusement lucide, lui ayant intimé : «Laissez l’Académie pour ce qu’elle est...», il retira sa candidature.

Le 17 mars, il fit, dans une lettre à sa mère, cet aveu où se révèle le fond trouble de sa nature, mélange déconcertant de scrupule et de perversité : «Ta candeur, ta facilité à être dupe, ta naïveté, ta sensibilité, me font rire. Crois-tu donc que, si je le voulais, je ne pourrais pas te ruiner et jeter ta vieillesse dans la misère? Mais, je me retiens, et, à chaque crise nouvelle, je me dis : " Non, ma mère est vieille et pauvre ; il faut la laisser tranquille..."»

Le 14 avril mourut à cinquante ans son demi-frère, Claude-Alphonse Baudelaire, qui avait fait une carrière de magistrat. Leur complète incompatibilité de caractères et de goûts les avait séparés à peu près totalement depuis une quinzaine d’années au moins. Leur seule affinité fut de mourir de la même façon, victimes d’une hémorragie cérébrale avec hémiplégie.

Le 20 avril, Baudelaire donna, dans ‘’Le boulevard’’, un compte rendu élogieux des ‘’Misérables’’ où il apprécia franchement les raisons morales de l'œuvre. Mais sa sincérité fut mise en doute en raison du commentaire qu’il fit du même livre dans une lettre à sa mère où il le considérait comme «immonde et inepte». En fait, il fut toujours à la fois émerveillé et exaspéré par Hugo, si bien qu’il put avoir été sincère dans les deux cas.

Le 2 août, fut publié le tome IV des ‘’Poètes français’’, une anthologie réalisée et dirigée par Eugène Crépet ; il contenait sept poèmes de Baudelaire, précédés d’une notice de Théophile Gautier, et sept notices demandées à Baudelaire pour présenter plusieurs des poètes les plus importants du siècle, parmi lesquels Hugo et Gautier.

Du 26 août au 24 septembre, parurent dans ‘’La presse’’, avec une lettre-dédicace à Arsène Houssaye, vingt poèmes en prose dont la plupart étaient marqués par le thème de Paris. Le 31 août, Théodore de Banville en fit, dans ‘’Le boulevard’’, un compte rendu qui était une admirable étude de l’originalité et de la puissance poétique de Baudelaire ; il y vit un «véritable événement littéraire», ajoutant : «Il faut admirer en Baudelaire un des plus grands hommes de ce temps et qui, si nous ne vivions pas sous le règne intellectuel de Victor Hugo, mériterait que nul poète contemporain ne fût mis au-dessus de lui.» Mais les trois feuilletons n’eurent pas de suite.

Le 14 septembre, il publia, dans ‘’Le boulevard’’, un article intitulé
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Dont certaines (surtout \Surtout ‘’Le repos du guerrier’’ et ‘’Les petits enfants du siècle’’
«une victoire chèrement acquise» en quittant Renaud. Puis elle raconte son histoire

Dont certaines (surtout \Studies in Communication Sciences
«Les opinions auxquelles nous tenons le plus sont celles dont nous pourrions le plus malaisément rendre compte, et les raisons mêmes...

Dont certaines (surtout \La chanson fait partie de l'album "Verlaine et Rimbaud chantés par...

Dont certaines (surtout \Le livre de Monique Dagnaud
«teufeurs» sont les premières à en subir les conséquences. Ainsi, comment le rapport des «teufeurs» à la fête défini par certaines...

Dont certaines (surtout \L’essence de l’inspiration; du savoir à la pratique
«comment l’art influence les architectes ?» et, «comment les artistes utilisent et représentent l’espace ?». Cependant, après mes...







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