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Idéolus’’ (1844) Drame en vers Idéolus est un sculpteur idéaliste qui est en conflit avec l’impitoyable réalité. Commentaire Cette pièce, de caractère humoristique et parodique, comme le montrent les noms fantaisistes des personnages, illustrait déjà le thème du conflit qui allait être exposé dans ‘’Spleen et idéal’’. La rédaction fut interrompue au milieu du deuxième acte. _________________________________________________________________________________ Baudelaire collabora encore anonymement aux ‘’Causeries du Tintamarre’’, au ‘’Salon caricatural’’ et aux ‘’Mystères galants des théâtres de Paris’’. Le 14 septembre 1844, il passa soixante-douze heures à la maison d’arrêt de la garde nationale pour ne s’être pas présenté à son tour de garde. Ce n’était là qu’un petit écart de conduite par rapport à la vie qu’il menait. En deux ans, il avait dilapidé la moitié de son avoir, ayant commencé à vendre terres et autres biens pour payer ses dettes. Sa mère, scandalisée et effrayée, approuvée par le conseil de famille, engagea, le 21 septembre 1844, une procédure pour que la somme restante soit gérée par maître Narcisse-Désiré Ancelle, le notaire de la famille, brave homme solennel, pointilleux, dévoué et même paternel, qui allait lui dispenser ses bavardages protecteurs, mais était totalement fermé à la littérature ; il s’acquitta de sa tâche avec les plus louables scrupules mais sans perdre un instant de vue l’intérêt du patrimoine ; il n’accorda au jeune homme qu’une rente mensuelle de deux cents francs, l’équivalent d’un petit salaire. Baudelaire eut une réaction violente, et lança à sa mère dans une lettre : «Je repousse avec fureur tout ce qui est attentatoire à ma liberté». Il n’allait jamais guérir de cette mise sous tutelle humiliante et même dévirilisante venue de sa mère, et sa correspondance porte le témoignage presque quotidien des tortures qui lui furent ainsi imposées pendant les vingt-deux années qui lui restaient à vivre. Il allait même vouloir, pour se venger, venir frapper le notaire en présence de sa famille (lettre du 27 février 1858). Dès lors, son dégoût du monde contemporain et son spleen profond (aggravé par les angoisses causées par sa maladie vénérienne, par la crainte morbide de l’impuissance créatrice) le poussèrent à rechercher l’évasion sous toutes ses formes, d’où une consommation d’excitants et de drogues, qui allaient lui causer des troubles nerveux. Comme sa rente ne lui évitait pas de s’endetter, il réclamait de sa mère qu’elle fît l’appoint. Comme sa rente ne lui permettait pas non plus de rembourser ses créanciers, pour mieux les semer et ne pas payer ses loyers, il déménagea une quarantaine de fois. Et il dut chercher à gagner sa vie dans le journalisme. Mais il proposa d’abord à des journaux des articles qui furent généralement refusés en raison de leur audace satirique. Puis, inspiré par Diderot et Stendhal, il s’intéressa à la peinture à l’occasion des ‘’Salons’’ qui se tenaient alors au Louvre, devint critique d'art, et fit paraître, sous la signature Baudelaire-Dufays, son premier ouvrage, une brochure intitulée : _________________________________________________________________________________ “Le Salon de 1845” (1845) Essai de critique d’art de 72 pages Dans l’introduction, Baudelaire déclare que «le bourgeois […] est fort respectable». Puis il se livre à un catalogue des œuvres exposées, où il se borne à des notations, souvent justes et fines, enregistrées successivement et au passage devant les œuvres qui avaient retenu son intérêt. Devant la sensation du Salon, le grand tableau d’Horace Vernet, ‘’La smala d’Abd el-Kader’’, il considéra que «cette toile africaine est plus froide qu’une belle journée d’hiver». Il ne dit rien de la ‘’Mater dolorosa’’ d’Hippolyte Flandrin devant laquelle on s’extasiait aussi. D’un portait de Flandrin, il dit : «C’est lourd et terne». Il ne s’attarda pas non plus sur ‘’Télémaque racontant ses aventures’’, de Biffeld, sur ‘’La vache attaquée par les loups’’, de Bracassat. Mais il s’étendit sur le ‘’Marat’’ de David, sur Delacroix (célébrant sa couleur «d’une science incomparable […] sanguinaire et terrible»), sur Chassériau, sur Corot (appréciant «ses qualités d’âme et de fond»), sur Haussoulier. Commentaire La défense du «bourgeois» fut peut-être une ruse pour se concilier un plus large public ; peut-être aussi une réaction agressive contre les opinions anti-bourgeoises qui régnaient alors parmi les artistes au point d’être devenues le signe d’un véritable conformisme à rebours. L’invocation «aux bourgeois», qu’il allait faire dans ‘’Le Salon de 1846’’, par son excès même, encouragerait cette interprétation. Cette première publication signée, à l’âge de vingt-quatre ans, confirma I'importance de la place occupée par les arts plastiques, et singulièrement la peinture, dans la réflexion et dans l’œuvre de Baudelaire. On peut s'étonner du ton impérieux de ce texte de jeunesse où il prit la défense des modernes, en particulier Delacroix. S’il s'y conforma au genre bien établi des ‘’Salons’’ (ceux de Diderot ou de Théophile Gautier), commentant les principaux envois des artistes regroupés selon les catégories en usage alors : peintures d'Histoire, portraits, peintures de genre, paysages, etc., il développa déjà, par touches, une esthétique personnelle qui reposait sur une idée fondamentale : les artistes de son temps, jugeait-il, se préoccupaient trop de métier («Moins I'ouvrier se laisse voir dans une oeuvre et plus l'intention en est pure et claire, plus nous sommes charmés.») et finissaient par sacrifier I'indispensable originalité au savoir-faire ; c'est la «naïveté» qui leur manquait le plus, toute sa critique à cette époque-là tournant autour de ce concept (que Diderot, à la fin de ses ‘’Pensées détachées sur la peinture’’, avait déjà sollicité). Pour lui, est «naïf» I'artiste qui laisse parler son tempérament, au moyen ou en dépit de tout ce qu'il a pu apprendre et de toutes les influences qu'il peut recevoir. ll y a une nature créatrice, liée à I'individualité profonde de chaque personne : savoir la retrouver et I'exprimer constitue, pour I'artiste, la qualité la plus précieuse. Aussi Delacroix fut-il célébré, avec enthousiasme, pour son «originalité», tout comme Corot d'ailleurs, et le peintre Haussoulier, aujourd'hui oublié. Mais cette conception romantique de I'individu artiste, qui implique une critique radicale de tout académisme, se heurta à une autre idée, qui apparut soudain dans la conclusion de ce premier ‘’Salon’’ : «Celui-là sera le peintre, le vrai peintre, qui saura arracher à la vie actuelle son côté épique, et nous faire voir et comprendre, avec de la couleur ou du dessin, combien nous sommes grands et poétiques dans nos cravates et nos bottes vernies.» Pour cela, pour «compléter Balzac», comme le poète allait l'écrire bientôt, la «naïveté» ne suffit pas. Cette première publication, où il fit preuve d’une maîtrise étonnante, qui révélait d’emblée la maturité de son jugement, passa tout à fait inaperçue, sauf des jeunes chroniqueurs (Auguste Vitu, Marc Fournier) qui surent déceler déjà un grand esthéticien, continuateur de Diderot et Stendhal. Pour des motifs inconnus, Baudelaire aurait voulu détruire cette édition dont les exemplaires sont effectivement très rares. _________________________________________________________________________________ En 1845, le peintre et musicien Fernand Boissard de Boisdenier s’installa au premier étage de l'hôtel Pimodan. Dans ses vastes salons, il donna de brillantes et fastueuses soirées. Ayant formé un ‘’Club des haschischins’’, il organisait des «fantasias» de dawamesk, pâte de haschisch mâtinée de miel et de cantharide, qui étaient des séances de découverte de la drogue qui se faisaient sous le contrôle du docteur Moreau, de Tours. Y participaient régulièrement Balzac, Nerval ou Gautier, qui raconta ces soirées, «avec leurs extases, leurs rêves, leurs hallucinations, suivis de si profonds accablements», et qui révéla que Baudelaire s’était surtout contenté d’observer. On pense que le dandy hautain aurait préféré consommer en solitaire, mais très modérément, de «cette pommade verdâtre», de ce «bienheureux poison» qu’il allait dénoncer plus tard, dans ‘’Les paradis artificiels’’. Il reste qu’il fut fasciné par la «béatitude poétique» dispensée par la drogue. Le 25 mai 1845, furent publiés dans ‘’L’artiste’’ (que dirigeait Arsène Houssaye), quatre sonnets, dont trois étaient signés Privat d’Anglemont (étaient-ils de Baudelaire comme on l’a dit?), l’autre Baudelaire-Dufays : c’était "À une dame créole", poème qu’il avait écrit à l'Île Maurice. Le 30 juin, Baudelaire envoya au notaire Narcisse Ancelle ce qu’on appelle la «lettre du suicide» où il annonçait : «Je me tue parce que je ne puis plus vivre […] Je me tue parce que je suis inutile aux autres, et dangereux à moi-même. Je me tue parce que je me crois immortel, et que j’espère...» Au mois de juillet, sans conviction excessive, sous les yeux d’un restaurateur de la rue de Richelieu, il se donna un coup de couteau dans la poitrine. La blessure était insignifiante, mais il fut transporté auprès de sa mère, dans l’hôtel de la place Vendôme, et allait y rester plusieurs mois. Il publia, dans ‘’Le Corsaire-Satan’’ du 24 novembre 1845 : _________________________________________________________________________________ ‘’Comment on paie ses dettes quand on a du génie’’ (1845) Article Baudelaire se laissa aller à railler des écrivains qu’il admirait : Balzac («la plus forte tête commerciale et littéraire du XIXe siècle […] le personnage le plus curieux, le plus cocasse, le plus intéressant et le plus vaniteux des personnages de ‘’La comédie humaine’’ […] ce gros enfant bouffi de génie et de vanité…»), Nerval, Gautier. _________________________________________________________________________________ En octobre 1845, on annonça : «Pour paraître incessamment : ‘’Les lesbiennes’’, par Baudelaire-Dufays», qui devait être son recueil de poèmes. Il ne songeait certainement pas à traiter uniquement un sujet aussi scabreux (les tribunaux de Louis-Philippe y auraient mis bon ordre). Mais ce titre agressif et en majeure partie inexact puisque, dans toute son oeuvre connue, trois poèmes seulement exaltent «la mâle Sapho» et ses dévotes, avait été choisi dans la seule intention de scandaliser le public, de répondre à la vogue du néo-paganisme que défendaient un certain nombre de ses contemporains (dont son ami Nerval), comme à l'esprit Jeune-France qu’on trouvait dans les ‘’Contes immoraux’’ de Pétrus Borel, auteur qu’il appréciait tout particulièrement. Il publia dans ‘’Le Corsaire-Satan’’ : _________________________________________________________________________________ ‘’Le Musée classique du Bazar Bonne-Nouvelle’’ (1846) Article Le Bazar Bonne-Nouvelle était un magasin parisien, situé au 20, boulevard Bonne-Nouvelle, où se tenait une exposition de tableaux que Baudelaire commente dans ce texte. On y lit : «Nous avons entendu maintes fois de jeunes artistes se plaindre du bourgeois, et le représenter comme l’ennemi de toute chose grande et belle. Il y a là une idée fausse qu’il est temps de relever. Il est une chose mille fois plus dangereuse que le bourgeois, c’est l’artiste-bourgeois, qui a été créé pour s’interposer entre le public et le génie : il les cache l’un à l’autre. Le bourgeois qui a peu de notions scientifiques va où le pousse la grande voix de l’artiste bourgeois. Si on supprimait celui-ci, l’épicier porterait E. Delacroix en triomphe.» Commentaire Baudelaire donna un aperçu des narrations qu’il allait faire dans ‘’Petits poèmes en prose’’ : «Un jour, un musicien qui crevait de faim organise un modeste concert ; les pauvres de s’abattre sur le concert ; l’affaire étant douteuse, traité à forfait, deux cents francs ; les pauvres s’envolent, les ailes chargées de butin ; le concert fait cinquante francs, et le violoniste affamé implore une place de sabouleux surnuméraire à la cour des Miracles.» _________________________________________________________________________________ Du 20 au 22 février 1846, Baudelaire donna, dans ‘’L’esprit public’’, en trois feuilletons, une nouvelle intitulée ‘’Le jeune enchanteur, histoire tirée d'un palimpseste d’Herculanum’’. Elle allait figurer dans ses ‘’Oeuvres complètes’’ jusqu’à ce que soit signalée la supercherie : c’était la traduction d’une médiocre nouvelle du révérend George Croly, parue en 1836 en Angleterre sous le même titre. Si, sa connaissance de l’anglais étant encore très imparfaite, les contresens n’y manquent pas, il montrait déjà son habileté de transcripteur par l’aisance et l’élégance de sa version. Il publia dans ‘’Le Corsaire-Satan’’ du 3 mars 1846 : _________________________________________________________________________________ ‘’Choix de maximes consolantes sur l'amour’’ (1846) Article Après le traité ‘’De l’amour’’ de Stendhal et les préceptes romantiques, Baudelaire voulait démystifier l'amour et l'inspiration poétique. Ainsi, il observait que l’association des idées pouvait, en unissant par hasard le spectacle de «l’affreuse croûte de la petite vérole» sur le visage aimé, et l’audition d’un air de Paganini, les rendre inséparables : «Dès lors, les traces de la petite vérole feront partie de votre bonheur et chanteront toujours à votre regard attendri l’air mystérieux de Paganini.» Il considérait que «la bêtise est souvent l'ornement de la beauté ; c'est elle qui donne aux yeux cette limpidité morne des étangs noirâtres, et ce calme huileux des mers tropicales. La bêtise est toujours la conservation de la beauté ; elle éloigne les rides ; c'est un cosmétique divin qui préserve nos idoles des morsures que la pensée garde pour nous, vilains savants que nous sommes !» _________________________________________________________________________________ Baudelaire fit paraître dans ‘’L’esprit public’’ du 15 avril 1846 : _________________________________________________________________________________ ‘’Conseils aux jeunes littérateurs’’ (1846) Article Baudelaire, à l’âge de vingt-cinq ans, prenait, sans sourciller, avec une ironie qui se rapproche davantage du cynisme, avec aussi beaucoup de finesse et une vive saveur, le rôle de dispensateur de préceptes dont il prétendait qu’ils étaient «le fruit de l'expérience». Il mettait en garde les auteurs débutants contre la tentation de s’embourgeoiser à une époque où les grandes passions de l’âge romantique se heurtaient à un ordre social soucieux avant tout de confort matériel. Il affirma : «Tout homme bien portant peut se passer de manger pendant deux jours, - de poésie, jamais.» _________________________________________________________________________________ ‘’Le salon de 1846’’ (1846) Essais de critique d’art Baudelaire dédicaça son œuvre aux «bourgeois», leur disant : «Vous pouvez vivre trois jours sans pain ; - sans poésie, jamais. […] vous avez besoin d’art.» Il ne se contenta pas de passer en revue les tableaux exposés. Il aborda des idées générales dans différents chapitres : 1. ‘’À quoi bon la critique?’’ Il y déclara : «Je crois sincèrement que la meilleure critique est celle qui est amusante et poétique ; non pas celle-ci, froide et algébrique, qui, sous prétexte de tout expliquer, n’a ni haine ni amour, et se dépouille volontairement de toute espèce de tempérament ; mais, - un beau tableau étant la nature réfléchie par un artiste, – celle qui sera ce tableau réfléchi par un esprit intelligent et sensible. Ainsi le meilleur compte rendu d’un tableau pourra être un sonnet ou une élégie.» 2. ‘’Qu’est-ce que le romantisme?’’ Il répondit : «Le romantisme n'est précisément ni dans le choix des sujets ni dans la vérité exacte, mais dans la manière de sentir [...] Qui dit romantisme dit art moderne, - c'estàdire intimité, spiritualité, couleur, aspiration vers l'infini, exprimées par tous les moyens que contiennent les arts.» - «Pour moi, le romantisme est I'expression la plus récente, la plus actuelle du beau.» 3. ‘’De la couleur’’, chapitre où il évoqua un passage de Hoffmann où celui-ci déclarait trouver «une analogie et une réunion intime entre les couleurs, les sons et les parfums». 4. ‘’Eugène Delacroix’’, chapitre où il le loua longuement, évoquant «cette mélancolie singulière et opiniâtre» qui faisait de lui non seulement «le plus digne représentant du romantisme», mais aussi «le chef de l'école moderne» et «le vrai peintre du XXe siècle» parce qu'il savait mieux qu'un autre exprimer la «haute et sérieuse mélancolie» de ce siècle, appréciant qu’il parte «de ce principe, qu’un tableau doit avant tout reproduire la pensée intime de l’artiste, qui domine le modèle, comme le créateur la création.» Il admira ‘’Les femmes d’Alger’’, disant que c’est «son tableau le plus coquet et le plus fleuri. Ce petit poème d’intérieur, plein de repos et de silence, encombré de riches étoffes et de brimborions de toilette, exhale je ne sais quel haut parfum de mauvais lieu qui nous guide assez vite vers les limbes insondées de la tristesse». À propos de ses paysages, il nota : «Les nuages [...] sont d’une grande légèreté ; et cette voûte d'azur, profonde et lumineuse, fuit à une prodigieuse hauteur. Les aquarelles de Bonington sont moins transparentes.» Il s’opposa à la comparaison devenue courante entre le peintre et Victor Hugo, car, disait-il, «si ma définition du romantisme (intimité, spiritualité, etc.) place Delacroix à la tête du romantisme, elle en exclut naturellement M. Victor Hugo», ajoutant : «M. Victor Hugo, dont je ne veux certainement pas diminuer la noblesse et la majesté, est un ouvrier beaucoup plus adroit qu’inventif, un travailleur bien plus correct que créateur», se moquant même : «M. Hugo était naturellement académicien avant que de naître, et si nous étions encore au temps des merveilles fabuleuses, je croirais volontiers que les lions verts de l’Institut, quand il passait devant le sanctuaire courroucé, lui ont murmuré d’une voix prophétique : ‘’Tu seras de l’Académie ‘’! Excellent artiste, il lui manque, pour être un vrai romantique, la naïveté du génie. Il ne laisse rien à deviner, car il prend tant de plaisir à montrer son adresse, qu'il n'omet pas un brin d’herbe ni un reflet de réverbère. Delacroix ne s'attache pas ainsi au détail. Dans ses oeuvres, il ouvre de profondes avenues à I'imagination la plus voyageuse». Plus sérieusement, il statua : «Il n'y a pas de hasard dans l'art, non plus qu'en mécanique. Une chose heureusement trouvée est la simple conséquence d'un bon raisonnement, dont on a quelquefois sauté les déductions intermédiaires, comme une faute est la conséquence d'un faux principe. Un tableau est une machine dont tous les systèmes sont intelligibles pour un œil exercé ; où tout a sa raison d'être, si le tableau est bon.» 5. ‘’Des sujets amoureux de M. Tassaert’’, chapitre où on lit : «Bien des fois je me suis pris à désirer, devant ces innombrables échantillons du sentiment de chacun, que le poète, le curieux, le philosophe, puissent se donner la jouissance d’un musée de l’amour, où tout aurait sa place, depuis la tendresse inappliquée de sainte Thérèse jusqu’aux débauches sérieuses des siècles ennuyés.» 6. ‘’De quelques coloristes’’. 7. ‘’De l’idéal et du modèle’’, chapitre où il affirmait : «L'idéal n'est pas cette chose vague, ce rêve ennuyeux et impalpable qui nage au plafond des académies ; un idéal, c'est I'individu redressé par I'individu, reconstruit et rendu par le pinceau ou le ciseau à l'éclatante vérité de son harmonie native.» 8. ‘’De quelques dessinateurs’’. 9. ‘’Du portrait’’. 10. ‘’Du chic et du poncif’’. 11. ‘’De M. Horace Vernet’’, peintre qu’il mit plus bas que terre, le stigmatisant comme «l’antithèse absolue de l’artiste». 12. ‘’De l’éclectisme et du doute’’, chapitre où il donnait cette définition : «Un éclectique est un navire qui voudrait marcher avec quatre vents […] Un éclectique ignore que la première affaire d'un artiste est de substituer l'homme à la nature et de protester contre elle. Cette protestation ne se fait pas de parti pris, froidement, comme un code ou une rhétorique, elle est emportée et naïve, comme le vice, comme la passion, comme l'appétit.» 13. ‘’De M. Ary Scheffer et des singes du sentiment’’, chapitre où il fit de ce triomphateur officiel du ‘’Salon’’ un véritable éreintement, le traitant de «singe du sentiment», affirmant : «La poésie n’est pas le but immédiat du peintre […] Chercher la poésie de parti pris dans la conception d’un tableau est le plus sûr moyen de ne pas la trouver. Elle doit venir à l’insu de l’artiste. Elle est le résultat de la peinture elle-même ; car elle gît dans l’âme du spectateur, et le génie consiste à l’y éveiller.» 14. ‘’De quelques douteurs’’. 15. ‘’Du paysage’’ où il écrivait à propos de Théodore Rousseau : «Qu'on se rappelle quelques paysages de Rubens et de Rembrandt, qu'on y mêle quelques souvenirs de peinture anglaise et qu’on suppose, dominant et réglant tout cela, un amour profond et sérieux de la nature, on pourra peut-être se faire une idée de la magie de ses tableaux.» 16. ‘’Pourquoi la sculpture est ennuyeuse’’, chapitre où il disait la considérer comme un «art de Caraïbes». 17. ‘’Des écoles et des ouvriers’’. 18. ‘’De I'héroïsme de la vie moderne’’, chapitre où il fit l'éloge de I'habit noir et de la redingote, affirma : «La vie parisienne est féconde en sujets poétiques et merveilleux. Le merveilleux nous enveloppe et nous abreuve comme l’atmosphère ; mais nous ne le voyons pas.», et termina en s’écriant : «Ô Honoré de Balzac, vous le plus héroïque, le plus singulier, le plus romantique et le plus poétique parmi tous les personnages que vous avez tirés de votre sein.» Commentaire Dans ce ‘’Salon’’, beaucoup plus important que le précédent, conçu comme un véritable essai, Baudelaire s'écarta délibérément des règles traditionnelles du genre. Il mit en place une véritable rhétorique. Ne se contentant pas d'un rapport des courants esthétiques, il amorça une réflexion plus large sur l'art et ses thématiques. Il retrouva et approfondit le thème de la «naïveté», car, pour lui, c'est le tempérament profond de I'artiste qui reflète I'esprit de son temps. Mais il sembla perdre de vue le programme très concret qu'il assignait au «vrai peintre moderne». Une fois de plus, lui, dont la maturité et la perspicacité s’accusaient du fait de sa rencontre avec Delacroix et de ses visites à son atelier établi alors rue Notre-Dame de Lorette, lui accorda une place éminente. Cependant, il n’oublia pas, même s'il ne l'écrivit pas, que le peintre ne se souciait aucunement de représenter des scènes de son époque, et leur préférait celles que lui inspiraient I'Histoire et la littérature. ll semble qu’il acceptait ainsi deux conceptions de la modernité, sans les relier clairement ni se préoccuper de ce qui pouvait les opposer ; on peut y voir un effet de sa situation historique, entre le romantisme finissant et I'essor du mouvement réaliste. Sa réflexion sur «la vie parisienne» annonçait les ‘’Tableaux parisiens’’ des ‘’Fleurs du mal’’ et bien des ‘’Petits poèmes en prose’’ (ou ‘’Le spleen de Paris’’). On peut encore relever ces réflexions : «Tout livre qui ne s'adresse pas à la majorité, nombre et intelligence, est un sot livre.» - «Dans le sens le plus généralement adopté, Français veut dire vaudevilliste, et vaudevilliste un homme à qui Michel-Ange donne le vertige et que Delacroix remplit d'une stupeur bestiale, comme le tonnerre certains animaux. Tout ce qui est abîme, soit en haut, soit en bas, le fait fuir prudemment. Le sublime lui fait toujours l'effet d'une émeute, et il n'aborde même son Molière qu'en tremblant et parce qu'on lui a persuadé que c'était un auteur gai.» Sa sévérité à l’égard de Victor Hugo pourrait s’expliquer par le fait qu’il n’était pas encore l’auteur ni des ‘’Contemplations’’, ni des ‘’Châtiments’’, ni de ‘’La légende des siècles’’. _________________________________________________________________________________ Au dos du ‘’Salon de 1846’’ étaient de nouveau annoncées à paraître ‘’Les lesbiennes’’ ainsi que ‘’Le catéchisme de la femme aimée’’, un traité de morale qui ne fut jamais écrit. Toujours sous le pseudonyme de Charles Defaÿs, Baudelaire publia les poèmes ‘’L’impénitent’’ (devenu ‘’Don Juan aux enfers’ ‘) et ‘’À une Indienne’’ (devenu ‘’À une Malabaraise’’). Il proposa à la ‘’Revue de Paris’’ une nouvelle qui fut refusée puis, grâce aux bons soins de Charles Asselineau, acceptée par le “Bulletin de la société des gens de lettres”, qui la publia en janvier 1847 sous le pseudonyme de Charles Defaÿs : _________________________________________________________________________________ “ |
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