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La Fanfarlo” (1847) Nouvelle Madame de Cosmelly, en promenade dans le jardin du Luxembourg, croise un ami d’enfance, Samuel Cramer. Elle lui confie ses déboires matrimoniaux : M. de Cosmelly la délaisse pour une autre femme, une danseuse qu’on appelle «la Fanfarlo». Samuel Cramer s’engage à mettre un terme à cette idylle. Mais rapidement lui-même s’éprend de cette troublante Fanfarlo… Commentaire Cette nouvelle, la seule que Baudelaire ait jamais composée, est généralement considérée comme sa première véritable oeuvre de création. Il emprunta le canevas au roman ‘’La grande coquette’’, de son ami Alexandre Privat d’Anglemont. Et les traits de la Fanfarlo furent sans doute inspirés des charmes de Lola de Montès (une danseuse exotique, actrice et courtisane d'origine irlandaise, qui défraya la chronique parisienne de 1845 à 1846). Mais c’est surtout un petit chef-d’œuvre d’analyse psychologique à mi-chemin entre Balzac et Mérimée. Dans le portrait ironique, satirique, de Samuel Cramer, on reconnaît une sorte de double de Baudelaire qui précisa d’ailleurs à son sujet : «Je n'ai eu d'autre besogne que de changer les noms et d'accentuer les détails.» Dans l’illustration qu’il fit lui-même de sa nouvelle par un dessin au crayon, au portrait de la Fanfarlo, il adjoignit son propre profil, ce qui semble confirmer cette identification. Samuel Cramer est, comme Baudelaire, «une nature ténébreuse, bariolée de vifs éclairs - paresseuse et entreprenante à la fois -, féconde en desseins difficiles et en risibles avortements -, esprit chez qui le paradoxe prenait souvent les proportions de la naïveté, et dont l'imagination était aussi vaste que la solitude et la paresse absolues», un dandy, se regardant dans tous les miroirs, successeur et héritier du héros romantique (avant de sortir, il «souffla résolument ses deux bougies dont I'une palpitait encore sur un volume de Swedenborg» [philosophe suédois [1688-1772] qui considérait que le monde est un écho de la vie divine, que le visible renvoie à l’invisible, que le monde matériel, où chaque chose se pénètre l’une par l’autre, se rattache au monde spirituel]), un «comédien par tempérament» qui «jouait pour lui-même et à huis clos d’incomparables tragédies», un poète manqué, un écrivain raté, qui joue avec lui-même, un esprit versatile : «Comme il avait été dévot avec fureur, il fut athée avec passion. Il était à la fois tous les artistes qu'il avait étudiés et tous les livres qu'il avait lus, et cependant, en dépit de cette faculté comédienne, restait profondément original.» Il est «le dieu de l’impuissance - dieu moderne et hermaphrodite, - impuissance si colossale et si énorme qu’elle en est épique.» Baudelaire notait «les complications bizarres de ce caractère», qui «aimait un corps humain comme une harmonie matérielle, comme une belle architecture, plus le mouvement […] Ce matérialisme absolu n’était plus loin de l’idéalisme le plus pur». On y trouvait déjà le motif du voyageur désabusé qui allait reparaître dans ‘’Le voyage’’ : «Nous ressemblons tous plus ou moins à un voyageur qui aurait parcouru un très grand pays, et regarderait chaque soir le soleil, qui jadis dorait superbement les agréments de la route, se coucher dans un horizon plat. […] Il reprend tristement sa route vers un désert qu’il sait semblable à celui qu’il vient de parcourir, escorté par un pâle fantôme qu’on nomme Raison, qui éclaire avec une pâle lanterne l’aridité de son chemin, et pour étancher la soif renaissante de passion qui le prend de temps en temps, lui verse le poison de l’ennui. » Pour Sartre (‘’Baudelaire’’), cette «œuvre de prime jeunesse frappe de stupeur : tout est déjà là, les idées et la forme. Les critiques ont souvent noté la maîtrise de cet écrivain de vingt-trois ans. À partir de là, il ne fait que se répéter.» La nouvelle fut à nouveau publiée en 1849, cette fois sous le nom de Charles Baudelaire. _________________________________________________________________________________ En janvier 1847, Baudelaire lut, dans ‘’La démocratie pacifique’’ (périodique fouriériste avec lequel il était resté en relation quelque temps, ayant même essayé d’y placer de la copie), la nouvelle d'Edgar Poe, ‘’Le chat noir", qui avait été traduite par une certaine Isabelle Meunier. Il ressentit «une commotion singulière» (lettre à Armand Fraisse, obscur critique lyonnais). Il fut d’abord intéressé par le côté «surnaturaliste» (il désignait par «surnaturalisme» le refus du réalisme, qui prétend réduire le quotidien à sa banalité sous prétexte d’en respecter «la vérité» ; l’exploration des profondeurs insolites, fantastiques, spirituelles) et swedenborgien de l’œuvre de l’écrivain américain. Il en entreprit, avec ce qui lui restait de l’anglais que lui avait enseigné sa mère, et avec un dictionnaire insuffisant, avec l’aide aussi du limonadier anglais qui avait sa boutique en bas de chez lui (lorsqu’il sentait un mot résister au passage d’une langue à l’autre, il descendait immédiatement trouver le brave homme, qui le dépannait !), une traduction de son cru, véritable recréation. Et, en Poe qui, avec sa rêverie lucide, ses délires, ses excentricités, son «guignon», sa fascination du mal (qu’il appelait «le démon de la perversité») et ses aspirations menées à bien à travers les mêmes brouillards, en dépit des mêmes tares, était maudit en son pays et inconnu en France, il découvrit «l'écrivain des nerfs», un esprit qui était frère du sien, mystérieusement accordé avec son génie et son destin. Il lui révéla certaines valeurs que jusqu’alors la peinture de Delacroix lui avait fait seulement entrevoir : la beauté de la pourriture et de ses phosphorescences, la perversité naturelle de l’être humain, sa soumission à une force primitive, irrésistible, qui le pousse vers le gouffre qui attire autant qu’il épouvante, installe l’absurde au cœur de l’intelligence, fait que l’hystérie usurpe la place de la volonté, et détermine des états d’une intensité inouïe. Il lui indiqua que le mal est, pour nous arracher à l’enlisement et au spleen, pour dégager en nous certaines puissances cachées, pour nous mener au-delà de nos propres limites, une voie qui vaut bien l’autre, qui permet «l’expansion», qui est l’infini retrouvé. Il lui apprit surtout que le vrai domaine du poète, c’est le rêve par lequel il pénètre dans les régions ténébreuses et splendides de l’au-delà, le rêve qui est la seule réalité. Il allait avoir avec cet intercesseur une complicité d’autant plus grande qu’ils avaient une conception identique de l'art (le théoricien de la poétique qu’était Poe l’influença, le confirma dans ses idées). Ébahi, il constatait que l’Américain avait écrit tous les poèmes, toutes les nouvelles qu’il aurait lui-même aimé écrire. Il allait occuper son esprit, tous les jours, durant dix-huit ans, car il allait, avec ferveur, traduire et préfacer presque toute son œuvre, activité qui fut, du reste, relativement lucrative. Il fréquenta même, pour mieux communier avec lui, une taverne anglo-saxonne du faubourg Saint-Honoré où l’on servait du whisky ! Le 23 janvier 1847, on annonça : «Pour paraître prochainement : ‘’Les lesbiennes’’ par Pierre de Fayis». Le 18 août, Baudelaire vit, sur la scène du théâtre de la Porte Saint-Martin, dans un mélodrame inspiré de Mme d’Aulnoy, ‘’La belle aux cheveux d’or’’, une jeune et belle comédienne débutante peu farouche, qui avait effectivement des cheveux d'or, mais aussi de mystérieux yeux verts et de «plantureuses épaules», nommée Marie Daubrun. Il s’éprit d’elle qui incarnait pour lui l’amour idéalisé quoique baigné de sensualité, semblant chercher en elle l’oubli de ses précédents tourments amoureux. Il lui envoya une lettre passionnée : «Par vous, Marie, je serai fort et grand. Comme Pétrarque, j’immortaliserai ma Laure. Soyez mon Ange gardien, ma Muse et ma Madone, conduisez-moi sur la route du Beau». Il lui jura «I'amour du chrétien pour son Dieu». Leur liaison, intermittente mais tendrement sincère, allait durer quelque dix ans. Mais il n’est pas sûr qu’elle fut sa maîtresse, d’autant plus qu’elle aimait Théodore de Banville qui écrivit pour elle le poème ‘’La divine courtisane’’ où il affirmait que, dans sa poitrine, dormait un coeur calme et héroïque dont rien ne troublait la pureté, et que ne faisaient pas battre les plaisirs terrestres. Elle fut pour Baudelaire plus une sœur qu’une amante : «Mon enfant, ma sœur / Songe à la douceur / D’aller là-bas vivre ensemble» (‘’L’invitation au voyage’’). Il lui consacra un cycle de poèmes où se dessina la critique de sa froideur sinon de sa frigidité : ‘’Chant d’automne’’, ‘’Le poison’’, ‘’Ciel brouillé’’, ‘’L’invitation au voyage’’, “Sonnet d'automne” («Ô ma froide Marguerite !...»). Le 28 novembre, Aupick, nommé général de division, devint commandant de l’École polytechnique. Lors des journées insurrectionnelles des 24-26 février 1848 où le peuple de Paris se leva contre le roi, Louis-Philippe, et son ministre, Guizot, ce bourgeois qu’était Baudelaire, qui posait au révolté contre la société dont il refusait les conventions et les impératifs, qui était bien informé de la situation et même des problèmes économiques et sociaux, qui était ému par la misère qu’il rencontrait à chaque pas, s’enflamma pour la république, s'inscrivit dans des clubs républicains, dont ‘’La société républicaine centrale’’ de Blanqui, partagea leurs idées nobles et désordonnées d'un groupe de jeunes artistes peu fortunés qui en étaient encore à la «vie de bohème» et dont il se rapprocha : les écrivains Champfleury, Murger, Barbara, le chansonnier Pierre Dupont, les peintres François Bonvin et Courbet (qui fit alors de lui un portrait où il paraît tel que Théophile Gautier nous le fait voir : «Il avait les cheveux coupés très ras et du plus beau noir ; ces cheveux, faisant des pointes régulières sur le front d’une éclatante blancheur, le coiffaient comme une espèce de casque sarrazin […] le nez fin et délicat aux narines palpitantes»). On reconnaît là les principaux représentants du mouvement qui allait recevoir quelques années plus tard le nom de «réalisme». Baudelaire lui-même apparut comme I'un des leurs dans leurs oeuvres : dans ‘’Les aventures de mademoiselle Mariette’’ (1853) de Champfleury, dans ‘’L’assassinat du Pont-Rouge’’ (1855) de Barbara, dans plusieurs toiles de Courbet. En fait, de la république, il n'avait cure. Cette émeute était, pour lui, une merveilleuse occasion de cracher sa haine de son beau-père, des créanciers, des huissiers et de tous ceux qui l'empêchaient de vivre à sa guise. Quelques années plus tard, il allait, dans ‘’Mon cœur mis à nu’’, analyser les mobiles de son entraînement, ne retenant, comme toujours lorsqu’il se jugeait, que les moins généreux : «Mon ivresse en 1848. De quelle nature était cette ivresse? Goût de la vengeance. Plaisir naturel de la démolition. Ivresse littéraire : souvenir des lectures.» Et, dans ‘’Le voyage’’, il afficha un réel mépris du «peuple amoureux du fouet abrutissant». Le 24, portant un chapeau tromblon, un costume sombre impeccable, des gants blancs, mais aussi, au cou, un foulard rouge, il courut les rues, surexcité par cette effervescence. Rue de Buci, il participa avec la populace au pillage d'une armurerie. Un ami, qui l'aperçut, raconta : «Il portait un beau fusil à deux coups luisant et vierge, et une superbe cartouchière de cuir jaune tout aussi immaculée.» Il participa aux combats de rue. Perché sur une barricade, il tenta de monter la foule contre son beau-père, alors directeur de l'École polytechnique, hurlant : «Allons fusiller le général Aupick !» Mais personne n'écouta cet hurluberlu. Vers midi, Louis-Philippe abdiqua en faveur de son petit-fils. Dans les jours suivants, comme la révolution avait accordé la liberté de la presse, il fonda une petite feuille pamphlétaire, ''Le salut public'', avec deux amis, Champfleury et Toubin. Celui-cii indiqua : «Le choix du titre fut bientôt fait. Baudelaire proposa celui de ''Salut public'', qui me parut trop vif. Mais mes deux collaborateurs me firent remarquer qu'en révolution il faut parler haut pour se faire entendre. La question d'argent présenta un peu plus de difficultés. On était à la fin du mois de février, Champfleury avait juste quarante sous sur lesquels il fallait vivre jusqu'au 1er mars. Baudelaire avoua que, depuis le 6 janvier précédent, il avait épuisé son premier trimestre... Nous pouvions, mon frère, Eugène, et moi, en nous saignant à blanc, disposer de 80 à 90 francs, et ce fut avec cette importante mise de fonds que fut fondé ''Le salut public''.» De son encre au vinaigre, il y écrivit quelques violentes colonnes. Dans le premier numéro, on lit : «Depuis trois jours, la population de Paris est admirable de beauté physique. Les veilles et la fatigue affaissent les corps, mais le sentiment des droits reconquis les redresse et fait porter haut toutes les têtes. Les physionomies sont illuminées d'enthousiasme et de fierté républicaine. Ils voulaient, les infâmes, faire la bourgeoisie à leur image - tout estomac et tout ventre -, pendant que le peuple geignait la faim. Peuple et bourgeoisie ont secoué du corps de la France cette vermine de corruption et d'immoralité ! Qui peut voir des hommes beaux, des hommes de six pieds, qu'il vienne en France ! Un homme libre, quel qu'il soit, est plus beau que le marbre et il n'y a pas de nain qui ne vaille un géant quand il porte le front haut et qu'il a le sentiment de ses droits de citoyen dans le coeur.» Le dandy Baudelaire vêtu d'une blouse grise d'ouvrier goûtant au plaisir de vendre lui-même sa gazette à la criée, rue Saint-André-des-Arts. Mais ne sortirent que deux numéros, le 10 avril et le 6 mai. Faute d'argent, les trois complices durent arrêter la publication. Il devint alors le secrétaire de rédaction de ‘’La tribune nationale’’, «organe des intérêts de tous les citoyens», un journal de tendance plus modérée que le précédent. En avril, à la veille du départ pour Constantinople d’Aupick, qui y avait été nommé par la république ministre plénipotentiaire, Baudelaire eut avec lui une dernière «scène» qui les brouilla complètement : le raide militaire lui reprocha sa laison avec Jeanne Duval. En juin, «prêt à courir au martyre» selon Le Vavasseur, il fut aux côtés des insurgés socialistes trompés par les mensonges de la république conservatrice que prônait Thiers. En juillet 1848, il publia, dans ‘’La liberté de penser’’, revue républicaine et fouriériste, sa première traduction d’Edgar Poe, celle de la nouvelle intitulée ‘’Révélation magnétique’’. Voulant poursuivre sa carrière de journaliste révolutionnaire, et apprenant qu'un groupe d'actionnaires cherchait un rédacteur en chef pour ''Le représentant de l'Indre'', il se rendit à Châteauroux en compagnie de Jeanne Duval, qu'il présenta comme son épouse. Sa première diatribe enflammée dans la gazette lui valut d'être immédiatement congédié. Le président du conseil d'administration du journal lui lança : «Monsieur, vous nous avez trompés ! Mme Baudelaire n'est pas votre femme : c'est votre favorite.» Et le poète de rétorquer avec dédain : «Monsieur, la favorite d'un poète vaut bien la femme d'un notaire !». En novembre, dans ‘’L’écho des marchands de vin’’, qui publiait son poème ‘’Le vin de l’assassin’’, fut annoncée la parution de son recueil. Le titre ‘’Les lesbiennes’’ était abandonné, comme trop voyant peut-être. Était adopté ‘’Les limbes’’, mot alors à la mode, qui définissait, selon Littré, «un lieu retiré, chétif, par opposition à un lieu comparé au paradis» ; qui, pour Fourier, désignait les époques «de début social et de malheur industriel». Le mot suggérait aussi la procrastination dont était coutumier celui qui faisait plus ou moins figure d’écrivain qui n’écrit pas, dont la production était presque entièrement dispersée dans des revues et des journaux, et non sans mal (il nota : «Difficulté pendant très longtemps de me faire comprendre d’un directeur de journal quelconque»). Le 8 décembre, dans une lettre à sa mère, il proclama avec une netteté de courage admirable : «Actuellement, à vingt-huit ans moins quatre mois, avec une immense ambition poétique, je me trouve, moi, séparé à tout jamais du “monde honorable” par mes goûts et par mes principes. Qu'importe si, bâtissant mes rêves littéraires, j'accomplis de plus un devoir, ou ce que je crois un devoir, au grand détriment des idées vulgaires d'honneur, d'argent, de fortune !» Il lui avoua aussi qu’il n’aimait Jeanne Duval «depuis longtemps que par devoir». En janvier 1849, l’auteur dramatique Armand Barthet s’étant pris de querelle avec lui sur une question de littérature, la dispute s’envenima, et il reçut une gifle dont il demeura étonné. Un duel fut décidé. Mais Baudelaire vit le ridicule de l’affaire, et les témoins, gens de bon sens, démissionnèrent tous les quatre successivement. Aussi l’affrontement n’eut-il pas lieu. Le 13 juillet, dans une de ses lettres, apparut pour la première fois le nom du musicien Richard Wagner, dont il annonçait «que l’avenir consacrera le plus illustre parmi les maîtres». Cette année-là, il rencontra Paul-Auguste Poulet-Malassis, fils d'un imprimeur d'Alençon, jeune chartiste, grand bibliophile, qui revenait des pontons de Brest auxquels il avait été condamné sept mois pour sa participation aux émeutes de juin 1848. Ils se lièrent d’une amitié qui allait faire de celui qu’il surnommait affectueusement «Coco mal perché» l'éditeur courageux de ses poèmes. En décembre, déçu par la révolution, rasé de près, le cheveu court, il essaya de vivre en province, à Dijon. Il voulait y écrire des romans pour, avec l’argent qu’ils lui feraient gagner, échapper à ses créanciers. Mais, installé à l’hôtel, il éprouva la mélancolie provinciale, se laissa envahir par l’ennui le plus stérile. Pour comble, sa syphilis se réveilla, et, pour apaiser ses maux de tête et ses douleurs intestinales, il se gorgea du laudanum (de l'opium dilué dans de l'alcool) qui lui avait été prescrit, selon une médication alors très répandue. Mais ce ne fut pas suffisant : il lui fallait Jeanne Duval, et cette mulâtresse fut accueillie par les Dijonnais comme une incongruité supplémentaire de leur hôte. Après avoir passé dans la ville d’un mois et demi à deux mois, il décida de rentrer à Paris. Au début de 1850, il fit copier ses poèmes en «deux volumes cartonnés et dorés», par le calligraphe Palis. En juin et juillet, trois de ses poèmes parurent, dont deux dans ‘’Le magasin des familles’’ (‘’Le vin des honnêtes gens’’ qui allait prendre le titre ’’L’âme du vin’’, et ‘’Châtiment de l’orgueil’’), revue qui annonça la publication «très prochainement» du recueil ‘’Les limbes’’, qui était «destiné à retracer I'histoire des agitations spirituelles de la jeunesse moderne». Cette année-là, il commença à dîner tous les dimanches, avec Nerval, Berlioz, Flaubert, Gautier, Sainte-Beuve, Du Camp, Ryer, Houssaye, Manet, Barbey d’Aurevilly, les frères Goncourt, rue Frochot, chez Apollonie Sabatier (de son vrai nom Aglaé-Joséphine Savatier), une femme de trente ans qui, du fait de sa beauté opulente et fascinante, avait accédé à la haute galanterie, et était richement entretenue par le fils du banquier sir Richard Wallace (qui fit construire dans Paris les fontaines Wallace). Elle tenait un salon de demi-mondaine à la mode, où, soucieuse de sa respectabilité, celle que Théophile Gautier avait surnommée «la présidente», qui avait des dons multiples (elle était peintre, miniaturiste, cantatrice à la voix enchanteresse), recevait avec une grande amabilité peintres et écrivains. Même s’il est difficile de croire que Baudelaire se soit fait beaucoup d'illusions sur sa personne réelle, car elle était saine, pleine de vie et enjouée, éclatante de volupté épanouie, il tomba sous son charme, croyant trouver en elle tout ce qui lui manquait, un amour parfaitement pur, un amour angélique, donc bienfaisant, et ne voulut voir en elle qu’un être spiritualisé sur lequel il fixa un sentiment d'adoration : elle n’était pas une femme, mais «L’Ange gardien, la Muse et la Madone» (‘’Que diras-tu ce soir…’’). Il est vrai qu’il pouvait compenser cette passion anonyme et quasi mystique, qu’il craignait peut-être de voir s’incarner, par son amour pour Marie Daubrun, qui remplaçait provisoirement la chère mulâtresse ! En mars 1851, il donna au “Messager de l'Assemblée” : _________________________________________________________________________________ “ |
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