télécharger 0.6 Mb.
|
Du vin et du hachish [sic] comparés comme moyens de multiplication de l'individualité ” (1851) Essai Baudelaire, admirant le développement de la personnalité que produisent les excitants, s’attache à décrire les comportement sociaux des consommateurs. Montrant un souci de jugement, il prend la défense du vin : «Le vin est semblable à I'homme : on ne saura jamais jusqu'à quel point on peut l'estimer et le mépriser, I'aimer et le haïr, ni de combien d'actions sublimes ou de forfaits monstrueux il est capable. Ne soyons donc pas plus cruels envers lui qu'envers nous-mêmes, et traitons-le comme notre égal.» Tout en reconnaissant que sa consommation ne va pas sans quelques risques, il célèbre ses vertus de façon didactique : il apaise le remords, ranime les souvenirs, noie la douleur, «rend bon et sociable». Il pense donc qu’il faut se méfier des gens qui ne boivent pas de vin : ««N’est-il pas raisonnable de penser que les gens qui ne boivent jamais de vin, naïfs ou systématiques, sont des imbéciles ou des hypocrites. […] Un homme qui ne boit que de l'eau a un secret à cacher à ses semblables.» Le vin est utile à l’artiste, offrant de fructueux résultats, donnant parfois le génie ou la virtuosité à ceux qui en sont dépourvus. S'autorisant du «divin Hoffmann», il distingue les différentes sortes de vins grâce auxquels I'artiste trouve le souffle qui correspond au genre qu'il embrasse. Mais il chante surtout ses bienfaits par sympathie «pour le peuple qui travaille et qui mérite d'en boire» ; le vin est destiné surtout à «l'estomac du travailleur» ; au plus déchu des hommes, le chiffonnier, il permet de s'évader dans des rêves de grandeur. Baudelaire condamne le haschisch parce que, contrairement au vin, il n’incite pas à l’action, et annihile toute volonté ; il est «antisocial», «inutile et dangereux» ; il appartient à la classe des joies solitaires, «est fait pour les misérables oisifs», ne forme «ni des guerriers ni des citoyens». Au chapitre Vl, il va jusqu’à déclarer : «Le goût frénétique de I'homme pour toutes les substances, saines ou dangereuses, qui exaltent sa personnalité, témoigne de sa grandeur. Il aspire toujours à réchauffer ses espérances et à s'élever vers l'infini.» - «Malheur à celui dont le cœur égoïste et fermé aux douleurs de ses frères n’a jamais entendu cette chanson». S’il avoue certains dangers, il s’inquiète seulement, à la suite de Balzac, de l’affaiblissement de la volonté qui suit des débauches trop souvent répétées. Commentaire En cette période où il alla le plus loin dans la voie de l’engagement politique, les considérations sociales I'emportèrent dans sa prise de position en faveur du vin. Mais, s’il passe pour avoir été amateur de bourgogne, si circulèrent des légendes dont il fut lui-même en partie responsable, s’il montra très tôt son intérêt pour le phénomène de l’ivresse, ayant composé dès 1843 les poèmes ‘’Le vin des honnêtes gens’’, ‘’Le vin des chiffonniers’’, ‘’Le vin de l’assassin’’, ses amis les plus proches affirmèrent qu'il usait du vin avec beaucoup de modération, Nadar ayant même déclaré qu'il ne I'avait jamais vu «vider une demi-bouteille de vin pur». En ce qui concerne le haschisch, son expérience personnelle était assez limitée car il n’y goûta qu’en curieux au ‘’Club des Haschischins’’. L’essai était comme une ébauche d’un chapitre des futurs ‘’Paradis artificiels’’ qui allaient être publiés en 1860. Mais il ne l’y fit pas figurer sans doute parce que son sentiment sur l’utilisation de ces drogues avait évolué avec le temps et ses expériences. Et, si cette ébauche abonde en sentences originales et en observations aiguës, le dessin en demeure incertain et confus, et n'a pas cette précision qui allait faire le prix de l’oeuvre postérieure. _________________________________________________________________________________ En avril 1851, Baudelaire fit paraître, en feuilleton dans ‘’Le messager de l’Assemblée’’, sous le titre ‘’Les limbes’’, onze sonnets. Au mois de mai, lui et Jeanne Duval décidèrent de vivre ensemble. Mais elle allait lui imposer d’«insupportables tracasseries» (lettre à sa mère du 27 mars 1852), fouiller dans ses tiroirs, devenir un obstacle à son travail. Le 18 juin, le général Aupick, qui avait refusé en février l’ambassade de Londres, fut nommé ambassadeur à Madrid. Son épouse, de retour de Constantinople, de passage à Paris, trouva son fils dans un grand dénuement, et il lui fit part de son découragement : «Mon livre de poésies ! je sais qu’il y a quelques années il aurait suffi à la réputation d’un homme. Il eût fait un tapage de tous les diables. Mais aujourd’hui, les conditions, les circonstances, tout est changé.» En juillet, après un séjour à Neuilly, il s’installa 25 rue des Marais-du-Temple. Fin août, il écrivit une préface aux ‘’Chants et chansons’’ de Pierre Dupont, auteur du “Chant des ouvriers”, où on lit : «C’est une grande destinée que celle de la poésie ! / Joyeuse ou lamentable, elle porte toujours en soi le divin caractère utopique. Elle contredit sans cesse le fait, à peine de ne plus être. Dans le cachot, elle se fait révolte ; à la fenêtre de l’hôpital, elle est ardente espérance de guérison ; dans la mansarde déchirée et malpropre, elle se pare, comme une fée, de luxe et d’élégance ; non seulement elle constate mais elle répare. Partout elle se fait négation de l’iniquité.» - «Si rhéteur qu'il faille être, si rhéteur que je sois et si fier que je sois de l'être, pourquoi rougirais-je d’avouer que j’ai été profondément ému.» - «L’immense appétit que nous avons pour les biographies naît d’un sentiment profond de l’égalité.» - «Il faut s’assimiler une œuvre pour la bien exprimer.» Il collaborait à “La république du peuple”, mais le journal “Le pays” lui refusa des articles sur la caricature. Vers le 15 octobre 1851, il se procura les essais d’Edgar Poe. L’écrivain américain allait lui inspirer un mépris nouveau de la démocratie, du progrès, de la «civilisation». Le 27 novembre 1851, il publia, dans ‘’La semaine théâtrale’’ : _________________________________________________________________________________ "Les drames et les romans honnêtes" (1851) Essai Baudelaire s’inspire du conflit littéraire entre, d’une part, les romantiques, débordants de grands sentiments, et, d’autre part, «l’école du bon sens, l’école exclusivement morale», représentée par, entre autres, François Ponsard et Émile Augier, qui s’attachait, dans des drames et des romans dits «honnêtes», à retrouver les valeurs du classicisme, prônait un retour à la morale et aux préceptes vertueux. Il leur reproche de fausser la réalité en la simplifiant, de fausser la morale elle-même en faisant croire que «le crime est toujours châtié, la vertu gratifiée». Il s’amuse de l’hypocrisie de ces chastes histoires alors présentées sur les scènes parisiennes, qui prenaient la défense de la vertu. Il se fait nettement didactique : «L'art est-il utile? Oui. Pourquoi? Parce qu'il est l'art. Y a-t-il un art pernicieux? Oui. C’est celui qui dérange les conditions de la vie. Le vice est séduisant, il faut le peindre séduisant ; mais il traîne avec lui des maladies et des douleurs morales singulières. Il faut les décrire. Étudiez toutes les plaies comme un médecin qui fait son service dans un hôpital, et l’école du bon sens, l’école exclusivement morale, ne trouvera plus où mordre. Le crime est toujours châtié, la vertu gratifiée? Non ; mais cependant si votre roman, si votre drame est bien fait, il ne prendra envie à personne de violer les lois de la nature. La première condition nécessaire pour faire un art sain est la croyance à l’unité intégrale. Je défie qu’on me trouve un seul ouvrage d’imagination qui réunisse toutes les conditions du beau et qui soit un ouvrage pernicieux.» Il refuse l’engagement de l’écrivain dans les luttes sociales de son temps. Finalement, il rêve d’une utilité plus haute, qui ne doive rien aux besoins immédiats. Il n’approuve pas, sinon à titre de réaction contre «la sotte hypocrisie bourgeoise», la déclaration de Théophile Gautier dans sa préface à ‘’Mademoiselle de Maupin’’ : «Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien, tout ce qui est utile est laid», déclaration par laquelle il affichait son mépris de la morale et de l’utilité sociale, au profit de l’art pour l’art. Commentaire En fait de drames et de romans, Baudelaire n’avait écrit que quelques ébauches pour le théâtre, et qu’une nouvelle, ‘’La Fanfarlo’’. Mais cette critique littéraire prouve la qualité de son jugement sur les productions théâtrales et romanesques de son époque. Dans son refus de la littérature morale comme de la littérature engagée, il se rapprochait du mouvement parnassien dont, plus tard, cependant, il condamna le culte excessif de la forme. _________________________________________________________________________________ Le 2 décembre 1851, eut lieu le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte. Baudelaire participa alors aux combats de rue. Dans une note de ‘’Mon ceur mis à nu’’, on lit : «Ma fureur au coup d’État. Combien j’ai essuyé de coups de fusil ! Encore un Bonaparte. Quelle honte !» Mais, s’il partagea la haine de Gustave Flaubert et de Victor Hugo pour Napoléon III, il perdit tout optimisme et, «physiquement dépolitiqué» (lettre à maître Ancelle), ne s'engagea guère dans son œuvre, écrivant dans son poème, ‘’Paysage’’ : «L'Émeute, tempêtant vainement à ma vitre / Ne fera pas lever mon front de mon pupitre». En fait, cette année-là, il avait découvert l'œuvre de Joseph de Maistre, dans lequel il vit «le grand génie de notre temps, un voyant» (lettre à l’écrivain et journaliste Alphonse Toussenel, du 21 janvier 1856). Il disait qu’il lui avait «appris à penser». Le philosophe, qui avait été un adversaire résolu de la Révolution, renforça son goût pour une solitude aristocratique. Sous son influence, il commença à considérer la politique comme soumise à la providence, faisant figure de réactionnaire à un moment où les intellectuels se devaient d'être républicains, faisant profession de cléricalisme, parce que l'anticléricalisme lui apparaissait comme une marque démagogique de mauvaise éducation, dénonçant la croyance au progrès, la confusion du progrès matériel et du progrès moral. Il songea à revenir à la littérature de fiction afin de «poursuivre le rêve supérieur de l’application de la métaphysique au roman» (lettre à Poulet-Malassis, du 20 mars 1852). Mais ses nombreux projets restèrent à l’état d’ébauches ou même de simples titres. Lui, qui avait un temps adhéré, comme un certain nombre de ses contemporains, au néo-paganisme, le 22 janvier 1852, publia dans ‘’La semaine théâtrale’’ : _________________________________________________________________________________ ‘’L’école païenne’’ (1852) Article Dans ce texte sarcastique, Baudelaire se moque des jeunes écrivains qui prônent un retour à la Grèce antique, cherchent non seulement à ressusciter les mythes grecs et à leur donner une signification moderne mais encore à restaurer un certain panthéisme ou tout au moins un culte de la Nature d’esprit tout à fait païen, tandis qu’il préfère croire désormais que le péché originel a souillé jusqu’à la Nature, qu’il affirme : «Le temps n'est pas loin où l'on comprendra que toute littérature qui se refuse à marcher fraternellement entre la science et la philosophie est une littérature homicide et suicide.» Il reproche aussi aux tenants de «l’école païenne» leur abus de «plastique», et considère qu’en surexcitant les facultés esthétiques, ils sont moralement dangereux : «Le goût immodéré de la forme pousse à des désordres monstrueux et inconnus» - «L’absence nette du juste et du vrai dans l’art équivaut à l’absence d’art». _________________________________________________________________________________ Le 1er février, ‘’La semaine théâtrale’’, pour son dernier numéro, publia les poèmes ‘’Le crépuscule du matin’’ et ‘’Le crépuscule du soir’’. Baudelaire, qui faisait de nombreuses lectures d’Edgar Poe, qui, le 27 mars 1852, avec cinq ans de retard, indiqua à sa mère (à laquelle il écrivait fréquemment, mais plutôt pour lui raconter ses «bobos», et lui redemander de l'argent) : «J'ai trouvé un auteur américain qui a excité en moi une incroyable sympathie, et j'ai écrit deux articles sur sa vie et ses ouvrages [...] C'est écrit avec ardeur [...] Tu y découvriras sans doute quelques lignes d'une très extraordinaire surexcitation [...] J'avais beaucoup oublié l'anglais, ce qui rendait la besogne encore plus difficile. Mais maintenant, je le sais très bien.», publia dans “La revue de Paris” en mars et avril 1852 : _________________________________________________________________________________ ‘’Edgar Poe. Sa vie et ses ouvrages’’ (1852) Essai Dans cette «curieuse biographie apologétique», on trouve surtout des renseignements biographiques. Mais Baudelaire porte aussi des jugements. Pour lui, cet écrivain, vivant «dans un pays où l'idée d'utilité, la plus hostile du monde à l'idée de beauté, prime et domine toute chose», dut entrer dans «la vie littéraire, le seul élément où puissent respirer certains êtres déclassés». Il pense qu’il «ne soutenait pas, comme certains sectaires fanatiques insensés de Goethe et autres poètes marmoréens et anti-humains, que toute chose belle est essentiellement inutile ; mais il se proposait surtout pour objet la réfutation de ce qu’il appelait spirituellement ‘’la grande hérésie poétique des temps modernes’’. Cette hérésie, c’est l’idée d’utilité directe.» ; que, «Du sein d’un monde goulu, affamé de matérialisme, [il] s’est élancé vers le rêve». À ses yeux, celui qui considérait «le Progrès, la grande idée moderne, comme une extase de gobe-mouches», «représente presque à lui seul le mouvement romantique de l'autre côté de l'Océan.» Il ajoute : «Il est le premier Américain qui, à proprement parler, ait fait de son style un outil. Il doubla l'idéal romantique d'une volonté de conscience claire, même si, à l'allégorie (décodable terme à terme), il opposa la suggestion d'un sens caché.» Il le définit avec netteté : «Edgar Poe n'est pas spécialement un poète et un romancier ; il est poète, romancier et philosophe. Il porte le double caractère de l'illuminé et du savant. Qu'il ait fait quelques oeuvres mauvaises et hâtives, cela n'a rien d'étonnant, et sa terrible vie l'explique ; mais ce qui fera son éternel éloge, c'est la préoccupation de tous les sujets réellement importants, et seuls dignes de l'attention d'un homme spirituel.» Il ose cette comparaison : «Je dirais volontiers de lui ce que le catéchisme dit de notre Dieu : ‘’Il a beaucoup souffert pour nous’’». Il remarque encore qu’«Edgar Poe aimait les rythmes compliqués, et, quelque compliqués qu'ils fussent, il y enfermait une harmonie profonde.» Il signale aussi qu’«il avait trop souvent besoin d’argent pour se livrer à cette voluptueuse et infructueuse douleur». Il parle de son ivrognerie et de sa mort en crise de «deliriurn tremens», pensant qu’il aurait dû apprendre à boire «comme un littérateur soigneux s'exerce à faire des cahiers de notes», que l’alcool fut pour lui moins une source d'oubli ou de «multiplication de l'individualité», qu'un moyen de révolte contre son siècle et son milieu, que son ivrognerie avait été «un moyen mnémonique, une méthode de travail», mais qu’elle avait eu des conséquences plus tragiques qu'heureuses, qu’«une partie de ce qui fait aujourd'hui notre jouissance est ce qui l'a tué», que l’alcool avait été I'arme de son suicide, ou encore I'arme que le public, qui le rejetait, lui avait tendue pour qu’il procède à sa propre exécution. Commentaire Cette notice est presque entièrement faite de la traduction de deux articles parus dans le ‘’Southern literay messenger’’ ; le plus largement utilisé est le compte rendu de l’édition Redfield des ‘’Oeuvres’’ de Poe par John M. Daniel, en mars 1850 ; l’autre est une notice nécrologique par John R. Thompson, parue en novembre 1849. Comme Stendhal, qui était coutumier du procédé, Baudelaire fut fort habile à s’approprier le bien des autres, et à lui conférer sa propre originalité. Ce fut l’état primitif des notices qui allaient figurer en tête des deux recueils de traductions de nouvelles de Poe qu’il allait publier. S’identifiant à Poe, il pensait certainement à lui-même en disant de l’Américain : «II a beaucoup souffert pour nous». Quand il dénonçait l’idée «que toute chose belle est essentiellement inutile», il le faisait en son nom autant qu’en celui de Poe, semblant ainsi s’opposer à Théophile Gautier. Au passage, il laissa s’épancher sa misogynie : «Les femmes écrivent, écrivent avec une rapidité débordante ; leur coeur bavarde à la rame. Elles ne connaissent généralement ni l'art, ni la mesure, ni la logique ; leur style traîne et ondoie comme leurs vêtements. Un très-grand et très-justement illustre écrivain, George Sand elle-même, n'a pas tout à fait, malgré sa supériorité, échappé à cette loi du tempérament ; elle jette ses chefs-d'œuvre à la poste comme des lettres. Ne dit-on pas qu'elle écrit ses livres sur du papier à lettres?» L’ivrognerie méthodique, sans laquelle Poe n'aurait peut-être pas été le grand poète qu’il reconnaissait en lui, modifia quelque peu la conception qu’il se faisait encore du vin en 1851. L’ivresse donnée par le vin cessa de constituer pour lui un de ces «paradis artificiels» où puisse s'évader un littérateur. Il I'abandonna aux «faubourgs». _________________________________________________________________________________ En mars 1852, Baudelaire quitta Jeanne Duval. Mais ils allaient continuer de se voir. Elle venait parfois le matin lui parler de ses chagrins. Elle était maintenant malade, presque infirme, avait le visage dur et décharné (ainsi que Manet l’a peinte), et il ne se croyait pas le droit d’abandonner dans cet état d’épave une femme qui s’était donnée à lui quand elle était belle, bien portante et élégante. Et il lui donnait de l’argent. Comme, en mai 1852, un obscur poète de province publia un volume de poèmes sous le titre de ‘’Limbes’’ (qui, pour lui, renvoyait explicitement à ‘’La divine comédie’’), il dut y renoncer. Le 4 décembre, Leconte de Lisle publia ses ‘’Poèmes antiques’’, et Baudelaire allait entretenir avec lui des rapports cordiaux quoique distants, partageant sa profonde antipathie pour les élégiaques, Musset en tête. À Théophile Gautier, qui avait publié ses ‘’Émaux et camées’’, qui était son aîné de dix ans mais le seul poète qu’il tutoyait, il adressa deux paquets de poèmes en le chargeant de les caser dans les revues où il était bien en cour. «Protège-moi», disait le billet joint aux manuscrits. Le 9 décembre, en contrefaisant son écriture et en ne signant pas (il écrivait : «Les sentiments profonds ont une pudeur qui ne veut pas être violée»), il envoya à Mme Sabatier une première épître amoureuse, accompagnée d’un poème très audacieux, ‘’À celle qui est trop gaie’’, qui allait d’ailleurs être un de ses poèmes condamnés, et qui pouvait en fait avoir d’abord été destiné à Marie Daubrun qui, dans le ballet des ‘’Fleurs animées’’ d’après Granville, portait ces toilettes aux «retentissantes couleurs» dont il est fait mention dans le poème, alors que «la Présidente» se vêtait sobrement. Pendant plus de trois ans, il allait continuer à lui envoyer anonymement des lettres émouvantes et des poèmes qui célébraient sa grâce, sa beauté, son charme mystérieux, sans que rien en fait ne soit dit du physique de cette femme qui apparaît comme désincarnée, poèmes qui allaient former «le cycle de la Vénus blanche» : ’Harmonie du soir’’, ‘’L'aube spirituelle’’, ‘’Confession’’, ‘’Réversibilité’’, ‘’Le flambeau vivant’’, ‘’Que diras-tu ce soir’’. Mais assez vite elle perça à jour cet anonymat, et Baudelaire lui-même s'en douta. Vers 1853, Baudelaire, Baschet, Champfleury, Monselet et Thomas projetèrent un hebdomadaire appelé ‘’Le hibou philosophe’’. Le 1er mars 1853, il publia dans ‘’L’artiste’’ sa traduction du poème ‘’The raven’’ (‘’Le corbeau’’) de Poe (voir, dans le site, POE – Les poèmes). Au cours de l’année, il allait publier les traductions de trois de ses nouvelles. Le 8 mars, le général Aupick, qui avait demandé sa mise en disponibilité, fut nommé sénateur, partageant désormais son temps entre Paris et Honfleur où il avait acheté une petite maison enfouie dans la verdure, sur la corniche, face à la mer, maison que Baudelaire appelait la «maison-joujou». Le 15 mars, il envoya à Champfleury une lettre qui contenait une définition plutôt favorable de «l’école dite réaliste, qui prétend substituer l’étude de la nature et l’étude de soi-même à la folie classique et à la folie romantique». Le 17 avril, il publia dans ‘’Le monde illustré’’ : _________________________________________________________________________________ “ |
![]() | «Les Fleurs du Mal». Cet ouvrage regroupe plusieurs poèmes de Charles Baudelaire. Nous avons choisi «L’ennemi» un des poèmes les... | ![]() | «ennui» est à prendre ici au sens fort. Quant à la dédicace à Théophile Gautier, le défenseur de l'Art l'Art, elle ne doit pas nous... |
![]() | «Ulysse», «Le frère de mon frère», «Jeune vieillard» ou «L'homme sans rate» ! IL allait d’ailleurs donner plus tard, à un jeune écrivain,... | ![]() | «révoltés» romantiques : Rousseau, Almquist, Schiller, Byron, avec aussi Shakespeare, Brandes, Kierkegaard et tous les radicalistes... |
![]() | «dauphin» et petits pieds cambrés. Décor «Moyen-âge» de fleurs et quartefeuilles rouge-brun sur fond beige. Fin Xixème. Signature... | ![]() | «une victoire chèrement acquise» en quittant Renaud. Puis elle raconte son histoire |
![]() | «Les opinions auxquelles nous tenons le plus sont celles dont nous pourrions le plus malaisément rendre compte, et les raisons mêmes... | ![]() | |
![]() | «teufeurs» sont les premières à en subir les conséquences. Ainsi, comment le rapport des «teufeurs» à la fête défini par certaines... | ![]() | «comment l’art influence les architectes ?» et, «comment les artistes utilisent et représentent l’espace ?». Cependant, après mes... |