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3. LES SAINTS DÉFENSEURS ET THÉOLOGIENS DE L’ICÔNE Grégoire II, pape de Rome : le 11 février (+731) Grégoire présidait l’Église de Rome lors du déclenchement de l’iconoclasme par l’empereur Léon III l’Isaurien en 726. Ce dernier avait écrit au pape en espérant le convaincre d’appuyer sa politique iconoclaste. Dans deux réponses à l’empereur, le pape réfuta les arguments avancés par Léon, y compris sa prétention d’être à la fois « empereur et prêtre ». Grégoire soutenait tous les orthodoxes, surtout Germain, patriarche de Constantinople, contre le harcèlement et la persécution des iconoclastes, mais le pape ne pouvait empêcher la déposition ni l’exil du patriarche. Grégoire mourut en 73193. Jean Damascène, moine et iconologue : le 4 décembre (+780) Jean naquit à Damas, capitale de la Syrie, vers 680 ; son père, Serge Mansour, travaillait dans la fonction publique du calife musulman, Abdul-Malik. Grâce à son talent et à son intelligence, Jean se vit destiné à suivre les traces de son père dans le service du souverain, après la mort de Serge Mansour. Après un certain temps auprès d’Abdul-Malik, Jean démissionna et alla se faire tonsurer. Il devint moine au monastère de Saint-Sabas, près de Jérusalem. Lorsque, vers 730, l’empereur Léon III se mit à détruire les icônes dans l’Empire byzantin, Jean se trouva bien placé pour dénoncer la nouvelle politique impériale sans craindre les représailles, étant donné qu’il vivait sur le territoire d’un autre monarque. Il écrivit donc trois traités contre l’iconoclasme, Les trois discours contre les iconoclastes94, la première réponse raisonnée aux attaques de ceux qui traitaient les icônes d’« idoles ». Sa présentation de la théologie de l’icône est devenue classique. Même de son vivant, Jean Damascène fut le champion des iconodoules et le grand adversaire des iconoclastes. Le concile iconoclaste de Hiéria (754) aussi bien que le VIIe concile œcuménique de Nicée (787) citèrent ses œuvres. Jean passa le reste de sa vie au monastère où il écrivit pour défendre l’orthodoxie et pour instruire les frères. Il mourut à un âge très avancé vers 78095. Taraise, patriarche de Constantinople : le 25 février (+806) Taraise grandit dans une famille noble de Constantinople et en 780, à la mort de l’empereur Léon IV, il assuma le poste de premier ministre de l’impératrice Irène, la régente, pendant la minorité de son fils Constantin VI. Étant sortie de la première période iconoclaste, l’Église de Constantinople avait besoin d’une main ferme pour rétablir l’orthodoxie. Le vieux patriarche Paul n’était pas l’homme qu’il fallait ; Irène choisit donc Taraise pour assurer la direction de l’Église. Taraise accepta finalement après avoir exigé la convocation d’un concile œcuménique pour régler, une fois pour toutes, la question de la vénération des images. Les iconoclastes avortèrent la première convocation du concile en août 786 ; la deuxième tentative réussit et le VIIe Concile œcuménique s’ouvrit le 24 septembre 787 à Nicée. Par son esprit clément, le patriarche tenta de réconcilier les iconoclastes modérés à l’orthodoxie en écartant des sanctions qu’il jugeait trop sévères à leur égard. Cette politique irénique lui valut l’opposition d’autres confesseurs, comme Platon et Théodore Stoudite, qui voulaient sévir durement contre les anciens hérétiques. Dans ce cas, pourtant, l’Église appuya la clémence de Taraise. Après la victoire sur les iconoclastes au deuxième concile de Nicée, le patriarche Taraise guida encore l’Église byzantine pendant 19 ans. Il mourut en 806 après une maladie dont il souffrait depuis longtemps96. Les Pères du VIIe Concile œcuménique de Nicée : le dimanche entre le 11 et le 17 octobre (787) Pour ce concile qui eut lieu du 24 septembre au 13 octobre 787, 350 évêques, quelque 135 moines et 17 évêques iconoclastes repentis se réunirent pour abattre l’hérésie de l’iconoclasme. Présidé par le patriarche Taraise de Constantinople, en présence des représentants de Rome, d’Antioche et de Jérusalem, le concile proclama que la fabrication d’icônes et leur vénération sont conformes à l’Évangile, en distinguant nettement entre une idole et une icône, d’une part, et entre l’adoration due à Dieu et la vénération offerte à des personnes et aux objets dignes de respect, d’autre part97. Nicéphore le Confesseur, patriarche de Constantinople : le 2 juin (+828) Nicéphore naquit vers 758 à Constantinople dans une famille bourgeoise et toute sa formation intellectuelle le prépara à servir dans la fonction publique de l’empire. En effet, il devint secrétaire à la cour de Constantin V Copronyme. Il conserva sa position et augmenta son influence sous la régence de l’impératrice Irène et sous le patriarche Taraise. Il participa activement aux débats sur l’icône qui entourèrent le concile de Nicée II en 787. Après le concile, Nicéphore se retira en Propontide pour vivre dans la tranquillité. Lorsqu’il revint à Constantinople, le patriarche Taraise lui demanda de prendre la direction d’un orphelinat et il accepta. En 806, Taraise mourut et l’empereur Nicéphore I fit avancer le secrétaire Nicéphore jusqu’au trône patriarcal, non sans provoquer une opposition parmi les moines stoudites à cause de la promotion rapide et inusitée de Nicéphore. Léon V succéda au trône en 813 et déclencha la deuxième période iconoclaste. Le patriarche refusa de se plier à la volonté impériale et fut exilé en 815. En exil pendant le reste de sa vie, il produisit un grand nombre de textes contre les iconoclastes, dont les Discours contre les iconoclastes écrits entre 818 et 820. En compagnie de Jean Damascène et Théodore Stoudite, Nicéphore est le troisième Père théologien de l’ icône. Il mourut en 82898. Théodore Stoudite : le 11 novembre (+826) Né en 759 à Constantinople, Théodore devint moine sous l’influence de son oncle, saint Platon, progressant rapidement dans l’estime de celui-ci et de ses confrères. Nommé higoumène du monastère du Sakkoudion et plus tard de celui du Stoudion à Constantinople, Théodore inaugura une réforme de la vie monastique et s’opposa à toute ingérence de l’empereur dans les affaires de l’Église. Il n’est pas surprenant, lorsque Léon V déclencha la deuxième période d’iconoclasme en 815, que Théodore ait refusé obstinément de se soumettre à la volonté impériale. Naturellement, Léon V l’exila et le persécuta mais, par ses lettres et ses écrits, Théodore encouragea la résistance iconodoule. Par l’un de ses traités, Sur les saintes icônes, il est devenu un défenseur théologique de l’icône, le deuxième Père, après Jean Damascène, à exprimer en paroles et en concepts la conscience de l’Église sur cette question. À cause de la rigueur de sa vie ascétique, de ses nombreux exils et de sa lutte pour l’indépendance de l’Église face à l’empereur, Théodore Stoudite épuisa ses forces humaines et, à l’âge de 67 ans, en 826, il quitta ce monde99. Théodora, impératrice : le 11 février (+867) Théodora était la femme de Théophile, le dernier empereur iconoclaste qui excellait en cruauté : il persécutait férocement les iconodoules. Malgré l’appartenance de son mari à l’hérésie, Théodora continuait à vénérer les icônes en privé. Lors de la mort de Théophile en 842, l’impératrice assuma la régence au nom de son jeune fils Michel III et, avec l’aide du nouveau patriarche, Méthode le Confesseur, elle convoqua un concile pour rétablir la vénération des images, anathématiser les hérétiques, confirmer Nicée II comme Vile concile œcuménique et réhabiliter tous les confesseurs de la deuxième période iconoclaste. Ce concile eut lieu à Constantinople en 843 et établit la fête du Triomphe de l’Orthodoxie pour le premier dimanche du carême. En 850, à cause d’intrigues à la cour, Théodora se vit forcée de se retirer dans un monastère où elle demeura jusqu’à sa mort en 867100. 4. LES MAÎTRES DE LICÔNE101 Théophane le Grec : fin XIVe, début XVe siècle Voir en annexe l’impression d’Épiphane le Sage sur Théophane le Grec102. Théophane arriva à Moscou vers 1395, jouissant d’une grande admiration parmi les peintres russes. Il avait la réputation d’un grand peintre et d’un grand théologien. Épiphane le Sage dit de Théophane qu’il « concevait par son esprit le lointain et le spirituel, car de ses yeux charnels éclairés, il voyait la beauté spirituelle103 ». Les chroniques parlent souvent de lui : Cette même année [1378], le noble seigneur Vassily Danilovitch, qui aime Dieu, ainsi que les habitants de la rue Ilyina demandèrent que l’église de notre Seigneur Jésus Christ, rue Ilyina, soit peinte. Le maître Théophane le Grec la peignit au temps du grand prince Dimitri Ivanovitch et de l’archevêque Alexis de Novgorod la Grande et de Pskov104. [...] Cette même année [1395], jeudi, le 4 juin, à l’heure de la liturgie, les maîtres iconographes Théophane, un philosophe grec, et Simon Tchorny, ainsi que leurs élèves, commencèrent à peindre la nouvelle église en pierre de la Nativité de la sainte Mère de Dieu à Moscou105. [...] Cette même année [1399], à Moscou, Théophane le Grec, le maître iconographe, et ses élèves peignirent l’église en pierre de saint Michel106. Il est généralement admis que Théophane était le maître, ou au moins l’un des maîtres, d’André Roublev. La chronique donne cette impression : Au printemps de cette année [1405], les maîtres iconographes, Théophane le Grec, le staretz Prochore Gorodetsky et le moine André Roublev commencèrent à peindre l’église en pierre de la sainte Annonciation dans le palais du grand prince, mais pas le palais qui se trouve là maintenant. Ils terminèrent leur travail cette même année107. Manuel Pansélinos, Georges Kaliergis, Michel et Eutychios Astrapas de Thessalonique : fin XIIIe, début XIVe siècle Ces fresquistes représentent l’école de Thessalonique ; ils étaient très actifs et manifestaient le dynamisme de la renaissance des Paléologue. Nous connaissons très peu de choses sur Pansélinos, mais la tradition dit qu’il peignit les fresques dans l’église du Protaton au Mont-Athos vers le début du XIVe siècle. La seule confirmation écrite de cette tradition se trouve dans le témoignage de Denys de Fourna, vers 1730 : « Après avoir travaillé dans les églises admirables qu’il a ornées de peintures magnifiques sur la montagne sainte de l’Athos, ce peintre jeta autrefois un éclat si brillant par ses connaissances dans son art, qu’il était comparé à la lune dans toute sa splendeur108. » Pansélinos était un maître de l’école macédonienne, une école athonite de peinture, à côté de celle de Crète. Ses fresques au Mont-Athos reflètent une grande spiritualité. N’oublions pas qu’à l’époque de Pansélinos, au XIVe siècle, l’Église de Constantinople vivait sa dernière gloire, la renaissance des Paléologue, et que le Mont-Athos s’animait des controverses hésychastes entre saint Grégoire Palamas et Barlaam de Calabre. L’Église byzantine débattait la place de la Lumière incréée dans la vision de Dieu. Il est normal alors de constater qu’un artiste de l’époque ait été sensible au sujet de la lumière, et dans la spiritualité et dans la peinture. C’est le même mariage de lumière mystique et de lumière artistique que les peintres russes allaient célébrer plusieurs siècles plus tard109 . Daniel Tchorny, compagnon d’André Roublev : 1365-1430 Daniel était un moine du monastère Spasso-Andronikov où il rencontra André Roublev qui venait de s’y installer. André prit Daniel pour maître. Ils se lièrent d’une profonde amitié et travaillèrent ensemble presque toute leur vie. André l’appelait son « ami et compagnon dans le jeûne ». Vers 1408, Daniel, André Roublev et d’autres artistes peignirent la cathédrale de la Dormition à Vladimir. Il est presque impossible de séparer l’histoire de Daniel de celle d’André Roublev, tant ils étaient proches et du fait qu’ils travaillaient ensemble ; les documents historiques parlent presque toujours d’eux au pluriel. Selon le témoignage de saint Joseph de Volokolamsk, le premier à mettre sur papier l’histoire de leur fraternité légendaire, seule la mort pouvait les séparer, physiquement mais non spirituellement. André mourut le premier, mais Daniel, à la fin de sa vie, eut une vision de son ami au Paradis : Daniel « tomba malade et, à son dernier souffle, il vit son compagnon André dans une grande gloire, qui l’appelait avec joie vers la félicité éternelle et infinie110 ». On peut se demander pourquoi l’Église russe n’a pas glorifié Daniel lors de la canonisation d’André Roublev en 1988. Nous avons trouvé deux indications concernant « saint » Daniel. L’une dans la notice pour saint Nikon de Radonège : « En 1422, on transporta les reliques de saint Serge [...] dans la nouvelle église décorée d’admirables fresques peintes par saints Daniel le Noir et André Roublev111. » L’autre de la main de Léonide Ouspensky : « ...saint André [Roublev] qui travaillait avec son ami et maître, saint Daniel [le Noir]112. » Ces auteurs connaissent-ils des sources peu connues, ou expriment-ils leur opinion personnelle113 ? Voir aussi l’annexe n° 13, p. 254. Dionysios de Moscou : 1445 ?-1505 ? Dionysios naquit vers 1445, peu de temps après la mort d’André Roublev. Lui et le groupe d’artistes dont il était le maître, incluant ses deux fils, prolongèrent la tradition iconographique déjà développée par Roublev et par ses compagnons. Vers 1467, Dionysios faisait partie d’une coopérative de fresquistes (artel) dirigée par Mitrophane. Les fresques peintes par Dionysios dans l’église de la Nativité d’un monastère près de Moscou impressionnèrent tellement le tsar Ivan III que celui-ci invita Dionysios à venir travailler à Moscou. Fort d’une grande renommée, Dionysios reçut des commandes de partout. En 1481, la coopérative qu’il dirigeait reçut la commande de peindre la cathédrale de la Dormition dans le Kremlin de Moscou. Vers l’an 1483, le maître peignit l’église de Notre-Sauveur en face du Kremlin. Après l’incendie de 1547, qui détruisit une grande partie de Moscou, la chronique dit que la peinture de cette église « était une merveille, une œuvre de Dionysios l’iconographe114 ». Entre 1484 et 1486, encore près de Moscou, Dionysios et ses artistes décorèrent l’église du monastère de saint Joseph de Volokolamsk. Dans la Vie de Joseph Volotsky, l’auteur parle de ces décorations : « Les peintres les plus raffinés et les plus habiles de la Russie les ont peinte115. » C’est une référence évidente à Dionysios et à ses compagnons. La dernière œuvre dont nous soyons informés par les documents historiques date de 1502-1503, alors que Dionysios et ses fils travaillaient au monastère de la Nativité de la Vierge près de Vologda. Dionysios mourut entre 1503 et 1508. Le fameux traité Message à un iconographe — on suppose que saint Joseph de Volokolamsk l’a écrit pour maître Dionysios — reflète la vision hésychaste qui est le fond théorique de l’œuvre de ce dernier. Ce que le Message prêche et ce que Dionysios et ses compagnons produisirent en tant qu’œuvres sont identiques : « L’unité parfaite de la doctrine dogmatique, de la prière intérieure et de la création artistique116. » Il est intéressant de noter que Dionysios était marié. La vocation d’iconographe n’est donc pas limitée à des moines. Tout chrétien orthodoxe peut s’ouvrir à l’expérience de la prière du cœur et peut, s’il a un talent, exprimer cette expérience profonde en peignant des icônes117. Théophane le Crétois : 1500 ?-1559 Théophane était le plus grand peintre de ce que les spécialistes appellent l’école de Crète. L’opinion savante est cependant divisée quant à la question de l’origine, et même de l’existence, de l’« école » crétoise, mais on pense que cette école plonge ses racines dans les peintures exécutées en Crète au XIVe siècle. Toutefois, le style crétois ne se limitait pas à l’île, car les artistes qui l’imitaient le répandaient partout dans le monde orthodoxe. L’Histoire décrit Théophane comme moine, mais il avait deux fils, peintres eux aussi. Il était donc marié — peut-être devint-il veuf dans sa jeunesse — mais, plus tard dans la vie, il prit l'habit118. Denys de Fourna : I670 ?-1746 Denys était un iconographe grec, prêtre moine, né vers 1670 à Fourna en Agrapha (Grèce centrale). Il fit plusieurs voyages entre le Mont-Athos, où il apprit l’art de peindre, et sa région natale où, vers 1743, il établit un monastère qui était en même temps un centre de formation. Il décora plusieurs églises au Mont-Athos et en Agrapha. Pourtant, il n’est pas connu pour ses œuvres, bien que certaines existent toujours, mais principalement pour son Guide de la peinture (Hermeneia) écrit probablement entre 1730 et 1734. C’est un manuel destiné aux peintres, contenant des descriptions verbales des saints et des fêtes. Ce texte vise à aider les iconographes à bien faire leur travail. Denys mourut vers 1746119. Simon Ouchakov : 1626-1686 Ouchakov fut, peut-être, le plus grand peintre russe du XVIIe siècle. De 1664 à sa mort en 1686, il dirigea l’atelier d’icônes du tsar, portant le titre du « premier isographe du tsar ». Sous son inspiration, de nouveaux éléments s’introduisirent dans l’art de l’icône : la ressemblance naturelle, la perspective, la peinture à l’huile et d’autres techniques et styles occidentaux. Récrivit aussi un traité, Discours à celui qui a du zèle pour la peinture d’icônes, dans lequel il défendait ses idées sur l’art. Simon Ouchakov provoque toujours une controverse quand il est question de l’évaluation de son œuvre. A-t-il sauvé, rénové, voire modernisé, l’art sacré russe en intégrant aux principes de l’iconographie traditionnelle les idéaux et les techniques de la peinture occidentale ? Ou est-il celui qui ouvrit la porte à des influences étrangères à l’esprit de l’icône, provoquant ainsi la dérive, et même un abandon de la tradition iconographe ? Les opinions continuent à diverger. Une chose est certaine, et tous les spécialistes sont d’accord : Ouchakov changea l’orientation de l’art sacré russe en introduisant des nouveautés, principalement empruntées à l’Europe occidentale. Si on identifie les œuvres de la période classique, celles de Roublev, de Théophane le Grec, etc., comme l’expression authentique de la vision théologique de l’orthodoxie — ce qui est notre point du vue —, il est difficile de rester indifférent devant les changements qu’apportèrent Ouchakov et ses disciples. Pourtant, tous ne partagent pas cette opinion. Il est regrettable, néanmoins, que la société russe du XVIIe siècle n’ait pu créer un art « à deux niveaux » : d’une part, une peinture dite occidentale, « sécularisée », inspirée pleinement des principes et de la vision des peintres contemporains en Occident et, d’autre part, l’icône imprégnée des traditions iconographiques et canoniques reçues du passé. Ouchakov demeure quand même un personnage incontournable de la grande histoire de l’icône120. Joseph Vladimirov : milieu et fin du XVIIe siècle Joseph Vladimirov, peintre et collaborateur de Simon Ouchakov, participa avec ce dernier à la promotion des nouvelles idées et techniques introduites au XVIIe siècle. Il écrivit une « Lettre d’un certain iconographe Joseph à l’iconographe du tsar, le très-sage Simon Théodorovitch », dans laquelle il exposait ses idées et se plaignait des abus de son époque. Ce que nous avons dit dans le cas d’Ouchakov concernant l’ambiguïté des changements effectués dans l’iconographie traditionnelle est également vrai pour Vladimirov121 Léonide Ouspensky, iconographe et iconologue : 1902-1987 Il est difficile de ne pas souligner l’importance de ce peintre et penseur pour la renaissance de l’icône canonique au XXe siècle. Par ses écrits et ses œuvres, il soutint pendant toute sa vie une idée simple : les icônes sont une manifestation visible, en formes et en couleurs, de la vision théologique véhiculée par la Tradition ecclésiale de l’Église orthodoxe. Redécouvrir et faire rayonner cette vision, obscurcie pendant une si longue période, fut la principale vocation de sa vie. Ouspensky joua sur trois registres : ceux de l’histoire, de la théologie et de la peinture. Il étudia et enseigna la longue histoire de l’art chrétien en général et de l’icône en particulier. Il expliqua le sens, la vision théologique, du développement historique et de la production artistique. Et, finalement, il rendit visible cette vision en la peignant dans ses œuvres. En mobilisant tous ses talents, si admirablement exprimés dans La théologie de l’icône et dans d’autres écrits, Léonide Ouspensky fit briller un art qui s’était trop terni en s’éloignant de ses propres sources122. Photios Kontoglou, iconographe et iconologue :1895-1965 Photios Kontoglou équivaut dans le monde grec à ce qu’est Ouspensky pour le monde russe. Tous les deux participèrent activement au renouveau de l’icône amorcé au début de ce siècle. Kontoglou, moins connu des Occidentaux qu’Ouspensky, était peintre et auteur : il défendit l’icône en paroles et en images. Kontoglou naquit à Kydoniai (Aivali), présentement en Turquie, en 1895. Il étudia la peinture à Paris mais s’installa à Athènes en 1922, où il découvrit la grandeur de la tradition iconographique canonique. Kontoglou et ses peintres peignirent beaucoup d’églises en Grèce, et ses icônes sont connues partout dans le monde. Son activité littéraire commença en 1919. Dans ses écrits, qui incluent une traduction grecque d’une œuvre d’Ouspensky, L’icône, quelques mots sur son sens dogmatique (1948), il défendit l’intégrité de l’iconographie byzantine comme une expression de la vision théologique de la foi orthodoxe. Dans sa préface de L’icône..., Kontoglou témoigne de la communion spirituelle qui existait entre les deux grands promoteurs de l’icône authentique du XXe siècle : L’amour qui unit les chrétiens ne vient pas selon leur volonté [...] mais c’est le Christ qui les unit... C’est par un tel amour que nous sommes liés, mon très cher frère en Christ Léonide Ouspensky et moi. Je ne l’ai jamais vu avec mes yeux corporels et lui ne m’a jamais vu non plus [...] mais l’un a aimé l’autre d’un cœur nouveau donné par le Seigneur Lui-même... Parmi les myriades d’hommes occupés par les vanités du monde, j’ai entendu sa voix et j’ai compris, car il parle une langue nouvelle123. Grégoire (Georges) Kroug, iconographe : 1908-1969 Georges Kroug naquit à Saint-Pétersbourg dans une famille dont le père était suédois et luthérien, la mère russe et orthodoxe ; il grandit dans la foi protestante. Entre 1921 et 1931, Georges fit des études en art graphique et un peu en musique. En 1931, à 23 ans, alors qu’il venait d’arriver à Paris, il rencontra Léonide Ouspensky dans un groupe d’artistes russes ; les deux peintres devinrent des amis intimes. Là, en France, Georges poursuivit sa vie d’artiste. Vers la fin des années 20, il découvrit l’orthodoxie et se joignit, avec Ouspensky, à la Confrérie Saint Photius. En 1933, Georges commença à peindre l’iconostase de l’église russe, rue Pétel à Paris. Il étudia l’iconographie, peignit des icônes et entra dans la vie monastique en 1948. Prenant le nom de Grégoire, Georges Kroug se fit tonsurer moine et vécut pour un temps avec son père spirituel, l’archimandrite Serge, mais il déménagea ensuite à la skite du Saint-Esprit au Mesnil-Saint-Denis, où il s’adonna à la peinture d’icônes. Durant les dernières années de sa vie, le père Grégoire était malade mais refusa de se faire soigner. En 1968, sa santé déclina rapidement ; il mourut dans sa skite le 12 juin 1969. Le père Grégoire était théologien dans le sens orthodoxe de ce terme : il était un homme profondément plongé dans la prière, il vivait la vision mystique de la foi. En tant qu’artiste, il savait exprimer cette vision dans ses icônes124. |
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