1. La machine espérée







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Le tableau, produit d'une machine sociale


Tout en se posant comme objet matériellement autonome, le tableau fait éclore autour de lui tout un jeu de rôles, toute une machine sociale.
L'artiste s'affirme en tant que tel. Jusqu'au moyen-âge, il est anonyme sauf quelques rares exceptions. C'est surtout un artisan, au service du prince, de la communauté religieuse. La rupture se fait, pour les plus grands, à la Renaissance. Il signe, il est reconnu comme tel. Il devient un génie célébré et largement rémunéré. Comme il a besoin d'un "atelier" de collaborateurs, il devient presque un entrepreneur, on dirait aujourd'hui un producteur.
Sous ce régime, l'artiste n'est pas difficile à définir. C'est celui qui sait créer de belles oeuvres, parce qu'il a deux compétences :
. une forte sensibilité accordée au type d'art qu'il pratique (peinture, musique...)
. une compétence technique, en général acquise par un long travail, qui lui permet de traduire ses émotions sur la toile ou dans une salle de concert. "... Comme le formule Lyotard "l'on croit que l'art est en son essence l'expression d'une individualité géniale servie par une compétence artisanale d'élite" 12

La réunion de ces deux compétences est rare, notamment parce qu'elles sont contradictoires dans une certaine mesure (la sensualité s'accorde mal avec le travail). Il y a donc assez peu de bons artistes, et les meilleurs sont proclamés génies.

Le spectateur est invité à jouir de l'œuvre, la "résonance" se fait avec l'œuvre, que ce soit parce qu'elle lui rappelle des bons souvenirs, qu'elle manifeste la gloire du roi, ou qu'elle lui donne des émotions en tous genres, y compris érotiques..

Physiquement mobile, l'œuvre peut devenir marchandise sur un marché. L'œuvre n'appartient plus nécessairement au maître de la maison (et de l'esclave qualifié, comme durant l'antiquité), au prince politique ou religieux du moyen-âge ou de la Renaissance, au roi... elle a le statut de bien mobilier que peut s'offrir le bourgeois. Amorcée très tôt en Hollande 13 , ce rôle deviendra la règle avec la Révolution française et la généralisation des régimes démocratiques.

Et le consensus s'établit sans trop de mal pour couronner les chefs d'œuvre. Un large public peut accéder à des synthèses pédagogiques comme la Grammaire des arts du dessin de Charles Blanc14. Le bon peuple et les experts et critiques (à partir de Diderot ) peuvent (relativement facilement) s'entendre pour apprécier les bons artistes, parce que chacun sent bien qu'il ne pourra pas "en faire autant" s'il achète une boite de couleurs. C'est la grande époque des salons, et des grands artistes officiels chéris par le pouvoir comme par le peuple, l'époque de David, d'Ingres, de Delacroix... dont les chefs-d'œuvre, qu'on les aime on non aujourd'hui, n'ont jamais été dépassés sur leur propre terrain.

Marchandise, elle a une valeur marchande, qui peut s'établir et se stabiliser grâce à des salons réguliers, assurant un flux suffisamment large et "liquide" pour permettre un cours ("tant le point" pour tel artiste). Une valeur d'autant mieux garantie que l'œuvre est unique. La copie est légalement sévèrement réglementée et exige d'ailleurs de solides compétences.

Ainsi le tableau de chevalet triomphe. Il exprime adéquatement une conception du monde rationnelle et réaliste (mais pas dans le sens que ce mot prendra plus tard). Il est créé grâce à ensemble achevé de techniques de représentation du réel ou de sa transposition allégorique. Il est pensé et peint par des génies multidisciplinaires (pour Vinci, l'artiste doit tout savoir). Il est au service des grands hommes et de la Patrie reconnaissante (fronton du Panthéon) comme du bon peuple qui peut venir l'admirer dans les musées nationaux. Bref, il est une pièce maîtresse de la grande machinerie technique et sociale dont rêvaient les Lumières.

La machine ennemie



A peine achevé, ce système des beaux-arts, cette cathédrale technique et sociale qui avait fait du tableau sa clé de voûte, va éclater.
La machine sociale va apprendre à se passer de lui, ou plus exactement à le réduire à un prétexte, au fondement insignifiant par lui-même d'une intervention, d'un discours, d'un concept. Il ne faudra qu'un demi siècle, entre deux dates emblématiques : le salon des refusés (1863) et la "Fontaine" de Duchamp (1917), pour que l'œuvre passe au second plan derrière le système des arts. Puis quelque 80 ans pour que l'art numérique, prétende sonner le glas définitif du tableau et même de l'œuvre d'art en général (Balpe15).
De son côté, l'artiste va creuser toujours plus profond le fossé qui le sépare du grand public. Le sculpteur des cathédrales travaillait pour la totalité des croyants. Ingres et Delacroix peignaient pour tout le monde, au moins le monde bourgeois. Duchamp intéresse le monde de l'art. Balpe enseigne dans une université.

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